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16/01/2013 | FRANCE | N°11-24213

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 16 janvier 2013, 11-24213


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 21 juin 2011), que les consorts X... ont assigné la commune d'Ifs, sur le fondement de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, en paiement d'une certaine somme au titre d'une perte de plus value de leur parcelle expropriée et en réparation de leur préjudice de jouissance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la commune d'Ifs fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de sursis à statuer et de renvoi devant la juridiction admini

strative, alors, selon le moyen, que lorsque l'interprétation d'une ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 21 juin 2011), que les consorts X... ont assigné la commune d'Ifs, sur le fondement de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, en paiement d'une certaine somme au titre d'une perte de plus value de leur parcelle expropriée et en réparation de leur préjudice de jouissance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la commune d'Ifs fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de sursis à statuer et de renvoi devant la juridiction administrative, alors, selon le moyen, que lorsque l'interprétation d'une déclaration d'utilité publique se heurte à une difficulté sérieuse, le juge judiciaire, qui ne peut y procéder, est tenu de poser une question préjudicielle au juge administratif ; qu'ainsi en cas d'hésitation sur l'interprétation d'une DUP, la juridiction judiciaire saisie doit surseoir à statuer ; qu'en affirmant qu'il n'existait aucune difficulté sérieuse d'interprétation d'une part, sur l'appréciation de l'étendue géographique de la DUP du 26 novembre 1992, et d'autre part, sur la définition des travaux déclarés d'utilité publique, pour refuser de renvoyer la question préjudicielle au juge administratif, tout en procédant cependant à l'interprétation de ladite DUP, qui se heurtait à une difficulté sérieuse, au regard de l'ensemble de ses actes préparatoires (dossier préalable, rapport du commissaire enquêteur, note de présentation), la cour d'appel a commis un excès de pouvoir en violation de la loi du 16-24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor An III ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'arrêté du 26 novembre 1992 était intitulé "Déclaration d'utilité publique des acquisitions et des travaux à entreprendre pour l'aménagement de la ZAC équipement du quartier du Hoguet sur le territoire de la commune d'Ifs" et que l'article premier disposait "Sont déclarés d'utilité publique des travaux à entreprendre pour l'aménagement de la ZAC équipement du quartier du Hoguet sur le territoire de la commune d'Ifs", la cour d'appel a exactement déduit de ces seuls motifs, sans excéder ses pouvoirs, qu'il concernait sans ambiguïté la seule ZAC équipement et l'ensemble des travaux d'aménagement visés dans les pièces déposées à l'appui de la demande de déclaration d'utilité publique ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Attendu que si les immeubles expropriés en application du code de l'expropriation n'ont pas reçu dans le délai de cinq ans la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel, peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique ;
Attendu que pour condamner la commune d'Ifs à payer une somme aux consorts X... au titre de la rétrocession de leur parcelle expropriée, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la conformité des réalisations effectuées avec les objectifs poursuivis par la DUP doit s'apprécier au regard de l'ensemble des parcelles expropriées pour la réalisation de l'opération et non pas au regard de chaque parcelle prise isolément, que la parcelle AY 16 ayant été le seul immeuble exproprié dans le cadre de la DUP, l'ensemble des parcelles expropriées se réduisant à cette parcelle, l'analyse de la conformité à la DUP doit se faire par rapport à ce seul terrain ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la conformité des réalisations effectuées avec les objectifs poursuivis par la déclaration d'utilité publique, doit s'apprécier au regard de l'ensemble des parcelles acquises pour la réalisation de l'opération déclarée d'utilité publique, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la commune d'Ifs à payer aux consorts X... la somme de 860 000 euros au titre du préjudice résultant de la perte de la plus-value avec intérêts légal à compter du jugement, celle de 235 640 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté au 31 décembre 2007 et celle de 72 240 euros au titre des années 2008, 2009 et 2010, l'arrêt rendu le 21 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts X... à payer à la commune d'Ifs, la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des consorts X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la commune d'Ifs
