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17/01/2013 | FRANCE | N°11-24696

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 janvier 2013, 11-24696


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme M..., salariée de la société Lejaby depuis 1998, et titulaire de divers mandats de représentation du personnel depuis 2003, a été licenciée pour inaptitude, après autorisation de l'inspecteur du travail, le 20 novembre 2006 ; qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande tendant à ce que son licenciement soit reconnu nul en raison des agissements de harcèlement et de discrimination syndicale à l'origine de son inaptitude, et, subsidiairement à la condamnatio

n de son employeur à des dommages-intérêts à ce titre ;

Sur le pre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme M..., salariée de la société Lejaby depuis 1998, et titulaire de divers mandats de représentation du personnel depuis 2003, a été licenciée pour inaptitude, après autorisation de l'inspecteur du travail, le 20 novembre 2006 ; qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande tendant à ce que son licenciement soit reconnu nul en raison des agissements de harcèlement et de discrimination syndicale à l'origine de son inaptitude, et, subsidiairement à la condamnation de son employeur à des dommages-intérêts à ce titre ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en nullité du licenciement alors, selon le moyen, que lorsqu'un licenciement a été prononcé à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur la légalité de cette autorisation ; que, lorsque la contestation de cette autorisation est sérieuse et que l'appréciation du bien-fondé des demandes du salarié en dépend, il appartient aux juges du fond d'inviter les parties à la faire trancher par la juridiction administrative en lui posant une question préjudicielle ; que dès lors, estimant qu'il n'y avait pas lieu à renvoi, alors que Mme M...soutenait que son licenciement était fondé sur une inaptitude qui avait pour orgine le harcèlement moral et la discrimination syndicale dont la salariée estimait être la victime, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-2 ; L. 2421-3 du code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;

Mais attendu qu'en l'état d'une autorisation administrative de licenciement d'un salarié protégé fondée sur son inaptitude, qui n'a pas fait l'objet d'un recours administratif de la part de l'intéressée, le juge judiciaire, qui n'était pas saisi d'une difficulté sérieuse portant sur la légalité de l'autorisation administrative de nature à lui imposer de surseoir à statuer, de soulever une question préjudicielle et de renvoyer les parties à saisir la juridiction administrative, a jugé à bon droit que le salarié ne pouvait plus contester la validité ou la cause de la rupture en invoquant des faits de harcèlement ou de discrimination ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article L. 1152-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en dommages-intérêts pour harcèlement, la cour d'appel relève que certains éléments évoqués par la salariée relevaient d'une méthode de direction employée à l'égard de tous les membres du service export et non pas seulement de l'intéressée ; que la surcharge de travail a été le lot de tous les membres du service, et qu'il n'est pas établi à l'égard de celle-ci d'implications négatives à la suite de la restructuration du service ;

Attendu cependant que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Et attendu que la cour d'appel a constaté que la salariée produisait des attestations tendant à démontrer qu'elle était une cible privilégiée dans le service en matière de sanctions et de reproches, que l'ambiance de travail dans le service à laquelle elle appartenait s'était dégradée avec l'arrivée d'un nouveau responsable qui ne laissait aucune initiative et surveillait les moindres faits et gestes des salariés, que la surcharge invoquée par la salariée était réelle, que les membres du CHSCT avaient fait le constat d'une souffrance au travail de la salariée, et que cette dernière était en arrêt de travail depuis mai 2006 pour troubles anxio-dépressifs en lien, selon le médecin psychiatre, avec le travail ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le troisième moyen :

Vu les articles L. 2141-5, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes au titre de la discrimination syndicale, la cour d'appel retient que l'employeur a indiqué avoir pris toutes précautions utiles pour faire cesser la situation dénoncée par la salariée après 2004 et qu'en l'absence d'autres perturbations signalées ultérieurement, il s'en déduit que la situation s'est régularisée ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé qu'il était établi que, au moins jusqu'en 2004, Mme M...avait subi une entrave systématique à son mandat se traduisant notamment par des demandes répétées de son chef de service pendant le cours des réunions du comité ou des délégués du personnel l'obligeant à regagner son poste, qu'en 2005, sa fiche d'évaluation mentionnait " travail au CE d'où implication ", et qu'il lui appartenait, d'une part, d'évaluer le préjudice subi à ce titre, et d'autre part, de vérifier les mesures réellement prises par l'employeur pour faire cesser cette situation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le quatrième moyen :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation à intervenir sur le deuxième et troisième moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef du rejet de la demande du syndicat ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en nullité du licenciement, l'arrêt rendu le 19 juillet 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne M. P..., ès qualités, et la société Lejaby aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme M...et au syndicat CFDT Hacuitex ISSAR la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme M...et le syndicat CFDT Hacuitex ISSAR.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame M...de sa demande tendant à voir constater la nullité de son licenciement et à l'indemniser en conséquence

