La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/01/2013 | FRANCE | N°12-13846

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 janvier 2013, 12-13846


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 novembre 2011), qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Marotentic pour la période comprise entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2005, les services fiscaux ont mis en recouvrement le 31 octobre 2008, à l'égard de M. X..., gérant et associé de la société à partir du 1er août 2004, une somme de 197 070, 95 euros ; que, par acte authentique du 18 février 2005, M. et Mme X... ont consenti à leurs deux enfa

nts mineurs une donation portant sur la nue-propriété d'un immeuble leur app...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 novembre 2011), qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Marotentic pour la période comprise entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2005, les services fiscaux ont mis en recouvrement le 31 octobre 2008, à l'égard de M. X..., gérant et associé de la société à partir du 1er août 2004, une somme de 197 070, 95 euros ; que, par acte authentique du 18 février 2005, M. et Mme X... ont consenti à leurs deux enfants mineurs une donation portant sur la nue-propriété d'un immeuble leur appartenant ; que, le 19 mars 2009, le trésorier principal de Paris centre, n'ayant pu recouvrer sa créance, a, après avoir inscrit une hypothèque légale sur l'immeuble, fait assigner M. et Mme X... et leurs enfants, sur le fondement de l'article 1167 du code civil, en inopposabilité de l'acte de donation à son égard ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir dit que l'acte de donation du 18 février 2005 était inopposable au trésorier principal de Paris Centre et que le bien litigieux devait rentrer dans leur patrimoine, alors, selon le moyen :
1°/ que l'action paulienne suppose l'existence d'un principe certain de créance ayant existé avant la conclusion de l'acte argué de fraude par le débiteur ; qu'en considérant que le Trésor public justifiait d'un principe certain de créance à l'encontre de M. et Mme X... le 18 février 2005, date de la donation arguée de fraude, après avoir constaté que la société Marotentic n'avait désigné M. X... en qualité de prétendu bénéficiaire de revenus dissimulés que le 6 novembre 2006, soit postérieurement à ladite donation, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1167 du code civil ;
2°/ que la fraude paulienne suppose que soit caractérisée la connaissance par le débiteur du préjudice causé à son créancier par l'acte litigieux ; qu'en retenant la fraude des époux X... sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si ces derniers avaient eu connaissance, en consentant une donation le 18 février 2005, du préjudice causé au créancier tandis que la vérification fiscale de la société Marotentic n'avait eu lieu que les 5 avril et 15 juin 2006 et que les époux X... n'avaient été désignés comme bénéficiaires de prétendus revenus dissimulés qu'à la date du 6 novembre 2006, soit postérieurement à ladite donation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir exposé la prétention à laquelle se réfère la première branche, l'arrêt énonce exactement, pour l'écarter, que la créance fiscale prend naissance non à la date à laquelle le contribuable se désigne comme bénéficiaire des revenus dissimulés mais à la date du fait générateur de l'impôt que constitue la distribution de ces revenus ; qu'ayant ensuite relevé que la distribution des revenus de M. et Mme X... avait eu lieu en 2003 et 2004, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le Trésor public disposait, antérieurement à l'acte litigieux du 18 février 2005, d'un principe certain de créance à l'encontre de ces derniers ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que la donation faite avec réserve d'usufruit par les parents au profit de leurs enfants mineurs avait manifestement pour seul objectif de mettre le bien à l'abri des poursuites, que ledit bien constituait le seul élément important du patrimoine de M. et Mme X... et que ceux-ci avaient, en se dépouillant, préjudicié aux droits de leur créancier dès lors que leur insolvabilité rendait impossible le recouvrement de la créance du Trésor public, la cour d'appel, qui a fait la recherche visée par la seconde branche, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'acte de donation du 18 février 2005 établi par Maître Régine Y... par Monsieur et Madame X... au profit de leurs deux enfants mineurs, Lucie et Christophe, et portant sur la nue-propriété du bien situé... de Nazareth à Paris 3ème, est inopposable au Trésorier Principal de Paris Centre et que le bien litigieux doit rentrer dans le patrimoine des époux X... ;
Aux motifs propres que le créancier qui exerce l'action paulienne doit justifier d'une créance certaine en son principe au moment de l'acte litigieux, même si elle n'est pas encore liquide ; qu'il doit établir l'insolvabilité, au moins apparente, de son débiteur au jour de l'acte litigieux ou à la date d'introduction de la demande, le débiteur devant quant à lui prouver qu'il dispose de biens de valeur suffisante pour répondre de son engagement ; que lorsque l'acte litigieux est à titre onéreux, le créancier doit démontrer la complicité de fraude du tiers acquéreur, alors que, lorsque l'acte est à titre gratuit, il n'a pas à prouver la complicité de fraude du bénéficiaire de l'acte, laquelle est présumée ; que la fraude paulienne n'implique pas nécessairement l'intention de nuire et résulte de la seule connaissance que le débiteur et son cocontractant à titre onéreux ont du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux ou de la seule connaissance que le débiteur a du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux ; que l'inopposabilité paulienne autorise le créancier poursuivant, par décision de justice et dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d'une aliénation opérée en fraude de ses droits, afin d'en faire éventuellement saisir l'objet entre les mains du tiers ; qu'en l'espèce, pour s'opposer à l'action paulienne, les époux X... prétendent que ce n'est que le 6 novembre 2006 que M. X... a été désigné par la société MAROTENTIC en qualité de bénéficiaire des prétendus revenus dissimulés, que seule cette date doit être retenue comme étant le