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15/01/2013 | FRANCE | N°11-18140

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 janvier 2013, 11-18140


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 11134-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que Mme X... a été recrutée le 9 août 1971 en qualité de sous-chef de section par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ; qu'à la suite de son élection en qualité de conseiller prud'homme, elle a, à sa demande, été détachée à temps plein auprès de la CFDT, son employeur continuant à lui verser sa rémunération ; qu'elle a été réintégrée le 4 avril 2005 au sein de l'ACOSS

en qualité de chargée d'études juridiques ; qu'elle a fait valoir ses droits à la retr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 11134-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que Mme X... a été recrutée le 9 août 1971 en qualité de sous-chef de section par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ; qu'à la suite de son élection en qualité de conseiller prud'homme, elle a, à sa demande, été détachée à temps plein auprès de la CFDT, son employeur continuant à lui verser sa rémunération ; qu'elle a été réintégrée le 4 avril 2005 au sein de l'ACOSS en qualité de chargée d'études juridiques ; qu'elle a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er mai 2006 ; qu'estimant avoir subi une discrimination dans son déroulement de carrière en raison de son activité représentative et syndicale, elle a saisi la juridiction prud'homale de plusieurs demandes ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes portant sur son déroulement de carrière tant pendant son détachement qu'à son issue, la cour énonce que pour la période courant à compter de sa réintégration à l'ACOSS Mme X... "ne démontre pas davantage un comportement ou des agissements discriminatoires de la part de son employeur" ;
Qu'en statuant ainsi alors que l'intéressée, à qui la charge de la preuve de la discrimination n'incombe pas, alléguait un ensemble de faits postérieurs à sa réintégration et de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... et au syndicat CFDT francilien des Agents de la sécurité sociale, la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X... et le syndicat CFDT francilien des agents de la sécurité sociale.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Madame X... fondées sur la discrimination et tendant à obtenir le bénéfice rétroactif du niveau 9 de la classification conventionnelle à partir du 4 avril 2005, ainsi que diverses sommes à titre de rappel de salaires et congés payés afférents, et à titre de dommages et intérêts pour compenser le préjudice subi.
AUX MOTIFS QUE de 1988 au 3 avril 2005, Michèle X..., cadre de l'ACOSS, a été, en dehors de tout contrat écrit, mise par son employeur à la disposition de l'union départementale CFDT. Pendant cette période, l'ACOSS lui a versé ses salaires, a enregistré ses congés et a continué à gérer l'évolution de sa carrière. S'il ne définissait plus le contenu de ses activités, l'employeur continuait à exercer son autorité et son contrôle en appréciant l'accroissement de compétences défini conventionnellement, en lui attribuant des degrés de développement, en la positionnant sur la grille des emplois et en la faisant accéder au niveau supérieur de la classification conventionnelle. Il résulte de cette situation que le lien de subordination n'a pu être transféré au syndicat CFDT bénéficiaire de la mise à disposition de la salariée. Michèle X... se plaint du traitement discriminatoire de sa carrière dès 1974, année où elle a créé la section syndicale CFDT. Cependant, l'examen de sa carrière montre qu'elle a bénéficié de promotions régulières en 1977, 1978 et 1980, passant en trois ans de cadre de niveau I B à cadre de niveau II, ce qui semble favorable par comparaison au résumé de carrière des cadres de niveau comparable figurant sur le tableau présenté par le délégué du personnel à l'appui de la réclamation formée le 24 mai 2006 sur le fondement de l'ancien article L. 422-1-1 du Code du travail (L.2313-2). De 1988, année de son 'détachement' auprès de la CFDT, jusqu'au 3 avril 2005, la salariée qui n'a jamais demandé sa réintégration au sein de l'ACOSS, a néanmoins bénéficié d'un développement de carrière conventionnellement réservé aux employés de cet organisme puisqu'elle a accédé à un premier degré en juillet 1997 et à un deuxième degré en juillet 1999. L'application