LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 7 juin 2011), que M. X..., engagé par la société Faurecia bloc le 13 septembre 1976, occupait depuis près de douze ans un emploi de magasinier cariste lorsqu'il a été licencié pour faute par lettre recommandée du 7 janvier 2008 pour avoir apporté et consommé du vin dans l'entreprise ; qu'il a contesté le bien fondé de son licenciement ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et de le condamner, en conséquence, au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge a l'obligation d'indiquer l'origine et la nature des renseignements qui ont servi à motiver sa décision ; qu'en l'espèce, l'employeur contestait expressément avoir eu connaissance de la consommation d'alcool par le salarié et son collègue lors des pauses et soutenait qu'ils avaient agi en secret, et produisait les attestations de MM. Y... et Z..., responsables logistiques, dont il résultait que les salariés, lorsqu'ils avaient été surpris en train de consommer du vin le 14 décembre 2007, avait dans un premier temps cherché à dissimuler leur acte, ce qui établissait qu'ils souhaitaient le cacher ; qu'en affirmant qu'il était «établi» qu'aucune sanction ne leur avait jamais été notifié pour de tels faits ni même pour d'autres faits «alors qu'ils ne se cachaient pas», sans indiquer de quel élément elle tirait une telle affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges sont tenus d'examiner toutes les pièces produites par les parties au soutien de leurs prétentions ; que l'employeur avait versé aux débats des attestations dont il ressortait que le salarié avait reconnu avoir consommé du vin en dépit de l'interdiction absolue édictée par le règlement intérieur ; qu'ainsi, il produisait une attestation de M. Z..., responsable logistique, selon laquelle «MM. X... et X... ont reconnu avoir consommé de l'alcool et être en faute par rapport au règlement intérieur de l'usine» et une attestation de M. A..., gestionnaire du personnel, indiquant que «ces deux salariés savaient de plus notre extrême sévérité à faire respecter la non introduction et la non consommation d'alcool sur le site» ; qu'en jugeant que l'employeur n'établissait pas avoir régulièrement informé le personnel de l'interdiction de consommer du vin, sans examiner ces attestations qui établissaient que M. X... en était, lui, parfaitement informé, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que les juges sont tenus d'examiner toutes les pièces produites par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour établir qu'après la réunion du CHSCT de janvier 2008, le personnel avait de nouveau été régulièrement informé de l'interdiction d'introduire et de consommer du vin dans l'entreprise, l'employeur avait versé aux débats une note d'information GAP du 12 février 2008 rappelant que «l'introduction de boissons alcoolisées est strictement interdite» ; qu'en affirmant qu'aucun document ne permettait de vérifier que cette information, préconisée par le CHSCT, avait été régulièrement donnée aux salariés, sans examiner cette note d'information, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en tout état de cause, qu'à supposer l'article 4-1 du règlement intérieur de l'entreprise non opposable aux salariés, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement le fait pour un salarié dont les fonctions consistent à conduire un véhicule de le faire sous l'emprise d'un état alcoolique, même si son taux d'alcoolémie est inférieur au taux pénalement punissable ; qu'en l'espèce, le salarié avait reconnu qu'il consommait habituellement du vin sur son lieu de travail lors des pauses et que le jour des faits litigieux il avait consommé deux verres de vin, ce qui lui était reproché dans la lettre de licenciement ; qu'en s'abstenant d'examiner si une telle consommation d'alcool, pendant les pauses, ne constituait pas en tout état de cause, compte tenu des fonctions de cariste du salarié et des conditions d'exercice de celles-ci, une faute justifiant le prononcé du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-1 et L. 1232-6 du code du travail ;
5°/ que le juge a l'obligation d'indiquer l'origine et la nature des renseignements qui ont servi à motiver sa décision ; que la lettre de licenciement de janvier 2008 fait état d'une mise à pied disciplinaire prononcée à l'encontre de M. X... le 12 juin 2007 notamment pour «non-respect des règles générales de sécurité», sanction dont le salarié n'avait pas contesté l'existence ; qu'en disant que le salarié licencié pour «comportement récurrent concernant le non-respect de prescriptions de sécurité» n'avait jamais été sanctionné ou averti pour des faits similaires ni même pour d'autres faits, sans indiquer de quel élément elle tirait une telle affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'il n'était pas reproché au salarié d'avoir été en état d'ivresse ou d'ébriété et relevé qu'il n'était justifié d'aucune sanction ou avertissement préalable à l'encontre de ce salarié qui avait une ancienneté dans l'entreprise de plus de trente-deux ans, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, n'a fait qu'exercer les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail pour en déduire que le licenciement du salarié n'avait pas de cause sérieuse et a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Faurecia bloc avant aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Faurecia bloc à payer à M. X... la somme de 1 250 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Faurecia bloc avant.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de monsieur X... ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société FAURECIA BLOC AVANT à payer à monsieur X... les sommes de 28.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et D'AVOIR ordonné le remboursement par la société FAURECIA BLOC AVANT aux organismes concernés des indemnités chômage versées au salarié dans la limite de six mois à compter du licenciement ;
AUX MOTIFS QUE monsieur Philippe X..., salarié de la société Faurecia Bloc Avant depuis le 13 septembre 1976 et occupant depuis près de douze ans l'emploi de magasinier cariste, ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement notifiée le 7 janvier 2008 visant des faits commis le 14 décembre 2007 suivis d'une mise à pied à titre conservatoire, mais conteste principalement la nature de la sanction prise ainsi que la licéité de l'article du règlement intérieur sur lequel repose la sanction, à savoir l'article 4-1 dudit règlement entré en vigueur le 1er juin 2004, lequel est ainsi rédigé: "Il est interdit de pénétrer ou de séjourner dans l'établissement en état d'ivresse. L'introduction de boissons alcoolisées est strictement interdite. Tout membre du personnel dont le comportement laisse supposer une consommation excessive d'alcool est reconduit à ses frais et sans délai jusqu'à son domicile. Tout salarié qui contesterait son état d'imprégnation alcoolique pourra proposer d'en faire la preuve en usant d'un éthylomètre mis à sa disposition par le service du personnel. Lorsque l'état d'un salarié constitue, du fait de ses fonctions, un risque grave ou une situation dangereuse pour sa sécurité ou celle des tiers, la direction pourra imposer un moyen de contrôle du taux d'alcoolémie dans les limites fixées par la loi en vigueur (tels que l'alcootest, éthylomètre ...) dans le but de prévenir ou de faire cesser immédiatement cette situation dangereuse ou ce risque grave. Ce contrôle est effectué à la demande des représentants de la direction ayant la responsabilité de l'application des règles de sécurité et d'hygiène sur les lieux de travail et il est réalisé par un représentant des services des ressources humaines ou hygiène sécurité. Un membre du CHSCT ou, à défaut un délégué du personnel ou, à défaut, un autre membre du personnel pourra sur la demande de l'intéressé être présent lors de ce test. Le salarié peut contester le résultat en apportant la preuve contraire et peut demander une contre-expertise" ; Attendu que ce texte est plus restrictif que l'article R. 4228-20 du code du travail qui dispose qu'aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail, mais a néanmoins vocation à être appliqué dès lors qu'il a été adopté régulièrement et qu'il vise à améliorer la sécurité du personnel dans l'entreprise en limitant autant que possible les risques liés à l'alcool; Que toutefois une telle interdiction de toute boisson alcoolisée depuis le 1er juin 2004 doit nécessairement être accompagnée d'une information exhaustive et régulière, notamment en ce qui concerne l'introduction sur le site de l'entreprise de boissons comme