LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et autres infractions (FGTI) de ce qu'il se désiste de son premier moyen ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que par arrêt du 5 novembre 2009 devenu irrévocable, MM. X..., Z..., A...et B...ont été déclarés coupables de violences volontaires commises dans la nuit du 7 au 8 avril 2007 à l'encontre de M. Y...; que, statuant sur les intérêts civils, le tribunal correctionnel a déclaré MM. X..., Z..., A...et B...responsables du dommage subi par M. Y...et les a condamnés solidairement à lui payer une provision de 2 000 000 FCP ; qu'à la suite d'une expertise médicale, M. Y...a saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pour faire liquider son préjudice corporel ;
Attendu que la première branche du second moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 706-9 et R. 50-9 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
Attendu que pour fixer à la somme de 60 840 000 FCP l'indemnisation du préjudice professionnel de M. Y...l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la victime ne peut plus travailler ni conduire un véhicule ou un bateau ; qu'en l'absence d'autres éléments d'appréciation, on doit prendre en compte, sur la base du SMIG, une durée de travail jusqu'à l'âge de la retraite fixé à 58 ans et une espérance de vie de 15 ans après l'âge de la retraite ;
Qu'en statuant ainsi, sans tenir compte pour la détermination de ce préjudice, des prestations versées par l'organisme gérant le régime obligatoire de sécurité sociale auquel la victime était affiliée, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il a alloué à M. Y...les sommes de 4 747 500 FCP au titre de l'ITT, de 4 200 000 FCP au titre de l'IPP, de 60 840 000 FCP au titre du préjudice professionnel, comprises dans la somme globale de 71 537 500 FCP, l'arrêt rendu le 6 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y...;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir alloué à M. Y...la somme totale de 71 537 500 fcp en réparation de son préjudice ;
Aux motifs propres que « le Fonds de Garantie soutient que, du fait d'une prétendue attitude provocatrice, la victime aurait commis une faute en portant un premier coup de poing à M. X..., qui réduirait son droit à indemnisation de moitié ; que le Fonds de Garantie n'est plus recevable à soutenir ce moyen ; qu'en effet le droit à indemnisation intégrale de M. Y...a été reconnu non par la seule décision frappé d'appel mais par une décision du 4 novembre 2009 de cette même commission d'indemnisation des victimes d'infractions qui énonce : " Attendu qu'il n'est pas contesté que M. Tairere Y...a subi un préjudice résultant des faits présentant le caractère matériel de violences volontaires ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours, en l'espèce 96 jours, outre les conséquences ou séquelles décrites par l'expert dans son rapport ; Attendu que ces violences d'une extrême gravité subies par la victime, violences potentiellement mortelles, sont totalement disproportionnées par rapport à ce qui a pu être qualifié d'attitude initiale provocatrice de sa part ; Attendu que ce préjudice ouvre droit à indemnisation sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale " ; que la Commission faisait alors droit à la demande d'indemnité Provisionnelle formulée en intégralité sans aucune limitation de son montant ; que si la décision du 4 novembre 2009 peut être considérée comme un jugement comportant des dispositions définitives sur le droit à indemnisation et des dispositions d'avant-dire-droit sur le montant des indemnités devant être allouées à la victime, et donc susceptible d'appel, en application de l'article 331 du code de procédure civile de la Polynésie française, en même temps que l'appel sur le jugement définitif postérieur, encore faut-il que cet appel soit formalisé en même temps que l'appel sur le jugement définitif, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la requête d'appel visée le 27 avril 2011 ne portant pas appel de la décision du 4 novembre 2009 ; qu'il s'ensuit que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle considère que M. Tairere Y...a droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice » ;
Et aux motifs adoptés que « dans ses écritures, le Fonds de Garantie, qui a souligné l'attitude provocatrice de Monsieur Tairere Y...comme étant à l'origine de la scène de violence dont il fût finalement la victime, précisait qu'il ne pouvait pas faire d'offre d'indemnisation ; qu'il n'est pas contesté que Monsieur Tairere Y...a subi un préjudice résultant des faits présentant le caractère matériel de l'infraction de violences volontaires ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours, en l'espèce 96 jours, outre, les conséquences ou séquelles décrites par l'expert dans son rapport et que ces violences d'une extrême gravité subies par la victime, violences potentiellement mortelle, sont totalement disproportionnées par rapport à ce qui a pu être qualifié d'attitude initiale provocatrice de sa part, la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions de Papeete, a :- Accordé à Monsieur Gilbert Tairere Y...la somme de 2 000 000 fcp à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice résultant des faits de violences volontaires subies à Papeete, le 8 avril 2007 ;- Ordonné un complément d'expertise et désigné le Docteur Etienne C... pour y procéder » ;
