LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant, tant sur le pourvoi principal formé par la société Jas Hennessy et Co (la société Hennessy) , que sur le pourvoi incident relevé par la société Diptyque ;
Attendu , selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 octobre 2011), que la société Diptyque qui a pour activité la fabrication de bougies parfumées et d'eaux de toilette est titulaire d'une marque française verbale " Diptyque," déposée le 27 novembre 1981 et enregistrée sous le numéro 1 680 475 pour des produits en classes 3, 14, 18, 21, 24 et 25 et régulièrement renouvelée, et d'une marque communautaire verbale "Diptyque", déposée le 11 février 2005 et enregistrée sous le numéro 00 4 292 652 pour les produits et services en classes 3, 14 et 35 ; que la société Hennessy ayant refusé de procéder au retrait de sa marque verbale "Diptyque", déposée le 28 mars 2008 et enregistrée sous le numéro 08 3 565 540 pour désigner des boissons alcooliques, et de retirer du marché les cognacs qu'elle commercialise sous cette marque, la société Diptyque l'a assignée pour atteinte à sa marque de renommée en application de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, atteinte à ses marques antérieures en application de l'article L. 711-4 du même code et de l'article L. 3323-3 du code de la santé publique ainsi qu'en nullité de la marque numéro 08 3 565 540 ;
Sur les deux moyens du pourvoi principal, réunis :
Attendu que la société Hennessy fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nulle cette marque et de lui avoir interdit de commercialiser des boissons alcooliques sous la dénomination Diptyque, alors, selon le moyen :
1°/ que la publicité indirecte en faveur des boissons alcoolisées suppose une propagande ou publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre qu'une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une dénomination, d'une marque, d'un emblème publicitaire ou d'un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique ; que, faute de préciser concrètement en quoi il pouvait y avoir rappel des boissons alcooliques de la société Hennessy et, en particulier, des deux cognacs "Hennessy Diptyque" par une propagande ou une publicité en faveur des produits autres que des boissons alcooliques couverts par la marque antérieure non renommée "Diptyque", ainsi que l'y invitait la société Hennessy dans ses conclusions d'appel, notamment en démontrant qu'un tel rappel était en réalité impossible à raison de quatre circonstances (nature différente des produits en cause, clientèles distinctes, réseaux de distribution distincts et présentations distinctes des signes et des produits), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3323-3 du code de la santé publique ;
2°/ que la publicité indirecte en faveur des boissons alcoolisées au sens de l'article L. 3323-3 du code de la santé publique est autorisée dans les cas énumérés par l'article L. 3323-2 du même code ; qu'elle est notamment autorisée dans la presse écrite, sauf dans les publications à destination de la jeunesse ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la cour d'appel que la société Diptyque alléguait faire de la publicité pour ses produits, sous la marque française et communautaire "Diptyque", dans des "magazines de mode ou décoration" ; que, faute de préciser de façon concrète, compte tenu de l'autorisation de la publicité directe et indirecte des boissons alcoolisées, notamment, dans la presse écrite (sauf les publications à destination de la jeunesse), en quoi le dépôt de la marque "Diptyque" par la société Hennessy pour désigner des boissons alcoolisées et l'usage de cette marque pouvaient entraîner une quelconque entrave à la publicité en faveur des produits couverts par la marque antérieure non renommée "Diptyque", notamment dans la presse écrite correspondant au public de ces produits (magazines de mode ou de décoration), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles L. 3323-2 et L. 3323-3 du code de la santé publique ;
3°/ qu'il ressort de la décision du Conseil constitutionnel n° 90-283 du 8 janvier 1991 que le droit de propriété d'une marque régulièrement déposée n'est pas affecté par la réglementation de la publicité ou la propagande, directe ou indirecte, en faveur du tabac, issue de l'article 3 de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991, aujourd'hui codifié sous l'article L. 1511- 3 du code de la santé publique et, a fortiori, par la réglementation de la publicité en faveur de l'alcool, issue des dispositions moins rigoureuses des articles 10-IV et 10-V de la même loi n° 91-32 du 10 janvier 1991, modifiant l'article 17 du code des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme et créant l'article 17-1 du même code, lesquels sont aujourd'hui devenus les articles L. 3323-2 et L. 3323-3 du code de la santé publique ; qu'en retenant néanmoins qu'il y avait lieu d'annuler la marque "Diptyque" n° 08 3 565 540 déposée par la société Hennessy pour des boissons alcoolisées , la cour d'appel a violé par fausse application les dispositions combinées des articles L. 3323-2 et L. 3323-3 du code de la santé publique ;
4°/ que si les dispositions de l'article 10-V de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991, aujourd'hui codifié sous l'article L. 3323-3 du code de la santé publique, doivent être lues comme autorisant l'annulation d'une marque désignant des boissons alcoolisées, une telle lecture constitue un "changement de circonstances" au sens de l'article 23-2 2° de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, dans sa rédaction issue de la L.O. n° du 10 décembre 2009, de nature à justifier la soumission des dispositions précitées à un nouveau contrôle de constitutionnalité ; que l'abrogation de ces dispositions par le Conseil constitutionnel entraînera la censure de l'arrêt attaqué ;