AUX MOTIFS PROPRES QUE après examen du 23 juin 2006, le médecin du travail a déclaré Aude M. inapte au poste sans demande de reclassement. Il a réitéré cet avis le 7 juillet 2006. La SA L. lui a demandé par courrier du 12 juillet 2006 de préciser les postes susceptibles d'être proposés à Aude M.... Le médecin du travail a répondu qu'après l'étude des postes réalisée sur le site de Rilleux le 29 juin 2006, il n'avait constaté aucun reclassement compatible avec l'état de santé de la salariée. La société a alors procédé à la consultation du comité d'établissement sur le licenciement envisagé. Celui-ci, le 28 septembre 2006, a émis un avis défavorable, l'un des membres indiquant que le comité était informé des difficultés qu'Aude M. rencontrait dans son travail et avoir été témoin, à plusieurs reprises de l'attitude de son responsable lui demandant de reprendre son poste alors qu'elle était en réunion au comité. Puis, après avoir proposé à Aude M. un reclassement interne sur un poste d'assistante développement industriel qui venait de se libérer mais que le médecin du travail a écarté en considérant que cette proposition ne'semblait pas constituer un élément nouveau dans ce dossier', la SA L. a saisi à nouveau le comité d'établissement au vu de ce nouvel élément. Le 18 octobre 2006, le comité d'établissement a rendu un nouvel avis défavorable, un membre soulignant que'si le médecin a jugé qu'elle était irrécupérable au niveau de sa santé dans l'entreprise, je répète que c'est encore la faute de l'entreprise, jamais on aurait du se retrouver avec une situation pareille'. Le 24 octobre 2006, la SA L. a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier Aude M. et a joint à son courrier diverses pièces dont les avis d'inaptitude, les courriers échangés avec le médecin du travail et les procès-verbaux de réunion du comité d'établissement des 28 septembre et 18 octobre 2006. Après enquête contradictoire, l'inspecteur du travail a donné son autorisation au licenciement par décision du 14 novembre en constatant la réalité des faits motivant la demande et l'absence de lien entre cette mesure et les mandats détenus. Le juge judiciaire ne peut en l'état d'une autorisation accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé et sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement. Il est toutefois compétent pour apprécier les fautes commises par l'employeur pour la période antérieure au licenciement y compris au titre d'une attitude discriminatoire liée notamment à sa qualité de salarié protégé. Il résulte de ces principes que le licenciement d'un salarié protégé ne peut être annulé par le juge judiciaire alors que l'autorisation de le prononcer a été accordée et que la décision de l'inspecteur du travail n'a fait l'objet d'aucun recours. Il est également acquis que cette mesure est sans lien avec l'exercice des mandats exercés, la décision de l'inspecteur du travail sur ce point s'imposant au juge judiciaire

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la nullité. L'article L. 2421-3 du code du travail dispose que : «- le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. Lorsqu'il n'existe pas de comité d'entreprise dans l'établissement, l'inspecteur du travail est saisi directement. La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé. En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiatement de l'intéressé dans l'attente de la décision définitive. Si le licenciement est refusé, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit. » Par application du principe de la séparation des pouvoirs, le juge judiciaire n'est pas compétent pour apprécier la légalité d'un acte administratif, à savoir la décision d'un inspecteur du travail qui autorise un employeur à licencier un salarié protégé. La nullité d'un licenciement ne peut être prononcée par le juge judiciaire qu'en l'absence d'autorisation de l'inspecteur du travail ou en cas de refus. Mais lorsque l'autorisation a été donnée, le juge judiciaire ne peut apprécier le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement. L'ex salarié protégé qui souhaite contester son licenciement, alors que l'inspecteur du travail a donné l'autorisation à son ex employeur de le licencier, peut exercer les voies de recours pour contester la décision de l'administration : le recours hiérarchique gracieux devant le ministre et le recours contentieux devant la juridiction administrative. En l'espèce, le 14 novembre 2006, l'inspecteur du travail, Mme Josiane N..., après enquête contradictoire effectuée le 06 novembre 2006, après constatation de l'avis émis par le comité d'établissement lors de sa réunion du 18 octobre 2006, a autorisé le licenciement de Mme Aude L...épouse M...en retenant l'absence de tout lien entre la mesure de licenciement envisagée et les mandats détenus. Mme Aude L...épouse M...n'a pas exercé les voies de recours à l'encontre de cette décision qui est définitive. En conséquence, le juge judiciaire qui ne peut pas apprécier la légalité de cet acte administratif ne peut pas prononcer la nullité du licenciement. Mme Aude L...épouse M...sera déboutée de sa demande en nullité du licenciement. »

