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29/01/2013 | FRANCE | N°12-81357

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 janvier 2013, 12-81357


Statuant sur les pourvois formés par :
- Mme Justine X..., épouse Y...,- Mme Viviane Y..., parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11e chambre, en date du 17 janvier 2012, qui, dans la procédure suivie contre M. Frédéric
Z...
des chefs d'infractions au code de l'urbanisme, ayant constaté la prescription de l'action publique, les a déboutées de leurs demandes ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires en demande et en défense produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2,

3, 6 509, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale, L. 160-1, L. 480-4 et L. 480...

Statuant sur les pourvois formés par :
- Mme Justine X..., épouse Y...,- Mme Viviane Y..., parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11e chambre, en date du 17 janvier 2012, qui, dans la procédure suivie contre M. Frédéric
Z...
des chefs d'infractions au code de l'urbanisme, ayant constaté la prescription de l'action publique, les a déboutées de leurs demandes ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires en demande et en défense produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 6 509, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale, L. 160-1, L. 480-4 et L. 480-13 du code de l'urbanisme, 121-3 et 122-3 du code pénal, et 1134 et 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale, défaut de base légale, dénaturation de l'écrit, insuffisance et contradiction de motifs ;
" en ce que l'arrêt a débouté Mme Y...et M. Y...de leurs demandes tendant à ce que soit ordonnée la démolition de la porte réalisée et à ce que M.
Z...
soit condamné à leur verser une indemnité de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, le tout à titre de réparation civile ;
" aux motifs que conformément aux dispositions de l'article 497 du code de procédure pénale, les appels de Mmes X...et Y..., parties civiles, ne sauraient porter que sur leurs intérêts civils, le jugement du 21 janvier 2010 ayant acquis son caractère définitif en l'absence d'appel relevé par le ministère public, en ce qui concerne la prescription de l'action publique prononcée ; que ladite prescription ne peut donc, en l'espèce, être remise en cause ; que les conclusions en ce sens des parties civiles appelantes sont inopérantes ; qu'il appartient cependant à la cour, saisie des seuls appels de ces dernières, de rechercher si les faits objets de la prévention caractérisent une faute conférant le cas échéant à celles-ci le droit d'obtenir du prévenu, définitivement relaxé, réparation du préjudice en découlant ; qu'il convient, à cet égard, de rappeler que par arrêt du 25 novembre 2011, la présente cour – pôle 1 chambre 4-, statuant sur l'appel interjeté par lesconsorts Y...à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 17 décembre 2010 par le tribunal de grande instance d'Evry ayant dit n'y avoir lieu à référé en l'absence de trouble manifestement illicite, s'agissant de la condamnation sollicitée des époux
Z...
à la remise en état des lieux et à la suppression, sous astreinte, de la porte d'entrée litigieuse sur la servitude de passage, a confirmé ladite ordonnance et condamné les consorts Y...à verser aux époux
Z...
la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; que bien que cet arrêt n'ait pas d'autorité particulière quant à la décision à intervenir, il convient de souligner qu'il y a été relevé, d'une part, que la transformation d'une fenêtre de la maison, appartenant aujourd'hui aux époux
Z...
, en porte-fenêtre donnant directement accès sur la rue, datait de 1994, soit bien avant l'acquisition de cette maison par ces derniers, le maire ne s'étant pas opposé à ces travaux et aucun recours n'ayant été exercé contre sa décision, d'autre part, que la maison appartenant aux consorts Y...disposait d'une porte d'accès donnant directement dans le même passage avec vue sur la maison des époux Z..., qu'enfin le procès-verbal d'huissier établi le 28 septembre 2006 à la demande des époux Y...n'avait permis de caractériser aucune gêne réelle ou préjudice concret subi par ces derniers consécutif à l'installation de la porte litigieuse ; que ces constatations effectuées par l'arrêt précité n'ont pas été critiquées ni valablement contestées par les parties civiles appelantes ; que les travaux litigieux, achevés antérieurement à la décision du tribunal administratif ayant annulé la décision de non-opposition aux travaux, avaient bien l'apparence de la régularité au moment où ils ont été effectués ; qu'au surplus, il convient d'observer que ledit tribunal administratif, pour rejeter les conclusions en injonction des époux Y..., avait lui-même considéré, aux termes du jugement précité, que les travaux litigieux, qui n'avaient pas été effectués sans autorisation, n'étaient pas constitutifs d'une infraction prévue par les articles L. 160-1 et L. 480-4 du code de l'urbanisme ; qu'il convient, en effet, de rappeler qu'une décision administrative illégale n'est pas nécessairement, par elle-même, constitutive d'une infraction pénale, contrairement à ce qui est allégué par les parties civiles appelantes ; que la cour ne trouve pas davantage, dans les faits de la cause, l'existence d'une faute imputable aux époux