5°/ que l'article 3-2 a) de la Directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008), selon lequel chaque Etat membre peut prévoir la possibilité d'annuler une marque "dans la mesure où l'usage de cette marque peut être interdit en vertu de la législation autre que celle en matière de droit des marques de l'État membre concerné ou de la Communauté" ne saurait être interprété comme permettant l'annulation d'une marque déposée par un fabricant de boissons alcoolisées alors que la loi Evin, et notamment l'article L. 3323-2 du code de la santé publique, autorise la propagande ou la publicité en faveur des boissons alcooliques ; qu'en l'espèce, en retenant qu'une entrave prétendue apportée à la liberté d'usage d'une marque antérieure désignant des produits complètement différents de boissons alcoolisées par la réglementation de la publicité indirecte des boissons alcooliques était de nature à justifier l'annulation de la marque déposée pour désigner des boissons alcooliques (outre l'interdiction de l'usage de cette marque pour commercialiser des boissons alcooliques), sans s'interroger sur la portée de la faculté ouverte par l'article 3-2 a) de la Directive (CE) 89/104 du 21 décembre 1988, la cour d'appel a opéré une confusion entre la marque susceptible d'être déclarée nulle au visa de l'article 3-2 a) de la Directive (CE) 89/104 du 21 décembre 1988 et la marque dont l'usage est susceptible d'être interdit en vertu de la loi Evin, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des dispositions de ce texte, ensemble celles de l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'union européenne ;
6°/ que l'annulation d'une marque sur le fondement de l'article L. 711-4 a) du code de la propriété intellectuelle suppose que l'usage de la marque seconde porte atteinte au monopole d'exploitation du signe enregistré à titre de marque dans le domaine protégé par le principe de spécialité ; qu'en l'espèce où les spécialités des marques "Diptyque" successivement déposées par la société Diptyque et par la société Hennessy étaient très éloignées, l'entrave à la liberté de publicité des produits désignés par les marques antérieures de la société Diptyque résultant prétendument de la réglementation de la publicité indirecte des boissons alcooliques ne pouvait donc, à la supposer établie, en rien constituer une atteinte au monopole d'exploitation sur le signe antérieurement enregistré par la société Diptyque, protégé par le droit des marques dans les seules limites du principe de spécialité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé par fausse interprétation les dispositions combinées des textes du droit français et communautaire des marques applicables (soit des articles L. 711-4, L. 712-2 et L. 712-3 du code de la propriété intellectuelle, tels qu'ils doivent être interprétés à la lumière des articles 3-2 a), 4-1 b) et 5-1 b) de la Directive (CE) 89/104 du 21 décembre 1988 (repris aux articles 3-2 a), 4-1 b) et 5-1 b) de la Directive (CE) 2008/95 du 22 octobre 2008) et des articles 8-1 b) et 9-1 b) du Règlement (CE) 40/94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire (repris aux articles 8-1 b) et 9-1 b) du Règlement (CE) 207/2009 du 26 février 2009), tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'union européenne), et des articles L. 3323-2 et L. 3323-3 du code de la santé publique ;
7°/ que la publicité indirecte des boissons alcoolisées définie à l'article L. 3323-3 du code de la santé publique est autorisée, comme leur publicité directe, dans les cas énumérés par L. 3323-2 du même code, notamment, "dans la presse écrite à l'exclusion des publications destinées à la jeunesse" ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la cour d'appel que la société Diptyque alléguait faire de la publicité pour ses produits, sous la marque française et communautaire Diptyque, dans des "magazines de mode ou décoration ; que, dès lors, en se bornant à affirmer de façon abstraite et péremptoire, d'une part, que le dépôt de la marque "Diptyque" par la société Hennessy pour des boissons alcoolisées était "de nature à paralyser l'usage" que la société Diptyque faisait de sa marque dès lors qu'elle ne pouvait "plus exercer pleinement son droit de propriété sur le signe Diptyque" et qu'il en résultait "une perte d'efficacité de la marque antérieure constitutive d'une atteinte aux droits de marque" et, d'autre part, que "la commercialisation d'une boisson alcoolique sous ce nom" créait "par elle-même un obstacle à la libre utilisation de la marque antérieure dans la communication publicitaire", sans préciser de façon concrète en quoi la réglementation de la publicité indirecte en matière de boissons alcoolisées, nullement équivalente à une interdiction totale de publicité, pouvait même seulement priver la société Diptyque du droit de poursuivre la publicité de ses produits, sous sa marque "Diptyque", dans les magazines de mode et de décoration et limiter ainsi la libre utilisation de cette marque dans la communication publicitaire en faveur des produits couverts par elle, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des dispositions combinées des textes du droit des marques précités et des articles L. 3323-2 et L. 3323-3 du code de la santé publique ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte de l'article L. 3323-3 du code de la santé publique qu'est considérée comme publicité indirecte en faveur d'une boisson alcoolique et comme telle, soumise aux restrictions prévues à l'article L. 3323-2 du même code, la publicité en faveur d'un produit autre qu'une boisson alcoolique qui par l'utilisation d'une marque, rappelle une telle boisson ; qu'ayant constaté que la société Diptyque avait, depuis le 1er janvier 1990, mis sur le marché sous sa marque "Diptyque" divers produits autres que des boissons alcooliques, et que la société Hennessy faisait usage d'une marque identique pour commercialiser des boissons alcooliques, la cour d'appel qui n'a pas commis la confusion invoquée à la cinquième branche ni méconnu le principe de spécialité, en a exactement déduit , sans avoir à faire d'autres recherches , que le dépôt de la marque "Diptyque" par la société Hennessy et la commercialisation de produits sous celle-ci créaient une entrave à la libre utilisation de la marque première ;
Attendu, en deuxième lieu que, si les dispositions visées à la troisième branche n'affectent pas le droit de propriété sur une marque, c'est à la condition qu'elle ait été régulièrement déposée ;