fait générateur des poursuites fiscales engagées à leur encontre et qu'en conséquence la créance de l'administration fiscale est nécessairement postérieure à l'acte de donation, de sorte que les conditions de l'action ne sont pas réunies ; mais que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a jugé que les conditions de l'action paulienne étaient réunies en l'espèce ; qu'il suffit d'ajouter que le Trésorier principal de PARIS Centre justifie d'un principe certain de créance au moment de l'acte litigieux, dès lors que la dette d'impôt prend naissance, non pas à la date de la constatation, de la liquidation ou de la mise en recouvrement de l'impôt ou encore à la date à laquelle le contribuable se désigne bénéficiaire des revenus dissimulés, mais à la date à laquelle ces revenus dissimulés sont distribués soit en l'espèce en 2003 et 2004, une telle distribution constituant le fait générateur de l'impôt : qu'en décider autrement aboutirait à priver de toute sanction la plupart des fraudes pauliennes commises en matière fiscale, c'est-à-dire les actes d'appauvrissement du patrimoine intervenus dès le lendemain de la distribution de revenus qui sera dissimulée ; qu'en conséquence il y a lieu de confirmer le jugement déféré ;
Et aux motifs adoptés qu'en application de l'article 1167 du Code civil, les créanciers peuvent « attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits » ; qu'il résulte suffisamment des pièces versées aux débats que le Trésor public disposait bien antérieurement au jour de l'acte litigieux (donation du 18 février 2005) d'un principe certain de créance, l'antériorité de la créance fiscale s'appréciant non à la date de la notification de redressement, à la date à laquelle M. X... s'est déclaré bénéficiaire des revenus distribués, à la date de la constatation de la liquidation ou de la mise en recouvrement, mais par rapport au fait générateur de l'impôt ; qu'en effet, le principe de créance qui découlait de la dette fiscale résultant de la distribution des revenus des époux X... au cours des années 2003 et 2004 constitue le fait générateur de l'imposition et était né antérieurement à la donation litigieuse ; que l'intégralité de la créance du trésor soit la somme de 197 070, 95 euros doit être prise en compte ; que cette créance fonde l'action paulienne en dépit du fait qu'elle n'est plus immédiatement exigible à raison de l'existence d'une réclamation contentieuse du 16 décembre 2008 ; qu'en effet, l'exigibilité de la créance n'est une condition de mise en oeuvre de l'action paulienne, s'agissant d'une mesure conservatoire sans être une mesure d'exécution qu'elle rend seulement possible, ni au moment de la conclusion de l'acte argué de fraude ni au moment de la mise en oeuvre de l'action paulienne ; que la contestation d'assiette et la suspension de l'exigibilité subséquente ne peuvent avoir pour effet de remettre en cause l'action paulienne purement civile ; qu'il n'est pas nécessaire que la preuve d'une insolvabilité totale soit rapportée mais il suffit que l'acte litigieux ait crée ou augmenté l'insolvabilité ; qu'au cas particulier, la donation faite avec réserve d'usufruit par les parents au profit de leurs deux enfants mineurs à l'époque, a manifestement pour seul objectif de mettre le bien à l'abri des poursuites ; que ledit bien constitue le seul patrimoine important des époux X... qui en se dépouillant, ont bien préjudicié gravement aux droits de leur créancier, l'insolvabilité avérée des époux X... rendant impossible le recouvrement de la créance du Trésor ; que l'action paulienne qui tend à l'inopposabilité d'un acte consenti à titre gratuit n'est pas subordonnée à la preuve de la complicité du tiers bénéficiaire dans la fraude commise ; que l'action paulienne qui tend à l'inopposabilité d'un acte consenti à titre gratuit n'est pas subordonnée à la preuve de la complicité du tiers bénéficiaire dans la fraude commise ; que l'action paulienne étant une action civile qui tend à reconstituer le patrimoine du débiteur par la seule déclaration d'inopposabilité d'un acte sans se confondre avec une mesure d'exécution, l'exigibilité de la créance n'étant pas une condition nécessaire, et en tout état de cause les époux X... n'ayant offert aucune garantie conforme aux dispositions des articles L 277 et R 277-1 du Livre des procédures fiscales, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer, non nécessaire au cas particulier ; que cet acte s'inscrivant dans le cadre d'une opération familiale ayant pour finalité de soustraire le bien aux poursuites du créancier et aggravant l'insolvabilité du débiteur, doit être déclaré inopposable au Trésorier et le bien litigieux doit rentrer dans les patrimoine des époux X... où le créancier demandeur pourra seul éventuellement le saisir ;
Alors, d'une part, que l'action paulienne suppose l'existence d'un principe certain de créance ayant existé avant la conclusion de l'acte argué de fraude par le débiteur ; qu'en considérant que le Trésor public justifiait d'un principe certain de créance à l'encontre de Monsieur et Madame X... le 18 février 2005, date de la donation arguée de fraude, après avoir constaté que la société MAROTENTIC n'avait désigné Monsieur X... en qualité de prétendu bénéficiaire de revenus dissimulés que le 6 novembre 2006, soit postérieurement à ladite donation, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1167 du Code civil ;
Alors, d'autre part, que la fraude paulienne suppose que soit caractérisée la connaissance par le débiteur du préjudice causé à son créancier par l'acte litigieux ; qu'en retenant la fraude des époux X... sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si ces derniers avaient eu connaissance, en consentant une donation le 18 février 2005, du préjudice causé au créancier tandis que la vérification fiscale de la société MAROTENTIC n'avait eu lieu que les 5 avril et 15 juin 2006 et que les époux X... n'avaient été désignés comme bénéficiaires de prétendus revenus dissimulés qu'à la date du 6 novembre 2006, soit postérieurement à ladite donation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-13846
Date de la décision : 29/01/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 jan. 2013, pourvoi n°12-13846


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.13846
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award