ALORS QUE lorsqu'un licenciement a été prononcé à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur la légalité de cette autorisation ; que, lorsque la contestation de cette autorisation est sérieuse et que l'appréciation du bien-fondé des demandes du salarié en dépend, il appartient aux juges du fond d'inviter les parties à la faire trancher par la juridiction administrative en lui posant une question préjudicielle ; que dès lors, estimant qu'il n'y avait pas lieu à renvoi, alors que Madame M...soutenait que son licenciement était fondé sur inaptitude qui avait pour origine le harcèlement moral et la discrimination syndicale dont la salariée estimait être la victime, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-2, L. 2421-3 du code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que MADAME M...n'a pas été victime de harcèlement moral, et de l'avoir en conséquence déboutée de ses demandes tendant à voir la SA LEJABY condamné au paiement de dommages et intérêts,

AUX MOTIFS PROPRES QUE il y a lieu d'examiner si l'employeur a adopté un comportement discriminatoire à l'égard d'Aude M...en raison de sa qualité de représentant du personnel et si celle-ci a fait l'objet d'un harcèlement moral dans le cours de l'exécution du contrat de travail. Aux termes des articles L 1134-1 et L 1154-1 du code du travail, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer une discrimination directe ou indirecte ou établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ou de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Ici, Aude M...argue d'un comportement de l'employeur relevant tout à la fois du harcèlement moral et d'une attitude discriminatoire eu égard aux mandats exercés, les éléments caractérisant une telle attitude et le but recherché étant étroitement imbriqués. Au titre des faits caractérisant cette discrimination et ce harcèlement, elle cite :-1- les nombreux reproches injustifiés,-2- des courriers multiples de sa hiérarchie,-3- une avalanche de reproches dont certains concernant son implication dans son mandat,-4- la modification unilatérale de ses fonctions, son poste étant purement et simplement vidé de sa substance,-5- une surcharge de travail laissée sans solution malgré l'engagement pris à cet égard par la direction,-6- l'absence de consignes précises, la délivrance de consignes contradictoires suivies ensuite de reproches,-7- l'octroi de simples tâches d'exécution,-8- l'entrave systématique faite à l'exercice de son mandat. Les points 1 et 2 doivent être rapprochés, les seuls reproches caractérisés étant les sanctions prises par l'employeur par écrit et les seuls courriers produits correspondant aux échanges réalisés à l'occasion de ces sanctions. Au cours de la relation de travail, la SA LEJABY a notifié à Aude M...3 avertissements les 3 juin, 15 septembre 2004 et 6 janvier 2005, et une mise en garde le 2 mai 2006 à raison d'erreurs commises dans son travail. Aude M...a répondu systématiquement à ces courriers sans d'ailleurs nier les erreurs réalisées mais en les expliquant ou en les imputant à des procédures modifiées ou mal appliquées et en interrogeant la SA LEJABY sur leur lien avec son nouveau statut de salarié élu. La SA LEJABY a réitéré que les faits, établis, méritaient sanction et que l'employeur pouvait exercer son pouvoir disciplinaire également à l'égard des salariés chargés d'un mandat électif. L'annulation de ces sanctions n'est pas demandée mais Aude M...produit des attestations tendant à démontrer qu'elle était une cible privilégiée dans le service et cite :- Edith C... :'durant la même période, plusieurs courriers lui ont été adressés pour lui reprocher des faits, des erreurs commises, qui dans certains cas faites par sa supérieure. Ces interventions répétées ont amené Aude M...à perdre confiance en elle, à douter de l'efficacité de son travail et au vu de ses collègues de passer pour une personne qui ne tenait pas son travail à jour. Tous ces faits ont eu comme conséquences sur Aude M...de la déstabiliser et, petit à petit, l'emmené à un état dépressif grave',- Nicole A... :'dès qu'elle retrouvait sa sérénité dans son service, elle recevait à nouveau un courrier d'avertissement, avec toujours comme motif des erreurs dans l'accomplissement de son travail. Elle me confiait alors ne pas comprendre cet acharnement, elle constatait que toutes les personnes du service y compris sa hiérarchie faisait également des erreurs et que seule elle était sanctionnée ; elle