Attendu, enfin, que la quatrième branche est devenue sans objet par l'effet de la décision d'irrecevabilité n° 860 FS-D de la question prioritaire de constitutionnalité, déposée dans le cadre de ce pourvoi et rendue le 5 juillet 2012 ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident :
Attendu que la société Diptyque fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la déchéance partielle de ses droits sur la marque française numéro 1 680 475 à compter du 29 septembre 1996, alors, selon le moyen, que le demandeur en déchéance de droits de marque ne justifie d'un intérêt à agir que lorsque sa demande tend à lever une entrave à l'utilisation du signe dans le cadre de son activité économique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait retenir que la société Hennessy justifiait d'un intérêt à agir en déchéance partielle des droits de la société Diptyque sur sa marque française n 1 680 475, sans caractériser en quoi cette demande en déchéance partielle tendrait à lever une entrave à l'usage du signe Diptyque dans le cadre de son activité économique ; qu'en se bornant à relever, de manière inopérante, que la société Diptyque invoquait, à l'appui de ses demandes contre la société Hennessy, les droits qu'elle tirait de cette marque, cependant que l'éventuel prononcé d'une déchéance partielle demeurait sans incidence sur l'issue de l'action engagée à son encontre par la société Diptyque sur le fondement de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle et de l'article L. 3323-3 du code de la santé publique, la cour d'appel a violé l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que le demandeur en déchéance de droits sur une marque justifie d'un intérêt à agir lorsque sa demande tend à lever une entrave à l'utilisation du signe dans le cadre de son activité économique ; qu'ayant relevé que la société Diptyque invoquait à l' appui de ses demandes contre la société Hennessy les droits qu'elle tirait de sa marque française numéro 1 680 475, la cour d'appel a pu retenir que la société Hennessy avait un intérêt à demander la déchéance même partielle de ces droits ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen du même pourvoi :
Attendu que la société Diptyque fait grief à l'arrêt d 'avoir rejeté ses demandes fondées sur la renommée des marques française et communautaire "Diptyque", alors, selon le moyen :
1°/ qu'en relevant que la société Diptyque n'aurait pas contesté que les produits concernés par ses marques étaient des produits de consommation courante qui concernaient le grand public constitué de l'ensemble des consommateurs moyens, quand la société Diptyque n'a jamais soutenu rien de tel et faisait, au contraire, valoir qu'il s'agissait de produits de luxe, qu'ils n'étaient pas destinés à l'ensemble des consommateurs français et qu'ils s'adressaient à une clientèle de prestige, la cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel de la société Diptyque, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'une marque renommée est une marque connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle ; que ce public s'apprécie en fonction des produits ou services commercialisés par le titulaire de la marque ; qu'en se bornant à relever que les produits figurant au libellé des marques de la société Diptyque étaient des produits de consommation courante qui concernent le grand public, sans tenir compte des produits commercialisés par la société Diptyque, et sans rechercher si ces produits, distribués de manière très sélective, n'étaient pas destinés à une clientèle de prestige et ne concernaient donc pas le public constitué de cette clientèle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9, paragraphe 1, sous c) du Règlement (CE) sur la marque communautaire et l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 5, paragraphe 2, de la Directive 89/104 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;
Mais attendu qu'ayant écarté la thèse selon laquelle le public concerné était une clientèle de prestige et retenu qu'il y avait lieu de prendre en compte la connaissance des marques en cause dans le grand public et, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Jas Hennessy et Co, demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré nulle la marque « DIPTYQUE » n° 08 3 565 540 déposée par la société HENNESSY et d'avoir interdit, sous astreinte, à la société HENNESSY de commercialiser des boissons alcooliques sous la dénomination « DIPTYQUE » ;
AUX MOTIFS QUE « la société DIPTYQUE reprend également sa demande tendant à l'annulation de la marque de la société HENNESSY dont l'existence, dans la mesure où elle est déposée pour désigner des boissons alcooliques, lui interdit toute publicité ou propagande pour ses propres produits couverts par le même signe puisque celle-ci tomberait nécessairement dans le champ des prohibitions imposées par la législation antialcoolique, spécialement l'article L.3323-2 du code de la santé publique ;l'article L.3323-2 du code de la santé publique dispose :Est considérée comme propagande ou publicité indirecte la propagande ou publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre qu'une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une dénomination, d'une marque, d'un emblème publicitaire ou d'un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables à la propagande ou la publicité en faveur d'un produit autre qu'une boisson alcoolique qui a été mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 par une entreprise juridiquement ou financièrement distincte de toute entreprise qui fabrique, importe ou commercialise une boisson alcoolique. » ;Que la société DIPTYQUE indique, sans être contredite, qu'elle a mis sur le marché depuis le 1er janvier 1990, en juin 2008, une trilogie d'eaux de cologne (l'Eau de l'Eau, l'Eau de Neroli, l'Eau des Hespérides), en septembre 2008, un gel pour la douche, un lait et une crème pour le corps dérivés de trois parfums et un vaporisateur de voyage, en décembre 2008, une collection de bougies Basile Miel de Callune, Pin sylvestre et Ambre, en janvier 2009, une bougie Roses Rose et, plus récemment, une ligne de soins pour le corps composée d'un lait, d'une