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de sursis à statuer et de renvoi devant la juridiction administrative ;
Aux motifs propres sur la question préjudicielle que s'il appartient au juge judiciaire et à lui seul de statuer sur le bien-fondé de la demande de rétrocession, le juge administratif est seul habilité, sur renvoi ordonné par le juge judiciaire, à connaître de toute difficulté sérieuse, constitutive d'une question préjudicielle, touchant à l'interprétation des dispositions de la DUP ; que la commune d'Ifs soutient que l'ensemble des actes préparatoires à la DUP du 26 novembre 1992 définissait la zone de l'aménagement envisagé de façon globale, c'est-à-dire en incluant la ZAC habitat, la ZAC équipement et la zone NA ; que dans l'esprit de l'expropriant et des services instructeurs, il s'agissait d'une seule et même opération d'aménagement du quartier du Hoguet ; que l'appréciation de l'étendue géographique devant être pris en compte pour évaluer l'affectation prévue par la DUP constitue une difficulté d'interprétation relevant de la seule compétence du tribunal administratif ; que toutefois, l'arrêté du 26 novembre 1992 est intitulé « Déclaration d'utilité publique des acquisitions et des travaux à entreprendre pour l'aménagement de la ZAC équipement du quartier du Hoguet sur le territoire de la commune d'Ifs » ; que l'article premier dispose : « Sont déclarés d'utilité publique les travaux à entreprendre pour l'aménagement de la ZAC équipement du quartier du Hoguet sur le territoire de la commune d'Ifs ; que s'il est rappelé, dans le rapport du commissaire enquêteur, que la commune d'Ifs a décidé de procéder à l'aménagement d'un ensemble de terrains situés entre Ifs bourg et Ifs plaine, appelés quartier du Hoguet, d'une superficie totale de 73 ha, il est précisé qu'après études de faisabilité, ces travaux ont été scindés en trois parties ; - ZAC équipement - ZAC habitat - zone NA à aménager ultérieurement à la suite de la zone habitat ; que le rapport du commissaire enquêteur concerne sans ambiguïté le plan d'aménagement de zone et le règlement de la ZAC équipement ; que le plan, clairement intitulé « périmètre DUP ZAC équipement » définit en rouge les limites de celle-ci ; que si la note de présentation rappelle également que la commune d'Ifs a décidé de procéder à l'aménagement d'un ensemble de terrains d'une superficie globale de l'ordre 73 ha, elle précise aussi que les études de faisabilité juridiques, financières urbanistiques et techniques ont conduit la commune à scinder le projet d'aménagement d'ensemble en trois parties distinctes (ZAC équipement, ZAC habitat et zone NA à aménager à la suite de la ZAC habitat) ; qu'elle concerne uniquement la présentation de la ZAC équipement ; qu'il en va de même du dossier de réalisation ; qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la DUP du 26 novembre 1992 concerne sans ambiguïté la seule ZAC équipement ; qu'il n'existe aucune difficulté sérieuse d'interprétation sur ce point ; que la commune d'Ifs soutient ensuite que la définition des travaux déclarés d'utilité publique doit être interprétée par la juridiction administrative ; que l'arrêté préfectoral déclare d'utilité publique les travaux à entreprendre pour l'aménagement de la ZAC équipement du quartier du Hoguet ; qu'il résulte du dossier préalable et du rapport du commissaire enquêteur que la ZAC équipement est destinée à accueillir des équipements tels que salle culturelle, groupe scolaire ainsi que de l'habitat collectif, un campus universitaire et des activités d'accompagnement du campus universitaire ; que sont également définis dans ces documents les équipements publics concernant l'ensemble des voiries à réaliser ; que l'arrêté préfectoral qui ne distingue pas suivant la nature des travaux à entreprendre concerne sans ambiguïté l'ensemble des travaux d'aménagement visés dans les pièces déposées à l'appui de la demande de DUP ; que le jugement frappé d'appel doit être confirmé en ce qu'il a considéré que l'arrêté préfectoral du 26 novembre 1992 ne souffrait d'aucune difficulté d'interprétation pouvant constituer une question préjudicielle ;