se sentait devenir le vilain petit canard du service'et encore'souvent j'ai vu Aude M...en larmes devant l'attitude dédaigneuse que son chef prenait envers elle et devant ses collègues : soit il la dénigrait ouvertement soit il l'ignorait totalement''je voyais souvent Aude M...au local aux heures des repas et souvent elle y passait le soir avant de rentrer chez elle. Elle m'y faisait part du comportement de sa hiérarchie ; elle ne comprenait pas et me demandait des conseils sur les attitudes à adopter notamment lorsque sa hiérarchie ne lui donnait pas les informations qu'elle distillait aux autres personnes lui reprochant par la suite de ne pas suivre les consignes',- Anne-Marie Y... :'Aude M...devait sans cesse supporter le'flicage', les réflexions désobligeantes (souvent devant tout le monde lors des réunions). Cela lui faisait perdre sa confiance en elle et cette pression la conduisait à faire des erreurs qu'elle n'aurait pas commises si elle avait travaillé dans la sérénité et la confiance.'Concernant le fonctionnement interne du service, les deux premiers témoins, travaillant dans un tout autre secteur d'activité, ne peuvent relater des constatations personnelles et se bornent à rapporter les propos d'Aude M...Seule Anne-Marie Y... a travaillé avec Aude M..., dans le même service, de 1998 à février 2006, date à laquelle elle a pris sa retraite. Elle relate que l'ambiance de travail dans le service export s'est dégradée avec l'arrivée d'un nouveau responsable, F. O..., en 2001, qui ne leur laissait aucune initiative, surveillait leurs moindres faits et gestes alors qu'elles travaillaient auparavant de façon autonome. Ensuite, vient le passage cité par Aude M.... Resitué dans son contexte, on note qu'il s'agissait d'une méthode de direction employée à l'égard de tous les membres des services et non pas seulement de Aude M.... Certes Anne-Marie Y... indique que lors de la restructuration du service, F. O...a fait des réflexions'très désobligeantes'à Aude M...mais elle ne précise pas la teneur de ces observations. Enfin, elle expose que son départ, non remplacé, a occasionné une surcharge de travail et que'ce n'est pas l'appoint d'un stagiaire début avril qui permit d'alléger le travail de Aude M...; lorsque je l'appelai début mai, avant sa semaine de vacances, je me rendis compte qu'elle était à bout, ce que j'avais pressenti lorsque j'avais eu connaissance de la réorganisation du service.'Cette explication est à mettre en lien avec le point n º 5 soulevé par Aude M...et relatif à la surcharge de travail. Nicole A... en fait également état en rapportant les propos d'Aude M...au moment de la réorganisation du service. Elle note que F. O...leur avait dit'que le service en pâtirait pendant quelques temps'et qu'il demandait à tous des efforts. Elle ajoute que Aude M...a joué le jeu, s'investissant à fond et que'nous faisant part de cette nouvelle, elle nous a demandé de mettre en sommeil son mandat qu'elle reprendrait dès que le service serait stabilisé.'Elle précise :'elle m'avait alors confié avoir de bonnes relations avec cette nouvelle hiérarchie, pleine d'espoir, elle voulait mettre tous les atouts de son côté, elle acceptait cette charge de travail supérieure, elle était très engagée.'Il en résulte que cette surcharge de travail, réelle, a été le lot de tous les membres du service export et non pas d'Aude M...seulement, qu'il y a eu un changement de direction de service début 2006 et que de bonnes relations existaient avec cette nouvelle chef de service. L'acharnement d'un chef de service sur un salarié ne peut donc être retenu. Concernant l'absence de consigne ou l'existence de consignes contradictoires, elle ne donne aucun exemple, ne fournit aucun document-courrier, courriel, note de service, attestations-permettant de déterminer la réalité du fait mentionné. De même pour les points 4 et 7 relatifs à la modification unilatérale de ses fonctions, son poste étant purement et simplement vidé de sa substance et à l'attribution de simples tâches d'exécution, elle ne produit aucun élément permettant d'établir la matérialité des faits énoncés. Elle ne décrit pas son poste ni avant ni après le changement allégué, ne précise pas les tâches qui lui auraient été supprimées et celles restantes. La restructuration du service intervenue à la suite du départ d'Anne-Marie Y... à la retraite est certaine mais les implications négatives pour Aude M...ne le sont pas Il s'agit de simples affirmations non étayées. ;