le vin ou la bière, lesquelles étaient autorisées avant l'entrée en vigueur de ce règlement, étant relevé que l'article 4-1 du règlement intérieur porte essentiellement sur les moyens de contrôler la consommation excessive d'alcool et ses conséquences, et que l'interdiction de l'introduction de boissons alcoolisées sur le site n'est que l'un des moyens de prévention de l'alcoolisme; Qu'en l'espèce, s'il est constant que M. X... et son collègue M. B... ont introduit sur le site de l'entreprise une bouteille de vin le 14 décembre 2007 et ont consommé du vin vers 18 heures lors d'un casse-croûte pris au réfectoire, et si ces derniers ont reconnu qu'ils agissaient habituellement ainsi, il est également établi qu'aucune sanction ni avertissement ne leur avait jamais été notifié pour de tels faits, ni même pour d'autres faits, alors qu'ils ne se cachaient pas, Mr B..., qui avait également interjeté appel du jugement le déboutant de ses demandes, ayant même précisé à l'audience où les deux affaires ont été appelées, que les verres étaient sur la table; Que dès lors se pose nécessairement la question de l'information donnée aux salariés quant à l'interdiction d'introduire notamment du vin dans la cafétéria, alors qu'une telle consommation était selon les salariés eux-mêmes habituelle et faite au vu et au su de tous, et qu'en tout cas se pose la question de la proportionnalité de la sanction étant acquis qu'aucun reproche n'est fait au salarié quant à un quelconque état d'ivresse ou d'ébriété, seule la violation du règlement étant en cause; Que les documents produits aux débats permettent de relever des carences dans le domaine de l'information et de la prévention, ainsi que cela résulte notamment du procès- verbal de la réunion du CHSCT tenue quelque peu tardivement en janvier 2008 à la demande des membres de ce comité en date du 23 octobre 2007, l'un des membres, M. C..., s'étant exprimé ainsi: « Il n'y a pas eu d'information de faite concernant la consommation du quart de litre de vin rouge lors des repas. Nous sommes intimement convaincus que % du personnel pensent qu'il est toujours possible de consommer ce quart de litre de vin rouge. Cela pose problème et la dernière information concernant l'interdiction de consommer de l'alcool date du 27 juillet 2000. S'il n'y a pas d'informations de faites de façon régulière, les choses sont oubliées. Nous tenons donc à faire prendre en compte deux points: -il y a un gros travail d'information à faire auprès du personnel, -il n'y a plus du tout de politique de prévention de faite, un travail de prévention est donc à faire ... La direction ne voit plus que la répression au détriment de la prévention» ; Qu'aucun document probant ne permet de vérifier qu'une telle information a été donnée régulièrement aux salariés, étant relevé que l'inspecteur du travail, dans une lettre adressée à l'employeur le 29 février 2008, a demandé à ce dernier de porter à sa connaissance le contenu de l'information faite à l'attention du personnel sur cette question de l'alcool et de sa consommation dans l'établissement, la suite donnée n'étant pas connue de la cour ; Qu'au vu de ces éléments, si le fait reproché à M. X... est bien réel, il ne peut être qualifié de sérieux faute de preuve d'une information et d'une prévention suffisantes, étant à nouveau relevé qu'il n'est justifié d'aucune sanction ou avertissement préalable à l'encontre de ce salarié qui a ..uvré au service de l'entreprise depuis 1976 ; Que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, a débouté M. X... de sa demande et l'a condamné aux dépens; Que ce dernier, né en 1957, comptait près de ans d'ancienneté; qu'il a incontestablement subi un préjudice du fait de son licenciement, étant relevé que sa situation après le licenciement n'est pas connue ; qu'une indemnité de 28.000 € lui sera allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse; Qu'il sera d'autre part fait application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail concernant le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois; Qu'il sera en outre alloué une indemnité de 800 € à M. X... au titre de l'ensemble de ses frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