Aux motifs adoptés que les consorts X... fondent leur demande tendant à leur voir reconnaître un droit à la rétrocession de leur parcelle anciennement cadastrée A Y 16, sur les dispositions de l'article L12-6 du code de l'expropriation, considérant que ladite parcelle n'a pas reçu la destination prévue à la déclaration d'utilité publique (DUP) dans le délai de 5 ans visé par le texte ; que les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour connaître des litiges relatifs aux demandes de rétrocession formées en application de l'article L12-6 précité, à l'exception des questions préjudicielles touchant à l'interprétation ou à la validité des décisions administratives qui relèvent des juridictions administratives ; que la question préjudicielle doit présenter un caractère sérieux et porter sur une difficulté dont la solution est nécessaire au règlement du litige ; que la commune d'IFS soutient que l'arrêté préfectoral de DUP du 26 novembre 1992 pose deux difficultés d'interprétation : - l'une concernant la nature des travaux visés (implantation d'un campus universitaire notamment IUT ou simples travaux de voirie et réseaux ), - l'autre sur la discordance existant entre l'arrêté et le dossier préalable qui sollicitait une DUP pour l'ensemble des 3 ZAC ; que sur le premier point, le Tribunal rappelle que l'arrêté préfectoral a déclaré d'utilité publique les travaux à entreprendre pour l'aménagement de la ZAC équipement sur le territoire de la commune d'IFS ; qu'il ressort du dossier préalable et du rapport du commissaire enquêteur que la ZAC équipement d'une surface de 27 ha était destinée à accueillir des équipements publics à caractère universitaire et de formation (implantation d'un IUT..) et leur accompagnement (résidence d'étudiants, restaurant universitaire) ainsi qu'une salle culturelle et des logements sociaux ; que l'arrêté préfectoral est sans ambiguïté sur la nature des travaux, il n'opère aucune distinction entre les travaux d'aménagement (voirie, réseaux) et les implantations proprement dites, et s'applique donc à l'ensemble des réalisations précitées, nécessaires à l'aménagement de la ZAC ; qu'en tout état de cause la discussion est ici sans utilité pour apprécier la conformité aux objectifs de la DUP, puisqu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur Y..., en date du 18 octobre 2007, qu'une partie de la parcelle litigieuse, seule à avoir été expropriée dans le cadre de la ZAC équipement, a été vendue pour la création d'un lotissement et que l'autre était au 2 juin 2006 dépourvue de toute construction et aménagement ; que sur le deuxième point, il convient de rappeler que dans le cadre de son programme d'aménagement d'ensemble (PAE), la commune d'IFS a décidé de scinder le projet en 3 zones : une ZAC habitat de 30 ha, une ZAC équipement d'une superficie de 27 ha, une zone NA destinée à être aménagée à la suite de la ZAC habitat ; que la défenderesse se prévaut d'un dossier préalable à la DUP comportant notamment une note de présentation, le tout afférent à l'ensemble des trois zones ; qu'or il résulte des pièces communiquées par la préfecture que l'arrêté du 26 novembre 1992 qui concerne uniquement la ZAC équipement, a été pris au vu d'un dossier préalable et d'une enquête publique qui portent exclusivement sur cette zone ; qu'il apparaît donc que pour des raisons ignorées, la commune d'IFS n 'a pas déposé de dossier pour les ZAC habitat et NA ; qu'il s'ensuit que la conformité de la destination de la parcelle expropriée avec les objectifs de la DUP doit s'apprécier par rapport à la seule ZAC équipement ; qu'ainsi l'arrêté litigieux ne souffre d'aucune difficulté d'interprétation pouvant constituer une question préjudicielle ; qu'en conséquence les demandes de sursis à statuer et de renvoi devant la juridiction administrative seront rejetées ;
