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19/12/2012 | FRANCE | N°11-25815

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 décembre 2012, 11-25815


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2011), que M. D'X..., engagé le 2 juillet 1979 par la société Darty et occupant en dernier lieu les fonctions de chef de vente, a été licencié pour faute grave le 26 mars 2007 pour avoir tenu des propos antisémites ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°) qu'aucun fait fautif ne

peut donner lieu, à lui seul, à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2011), que M. D'X..., engagé le 2 juillet 1979 par la société Darty et occupant en dernier lieu les fonctions de chef de vente, a été licencié pour faute grave le 26 mars 2007 pour avoir tenu des propos antisémites ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°) qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu, à lui seul, à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, la date à laquelle les faits décrits par Mme Y...avaient été connus de M. Z..., l'un des responsables de la société Darty, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

2°) qu'en retenant que l'employeur n'avait eu connaissance des propos tenus à M. A... que le 28 février 2007, après avoir constaté qu'à cette date, l'employeur n'avait sollicité que la confirmation des propos tenus à M. A... ce dont il se déduisait nécessairement qu'il avait eu connaissance des faits antérieurement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a, dans l'exercice de son pourvoir souverain d'appréciation, par motifs propres et adoptés, constaté que l'employeur n'avait eu connaissance des propos antisémites tenus par le salarié que lors de témoignages faits au directeur de magasin les 28 février et 2 mars 2007 par deux autres salariés, ce dont il résultait que les faits reprochés n'étaient pas prescrits ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. D'X...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils pour M. d'X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de M. d'X...reposait sur une faute grave et de L'AVOIR, en conséquence, débouté de l'intégralité de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits, imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur ; qu'il appartient à ce dernier, qui s'est placé sur le terrain disciplinaire, de prouver en quoi ils rendaient immédiatement impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, les deux attestations émanant de Djamel C...versées aux débats, l'une par la société Darty, l'autre par M. d'X..., ne sauraient être prises en compte dès lors que l'intéressé, convoqué pour être entendu sous la foi du serment lors de l'enquête ordonnée, ne s'est pas présenté alors que dans sa seconde attestation il indiquait avoir établi la première sous la pression, tout en ne remettant pas en cause les propos indiqués dans la première ; que force est de constater que les témoins entendus dans le cadre de cette enquête ont, sous la foi du serment, confirmé avoir entendu M. d'X...tenir les propos qu'ils ont relatés dans les attestations qu'ils avaient établis et qu'ils avaient réitérés devant huissier ; que Mme Y...a confirmé que, mécontent de l'intervention du directeur des ventes sur le rayon qu'elle rangeait au mois de juillet 2006 ou 2007, sans qu'elle puisse préciser l'année avec certitude, M. d'X...lui avait dit « oh j'en ai marre de ces juifs, si j'avais été là en 40, je les aurais moi-même mis dans le train », l'intéressée ayant, sur interrogation, ajouté, d'une part, qu'elle en avait parlé à M. A... et au stagiaire M. E...ainsi qu'à un autre responsable, M. Z..., auquel elle avait demandé de ne pas le dire à M. F...et, d'autre part, qu'elle n'en avait jamais parlé elle-même à M. F...et à M. G...et qu'elle ignorait à quelle date ces derniers avaient été informés par M. Z..., Mme Y...ayant également précisé qu'elle avait fait spontanément son attestation, après en avoir parlé aux délégués du personnel, et non à la demande de l'employeur ; que M. A... a confirmé qu'entre décembre 2006 et janvier 2007 ou peut-être septembre 2006 et janvier 2007, M. d'X..., mécontent du rangement du rayon qu'il faisait, avait déclaré « durant la seconde guerre, ils n'en ont pas mis suffisamment dans les trains », des propos de même teneur ayant été tenus à l'occasion d'une vente d'un réfrigérateur à une cliente de confession juive, ce qu'il avait pu déterminer par le nom de cette dernièer et le fait que la lampe du réfrigérateur devait pouvoir être dévissée car il ne doit pas il y avoir de lumière le vendredi, l'intéressée ayant par ailleurs précisé que c'est le dernier jour de février 2007, soit le jour de