1. – ALORS QUE le juge a l'obligation d'indiquer l'origine et la nature des renseignements qui ont servi à motiver sa décision ; qu'en l'espèce, l'employeur contestait expressément avoir eu connaissance de la consommation d'alcool par le salarié et son collègue lors des pauses et soutenait qu'ils avaient agi en secret, et produisait les attestations de messieurs Y... et Z..., responsables logistiques, dont il résultait que les salariés, lorsqu'ils aveint été surpris en train de consommer du vin le 14 décembre 2007, avait dans un premier temps cherché à dissimuler leur acte, ce qui établissait qu'ils souhaitaient le cacher ; qu'en affirmant qu'il était « établi » qu'aucune sanction ne leur avait jamais été notifié pour de tels faits ni même pour d'autres faits « alors qu'ils ne se cachaient pas », sans indiquer de quel élément elle tirait une telle affirmation, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2. – ALORS QUE les juges sont tenus d'examiner toutes les pièces produites par les parties au soutien de leurs prétentions ; que l'employeur avait versé aux débats des attestations dont il ressortait que le salarié avait reconnu avoir consommé du vin en dépit de l'interdiction absolue édictée par le règlement intérieur ; qu'ainsi, il produisait une attestation de monsieur Z..., responsable logistique, selon laquelle « messieurs X... et X... ont reconnu avoir consommé de l'alcool et être en faute par rapport au règlement intérieur de l'usine » et une attestation de monsieur A..., gestionnaire du personnel, indiquant que « ces deux salariés savaient de plus notre extrême sévérité à faire respecter la non introduction et la non consommation d'alcool sur le site » ; qu'en jugeant que l'employeur n'établissait pas avoir régulièrement informé le personnel de l'interdiction de consommer du vin, sans examiner ces attestations qui établissaient que monsieur X... en était, lui, parfaitement informé, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3. – ALORS QUE les juges sont tenus d'examiner toutes les pièces produites par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour établir qu'après la réunion du CHSCT de janvier 2008, le personnel avait de nouveau été régulièrement informé de l'interdiction d'introduire et de consommer du vin dans l'entreprise, l'employeur avait versé aux débats une note d'information GAP du 12 février 2008 rappelant que « l'introduction de boissons alcoolisées est strictement interdite » ; qu'en affirmant qu'aucun document ne permettait de vérifier que cette information, préconisée par le CHSCT, avait été régulièrement donnée aux salariés, sans examiner cette note d'information, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4. – ALORS, en tout état de cause, QU'à supposer l'article 4-1 du règlement intérieur de l'entreprise non opposable aux salariés, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement le fait pour un salarié dont les fonctions consistent à conduire un véhicule de le faire sous l'emprise d'un état alcoolique, même si son taux d'alcoolémie est inférieur au taux pénalement punissable ; qu'en l'espèce, le salarié avait reconnu qu'il consommait habituellement du vin sur son lieu de travail lors des pauses et que le jour des faits litigieux il avait consommé deux verres de vin, ce qui lui était reproché dans la lettre de licenciement ; qu'en s'abstenant d'examiner si une telle consommation d'alcool, pendant les pauses, ne constituait pas en tout état de cause, compte tenu des fonctions de cariste du salarié et des conditions d'exercice de celles-ci, une faute justifiant le prononcé du licenciement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1235-1 et L.1232-6 du code du travail ;
5. – ALORS QUE le juge a l'obligation d'indiquer l'origine et la nature des renseignements qui ont servi à motiver sa décision ; que la lettre de licenciement du 7 janvier 2008 fait état d'une mise à pied disciplinaire prononcée à l'encontre de monsieur X... le 12 juin 2007 notamment pour « non respect des règles générales de sécurité », sanction dont le salarié n'avait pas contesté l'existence ; qu'en disant que le salarié licencié pour « comportement récurrent concernant le non respect de prescriptions de sécurité » n'avait jamais été sanctionné ou averti pour des faits similaires ni même pour d'autres faits, sans indiquer de quel élément elle tirait une telle affirmation, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;