ET AUX MOTIFS encore QUE s'agissant de la discrimination syndicale, Aude M...dénonce une entrave systématique à son mandat se traduisant notamment par des demandes répétées de son chef de service pendant le cours des réunions du comité ou des délégués du personnel l'obligeant à regagner son poste. Christiane B..., Edith C... et Nicole A... en attestent. Cette dernière, par courrier du 6 juillet 2004 adressé à la Direction des ressources humaines de la SA LEJABY a exposé que le 27 avril et 1er juillet 2004, Aude M...avait été rappelée par F. O...alors qu'elle était en réunion et que le 29 juin celui-ci lui avait interdit de finir un travail dans le cadre de la maîtrise de l'horaire variable. Elle a également noté qu'à la même période, le 3 juin, Aude M...avait fait l'objet d'un avertissement. Estimant que ces agissements étaient destinés à déstabiliser Aude M...et constituaient un comportement discriminatoire, elle lui a demandé d'appliquer les dispositions légales et de laisser Aude M...exercer ses fonctions. La SA LEJABY a pris acte des remarques faites et a indiqué avoir pris toutes précautions utiles pour que Aude M...ne soit pas entravée dans ses fonctions. Elle a toutefois relevé que le 1er juillet, l'heure de retour de délégation n'avait pas été précisée, que le 29 juin F. O...avait rappelé que sa charge de travail n'exigeait pas qu'elle travaille au delà des 35 heures hebdomadaire et que le 29 juin une réunion du service export était prévue à la même heure que celle du comité. Concernant l'avertissement, elle a indiqué qu'il était fondé sur des faits concrets et réels sans lien avec le mandat. L'inspecteur du travail également destinataire du courrier de Nicole A... et de la réponse de la SA LEJABY n'a fait aucune observation. Il n'est ni allégué ni établi l'existence d'autres perturbations en réunion ni de courriers postérieurs dénonçant de nouveaux faits estimés discriminatoires. Il s'en déduit que la situation s'est régularisée et qu'aucun autre fait susceptible d'être rattaché à un traitement discriminatoire n'a été relevé.

ALORS QUE peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il importe peu que ces méthodes s'appliquent simultanément à plusieurs salariés ; que la cour d'appel a constaté que l'altération de la santé de Madame M...trouvait son origine dans la dégradation de ses conditions de travail et la surcharge de travail ; dès lors, en écartant la qualification de harcèlement moral au motif qu'il s'agissait là d'une méthode de direction employée à l'égard de tous les salariés et non pas seulement de Madame M..., la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;

ALORS QUE, les juges sont tenus de rechercher si les éléments invoqués par le salarié au soutien de sa demande d'indemnisation pour harcèlement moral sont établis et, dans l'affirmative, s'ils sont de nature à faire présumer un harcèlement moral ; que Madame M...invoquait notamment « la modification unilatérale de ses fonctions, son poste étant purement et simplement vidé de sa substance » et de « l'octroi de simples tâches d'exécution » ; qu'il ressortait explicitement tant des conclusions de la salariée que de celles de l'employeur que son poste de travail d'assistante commerciale avait unilatéralement été transformé en un poste d'assistante administrative et que de l'aveu même de l'employeur une partie des clients dont elle avait la charge lui avait été retirée ; que la cour d'appel s'est limitée à affirmer que la salarié ne décrit pas son poste, ne précise pas les tâches qui lui avaient été supprimées, qu'en se déterminant ainsi, sans tenir compte de l'ensemble des éléments établis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et 1154-1 du code du travail ;