son départ de l'entreprise qu'il en avait informé le directeur du magasin, M. F...qui l'avait fait venir dans son bureau pour lui demander s'il avait entendu ces propos et, la réponse étant positive, si c'était M. d'X...qui les avait tenus ; que si, lors de leur audition en décembre 2010 ces témoins ont eu des hésitations sur l'année pendant laquelle les événements par eux décrits ont eu lieu, ces hésitations ne s'expliquent que par le temps écoulé, le rapprochement des pièces permettant de retenir que les faits décrits par Mme Y...se sont, au regard de la date de sa première attestation, déroulés en juillet 2006 et que ceux décrits par M. A... n'ont, qu'ils aient eu lieu en 2005 ou 2006, été portés à la connaissance de l'employeur que lors de son dernier jour de travail en février 2007 ; qu'aucun mensonge de leur part n'est caractérisé, Mme Y...ayant bien précisé lors de son audition que lorsqu'elle avait dit qu'elle n'en avait parlé à personne, elle visait seulement MM. F...et G...et M. A... n'ayant à aucun moment affirmé que Mme Y...ne lui avait pas fait part des faits qu'elle invoque, le seul fait que lors de son audition il ait indiqué avoir « découvert » que d'autres collègues avaient entendu les mêmes propos ne signifiant nullement qu'il visait expressément Mme Y...; qu'il en résulte que les faits reprochés à M. d'X...dans la lettre de licenciement, qui ne l'accuse nullement d'être raciste mais d'avoir tenu des propos racistes, et ce de manière réitérée, sont caractérisés, étant observé : qu'aucune pression sur les témoins n'est établie alors même que Mme Y...était et est en arrêt de travail prolongé et que M. A... ne faisait plus et ne fait toujours pas partie des effectifs de la société Darty ; que rien ne permet de retenir l'existence d'une cabale, l'appelant n'ayant au demeurant jamais contesté la mise à pied disciplinaire dont il avait fait l'objet le 11 octobre 2005 pour avoir imputé, à tort, à son supérieur hiérarchique des propos racistes à l'occasion du recrutement d'une secrétaire ; que M. d'X...ne démontre du reste aucun lien entre la dénonciation injustifiée qu'il avait faite de l'attitude de M. F...et le licenciement qui sera ensuite prononcé à son encontre alors même qu'il avait été, avec son accord, changé de magasin ; que le refus qui lui a été opposé au titre des RTT était parfaitement justifié ; que le fait que plusieurs collaborateurs ne l'aient pas entendu tenir des propos racistes n'exclut pas qu'il ait tenu de tels propos ; que peu importe que les premières attestations aient été délivrées à l'employeur avant même la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, l'employeur ayant tout intérêt à se prémunir d'un procès éventuel ; que, quelles que soient par ailleurs les qualités professionnelles incontestées de M. d'X...et son ancienneté, la teneur de ses propos rendait, au regard de surcroît de son niveau de responsabilité, immédiatement impossible son maintien au sein de la société, même pendant la durée limitée du préavis ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve des faits constitutifs de la faute grave ; que selon la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la faute grave cause du licenciement du salarié est le fait d'avoir tenu à un stagiaire et à deux vendeurs les propos suivants et ce à trois reprises : « qu'est e que tu veux, M. F...est un juif », « lors de la seconde guerre mondiale, il n'avait pas mis de juifs dans les trains », « j'en ai marre de ces juifs, en 40 ils n'en ont pas mis assez dans les trains » ; que l'employeur produit les attestations de M. A... en date du 28 février 2006, les parties s'accordant pour considérer qu'il s'agit de l'année 2007, et Mme Y...en date du 2 mars 2007, les signataires de ces attestations étant des vendeurs ; que M. A... déclare que son chef de vente M. d'X...lors d'une conversation concernant la réorganisation du travail à effectuer mandatée par le directeur a dit en sa présence « lors de la 2ème guerre mondiale, il n'avait pas assez mis de juifs dans les trains » et ajoute « ses propos étant plus que choquant je me permets de vous en faire part lors de mon départ de l'entreprise. Merci de prendre en compte mon témoignage », le signataire de cette attestation ayant réitéré ses déclarations dans une seconde attestation rédigée en présence d'un huissier le 25 juin 2006 avec l'ajout que la demande formulée par M. F...se situait lors des fêtes de noël et de fin d'année ; qu'il est établi par le certificat de travail que ce salarié a quitté l'entreprise le 28 février 2007 ensuite de sa démission donnée le 27 janvier 2007 ; que Mme Y...déclare qu'au mois de juillet, M. G...lui a suggéré de refaire certains rayons, qu'étant seule ce jour là, elle a commencé ce rangement et en a informé son responsable, M. d'X..., seulement le lendemain matin, que vexé de ne pas en avoir été informé directement, il se fâcha et lui dit « j'en ai marre de ces juifs, en 40 ils n'en ont pas mis assez dans les trains » en ajoutant que jusqu'à ce jour, elle n'a pas révélé ces propos car elle avait peur des représailles et qu'elle avait honte qu'en 2006, de tels propos existent toujours, cette salariée ayant réitéré ces déclarations dans une seconde attestation rédigée le 25 juin 2008 en présence d'un huissier ; que l'employeur établit que cette salariée a été élue déléguée du personnel suppléante le 26 avril 2007 ; que ces attestations sont claires et précises tant en ce qui concerne les propos tenus par le salarié, et les circonstances dans lesquelles ils ont été tenus ; qu'en outre, il résulte de ces attestations, que l'employeur n'a eu connaissance des propos tenus par le salarié que, s'agissant de la déclaration de M. A... qui a quitté l'entreprise le 27 février et le 2 mars 2007 par Mme Y...qui déclare ne pas avoir révélé ces propos antérieurement par peur des représailles, étant, d'ailleurs constaté, que son attestations a été rédigée alors qu'elle avait été élue déléguée suppléante du personnel le 26 avril 2004 et qu'elle était alors salariée protégée ; qu'il importe donc peu que les dates auxquelles ces propos ont été tenus ne soient pas précisées dès lors que le point de départ du délai de deux mois au-delà duquel l'engagement des poursuites n'est plus possible a pour point de départ la connaissance par l'employeur des faits fautifs ; qu'il résulte des pièces produites par le salarié que celui-ci a dénoncé au directeur général de Darty par courrier du 10 juin 2005 les consignes de travail données en réunion concernant les prochains recrutements de secrétaires qui contenaient des critères discriminatoires et des propos raciaux, une mesure discriminatoire et de harcèlement moral ensuite d'une lettre en date du 7 juin 2005 dans laquelle un plan d'action devait être mis en oeuvre pour que le salarié s'améliore et qu'ensuite d'une procédure disciplinaire engagée le 29 juillet 2005, le comité d'entreprise a été consulté le 29 septembre 2005 sur la mesure de licenciement envisagée à l'encontre de M. d'X...dont le motif, ainsi que cela résulte de l'ordre du jour, était « accusation non fondée de propos racistes prêtés par M. d'X...à son responsable hiérarchique rapportée par écrit au directeur général de l'entreprise de nature à porter atteinte à la carrière, et à la réputation de son responsable hiérarchique et au bon fonctionnement du service et que le salarié a fait l'objet d'une mesure de mise à pied disciplinaire de 5 jours non motivée notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 octobre 2005, étant constaté qu'aucune lettre de contestation de cette sanction n'est produite aux débats ; que la seule concomitance des dates du courrier de l'ancien stagiaire et des deux salariés de l'entreprise ne sont pas de nature à remettre en cause la sincérité des attestations produites qui sont exprimées en termes clairs et précis et dont les contenus sont cohérents ; qu'en outre, aucun élément ne permet de constater un lien entre la sanction disciplinaire notifiée au salarié le 11 octobre 2005 même non motivée mais non contestée et la procédure de licenciement engagée à l'encontre du salarié ; qu'en conséquence, les propos tenus de manière récurrente à deux salariés de l'entreprise par M. d'X...et dirigés contre le supérieur hiérarchique de ce dernier de nature antisémites sont constitutifs d'une faute grave même si le salarié avait un peu plus de 28 ans d'ancienneté ;

1°/ ALORS QU'aucun fait fautif ne peut donner lieu, à lui seul, à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, la date à laquelle les faits décrits par Mme Y...avaient été connus de M. Z..., l'un des responsables de la société Darty, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

2°/ ALORS QU'en retenant que l'employeur n'avait eu connaissance des propos tenus à M. A... que le 28 février 2007, après avoir constaté qu'à cette date, l'employeur n'avait sollicité que la confirmation des propos tenus à M. A... ce dont il se déduisait nécessairement qu'il avait eu connaissance des faits antérieurement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1332-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-25815
Date de la décision : 19/12/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 septembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 déc. 2012, pourvoi n°11-25815


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.25815
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