Z...
, qui, bénéficiaires de l'autorisation du maire de la commune, pouvaient légitimement et de bonne foi se croire fondés à réaliser les travaux litigieux ; qu'en outre, l'absence de trouble manifeste dans les conditions d'existence des époux Y...du fait de la réalisation desdits travaux ne permet pas aux appelantes, qui n'établissent pas souffrir d'un quelconque dommage tant à la date d'achèvement des travaux litigieux que depuis lors et consécutivement à ceux-ci, d'obtenir réparation du préjudice qu'elles allèguent, ces dernières, invoquant une impossibilité matérielle d'user paisiblement du passage et des abus de monsieur
Z...
dans l'exercice de son droit, se contentant de procéder par affirmations non démontrées ; que la cour confirmera donc le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux Y...de leurs demandes ;
" 1°) alors que saisis sur le seul appel de la partie civile du jugement déclarant l'action publique éteinte par l'effet de la prescription, les juges du second degré sont tenus de rechercher si les faits déférés constituent une infraction pénale, de les qualifier et de condamner, s'il y a lieu, le prévenu à des dommages-intérêts envers la partie civile ; qu'en s'estimant seulement tenue de rechercher si les faits litigieux constituaient une « faute », quand elle devait rechercher si ces faits étaient constitutifs du délit de travaux exécutés en violation d'un plan d'occupation des sols, prévu par l'article L. 160-1 du code de l'urbanisme, et si ces faits étaient constitutifs du délit de travaux exécutés sans autorisation, prévu par l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que, s'agissant de l'infraction de réalisation de travaux effectués en méconnaissance d'un plan d'occupation des sols, visée par l'article L. 160-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge pénal de rechercher, au titre de l'élément matériel de l'infraction, si cette réalisation est prohibée par un plan d'urbanisme adopté en application du livre I du code de l'urbanisme et servant de soutien à la prévention, que les travaux aient ou non fait l'objet d'une décision d'autorisation ou de non-opposition préalable en application du livre IV du code de l'urbanisme ; qu'en se déterminant au regard de la circonstance, inopérante, que les travaux litigieux avaient été préalablement autorisés par le maire, quand elle devait rechercher si les travaux litigieux n'avaient pas été entrepris en violation des dispositions de l'article UR 7 du plan d'occupation des sols d'Orsay, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 3°) et alors que l'intention coupable requise pour la constitution de l'infraction visée par l'article L. 160-1 du code de l'urbanisme se déduit de la seule constatation de la violation des prescriptions légales ou réglementaires en connaissance de cause ; que l'obtention d'une autorisation de réaliser les travaux n'exclut pas l'intention coupable si son bénéficiaire la savait intervenue en violation desdites prescriptions ; que, pour retenir que les époux
Z...
avaient légitimement et de bonne foi pu se croire fondés à réaliser les travaux litigieux, la cour d'appel s'est bornée à relever que les travaux avaient l'apparence de la régularité au moment où ils avaient été effectués puisqu'ils avaient bénéficié d'une autorisation du maire qui n'avait été annulée par le juge administratif qu'après leur achèvement ; qu'en se déterminant ainsi, sans mieux s'en expliquer, quand il était soutenu qu'en dépit de la décision de non opposition aux travaux par le maire d'Orsay, le prévenu avait été informé, avant l'exécution des travaux, de ce que ces derniers méconnaissaient l'article UR 7 du plan d'occupation des sols d'Orsay, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" 4°) alors que si des travaux réalisés sur le fondement d'une autorisation ultérieurement annulée par le juge administratif ne sont pas constitutifs de l'infraction prévue par l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme, c'est à la condition que l'autorisation n'ait pas été obtenue par fraude ; qu'à supposer qu'elle ait entendu rechercher l'existence d'une infraction pénale et non d'une simple faute civile commise par le prévenu, la cour d'appel s'est bornée, pour retenir que les époux
Z...
avaient légitimement et de bonne foi pu se croire fondés à réaliser les travaux litigieux, à constater qu'il étaient bénéficiaires d'une autorisation du maire et que les travaux, achevés avant l'annulation de cette autorisation par le juge administratif, avaient bien l'apparence de la régularité au moment où ils avaient été effectués ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher comme il lui était demandé, si M.
Z...
n'avait pas obtenu cette autorisation par fraude, sur la base d'un dossier de demande incomplet et erroné destiné à induire l'administration en erreur sur le respect, par le projet, des prescriptions de l'article UR 7 du plan d'occupation des sols d'Orsay, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" 5°) alors que les parties civiles ont droit à la réparation intégrale du préjudice résultant directement de l'infraction, la loi n'imposant pas que les troubles dans les conditions d'existence générés par l'infraction soient « manifestes » pour donner lieu à réparation ; qu'en exigeant que le trouble dans les conditions d'existence des consorts Y...soit « manifeste » pour être réparé, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas, et a privé sa décision de tout fondement légal, en violation des textes susvisés ;