bienveillante qui lui a été faite du protocole d'accord du 14 mai 1992 relatif à la classification des emplois des personnels employés et cadres sans la soumettre à la procédure de validation des compétences alors qu'elle n'effectuait aucune prestation de travail pour l'ACOSS exclut toute discrimination syndicale à son égard et ce d'autant que l'employeur lui versait des rémunérations afin qu'elle travaille pour le compte d'un syndicat. Après sa réintégration, le 4 avril 2005, elle a bénéficié de 3 sessions de formation et la preuve n'est pas rapportée de sa mise à l'écart de l'activité de son service, étant observé qu'elle n'a jamais rendu l'étude sur le télétravail dont sa supérieure hiérarchique l'avait chargée. Pour cette période s'étendant jusqu'au 30 avril 2006, elle ne démontre pas davantage un comportement ou des agissements discriminatoires de la part de son employeur. Positionnée au niveau 7 depuis le 1er janvier 1993, elle ne justifie pas avoir, pour le compte de l'ACOSS, effectué des prestations et rempli des missions comparables à celles qui ont porté certains de ses collègues cadres, engagés au niveau I ou II, jusqu'au niveau 9. C'est donc à raison que le conseil de prud'hommes a considéré que les discriminations invoquées n'étaient pas démontrées et a rejeté l'ensemble des demandes, y compris la demande du syndicat CFDT tendant à la réparation de l'inobservation par l'employeur des dispositions de l' article L. 422-1-1 du Code du travail.
ALORS QUE constitue une discrimination prohibée par les articles L1132-1 et L2141-5 du Code du travail une différence de traitement qui n'est pas justifiée par un motif objectif étranger à toute prise en considération de l'appartenance et l'activité syndicale ; que la cour d'appel a affirmé que l'application du protocole d'accord du 14 mai 1992, alors que la salariée n'effectuait aucune prestation pour l'ACOSS, et ce d'autant que l'employeur lui versait des rémunérations afin qu'elle travaille pour le compte d'un syndicat, excluait toute discrimination ; qu'elle a ainsi fait du détachement syndical une raison objective excluant toute discrimination et, partant, violé les articles L1132-1 et L2141-5 du Code du travail.
ET ALORS QUE l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés mais peut résulter de la seule prise en considération du critère prohibé pour arrêter des décisions concernant un salarié ; que Madame X... faisait valoir notamment qu'elle n'avait en tout et pour tout obtenu qu'un niveau conventionnel supérieur, qu'elle avait été mise à l'écart et qu'elle n'avait jamais été évaluée après sa réintégration ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si ces éléments n'étaient pas révélateurs d'un traitement discriminatoire, par prise en considération de son activité syndicale, au-delà même de la comparaison avec d'autres salariés, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L 1131-1 et L 2141-5 du Code du travail.
ALORS EN OUTRE QU'en tout état de cause Madame X... exposait clairement dans ses conclusions d'appel qu'elle avait été mise à l'écart après sa réintégration et qu'elle n'avait jamais été évaluée, ce qui constituait l'expression d'un traitement discriminatoire à son égard ; qu'en omettant de répondre à ce moyen précis des écritures de Mademoiselle X..., la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du Code de procédure civile.
ALORS ENCORE QUE le fait d'appliquer des dispositions conventionnelles qu'il est tenu d'appliquer ne peut en aucun cas permettre à l'employeur d'établir l'absence de discrimination ; qu'en considérant que le fait que Madame X... ait bénéficié d'un développement de carrière conventionnellement réservé aux employés de cet organisme excluait toute discrimination, la cour d'appel a violé l'article L 1132-1, L 2141-5 et L 1134-1 du Code du travail.
ALORS ENFIN QU'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la Cour d'appel a rejeté les demandes de la salariée en considérant qu'elle ne démontrait pas un comportement ou des agissements discriminatoires; qu'en mettant à la charge de la salariée l'obligation de prouver qu'elle avait subi une discrimination, la Cour d'appel a violé l'article L 1134-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-18140
Date de la décision : 15/01/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 jan. 2013, pourvoi n°11-18140


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.18140
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