Alors que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que dans son dispositif, la décision de la commission d'indemnisation de Papeete du 4 novembre 2009, s'est prononcée sur le principe de l'indemnisation de M. Y...au titre de la réglementation relative à l'indemnisation des victimes d'infraction en lui allouant une provision de 2 000 000 fcp et en ordonnant un complément d'expertise, sans aucunement se prononcer sur l'étendue de cette indemnisation ; qu'en retenant, pour juger le Fonds de garantie irrecevable à se prévaloir d'une faute de la victime de nature à réduire de moitié son indemnité, que cette décision s'était prononcée sur ce point, lorsque la faute de la victime n'avait été évoquée que dans les motifs du jugement et n'avait donné lieu à aucune décision dans le dispositif, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, violant ainsi l'article 284 du code de procédure civile de Polynésie française.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir alloué à M. Y...la somme totale de 71 537 500 fcp en réparation de son préjudice ;
Aux motifs que « tant l'appel principal du Fonds de Garantie que l'appel incident de M. Y...sont limités au montant de l'indemnité allouée au titre du préjudice professionnel, le Fonds de Garantie proposant à ce titre une indemnisation de 1 016 160 FCP et M. Y...réclamant une indemnisation de 83 160 000 FCP ; que c'est très exactement que la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions a fixé le préjudice professionnel de M. Y...à la somme de 60 840 000 FCP en considérant que l'intéressé ne pouvait plus travailler ni conduire un véhicule ou un bateau, et sur la base, en l'absence d'autres éléments d'appréciation, du SMIG, sur une durée de travail jusqu'à l'âge de la retraite de 58 ans et sur une espérance de vie de 15 ans après l'âge de la retraite ; que cette évaluation tenant compte d'un âge de départ à la retraite fixé à 58 ans et d'une espérance de vie de 15 ans après cette date de départ à la retraite, il a été fait une exacte application des réalités polynésiennes et de l'espérance de vie moyenne sur ce territoire ; que, là encore, la décision entreprise est en voie de confirmation en ses dispositions déférées à la Cour ;
Et aux motifs adoptés que « Monsieur Gilbert Tairere Y..., né le 2 février 1980, était âgé de 27 ans au moment des faits. II exerçait la profession d'ouvrier en climatisation au sein de l'entreprise ETDE ; qu'il a été déclaré inapte par la médecine du travail et a été licencié par son employeur ; qu'il a travaillé six mois dans un dispositif d'insertion et a fait une crise sur son lieu de travail ; qu'il pratiquait diverses activités sportives auxquelles il a du renoncer ; que pour son indemnisation, il sera retenu un âge de départ à la retraite fixé à 58 ans eu égard aux réalités polynésiennes du monde du travail et une espérance de vie de 15 ans après cette date de départ à la retraite ; que ceci compte tenu de l'espérance de vie moyenne sur ce territoire, des éléments du dossier et après en avoir délibéré la commission d'indemnisation des victimes d'infractions a décidé de lui accorder les sommes suivantes : … Préjudice professionnel : 60 840 000 FCP, l'intéressé ne pouvant plus travailler ni conduire un véhicule ou un bateau ; que cette indemnité est calculée sur la base du SMIG et sur une durée de travail jusqu'à l'âge de la retraite de 28 ans et sur une espérance de vie de 15 ans après l'âge de la retraite … ; qu'il sera donc accordé à Monsieur Gilbert Tairere Y...la somme totale de 71 537 500 FCP de laquelle il conviendra de déduire la provision de 2 000 000 FCP déjà perçue par lui et le Fonds de Garantie devra, en conséquence, lui verser la somme de 69 537 500 FCP » ;
Alors, d'une part, que toute décision doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; qu'en se bornant à affirmer, pour fixer à 60 840 000 fcp la somme devant être allouée à M. Y...en réparation de son préjudice professionnel, que celui-ci ne pouvant plus travailler, sans analyser même sommairement l'élément sur lequel elle fondait cette affirmation qui contredisait le rapport d'expertise judiciaire relevant seulement une incompatibilité avec l'exercice de sa profession antérieure et les restrictions tenant à l'épilepsie post-traumatique que la victime conservait de son agression (rapport C..., p. 17, dernier § s. et p. 21), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, qu'il doit être tenu compte, dans le montant des sommes allouées à la victime d'une infraction, des prestations versées par les organismes gérant un régime obligatoire de sécurité sociale ; qu'en fixant le montant du préjudice professionnel de M. Y...en considération d'une impossibilité de reprendre une activité professionnelle jusqu'à un âge de départ à la retraite à 58 ans puis d'une espérance de vie de 15 ans après l'âge de la retraite, sans rechercher comme elle y était pourtant invitée si M. Y...ne percevait pas ou n'avait pas vocation à percevoir de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française une rente d'invalidité puis, le moment venu, une pension de retraite qui devraient être déduites des sommes ainsi octroyées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 706-3 et 706-9 et R. 50-9 du code de procédure pénale.