Alors que lorsque l'interprétation d'une déclaration d'utilité publique se heurte à une difficulté sérieuse, le juge judiciaire, qui ne peut y procéder, est tenu de poser une question préjudicielle au juge administratif ; qu'ainsi en cas d'hésitation sur l'interprétation d'une DUP, la juridiction judiciaire saisie doit surseoir à statuer ; qu'en affirmant qu'il n'existait aucune difficulté sérieuse d'interprétation d'une part, sur l'appréciation de l'étendue géographique de la DUP du 26 novembre 1992, et d'autre part, sur la définition des travaux déclarés d'utilité publique, pour refuser de renvoyer la question préjudicielle au juge administratif, tout en procédant cependant à l'interprétation de ladite DUP, qui se heurtait à une difficulté sérieuse, au regard de l'ensemble de ses actes préparatoires (dossier préalable, rapport du commissaire enquêteur, note de présentation), la cour d'appel a commis un excès de pouvoir en violation de la loi du 16-24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor An III.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la commune d'IFS à payer aux consorts X... la somme de 860.000 euros au titre du préjudice résultant de la perte de la plus value, avec intérêt au taux légal à compter du jugement ;
Aux motifs propres que sur la demande de rétrocession des consorts X... ; que la décision frappée d'appel doit être confirmée par adoption des motifs pertinents des premiers juges ; que les moyens soulevés à nouveau en cause d'appel par la commune d'Ifs sont inopérants dès lors que seule la parcelle A Y. 16 appartenant aux consorts X... a été expropriée dans le cadre de la DUP ; que sur le droit à indemnisation des consorts X..., si la commune d'Ifs soutient que l'ancienne parcelle des consorts X... est située dans une ZAC de sorte que le prix du terrain nu sans aménagement doit être calculé en tenant compte de la participation prévue à l'article L. 311 - 4 du code de l'urbanisme qui dispose que pour déposer un permis de construire dans la ZAC, il est nécessaire que le demandeur justifie d'un accord pour le règlement de sa participation à l'équipement de la zone, le tribunal a, pour le calcul du préjudice, déduit les aménagements de viabilisation réalisés par la commune depuis 2007 à hauteur de 545 300 € ; que les consorts X... soutiennent que l'expert a comptabilisé deux fois le coût des aménagements, d'une part en tenant compte des aménagements prévisibles pour évaluer les terrains dans la fourchette basse et, d'autre part, en les déduisant du montant de leur préjudice ; que toutefois, la valeur vénale actuelle de l'immeuble doit être appréciée dans l'état où il se trouvait lors de l'expropriation et compte tenu de sa situation administrative et de l'état du marché immobilier, actuellement ; qu'en 1994 la parcelle expropriée était un terrain nu sans aménagement, c'est donc à juste titre que le tribunal a, pour le calcul du préjudice, déduit les aménagements de viabilisation réalisés par la commune depuis 2007, soit la somme de 545 300 €, pour la première phase seulement ; que les éléments de comparaison retenus par l'expert étant des terrains à bâtir, il convient de retenir la fourchette basse des prix pratiqués pour tenir compte des aménagements restant à effectuer ; que compte tenu des éléments de comparaison produits, et de la situation de la parcelle en bordure du boulevard périphérique, le prix de 16 € le mètre carré doit être retenu pour la partie située en zone Udc et celui de 40 € le mètre carré pour la partie située en zone Udb ; que le jugement frappé d'appel sera confirmé en ce qu'il a fixé à 860 000 € le préjudice résultant de la perte de la plus-value ; qu'enfin, les modalités de calcul du préjudice de jouissance, consistant à capitaliser le préjudice principal par application du taux d'intérêt légal, ne sont pas remises en cause ;
Aux motifs adoptés que sur le droit à rétrocession des consorts X..., le délai de 5 ans mentionné à l'article L.12-6 alinéa 1 du Code de l'expropriation, dans lequel l'expropriant doit donner au bien exproprié la destination prévue dans l'acte déclaratif d'utilité publique, court à compter de l'ordonnance d'expropriation, soit en l'espèce à compter du 30 septembre 1994 ; que la conformité des réalisations effectuées avec les objectifs poursuivis par la DUP doit s'apprécier au regard de l'ensemble des parcelles expropriées pour la réalisation de l'opération et non pas au regard de chaque parcelle prise isolément ; que comme l'a confirmé la ville d'IFS à l'audience du 9 juin 2009 (cf procès verbal d'audience), la parcelle AY 16 des consorts X... d'une surface de 5 ha 75 a été le seul immeuble exproprié dans le cadre de la DUP ; qu'il s'ensuit que l'ensemble des parcelles expropriées