LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° C 12-15. 713 et A 11-26. 034 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 juin 2011), que M. X... a acquis les 20 octobre et 2 décembre 2001, au cours d'une vente aux enchères organisée par M. Z..., commissaire priseur à Paris, assisté de M. Y..., expert, trois tableaux intitulés " vue de Paris, canal Saint-Martin ", " paysage animé " et " le port de Compiègne ", attribués respectivement à Alphonse Quizet, Victor Charreton et Elisée Maclet ; qu'une information judiciaire ayant été ouverte à l'encontre de M. Y..., M. X... a assigné les vendeurs en nullité de la vente et le commissaire-priseur en responsabilité, se prévalant d'une mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le magistrat instructeur mettant en cause l'authenticité de deux des trois tableaux et la qualité matérielle du troisième ;
Sur le premier moyen, commun aux deux pourvois :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de son action en responsabilité à l'encontre de M. Z... au titre de la vente des tableaux attribués à Victor Charreton et Elisée Maclet, alors, selon le moyen :
1°/ que la mise en vente sans réserve d'une oeuvre d'art portant une signature constitue une affirmation d'authenticité ; que le commissaire-priseur qui affirme l'authenticité d'une oeuvre d'art sans assortir son propos de réserves engage sa responsabilité sur cette assertion ; que l'adjudicataire d'une oeuvre vendue aux enchères publiques n'est donc pas tenu, pour mettre en cause la responsabilité du commissaire-priseur qui a affirmé l'authenticité de l'oeuvre, d'administrer la preuve qu'il s'agit d'un faux ; qu'il lui revient seulement d'établir que l'authenticité de l'oeuvre qu'il a achetée n'est pas certaine et qu'elle aurait dû donner lieu, de la part du commissaire-priseur, à des réserves ; qu'en relevant, pour écarter l'action en responsabilité de M. X..., qu'il " n'apport e pas la preuve suffisante de la fausseté alléguée de s oeuvres " dont il a été déclaré adjudicataire, quand il appartenait seulement à M. X... de prouver que l'authenticité de ces oeuvres est incertaine et que leur présentation au public aurait dû être assortie de réserves, la cour d'appel, qui impose à M. X... une preuve qu'il n'était pas tenu de rapporter, a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 9 du code de procédure civile ;
2°/ que M. Alain X... faisait valoir, dans sa signification du 14 août 2009, que « la seule question posée par la jurisprudence était celle de déterminer ce qu'auraient dû être les " informations exactes " que le commissaire-priseur est tenu de faire figurer " dans les catalogues mis à disposition de la clientèle et dans la présentation des objets offerts à la vente " », que " les descriptions exactes et à tout le moins assorties d'importantes réserves, dont M. Z... était tenu ainsi que la cour s'en convaincra aisément, sont très différentes de celles effectivement portées aux catalogues des ventes litigieuses, et qui affirment sans nuance que les lots considérés sont authentiquement de la main de chacun des trois artistes ", et que, " conformément à une jurisprudence constante et sans cesse plus sévère à l'égard des officiers ministériels et sociétés de vente visées par les articles L. 321-4 du code de commerce, cette seule constatation suffisait à retenir la responsabilité de M. Z... du chef d'une oeuvre fausse " ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que M. X... s'étant borné à soutenir que deux des trois tableaux étaient faussement attribués à Victor Charreton et à Elisée Maclet, il ne saurait être fait grief à la cour d'appel d'avoir tranché le litige tel qu'il lui était présenté par les parties ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer la recherche visée par la seconde branche du moyen, que ses constatations rendaient inopérante ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche comme contraire à la thèse soutenue devant les juges du fond, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen, commun aux deux pourvois :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de son action en responsabilité à l'encontre de M. Z... au titre de la vente du tableau attribué à Alphonse Quizet, alors, selon le moyen, que le juge, qui énonce que la responsabilité d'une partie est engagée et qui reconnaît que son adversaire a subi un dommage, ne peut pas refuser de le réparer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont soumises ; que la cour d'appel énonce que M. Z..., qui s'est abstenu d'indiquer, dans le catalogue de la vente publique à laquelle il a procédé, que la toile d'Alphonse Quizet était détériorée, a engagé sa responsabilité envers M. X... qui en a été déclaré adjudicataire ; que, malgré le mauvais état de la toile d'Alphonse Quizet qu'elle constate, elle déboute M. X... de son action en responsabilité sur la considération qu'il n'administre pas la preuve du préjudice qu'il soutient avoir subi ; qu'elle a, en statuant de cette façon, violé l'article 4 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que M. X... ne fournissait aucun élément de preuve de nature à démontrer que le tableau d'Alphonse Quizet n'avait pas été acquis à sa juste valeur, la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que le préjudice allégué n'était pas établi dans son principe ; que le moyen, qui ne tend en réalité qu'à contester cette appréciation, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens communs produits aux pourvois n° A 11-26. 034 et C 12-15. 713 par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. Alain X... de l'action en responsabilité qu'il formait contre M. Thierry Z..., commissaire-priseur ayant procédé, le 28 octobre 2001, à la vente aux enchères publiques d'un panneau de Victor Charreton, intitulé Paysage animé, et, le 2 décembre 2001, à la vente aux enchères publiques d'une toile d'Élisée Maclet, intitulée Port de Compiègne ;
AUX MOTIFS QUE, « dans son rapport, M. de A..., expert, écrit :/ – pour le scellé 9 : il est impossible d'attribuer cette oeuvre à Victor Charreton car trop loin de son écriture picturale. Je ne pense même pas que cela soit un pastiche mais une oeuvre anonyme à laquelle on a donné cette attribution à Charreton,/ …/ – pour le scellé 10 : cette oeuvre est une peinture dans l'esprit d'Élisée Maclet, mais n'est pas de la main de l'artiste. On y a apposé une signature Maclet qui ne correspond pas à celle connue de l'artiste » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 1er considérant) ; « que … les conclusions de l'expert … sont manifestement très succinctes quant à l'authenticité des deux autres oeuvres le panneau de Victor Charreton et la toile d'Élisée Maclet, et que, par des motifs pertinents que la cour approuve, les premiers juges ont considéré que M. X... n'apportait pas la preuve suffisante de la fausseté alléguée de ces oeuvres ; qu'en effet, s'agissant du tableau de Maclet, l'expert met en doute la signature apposée en la comparant aux autres différentes signatures connues de l'artiste, au nombre de six, toutes reproduites en marge de son rapport, mais les différences importantes de graphisme affectant lesdites signatures, bien que par ailleurs et séparément compatibles avec la signature apposée sur le tableau, relativisent fortement les conclusions péremptoire de l'expert, et, s'agissant du tableau de Charreton, M. de A...soutient que l'oeuvre est trop loin de son écriture picturale sans expliciter davantage ses propos » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 2e considérant) ;
1. ALORS QUE la mise en vente sans réserve d'une oeuvre d'art portant une signature constitue une affirmation d'authenticité ; que le commissaire-priseur qui affirme l'authenticité d'une oeuvre d'art sans assortir son propos de réserves engage sa responsabilité sur cette assertion ; que l'adjudicataire d'une oeuvre vendue aux enchères publiques n'est donc pas tenu, pour mettre en cause la responsabilité du commissaire-priseur qui a affirmé l'authenticité de l'oeuvre, d'administrer la preuve qu'il s'agit d'un faux ; qu'il lui revient seulement d'établir que l'authenticité de l'oeuvre qu'il a achetée n'est pas certaine et qu'elle aurait dû donner lieu, de la part du commissaire-priseur, à des réserves ; qu'en relevant, pour écarter l'action en responsabilité de M. Alain X..., qu'il « n'apport e pas la preuve suffisante de la fausseté alléguée de s oeuvres » dont il a été déclaré adjudicataire, quand il appartenait seulement à M. Alain X... de prouver que l'authenticité de ces oeuvres est incertaine et que leur présentation au public aurait dû être assortie de réserves, la cour d'appel, qui impose à M. Alain X... une preuve qu'il n'était pas tenu de rapporter, a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 9 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE M. Alain X... faisait valoir, dans sa signification du 14 août 2009, p. 15, § 10, que « la seule question posée par la jurisprudence était celle de déterminer ce qu'auraient dû être les " informations exactes " que le commissaire-priseur est tenu de faire figurer " dans les catalogues mis à disposition de la clientèle et dans la présentation des objets offerts à la vente " » (alinéa 1er), que « les descriptions exactes et à tout le moins assorties d'importantes réserves, dont Me Z... était tenu ainsi que la cour s'en convaincra aisément, sont très différentes de celles effectivement portées aux catalogues des ventes litigieuses, et qui affirment sans nuance que les lots considérés sont authentiquement de la main de chacun des trois artistes » (p. 16, 1er alinéa), et que, « conformément à une jurisprudence constante et sans cesse plus sévère à l'égard des officiers ministériels et sociétés de vente visées par les articles L. 321-4 du code de commerce, cette seule constatation suffisait à retenir la responsabilité de Me Z... du chef d'une oeuvre fausse » (p. 16, 2e alinéa) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. Alain X... de l'action en responsabilité qu'il formait contre M. Thierry Z..., commissaire-priseur ayant procédé, le 28 octobre 2001, à la vente aux enchères publiques d'une toile d'Alphonse Quizet, intitulée Vue de Paris, canal Saint-Martin ;
AUX MOTIFS QUE « le jugement déféré, lequel, dans ses motifs, tout en retenant la négligence commise par M. Z... engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1383 du code civil en se fondant sur l'absence de restriction insérée au catalogue quant au mauvais état du tableau de Quizet et à sa restauration, a ensuite pertinemment constaté que le demandeur n'était pas en mesure d'établir le préjudice en résultant, ni dans son principe, ni dans son quantum et pour lequel il serait fondé à demander réparation … ; que pas davantage, au regard eu caractère succinct de l'expertise aux débats, le demandeur n'est en mesure d'établir le juste prix de ladite oeuvre et la réalité d'une perte de valeur du tableau ainsi restauré » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 1er considérant) ;
. ALORS QUE le juge, qui énonce que la responsabilité d'une partie est engagée et qui reconnaît que son adversaire a subi un dommage, ne peut pas refuser de le réparer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont soumises ; que la cour d'appel énonce que M. Thierry Z..., qui s'est abstenu d'indiquer, dans le catalogue de la vente à laquelle publique il a procédé, que la toile d'Alphonse Quizet était détériorée, a engagé sa responsabilité envers M. Alain X... qui en a été déclaré adjudicataire ; que, malgré le mauvais état de la toile d'Alphonse Quizet qu'elle constate, elle déboute M. Alain X... de son action en responsabilité sur la considération qu'il n'administre pas la preuve du préjudice qu'il soutient avoir subi ; qu'elle a, en statuant de cette façon, violé l'article 4 du code civil.