ET ALORS QUE Madame M...invoquait, au titre du harcèlement les demandes répétées de son chef de service pendant le cours des réunions du comité ou des délégués du personnel l'obligeant à regagner son poste ; que la Cour d'appel qui a constaté que les témoins faisaient état de ces perturbations répétés, mais ne les a pas examinés au titre du harcèlement et a refusé de rechercher si ces faits n'étaient pas constitutifs de discrimination au motif qu'il y avait été mis fin n'a pas légalement justifié sa décision au regard desdites dispositions.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que MADAME M...n'a pas été victime de discrimination syndicale, de l'avoir en conséquence déboutée de ses demandes tendant à voir la SA LEJABY condamné au paiement de dommages et intérêts

AUX MOTIFS PROPRES QUE s'agissant de la discrimination syndicale, Aude M...dénonce une entrave systématique à son mandat se traduisant notamment par des demandes répétées de son chef de service pendant le cours des réunions du comité ou des délégués du personnel l'obligeant à regagner son poste. Christiane B..., Edith C... et Nicole A... en attestent. Cette dernière, par courrier du 6 juillet 2004 adressé à la Direction des ressources humaines de la SA LEJABY a exposé que le 27 avril et 1er juillet 2004, Aude M...avait été rappelée par F. O...alors qu'elle était en réunion et que le 29 juin celui-ci lui avait interdit de finir un travail dans le cadre de la maîtrise de l'horaire variable. Elle a également noté qu'à la même période, le 3 juin, Aude M...avait fait l'objet d'un avertissement. Estimant que ces agissements étaient destinés à déstabiliser Aude M...et constituaient un comportement discriminatoire, elle lui a demandé d'appliquer les dispositions légales et de laisser Aude M...exercer ses fonctions. La SA LEJABY a pris acte des remarques faites et a indiqué avoir pris toutes précautions utiles pour que Aude M...ne soit pas entravée dans ses fonctions. Elle a toutefois relevé que le 1er juillet, l'heure de retour de délégation n'avait pas été précisée, que le 29 juin F. O...avait rappelé que sa charge de travail n'exigeait pas qu'elle travaille au delà des 35 heures hebdomadaire et que le 29 juin une réunion du service export était prévue à la même heure que celle du comité. Concernant l'avertissement, elle a indiqué qu'il était fondé sur des faits concrets et réels sans lien avec le mandat. L'inspecteur du travail également destinataire du courrier de Nicole A... et de la réponse de la SA LEJABY n'a fait aucune observation. Il n'est ni allégué ni établi l'existence d'autres perturbations en réunion ni de courriers postérieurs dénonçant de nouveaux faits estimés discriminatoires. Il s'en déduit que la situation s'est régularisée et qu'aucun autre fait susceptible d'être rattaché à un traitement discriminatoire n'a été relevé. Bien que Aude M...ne l'inclut pas dans sa liste des éléments constitutifs de la discrimination alléguée, il convient, pour être complet, d'examiner les mentions relatives aux mandats dans les évaluations annuelles qu'elle relève par ailleurs. Dans l'entretien d'évaluation du 12 janvier 2005, il est indiqué, au titre du rappel des faits marquants de l'année :'travail au CE d'où implication'et dans celle réalisée le 20 février 2006, dans la même rubrique''réélection au DP'. Ces mentions ne devraient pas figurer dans ces documents. Il convient cependant de noter qu'elles sont sans influence sur les appréciations. En effet, ces évaluations sont très comparables à celle de l'année précédente effectuée le 12 février 2004. Des progressions sont notées chaque année. Les faiblesses sont également soulignées, telles le manque de rigueur et de méthodologie On en retrouvera la trace dans les avertissements qui sanctionnent des erreurs En toute hypothèse, si Aude M...mentionne cet état de fait, elle n'en tire aucune conséquence. Elle a usé de son droit de faire des observations sur l'appréciation donnée par son supérieur lors de ces deux évaluations, noté notamment qu'elle estimait que'l'absence de disponibilité à ses demandes auprès de la hiérarchie est à mon sens discriminatoire'mais n'a formulé aucune remarque sur cette annotation. Le premier juge, pour caractériser un harcèlement moral, se fonde sur les propos tenus par les membres du comité d'établissement consulté sur le licenciement de Aude M...et sur le procès-verbal du CHSCT du 6 juillet 2006 qui fait le constat d'une souffrance au travail avoisinant le harcèlement par certains chefs de service. Il en conclut que les pressions