crème, d'un baume pour les mains, d'une huile et d'une gelée lactée ; qu'elle ajoute qu'elle est susceptible, dans l'avenir, de développer d'autres produits sous la marque « DIPTYQUE » et fait valoir que, pour tous ces produits, récents ou à venir, elle peut être appelée à faire de la publicité ou de la propagande mettant en évidence le terme DIPTYQUE qui est la marque générique servant à les désigner ; qu'il en résulte que l'argument de la société HENNESSY suivant lequel la publicité pour ces nouveaux produits échapperait nécessairement à la prohibition puisqu'elle commercialisait des articles de même nature avant le 1er janvier 1990 est inopérant puisque la promotion pour les nouvelles productions suppose évidemment une nouvelle publicité ou propagande ; que, de même, c'est à tort que la société HENNESSY soutient que le bien fondé de la demande de la société DIPTYQUE supposerait la preuve d'une publicité ou propagande actuelle qui rappellerait son propre produit puisque, par hypothèse, la société DIPTYQUE agit aussi pour préserver sa liberté d'usage publicitaire de sa marque pour l'avenir ; qu'enfin, la société HENNESSY n'est pas fondée à soutenir qu'une publicité pour des bougies ou parfums ne pourrait jamais être regardée comme « rappelant » une boisson alcoolique, au sens des dispositions susvisées du code de la santé publique, une telle affirmation générale et abstraite étant dépourvue de pertinence dès lors que l'application de ces dispositions relève nécessairement d'une appréciation concrète et d'un examen singulier d'une publicité ou propagande en particulier ; qu'en réalité, le dépôt de la marque « DIPTYQUE » par la société HENNESSY est de nature à paralyser l'usage que la société DIPTYQUE fait de sa marque dès lors qu'elle ne peut plus exercer pleinement son droit de propriété sur le signe DIPTYQUE ; qu'il en résulte une perte d'efficacité de la marque antérieure constitutive d'une atteinte aux droits de marque dont jouissait la société DIPTYQUE avant le dépôt de la marque litigieuse, laquelle sera en conséquence annulée par application de l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle ;sur les mesures réparatrices :que la société DIPTYQUE demande à la cour d'interdire sous astreinte à la société HENNESSY de faire usage de la marque « DIPTYQUE » pour désigner un cognac, tant par application de l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle qu'en application de l'article L.711-4 du même code et de l'article L.3323-3 du code de la santé publique ; qu'il y a lieu d'accueillir cette demande puisque, ainsi qu'il ressort des motifs qui précèdent, ce n'est pas seulement le dépôt de la marque « DIPTYQUE » par la société HENNESSY qui porte atteinte aux droits de marque que la société DIPTYQUE détient sur le même signe, mais encore la commercialisation d'une boisson alcoolique sous ce nom dès lors qu'elle crée par elle-même un obstacle à la libre utilisation de la marque antérieure dans la communication publicitaire ; que la société DIPTYQUE soutient que les atteintes portées à ses marques lui auraient causé un préjudice dont elle demande réparation à hauteur de 30.000 euros ; mais qu'elle n'apporte aucun élément de preuve ni méthode de calcul à l'appui de ses demandes ; qu'il y a lieu d'observer qu'elle ne fait état d'aucune publicité ou propagande dont elle se serait privée en raison du risque encouru au regard des dispositions de l'article L.3323-3 du code de la santé publique ; que son préjudice ne consiste en réalité en rien d'autre qu'en la restriction potentielle d'usage apportée à son droit de marque, lequel est entièrement réparé par l'annulation de la marque contestée et l'interdiction faite à la société HENNESSY de commercialiser sous cette marque une boisson alcoolique ; qu'il en résulte que sa demande de dommages- intérêts sera rejetée ; »1/ ALORS QUE la publicité indirecte en faveur des boissons alcoolisées suppose une propagande ou publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre qu'une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une dénomination, d'une marque, d'un emblème publicitaire ou d'un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique ; que, faute de préciser concrètement en quoi il pouvait y avoir rappel des boissons alcooliques de la société HENNESSY et, en particulier, des deux cognacs « HENNESSY DIPTYQUE » par une propagande ou une publicité en faveur des produits autres que des boissons alcooliques couverts par la marque antérieure non renommée DIPTYQUE, ainsi que l'y invitait la société HENNESSY dans ses conclusions d'appel, notamment en démontrant qu'un tel rappel était en réalité impossible à raison de quatre circonstances (nature différente des produits en cause, clientèles distinctes, réseaux de distribution distincts et présentations distinctes des signes et des produits), la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.3323-3 du code de la santé publique ;
2/ ALORS QUE la publicité indirecte en faveur des boissons alcoolisées au sens de l'article L.3323-3 du code de la santé publique est autorisée dans les cas énumérés par l'article L.3323-2 du même code ; qu'elle est notamment autorisée dans la presse écrite, sauf dans les publications à destination de la jeunesse ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la Cour d'appel que la société DIPTYQUE alléguait faire de la publicité pour ses produits, sous la marque française et communautaire DIPTYQUE, dans des « magazines de mode ou décoration » (arrêt, p. 5 alinéa 3) ; que, faute de préciser de façon concrète, compte tenu de l'autorisation de la publicité directe et indirecte des boissons alcoolisées, notamment, dans la presse écrite (sauf les publications à destination de la jeunesse), en quoi le dépôt de la marque DIPTYQUE par la société HENNESSY pour désigner des boissons alcoolisées et l'usage de cette marque pouvaient entraîner une quelconque entrave à la publicité en faveur des produits couverts par la marque antérieure non renommée DIPTYQUE, notamment dans la presse écrite correspondant au public de ces produits (magazines de mode ou de décoration), la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles L.3323-2 et L.3323-3 du code de la santé publique ;
