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13/11/2012 | FRANCE | N°11-88298

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 novembre 2012, 11-88298


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Georges X...,
- M. Jean-Christophe X...,
- La société European Marble Group,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 4 octobre 2011, qui a condamné le premier, pour homicide involontaire et infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, à 10 000 euros d'amende, la troisième, pour homicide involontaire, à 20 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joig

nant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi de M. Jean-Christophe X... ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Georges X...,
- M. Jean-Christophe X...,
- La société European Marble Group,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 4 octobre 2011, qui a condamné le premier, pour homicide involontaire et infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, à 10 000 euros d'amende, la troisième, pour homicide involontaire, à 20 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi de M. Jean-Christophe X... ;

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur les pourvois de M. Georges X... et de la société European Marble Group ;

Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 112-1, 121-2, 121-3, 221-6, 221-8, 221-10 du code pénal, L. 4741-2 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré la SARL European Marble Group coupable d'homicide involontaire sur la personne de M. Y... par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement et l'a condamnée à une peine d'amende de 20 000 euros ;

"aux motifs qu'il convient de rappeler que l'article 221-6, alinéa 1, du code pénal portant répression du délit d'homicide involontaire renvoie expressément aux dispositions de l'article 121-3 de ce code ; qu'en vertu de l'alinéa 3 de l'article 121-3, il y a délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ; que l'alinéa 4 dispose, par ailleurs, que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; que le délit d'homicide involontaire est caractérisé si les agissements fautifs entrant dans les prévisions et distinctions de l'article 121-3 sont en relation directe ou indirecte mais certaine avec le décès de victimes ; que la faute de la victime est exonératoire de la responsabilité de la ou des personnes recherchées seulement lorsque cette faute est exclusive ; qu'il est établi et reconnu par les prévenus, qu'en vertu de la convention liant la victime et la SARL EMG le personnel de l'entreprise de la victime, comme elle-même, intervenait sur le chantier en qualité de salariés de la SARL EMG, les travaux étant exécutés sous la direction de M. Jean-Christophe X... avec les moyens matériels et les matériaux fournis par cette société ; que M. Georges X..., dirigeant de EMG et agissant pour son compte, en sa qualité d'employeur, devait veiller personnellement et à tout moment à la stricte et constante exécution des dispositions édictées par le code du travail ou les règlements pris pour son application en vue d'assurer l'hygiène et la sécurité des travailleurs ; qu'ainsi M. Georges X... a commis une faute caractérisée en ne veillant pas à ce que ses salariés travaillent en parfaite sécurité, en l'occurrence en ne s'assurant que lors de l'exécution des tâches de ses employés toutes les mesures nécessaires de protections étaient en place d'autant que le lieu de travail était à une hauteur de plus de trois mètres, que ce manquement caractérisé est l'une des causes certaines de la chute mortelle de la victime, dont le risque ne pouvait être ignoré, qu'ainsi ni M. Georges X..., ni la SARL EMG dont il est le représentant, ne peuvent à titre d'exonération de leur responsabilité pénale invoquer l'éventuelle ou probable faute de la victime qui n'est en toute hypothèse pas exclusive ; qu'à tort les premiers juges sont entrés en voie de relaxe de ces prévenus ; qu'au regard des faits commis et des éléments de personnalité recueillis, il doit être infligé à M. Georges X... une amende de 10 000 euros et à la SARL EMG une amende de 20 000 euros ;

"alors qu'une loi pénale étendant une incrimination à une nouvelle catégorie de prévenus ne peut s'appliquer à des faits commis antérieurement à son entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, comme l'avaient retenus les premier juges, par des motifs que n'a pas réfutés la cour d'appel, la responsabilité pénale de la société EMG ne pouvait être retenue dès lors que le principe de la responsabilité des personnes morales pour les délits relatifs à l'hygiène et la sécurité, qui résultait de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, n'était entré en vigueur que le 31 décembre 2005, soit postérieurement aux faits poursuivis en date du 20 septembre 2005 ; qu'en déclarant néanmoins la société EMG coupable du délit d'homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la cour d'appel a violé l'article 112-1 du code pénal" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6, 221-8, 221-10 du code pénal, L. 4741-2 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... et la SARL European Marble Group coupables d'homicide involontaire sur la personne de M. Y... par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement et les a condamnés respectivement à une amende de 10 000 euros et 20 000 euros ;

"aux motifs qu'il convient de rappeler que l'article 221-6, alinéa 1, du code pénal portant répression du délit d'homicide involontaire renvoie expressément aux dispositions de l'article 121-3 de ce code ; qu'en vertu de l'alinéa 3 de l'article 121-3, il y a délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ; que l'alinéa 4 dispose par ailleurs que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; que le délit d'homicide involontaire est caractérisé si les agissements fautifs entrant dans les prévisions et distinctions de l'article 121-3 sont en relation directe ou indirecte mais certaine avec le décès de victimes ; que la faute de la victime est exonératoire de la responsabilité de la ou des personnes recherchées seulement lorsque cette faute est exclusive ; qu'il est établi et reconnu par les prévenus, qu'en vertu de la convention liant la victime et la SARL EMG le personnel de l'entreprise de la victime, comme elle-même, intervenait sur le chantier en qualité de salariés de la SARL EMG, les travaux étant exécutés sous la direction de M. Jean-Christophe X... avec les moyens matériels et les matériaux fournis par cette société ; que M. Georges X..., dirigeant de EMG et agissant pour son compte, en sa qualité d'employeur, devait veiller personnellement et à tout moment à la stricte et constante exécution des dispositions édictées par le code du travail ou les règlements pris pour son application en vue d'assurer l'hygiène et la sécurité des travailleurs ; qu'ainsi M. Georges X... a commis une faute caractérisée en ne veillant pas à ce que ses salariés travaillent en parfaite sécurité, en l'occurrence en ne s'assurant que lors de l'exécution des tâches de ses employés toutes les mesures nécessaires de protections étaient en place d'autant que le lieu de travail était à une hauteur de plus de trois mètres, que ce manquement caractérisé est l'une des causes certaines de la chute mortelle de la victime, dont le risque ne pouvait être ignoré, qu'ainsi ni M. Georges X..., ni la SARL EMG dont il est le représentant ne peuvent à titre d'exonération de leur responsabilité pénale invoquer l'éventuelle ou probable faute de la victime qui n'est en toute hypothèse pas exclusive ; qu'à tort les premiers juges sont entrés en voie de relaxe de ces prévenus ; qu'au regard des faits commis et des éléments de personnalité recueillis, il doit être infligé à M. Georges X... une amende de 10 000 euros et à la SARL EMG une amende de 20 000 euros ;

"1) alors que la faute de la victime, cause exclusive de l'accident, exonère le prévenu de toute responsabilité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la sécurité du chantier était assurée, jusqu'au matin même de l'accident, par la présence d'un garde corps empêchant toute chute dans le vide, composé de deux planches attachées à un étai placé au centre du palier, et que c'était M. Y... lui-même qui, au moment de l'accident, soit vers 11 heures 30, avait déplacé ce dispositif de sécurité, qu'il avait démonté aux fins d'utiliser les planches pour l'exécution des travaux qu'il était en train d'effectuer ; qu'il en résulte que l'accident avait pour cause exclusive la faute de M. Y..., celui-ci n'ayant chuté dans le vide qu'en raison du désassemblage par lui-même du garde corps assurant sa sécurité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal ;

"2) alors que tout jugement doit contenir les motifs propres à justifier sa décision, que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que jusqu'au matin même de l'accident et avant qu'il ne retire lui-même ce dispositif, le lieux où travaillait le salarié était sécurisé par la présence d'un garde corps propre à éviter toute chute dans le vide, ce dont attestait le responsable de la sécurité du chantier ; qu'il en résultait que l'employeur avait veillé à ce que la sécurité de ses salariés soit assurée ; que dès lors, en affirmant ensuite, pour déclarer les prévenus coupables d'homicide involontaire pour avoir commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité, que M. X... ne s'était pas assuré que lors de l'exécution des tâches de ses employés toutes les mesures nécessaires de protection étaient en place, la cour d'appel s'est contredite, privant ainsi sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"3) alors, en tout état de cause, que les arrêts sont nuls quand ils ne contiennent pas les motifs propres à justifier le dispositif ; qu'il en est de même lorsqu'il a été omis de répondre à un chef péremptoire de conclusions ; qu'en l'espèce, les prévenus soutenaient dans leurs conclusions d'appel que M. Y... avait été victime de sa propre négligence, non seulement en démontant le dispositif sécuritaire quelques minutes avant sa chute, mais aussi en travaillant en tenue de ville alors que le matériel de sécurité adapté (casque, chaussures, harnais de sécurité) était à sa disposition ; qu' à cet égard, ils se référaient explicitement aux procès-verbaux d'audition de M. Z..., salarié attestant (côte D 43) qu' « au moment des faits, il était 11 heures 30…, M. Y... s'était déjà changé, il était en tenue de ville, il devait aller déjeuner, il était juste revenu pour m'aider à placer l'épontille », et de Mme A... (côte D 41), compagne de la victime, confirmant que « malheureusement pour mon compagnon, il s'était déjà changé et était en tenue civile, prêt à me rejoindre au restaurant » ; que dès lors, en omettant de répondre à ses conclusions invoquant une seconde faute exclusive de la victime, la cour d'appel a violé l'article 593 du code de procédure pénale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué du jugement qu'il confirme partiellement, et des pièces de procédure que, le 20 septembre 2005, lors de travaux d'apposition de parements en pierre au dessus de la porte d'un parking, dont la réalisation avait été confiée à la société European Marble Group (EMG), M. Franck Y..., gérant de l'UERL Marbriers Façadiers, qui avait passé, avec la société EMG, une convention de mise à disposition de personnels à but non lucratif le plaçant sous les pouvoirs de direction de celle-ci, a été mortellement blessé en chutant d'un échafaudage à roulettes puis d'un palier démuni, à ce moment, de gardes-corps et alors qu'il avait lui-même ôté ses équipements de sécurité ; que, poursuivis devant le tribunal correctionnel, d'une part, M. Georges X..., en sa qualité de gérant de la société EMG, et M. Jean-Christophe X..., responsable technique des travaux, tous deux pour homicide involontaire et infraction à l'article 148 du décret du 8 janvier 1965 imposant des gardes-corps pour les escaliers non encore munis de leurs rampes, et, d'autre part, la personne morale, du seul chef d'homicide involontaire, ont été relaxés et les parties civiles déboutées de leurs demandes ;

Attendu que, pour infirmer partiellement le jugement entrepris et dire la prévention établie à l'égard de M. Georges X... et de la société EMG, l'arrêt retient que, s'il apparaît que, peu de temps avant l'accident, la victime a démonté les planches du garde-corps protégeant l'endroit où elle travaillait, en vue de leur utilisation à d'autres tâches, une telle faute ne revêt pas un caractère exclusif, dès lors que le prévenu, dirigeant de la société poursuivie et employeur occasionnel de ladite victime, a lui-même commis une faute caractérisée, à l'origine de l'accident, en ne veillant pas à ce que toutes les protections installées demeurent en place pour garantir la sécurité des travailleurs appelés à oeuvrer à plus de trois mètres de hauteur ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs qui suffisent à caractériser la faute aggravée commise, pour le compte de la société EMG, par un des organes ou représentants de cette personne morale, déclarée coupable du seul délit d'homicide involontaire prévu par l'article 221-6 du code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. Georges X... et la société European Marble Group devront payer à Mesdames Josseline Y... épouse B..., Laurence Y..., Karine B... épouse C..., Katia B... épouse D..., Laëtitia B... et MM. Patrice Y..., Yannig Y... et Frédéric B... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Straehli conseiller rapporteur, Mme Guirimand, conseillers de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-88298
Date de la décision : 13/11/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 04 octobre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 nov. 2012, pourvoi n°11-88298


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.88298
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