se réduisant à la parcelle AY 16, l'analyse de la conformité à la DUP doit se faire par rapport à ce seul terrain ; que la lecture du rapport d'expertise de Monsieur Y... fait apparaître : - que lors de la réunion du 2 juin 2006, une partie de la parcelle AY 16 avait fait l'objet d'une cession au profit d'un lotissement voisin réalisé par la Société EDBPIDES, recevant ainsi une affectation non conforme à la destination prévue ; que le reste de la parcelle (la plus grande partie) était quasiment nue sans aucun aménagement particulier ; - que la portion non cédée au lotissement EDIHDES est en cours d'aménagement depuis seulement 2007, soit 13 ans après l'ordonnance d'expropriation ; que la ville d'EFS ne produit aucun élément de nature à infirmer les constatations de l'expert et notamment à établir qu'à l'expiration du délai imparti, soit avant le 30 septembre 1999, une partie du programme d'aménagement avait au moins été entreprise sur la parcelle litigieuse ; que par conséquent, il y a lieu de constater que celle-ci n'a pas, ne serait ce que partiellement, reçu dans le délai de 5 ans la destination prévue par la DUP, et de reconnaître aux consorts X... le droit à rétrocession de leur parcelle ; sur le droit à indemnisation des consorts X..., qu'il est constant que la rétrocession est en l'espèce impossible compte tenu des aménagements de viabilisation (réseaux, voies publiques de desserte...) réalisés par la commune, de la vente d'une partie de la parcelle à la Société EDDFIDES et des compromis de vente qui semblent avoir été passés sur l'autre partie avec des personnes publiques (Rectorat de Caen ) et privées (Société SERIENCE SSR) ; que l'exproprié est dès lors fondé à obtenir la réparation du dommage subi du fait de la perte de la plus-value acquise par le bien exproprié ainsi que de la privation de jouissance dudit bien ; que pour la perte de plus value, il faut prendre en compte la valeur vénale actuelle du terrain déduction faite de l'indemnité d'expropriation versée et des intérêts capitalisés de cette somme ; que la parcelle A Y16 est actuellement divisée en 2 zones Udb correspondant à un secteur mixte à caractère urbain destiné à accueillir de l'habitat et toutes activités liées ou complémentaires au campus universitaire et L/DC correspondant à une zone réservée aux activités universitaires ; qu'en prenant pour référence plusieurs termes de comparaison, Monsieur Y... estime la valeur moyenne actuelle de la partie située en zone UDC à 16 euros le m2 et celle de la partie située en zone UDb à 40 euros le m2, soit une valeur globale actuelle de la parcelle AY 16 s'élevant à (27.500 m2 x 16 euros le m2) + (30.000 m2 x 40 euros le m2) = 1.640.000 euros ; que l'expert évalue le préjudice, hors trouble de jouissance, des consorts X... de la manière suivante : 1.640.000 euros (valeur actuelle globale) - 230.379,50 euros (prix payé par la ville d'IFS revalorisé en fonction de l'érosion monétaire) = 1.409.620, 50 euros - 545.300 euros (travaux d'aménagement effectués depuis 2007 dans le cadre de la première tranche) = 860.000 euros ; que la valeur vénale actuelle de l'immeuble doit être appréciée dans l'état où il se trouvait lors de l'expropriation et compte tenu de sa situation administrative et de l'état du marché immobilier aujourd'hui ; qu'en 1994 la parcelle A Y16 était un terrain nu sans aménagement c'est donc ajuste titre que l'expert a :- retenu une estimation se situant dans la partie basse de la fourchette de prix, notamment pour la zone UDb afin de tenir compte des aménagements en termes de viabilité (réseaux ...) restant à effectuer sur le terrain, - pour le calcul du préjudice, déduit les aménagements de viabilisation réalisés par la commune depuis 2007 à hauteur de 545.300 euros ; que dès lors il convient d'homologuer le rapport d'expertise et de condamner la ville d'IFS à payer aux consorts X... la somme de 860.000 euros au titre du préjudice résultant de la perte de la plus value, avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement ; que s'agissant du préjudice de jouissance, il y a lieu de retenir la méthode de l'expert en capitalisant le préjudice principal fixé ci dessus avec un intérêt financier conforme au taux d'intérêt légal applicable en matière civile et commerciale soit 3,47 % eu 1999, 2,74 % en 2000, 4,26 % en 2001, 4,26 % en 2002,3,29 % en 2003,2,27 % en 2004,2,05 % en 2005, 2,11 % en 2006 et 2,95 % en 2007 ;
Alors que la conformité des réalisations effectuées avec les objectifs poursuivis par la déclaration d'utilité publique doit s'apprécier au regard de l'ensemble des parcelles acquises pour la réalisation de l'opération et non pas seulement au regard des seules parcelles appartenant à l'exproprié ; que la commune d'IFS soutenait que la Cour d'appel devait apprécier la conformité des réalisations effectuées avec les objectifs poursuivis par la déclaration d'utilité publique, au regard de l'ensemble des parcelles visées dans la DUP c'est-à-dire aussi bien au regard du terrain des consorts X... que des autres terrains de la ZAC Équipement ayant été acquis à l'amiable ; qu'en affirmant que ce moyen était inopérant au motif que seule la parcelle AY16 appartenant aux consorts X... a été expropriée dans le cadre de la DUP, bien qu'il y ait eu d'autres parcelles acquises à l'amiable, la Cour d'appel a violé l'article L.12-6 du Code de l'expropriation.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné la commune d'IFS à payer aux consorts X... la somme de 235.640 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté au 31 décembre 2007 et y ajoutant, de l'avoir condamné à leur payer la somme de 72.240 euros en réparation de son préjudice de jouissance pour les années 2008, 2009 et 2010 ;
Aux motifs propres qu' enfin, les modalités de calcul du préjudice de jouissance, consistant à capitaliser le préjudice principal par application du taux d'intérêt légal, ne sont pas remises en cause ; que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a fixé à 235.640 € le préjudice de jouissance arrêté au 31 décembre 2007 ; qu'il sera toutefois complété par la condamnation de la commune d'Ifs au paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 860.000 €, pour les années 2008, 2009 et 2010, soit la somme de 72.240 € ;
Aux motifs adoptés que s'agissant du préjudice de jouissance, il y a lieu de retenir la méthode de l'expert en capitalisant le préjudice principal fixé ci dessus avec un intérêt financier conforme au taux d'intérêt légal applicable en matière civile et commerciale soit 3,47 % eu 1999, 2,74 % en 2000, 4,26 % en 2001, 4,26 % en 2002,3,29 % en 2003,2,27 % en 2004,2,05 % en 2005, 2,11 % en 2006 et 2,95 % en 2007 ; que le préjudice de jouissance depuis 1999, arrêté au 31 décembre 2007, peut alors être évalué comme suit : 860.000 euros x 27,04 % = 235.640 euros ; que la commune d'IFS sera condamnée au paiement de cette somme avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement ;
1°) Alors que ne doit pas être pris en compte dans l'évaluation du dommage lié à l'impossibilité de rétrocéder les biens expropriés le préjudice pour trouble de jouissance qui est causé par l'expropriation ; qu'en décidant néanmoins d'allouer aux consorts X... une indemnité au titre du préjudice de jouissance, la Cour d'appel a violé l'article L.12-6 du Code de l'expropriation ;
2°) Alors que, à titre subsidiaire, la privation de jouissance subi par l'exproprié qui n'a pu obtenir la rétrocession de son terrain, prend fin au jour où son droit à rétrocession lui a été reconnu ; qu'en l'espèce, le droit à rétrocession des consorts X... a été reconnu par jugement du 31 août 2009 ; qu'en indemnisant le préjudice de jouissance pour les années 2009 et 2010, la Cour d'appel a violé l'article L.12-6 du Code de l'expropriation.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-24213
Date de la décision : 16/01/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Rétrocession - Conditions - Immeuble n'ayant pas reçu la destination prévue - Eléments à considérer - Ensemble des parcelles acquises pour la réalisation de l'opération déclarée d'utilité publique

Le respect de la destination prévue par la déclaration d'utilité publique, au sens de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation doit s'apprécier au regard de l'ensemble des parcelles acquises pour la réalisation de l'opération déclarée d'utilité publique


Références :

article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 21 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 16 jan. 2013, pourvoi n°11-24213, Bull. civ. 2013, III, n° 2
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, III, n° 2

Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Petit
Rapporteur ?: Mme Abgrall
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.24213
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