3/ ALORS QU' il ressort de la Décision du Conseil Constitutionnel n°90-283 du 8 janvier 1991 que le droit de propriété d'une marque régulièrement déposée n'est pas affecté par la réglementation de la publicité ou la propagande, directe ou indirecte, en faveur du tabac, issue de l'article 3 de la loi n°91-32 du 10 janvier 1991, aujourd'hui codifié sous l'article L.1511-3 du code de la santé publique et, a fortiori, par la réglementation de la publicité en faveur de l'alcool, issue des dispositions moins rigoureuses des articles 10-IV et 10-V de la même loi n°91-32 du 10 janvier 1991, modifiant l'article 17 du code des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme et créant l'article 17-1 du même code, lesquels sont aujourd'hui devenus les articles L.3323-2 et L.3323-3 du code de la santé publique ; qu'en retenant néanmoins qu'il y avait lieu d'annuler la marque « DIPTYQUE » n°08 3 565 540 déposée par la société HENNESSY pour des boissons alcoolisées, la Cour d'appel a violé par fausse application les dispositions combinées des articles L.3323-2 et L.3323-3 du code de la santé publique ;
4/ ALORS QUE, à titre subsidiaire, si les dispositions de l'article 10-V de la loi n°91-32 du 10 janvier 1991, aujourd'hui codifié sous l'article L.3323-3 du code de la santé publique, doivent être lues comme autorisant l'annulation d'une marque désignant des boissons alcoolisées, une telle lecture constitue un « changement de circonstances » au sens de l'article 23-2 2° de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, dans sa rédaction issue de la L.O. n°du 10 décembre 2009, de nature à justifier la soumission des dispositions précitées à un nouveau contrôle de constitutionnalité; que l'abrogation de ces dispositions par le Conseil constitutionnel entraînera la censure de l'arrêt attaqué.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré nulle la marque « DIPTYQUE » n° 08 3 565 540 déposée par la société HENNESSY et d'avoir interdit, sous astreinte, à la société HENNESSY de commercialiser des boissons alcooliques sous la dénomination « DIPTYQUE » ;
AUX MOTIFS QUE « la société DIPTYQUE reprend également sa demande tendant à l'annulation de la marque de la société HENNESSY dont l'existence, dans la mesure où elle est déposée pour désigner des boissons alcooliques, lui interdit toute publicité ou propagande pour ses propres produits couverts par le même signe puisque celle-ci tomberait nécessairement dans le champ des prohibitions imposées par la législation antialcoolique, spécialement l'article L.3323-2 du code de la santé publique ;l'article L.3323-2 du code de la santé publique dispose : « Est considérée comme propagande ou publicité indirecte la propagande ou publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre qu'une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une dénomination, d'une marque, d'un emblème publicitaire ou d'un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique.Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables à la propagande ou la publicité en faveur d'un produit autre qu'une boisson alcoolique qui a été mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 par une entreprise juridiquement ou financièrement distincte de toute entreprise qui fabrique, importe ou commercialise une boisson alcoolique. » ; que la société DIPTYQUE indique, sans être contredite, qu'elle a mis sur le marché depuis le 1er janvier 1990, en juin 2008, une trilogie d'eaux de cologne (l'Eau de l'Eau, l'Eau de Neroli, l'Eau des Hespérides), en septembre 2008, un gel pour la douche, un lait et une crème pour le corps dérivés de trois parfums et un vaporisateur de voyage, en décembre 2008, une collection de bougies Basile Miel de Callune, Pin sylvestre et Ambre, en janvier 2009, une bougie Roses Rose et, plus récemment, une ligne de soins pour le corps composée d'un lait, d'une crème, d'un baume pour les mains, d'une huile et d'une gelée lactée ; qu'elle ajoute qu'elle est susceptible, dans l'avenir, de développer d'autres produits sous la marque « DIPTYQUE » et fait valoir que, pour tous ces produits, récents ou à venir, elle peut être appelée à faire de la publicité ou de la propagande mettant en évidence le terme DIPTYQUE qui est la marque générique servant à les désigner ; qu'il en résulte que l'argument de la société HENNESSY suivant lequel la publicité pour ces nouveaux produits échapperait nécessairement à la prohibition puisqu'elle commercialisait des articles de même nature avant le 1er janvier 1990 est inopérant puisque la promotion pour les nouvelles productions suppose évidemment une nouvelle publicité ou propagande ; que, de même, c'est à tort que la société HENNESSY soutient que le bien fondé de la demande de la société DIPTYQUE supposerait la preuve d'une publicité ou propagande actuelle qui rappellerait son propre produit puisque, par hypothèse, la société DIPTYQUE agit aussi pour préserver sa liberté d'usage publicitaire de sa marque pour l'avenir ; qu'enfin, la société HENNESSY n'est pas fondée à soutenir qu'une publicité pour des bougies ou parfums ne pourrait jamais être regardée comme « rappelant » une boisson alcoolique, au sens des dispositions susvisées du code de la santé publique, une telle affirmation générale et abstraite étant dépourvue de pertinence dès lors que l'application de ces dispositions relève nécessairement d'une appréciation concrète et d'un examen singulier d'une publicité ou propagande en particulier ; qu'en réalité, le dépôt de la marque « DIPTYQUE » par la société HENNESSY est de nature à paralyser l'usage que la société DIPTYQUE fait de sa marque dès lors qu'elle ne peut plus exercer pleinement son droit de propriété sur le signe DIPTYQUE ; qu'il en résulte une perte d'efficacité de la marque antérieure constitutive d'une atteinte aux droits de marque dont jouissait la société DIPTYQUE avant le dépôt de la marque litigieuse, laquelle sera en conséquence annulée par application de l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle ; (sur les mesures réparatrices) :que la société DIPTYQUE demande à la cour d'interdire sous astreinte à la société HENNESSY de faire usage de la marque « DIPTYQUE » pour désigner un cognac, tant par application de l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle qu'en application de l'article L.711-4 du même code et de l'article L.3323-3 du code de la santé publique ; qu'il y a lieu d'accueillir cette demande puisque, ainsi qu'il ressort des motifs qui précèdent, ce n'est pas seulement le dépôt de la marque « DIPTYQUE » par la société HENNESSY qui porte atteinte aux droits de marque que la société DIPTYQUE détient sur le même signe, mais encore la commercialisation d'une boisson alcoolique sous ce nom dès lors qu'elle crée par elle-même un obstacle à la libre utilisation de la marque antérieure dans la communication publicitaire ; que la société DIPTYQUE soutient que les atteintes portées à ses marques lui auraient causé un préjudice dont elle demande réparation à hauteur de 30.000 euros ; mais qu'elle n'apporte aucun élément de preuve ni méthode de calcul à l'appui de ses demandes ; qu'il y a lieu d'observer qu'elle ne fait état d'aucune publicité ou propagande dont elle se serait privée en raison du risque encouru au regard des dispositions de l'article L.3323-3 du code de la santé publique ; que son préjudice ne consiste en réalité en rien d'autre qu'en la restriction potentielle d'usage apportée à son droit de marque, lequel est entièrement réparé par l'annulation de la marque contestée et l'interdiction faite à la société HENNESSY de commercialiser sous cette marque une boisson alcoolique ; qu'il en résulte que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée ; »
1/ ALORS QUE l'article 3-2 a) de la directive (CE) 89/104 du 21 décembre 1988 (repris à l'article 3-2 a) de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008), selon lequel chaque Etat-membre peut prévoir la possibilité d'annuler une marque « dans la mesure où l'usage de cette marque peut être interdit en vertu de la législation autre que celle en matière de droit des marques de l'État membre concerné ou de la Communauté » ne saurait être interprété comme permettant l'annulation d'une marque déposée par un fabricant de boissons alcoolisées alors que la loi Evin, et notamment l'article L. 3323-2 du code de la santé publique, autorise la propagande ou la publicité en faveur des boissons alcooliques ; qu'en l'espèce, en retenant qu'une entrave prétendue apportée à la liberté d'usage d'une marque antérieure désignant des produits complètement différents de boissons alcoolisées par la réglementation de la publicité indirecte des boissons alcooliques était de nature à justifier l'annulation de la marque déposée pour désigner des boissons alcooliques (outre l'interdiction de l'usage de cette marque pour commercialiser des boissons alcooliques), sans s'interroger sur la portée de la faculté ouverte par l'article 3-2 a) de la directive (CE) 89/104 du 21 décembre 1988, la Cour d'appel a opéré une confusion entre la marque susceptible d'être déclarée nulle au visa de l'article 3-2 a) de la directive (CE) 89/104 du 21 décembre 1988 et la marque dont l'usage est susceptible d'être interdit en vertu de la loi Evin, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des dispositions de ce texte, ensemble celles de l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'union européenne.
2/ ALORS QUE l'annulation d'une marque sur le fondement de l'article L.711-4 a) du code de la propriété intellectuelle suppose que l'usage de la marque seconde porte atteinte au monopole d'exploitation du signe enregistré à titre de marque dans le domaine protégé par le principe de spécialité ; qu'en l'espèce où les spécialités des marques DIPTYQUE successivement déposées par la société DIPTYQUE et par la société HENNESSY étaient très éloignées, l'entrave à la liberté de publicité des produits désignés par les marques antérieures de la société DIPTYQUE résultant prétendument de la réglementation de la publicité indirecte des boissons alcooliques ne pouvait donc, à la supposer établie, en rien constituer une atteinte au monopole d'exploitation sur le signe antérieurement enregistré par la société DIPTYQUE, protégé par le droit des marques dans les seules limites du principe de spécialité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé par fausse interprétation les dispositions combinées des textes du droit français et communautaire des marques applicables (soit des articles L.711-4, L.712-2 et L.712-3 du Code de la propriété intellectuelle, tels qu'ils doivent être interprétés à la lumière des articles 3-2 a), 4-1 b) et 5-1 b) de la directive (CE) 89/104 du 21 décembre 1988 (repris aux articles 3-2 a), 4-1 b) et 5-1 b) de la directive (CE) 2008/95 du 22 octobre 2008) et des articles 8-1 b) et 9-1 b) du Règlement (CE) 40/94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire (repris aux articles 8-1 b) et 9-1 b) du Règlement (CE) 207/2009 du 26 février 2009), tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'union européenne), et des articles L.3323-2 et L.3323-3 du code de la santé publique ;
3/ ALORS QUE la publicité indirecte des boissons alcoolisées définie à l'article L.3323-3 du code de la santé publique est autorisée, comme leur publicité directe, dans les cas énumérés par L.3323-2 du même code, notamment, « dans la presse écrite à l'exclusion des publications destinées à la jeunesse » ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la Cour d'appel que la société DIPTYQUE alléguait faire de la publicité pour ses produits, sous la marque française et communautaire DIPTYQUE, dans des « magazines de mode ou décoration » (arrêt, p. 5 alinéa 3) ; que, dès lors, en se bornant à affirmer de façon abstraite et péremptoire, d'une part, que le dépôt de la marque DIPTYQUE par la société HENNESSY pour des boissons alcoolisées était « de nature à paralyser l'usage » que la société DIPTYQUE faisait de sa marque dès lors qu'elle ne pouvait « plus exercer pleinement son droit de propriété sur le signe DIPTYQUE » et qu'il en résultait « une perte d'efficacité de la marque antérieure constitutive d'une atteinte aux droits de marque » et, d'autre part, que « la commercialisation d'une boisson alcoolique sous ce nom » créait « par elle-même un obstacle à la libre utilisation de la marque antérieure dans la communication publicitaire », sans préciser de façon concrète en quoi la réglementation de la publicité indirecte en matière de boissons alcoolisées, nullement équivalente à une interdiction totale de publicité, pouvait même seulement priver la société DIPTYQUE du droit de poursuivre la publicité de ses produits, sous sa marque DIPTYQUE, dans les magazines de mode et de décoration et limiter ainsi la libre utilisation de cette marque dans la communication publicitaire en faveur des produits couverts par elle, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des dispositions combinées des textes du droit des marques précités et des articles L.3323-2 et L.3323-3 du code de la santé publique.Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Diptyque, demanderesse au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la déchéance partielle des droits de la société DIPTYQUE sur la marque française n° 1 680 475 à compter du 29 décembre 1996 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société DIPTYQUE soutient que la société HENNESSY, qui exerce son activité dans un domaine étranger à celui des produits par lesquels elle demande la déchéance et qui ne la demande pas pour certains produits exploités après le 1er janvier 1990, n'a pas d'intérêt à agir puisque, en toute hypothèse, une déchéance partielle de la marque française n° 1 680 475 n'aurait aucune incidence sur l'issue de l'action principale et que, pour être recevable, une demande reconventionnelle de déchéance doit être susceptible de permettre à celui qui la formule d'échapper à une condamnation ou sanction ; mais que la société DIPTYQUE invoque à l'appui de ses demandes contre la société HENNESSY les droits qu'elle tire de sa marque française n° 1 680 475 ; que la société HENNESSY a donc un intérêt à contester, même partiellement dans leur étendue, la validité des droits tirés de cette marque qui lui sont opposés » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « selon les dispositions de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, la déchéance ne peut être demandée que par une personne qui y a intérêt ; qu'en l'espèce, la société DIPTYQUE invoque à l'appui de ses demandes l'ensemble des produits visés dans l'enregistrement de la marque française DIPTYQUE ; qu'en conséquence, s'agissant d'une demande reconventionnelle à une demande principale en contrefaçon et en application de l'article 70 du Code de procédure civile, la société JAS HENNESSY a intérêt à agir en déchéance de cette marque pour les produits qui lui sont opposés et ce quand bien même la société demanderesse conserverait ses droits pour les produits de parfumerie, lotions pour les cheveux, cosmétiques, savons, huiles essentielles » ;
ALORS QUE le demandeur en déchéance de droits de marque ne justifie d'un intérêt à agir que lorsque sa demande tend à lever une entrave à l'utilisation du signe dans le cadre de son activité économique ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait retenir que la société JAS HENNESSY et Co. justifiait d'un intérêt à agir en déchéance partielle des droits de la société DIPTYQUE sur sa marque française n° 1 680 475, sans caractériser en quoi cette demande en déchéance partielle tendrait à lever une entrave à l'usage du signe DIPTYQUE dans le cadre de son activité économique ; qu'en se bornant à relever, de manière inopérante, que la société DIPTYQUE invoquait, à l'appui de ses demandes contre la société JAS HENNESSY et Co., les droits qu'elle tirait de cette marque, cependant que l'éventuel prononcé d'une déchéance partielle demeurait sans incidence sur l'issue de l'action engagée à son encontre par la société DIPTYQUE sur le fondement de l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle et de l'article L. 3323-3 du Code de la santé publique, la Cour d'appel a violé l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société DIPTYQUE de ses demandes fondées sur la renommée des marques française et communautaire DIPTYQUE ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société Diptyque reprend sa demande tendant à l'annulation, par application de l'article 714-3 du code de la propriété intellectuelle, de la marque n° 08 3 565 540 de la société Hennessy dont l'enregistrement serait, selon elle, non conforme aux dispositions de l'article L.711-4, a, du code de la propriété intellectuelle dans la mesure où l'utilisation de la marque contestée pour des produits non similaires à ceux couverts par ses propres marques porterait atteinte à ses propres marques française et communautaire antérieures qu'elle prétend renommées au sens des dispositions des articles L.713-5 du code de la propriété intellectuelle et 9, § 1, c, du Règlement CE 40/94 ; qu'au sens de ces textes, est renommée une marque connue d'une partie significative du public concerné par les produits et services qu'elle désigne ; que la marque française vise les produits et services suivants : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser; savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques... (Classe 3) Métaux précieux et leurs alliages et objets dans ces matières ou en plaqué (excepté coutellerie, fourchettes et cuillers) ; joaillerie, bijouterie en vrai et en faux ... (classe 14) Cuir et imitation du cuir, articles en ces matières ... (classe 18) Petits ustensiles et récipients portatifs pour le ménage et la cuisine, peignes et éponges (classe 21) Tissus, couvertures de lit et de table, linge de table et de maison, tissus d'ameublement (classe 24) Vêtements, chapeaux, casquettes, cravates, bottes, souliers et pantoufles (classe 25) » ; que la marque communautaire est déposée pour désigner les produits et services suivants : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, . . . parfumerie, eaux de parfum, eaux de toilette, ... produits cosmétiques, parfums d'ambiance, encens, extraits de plantes aromatiques (classe 3) Matières éclairantes, huiles pour lampes, bougies, bougies parfumées ; kits pour fabriquer des bougies, mèches (classe 4) Services de vente, au détail ... services de conseils et d'assistance commerciale,. Services de franchise (classe 35) » ; que la société Diptyque ne