" 6°) et alors que les parties civiles ont droit à la réparation intégrale du préjudice résultant directement de l'infraction ; qu'en se bornant à retenir que les consorts Y...n'établissaient pas subir un quelconque dommage en alléguant une impossibilité matérielle d'user paisiblement du passage et des abus de M.
Z...
dans l'exercice de son droit, sans s'expliquer sur le préjudice également invoqué par les parties civiles pris de leur perte d'intimité résultant de la création de l'unique entrée du bâtiment voisin à 2, 20 mètres de leur façade et en visà-vis de l'ouverture donnant sur leur principale pièce à vivre, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 6, 10, 509, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale, insuffisance et contradiction de motifs ;
" en ce que l'arrêt a débouté Mme Y...et M. Y...de leurs demandes tendant à ce que soit ordonnée la démolition de la porte réalisée et à ce que M.
Z...
soit condamné à leur verser une indemnité de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, le tout à titre de réparation civile ;
" aux motifs que conformément aux dispositions de l'article 497 du code de procédure pénale, les appels de Mme A...et Y..., parties civiles, ne sauraient porter que sur leurs intérêts civils, le jugement du 21 janvier 2010 ayant acquis son caractère définitif en l'absence d'appel relevé par le ministère public, en ce qui concerne la prescription de l'action publique prononcée ; que ladite prescription ne peut donc, en l'espèce, être remise en cause ; que les conclusions en ce sens des parties civiles appelantes sont inopérantes ;
" et aux motifs adoptés que les délits visés à la citation se prescrivent par trois ans à compter de l'achèvement des travaux, que cet achèvement se situe au jour où ceux-ci sont en état d'être affectés à l'usage auquel ils sont destinés ; que M.
Z...
produit un courrier de l'entreprise générale du bâtiment indiquant avoir réalisé les travaux d'ouverture de la porte du 12 juin au 16 juin 2006 et une attestation de M.
Z...
rapportant la même date au 16 juin pour la mise en place de la porte, que les courriers adressés par les époux Y...ne fournissent aucun élément contraire ; qu'en conséquence, la citation ayant été délivrée le 18 juin 2009, plus de trois ans s'étaient écoulés depuis l'achèvement des travaux litigieux, il convient de déclarer l'action publique prescrite et de débouter les époux Y...de leurs demandes ;
" 1°) alors que si les juges du second degré, saisis du seul appel de la partie civile d'un jugement déclarant l'action publique éteinte par l'effet de la prescription, ne peuvent prononcer une peine, la décision des premiers juges ayant acquis force de chose jugée, ils sont tenus de rechercher si les faits sont atteints par une cause d'extinction de l'action publique, s'ils constituent une infraction pénale, et de prononcer sur les demandes de réparation de la partie civile ; qu'en refusant, bien qu'elle ait été saisie du seul appel des parties civiles contre les dispositions civiles du jugement du 21 janvier 2010, de rechercher si les faits étaient atteints par une cause d'extinction de l'action publique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que tout arrêt doit être motivé et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; qu'en se bornant à adopter les motifs retenus par les premiers juges pour dire l'action prescrite, sans examiner les nouveaux éléments invoqués et produits devant elle en cause d'appel par les parties civiles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, en violation des textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt et des pièces de procédure que M.
Z...
a été poursuivi pour exécution de travaux sans autorisation et exécution de travaux en méconnaissance des dispositions d'un plan d'occupation des sols ; que le tribunal correctionnel, après avoir constaté la prescription de l'action publique et relaxé le prévenu, a débouté les parties civiles de leurs demandes ;
Attendu que, pour confirmer le jugement sur le seul appel des parties civiles, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, si, en application de l'article 10, alinéa 1, du code de procédure pénale, la juridiction répressive ne peut connaître de l'action civile lorsque l'action publique est prescrite, les juges ne pouvaient statuer sur les demandes des parties civiles sans répondre à leurs conclusions qui contestaient l'acquisition de la prescription de ladite action, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 17 janvier 2012, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application au profit de M.
Z...
de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transmission sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Mirguet conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-81357
Date de la décision : 29/01/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 jan. 2013, pourvoi n°12-81357


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.81357
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