constantes sont de notoriété publique dans les réunions des institutions représentatives du personnel. Toutefois, l'analyse de ces procès-verbaux montre que sont repris les faits énoncés plus hauts comme constitutifs d'une discrimination syndicale-rappel à son poste alors qu'elle était en réunion-ou de harcèlement-pressions, reproches dans le cadre de son travail et l'exercice de son mandat-.. Or, il a été constaté que ces faits qui pouvaient être expliqués avaient cessé depuis 2004 ou qu'ils n'étaient pas caractérisés. Par ailleurs, madame K...intervient pour dire :'je voudrais rajouter quelque chose, la direction a été interpellée à plusieurs reprises sur les pressions et les reproches qu'elle subissait dans son travail, et dans l'exercice de son mandat, c'est comme cela qu'on casse les gens et qu'on les rend malades !'Nicole A... complète :'j'ai écris à la direction qui savait que cette personne était mal dans son poste de travail, à ce moment là on aurait pu faire quelque chose !'Or, le seul courrier produit est celui du 6 juillet 2004. Il n'est pas fait état de harcèlement mais de discrimination syndicale. Aucun mal être de Aude M...n'y est dénoncé et aucune action de la part de la SA LEJABY n'est sollicitée. Les membres du comité font part d'impressions mais d'aucun fait daté et précis, circonstancié relavant de la discrimination ou du harcèlement. De même, le CHSCT, dans son procès-verbal de réunion du 6 juillet 2006, se borne à mentionner qu'il a eu connaissance de plusieurs cas de souffrance au travail ayant occasionné des arrêts de travail et que dernièrement il a été informé du cas d'Aude M.... Il conclut en indiquant qu'il sera vigilant pour que ces pressions ne deviennent pas des méthodes de management, le cas d'Aude M...le confortant dans ce sentiment. Là encore, il s'agit de ressenti mais de rien de précis. Aucune enquête n'est diligentée, aucune question précise et personnalisée n'est posée à l'employeur, aucune action n'est envisagée. Le cas d'Aude M..., en arrêt de travail pour dépression, est pris comme un exemple d'accroissement de la souffrance au travail laquelle peut se retrouver dans le harcèlement mais qui n'en est pas synonyme En conclusion, il est certain qu'Aude M...a fait l'objet d'un arrêt de travail pour troubles anxio-dépressifs que tant le médecin du travail que le docteur J..., psychiatre, analysent comme une pathologie en lien avec le travail amenant à un constat d'inaptitude au poste. Si la relation est faite avec une souffrance au travail, soit un ressenti douloureux des conditions ou de la charge de travail, elle ne l'est pas avec un harcèlement moral ou une discrimination syndicale, les faits dénoncés pour en laisser présumer l'existence n'étant pas caractérisés ni probants. Il convient en conséquence de réformer partiellement le jugement entreprise en ce qu'il a retenu l'existence d'un harcèlement moral et condamné la SA LEJABY au paiement de dommages et intérêts à ce titre tant à Aude M...qu'au syndicat et de rejeter cette demande

ALORS QUE l'employeur ne peut prendre en considération l'appartenance syndicale du salarié dans son cadre de l'évaluation professionnelle ; que dès lors en considérant que Madame M...n'avait pas été victime de discrimination syndicale, alors que ses activités syndicales étaient mentionnées sur les fiches d'évaluation annuelle, la cour d'appel a violé les articles L. 2141-5, L. 1132-1 ss. et L. 1134-1 du Code du travail ;

ET ALORS QUE la Cour d'appel qui a constaté que les témoins faisaient état d'actes de discrimination lors des réunions, mais a refusé de rechercher si ces faits n'étaient pas constitutifs de discrimination au motif qu'il y avait été mis fin n'a pas légalement justifié sa décision au regard desdites dispositions.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le syndicat CFDT de sa demande d'indemnité en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession du fait du harcèlement et de la discrimination subis par un de ses représentants

AUX MOTIFS ENONCES AUX TROIS PREMIERS MOYENS

ALORS QUE la cassation à intervenir sur l'un ou l'autre de ces moyens entrainera la cassation du chef du rejet de la demande du syndicat qui en est la conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-24696
Date de la décision : 17/01/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 19 juillet 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 jan. 2013, pourvoi n°11-24696


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.24696
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