conteste pas que les produits concernés par ses deux marques sont, comme le relève pertinemment la société Hennessy, des produits de consommation courante, qui concernent le grand public constitué de l'ensemble des consommateurs moyens normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés ; que l'appelante, loin de démontrer que ses marques française et communautaire seraient connues d'une partie significative du public ainsi défini, explique tout au contraire que la distribution de ses produits est très sélective, que ses investissements publicitaires sont faibles et que la marque « Diptyque » n'est pas destinée à l'ensemble des consommateurs français ; que, si elle affirme être le leader en France de la vente de bougies parfumées, elle s'abstient cependant d'en apporter la démonstration ; qu'en réalité, la société Diptyque prétend prouver la renommer de sa marque en alléguant son ancienneté et en faisant état de son succès auprès d'une clientèle de prestige, illustré par les commentaires élogieux dont elle fait l'objet dans certains magazines de mode ou de décoration ; que ces éléments, au regard de la définition de la renommée telle que précédemment exposée, sont inopérants ; qu'il en résulte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Diptyque fondées sur la renommée de ses marques » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « selon l'article L 713-5, alinéa premier, du Code de la propriété intellectuelle, l'emploi d'une marque jouissant d'une renommée pour les produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s'il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une utilisation injustifiée de cette dernière ; que l'article 9 § 1 du règlement (CE) n° 40/94 du 20 décembre 1993, devenu règlement (CE) n° 207/2009 du 26 février 2009, prévoit que « la marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, défaire usage dans la vie des affaires : (...) c) d'un signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans la Communauté et que l'usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice » ; qu'il est constant que la marque renommée au sens des dispositions précitées est une marque connue d'une partie significative du public concerné par les produits et services qu'elle désigne ; que la société DIPTYQUE invoque l'ancienneté de l'usage de sa marque et son succès auprès d'une clientèle de prestige et en déduit qu'elle est connue d'une partie significative du public concerné par les produits couverts par elle ; qu'en l'espèce, la marque française enregistrée DIPTYQUE désigne les produits de parfumerie, les cosmétiques, les huiles essentielles ainsi que les savons ; que la marque communautaire DIPTYQUE désigne quant à elle notamment les produits de beauté, les produits de parfumerie, les bougies et les parfums d'ambiance ; que le public concerné ainsi que le soutient pertinemment la société défenderesse doit donc se définir comme le grand public ; qu'il ressort des pièces versées aux débats par la demanderesse que la marque DIPTYQUE, fait l'objet d'une publicité régulière dans la presse nationale (Madame FIGARO, ELLE, MARIE CLAIRE, VOGUE, MARIE FIGARO) depuis plusieurs années et est présentée, dans les magazines VOGUE de juin 2000 et Marie Claire Maison de Mai 2006 comme "Le mythe DIPTYQUE ", dans la publication DS comme "mieux qu'une marque, ils ont créé le monde" et dans L'EXPRESS STYLES du 4 juin 2009, comme une marque cultissime ; qu'un ouvrage intitulé DIPTYQUE consacré à la société du même nom a également été édité à la fin de l'année 2007 ; que s'il apparaît de ces éléments que le nom DIPTYQUE est utilisé depuis plusieurs années plus particulièrement pour des bougies parfumées et des parfums et que celuici fait l'objet des éloges de la presse, ceux-ci n'apparaissent pas assez significatifs pour avoir fait connaître du grand public cette marque qui peut être qualifiée de confidentielle car d'abord destinée à une clientèle spécifique de prestige ou d'initiés ainsi qu'en témoigne notamment le nombre de points de vente à Paris des produits en cause limité à deux adresses de choix, Saint Germain des Prés et Le Marais ; qu'en outre, aucun autre élément susceptible d'asseoir cette renommée tels que les parts de marché détenues, l'intensité des investissements réalisés pour promouvoir la marque ou des sondages d'opinion ne sont communiqués, qu'il n'est donc pas démontré par la demanderesse que la connaissance par le public de la marque DIPTYQUE s'est étendue au-delà de sa clientèle spécifique et exerce à elle seule un pouvoir d'attraction propre indépendamment des produits qu'elle désigne ; que les demandes fondées sur la marque renommée sont en conséquence rejetées » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en relevant que la société DIPTYQUE n'aurait pas contesté que les produits concernés par ses marques étaient des produits de consommation courante qui concernaient le grand public constitué de l'ensemble des consommateurs moyens, quand la société DIPTYQUE n'a jamais soutenu rien de tel et faisait, au contraire, valoir qu'il s'agissait de produits de luxe, qu'ils n'étaient pas destinés à l'ensemble des consommateurs français et qu'ils s'adressaient à une clientèle de prestige, la Cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel de la société DIPTYQUE, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'une marque renommée est une marque connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle ; que ce public s'apprécie en fonction des produits ou services commercialisés par le titulaire de la marque ; qu'en se bornant à relever que les produits figurant au libellé des marques de la société DIPTYQUE étaient des produits de consommation courante qui concernent le grand public, sans tenir compte des produits commercialisés par la société DIPTYQUE, et sans rechercher si ces produits, distribués de manière très sélective, n'étaient pas destinés à une clientèle de prestige et ne concernaient donc pas le public constitué de cette clientèle, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9, paragraphe 1, sous c) du Règlement (CE) sur la marque communautaire et l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques.