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06/11/2012 | FRANCE | N°12-83766

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 novembre 2012, 12-83766


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- La société Symphoning,- La société Business support services ( B2S), parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PAU, en date du 2 mai 2012, qui, dans l'information suivie contre M. Philippe X... du chef d'abus de confiance, a prononcé sur une requête en annulation d'actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 octobre 2012 où étaient présents : M. Louvel président, M. Pers c

onseiller rapporteur, MM. Arnould, Le Corroller, Nunez, Mmes Radenne, Mirguet ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- La société Symphoning,- La société Business support services ( B2S), parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PAU, en date du 2 mai 2012, qui, dans l'information suivie contre M. Philippe X... du chef d'abus de confiance, a prononcé sur une requête en annulation d'actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 octobre 2012 où étaient présents : M. Louvel président, M. Pers conseiller rapporteur, MM. Arnould, Le Corroller, Nunez, Mmes Radenne, Mirguet conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, M. Roth conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Berkani ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller PERS, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la société civile professionnelle RICHARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BERKANI ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 13 juillet 2012, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu le mémoire commun aux demanderesses, les mémoires en défense et en réplique produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 81, 82-1, 82-2, 120, 591, 593, 802 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné l'annulation de l'interrogatoire de M. X... du 12 septembre 2011 ;
"aux motifs que l'article 82-1, alinéas 1 et 2, de ce texte dispose que : "Les parties peuvent en cours de l'information saisir le juge d'instruction d'une demande écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à leur audition ou à leur interrogatoire, à l'audition d'un témoin, à une confrontation ou un transport sur les lieux, à ce qu'il soit ordonné la production par l'une d'entre elles d'une pièce utile à l'information, ou à ce qu'il soit procédé à tous les actes qui leur paraissent nécessaires à la manifestation de la vérité. A peine de nullité, cette demande doit être formée conformément aux dispositions du dixième alinéa de l'article 81 ; elle doit porter sur des actes déterminés et lorsqu'elle concerne une audition, préciser l'identité de la personne dont l'audition est souhaitée" ; que l'article 82-2 du code de procédure pénale précise : "Lorsque la personne mise en examen saisit le juge d'instruction en application des dispositions de l'article 82-1, d'une demande tendant à ce que ce magistrat procède à un transport sur les lieux à l'audition d'un témoin, d'une partie civile ou d'une autre personne mise en examen elle peut demander que cet acte soit effectué en présence de son avocat. La partie civile dispose de ce même droit s'agissant d'un transport sur les lieux, de l'audition d'un témoin, d'une autre partie civile ou de l'interrogatoire de la personne mise en examen" ; qu'il résulte des dispositions susvisées que la possibilité de la présence d'un avocat n'existe que pour les actes demandés par une des parties et non pour les actes dont le magistrat instructeur a pris l'initiative ; que, dès lors, le seul cas permettant au conseil d'une partie civile d'assister à l'interrogatoire de la personne mise en examen est celui dans lequel le juge d'instruction procède à l'interrogatoire du mis en examen à la demande de la partie civile ; qu'il résulte des pièces du dossier qu'à la date du 12 septembre 2011 les sociétés B2S ou Symphoning n'avaient formalisé aucune demande écrite auprès du greffe du juge d'instruction sollicitant l'interrogatoire de M. X... ; que la décision de procéder à cet interrogatoire a été prise par le seul magistrat instructeur et de son propre chef ; qu'il est établi aussi qu'aucune demande écrite et motivée, satisfaisant au formalisme édicté par l'article 81, alinéa 10, du code de procédure pénale, n'avait été formée par les deux sociétés afin de saisir le magistrat instructeur pour qu'il soit procédé à l'interrogatoire de M. X... en la présence de leur conseil ; que l'article 82-1, alinéa 1, du code de procédure pénale dispose que le respect de ce formalisme s'impose à peine de nullité ; que, dès lors, en cas de violation de ces règles la nullité de l'acte est encourue sans que la preuve d'un grief subi par le mis en examen ne soit exigée ; qu'il ne saurait être déduit du défaut de protestation de M. X... au cours de l'interrogatoire en litige un renoncement tacite de sa part à se prévaloir ultérieurement d'une voie de recours visant à faire annuler cet interrogatoire ; que l'interrogatoire de M. X... du 12 septembre 2011 sera donc annulé ;
"1°) alors que l'article 81 du code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction procède à tous les actes qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité ; que le juge d'instruction peut, dans le cadre de ses pouvoirs, convoquer les parties et leurs conseils lorsqu'il estime leur présence utile à la manifestation de la vérité ; qu'en énonçant pour annuler l'interrogatoire de M. X... que l'avocat des parties civiles, régulièrement convoqué par le juge d'instruction, ne pouvait pas être présent, la chambre de l'instruction a méconnu les pouvoirs du juge d'instruction ;
"2°) alors que les dispositions des articles 82-1 et 82-2 du code de procédure pénale autorisent les parties à saisir le juge d'instruction d'une demande présentée dans les formes prévues par le dixième alinéa de l'article 81 dudit code, tendant à l'audition d'une partie et leur permettant de bénéficier de la présence de leur avocat ; que ces dispositions relatives aux demandes formées par les parties sont distinctes de celles relatives aux pouvoirs dont dispose le juge d'instruction ; qu'en prononçant la nullité en raison d'une prétendue méconnaissance des dispositions des articles 82-1 et 82-2 du code de procédure pénale par les parties civiles tandis qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que « la décision de procéder à cet interrogatoire a été prise par le seul magistrat instructeur et de son propre chef » dans le cadre de ses pouvoirs, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;
"3°) alors que, en tout état de cause, les parties civiles faisaient valoir, dans leur mémoire régulièrement déposé, avoir également déposé une demande écrite et motivée adressée au juge d'instruction ; qu'en relevant l'absence de demande écrite et motivée, la chambre de l'instruction a méconnu les pièces de la procédure et n'a pas répondu à un moyen des parties civiles ;
" 4°) alors qu'en outre la nullité ne peut pas être prononcée en l'absence de grief ; qu'il résulte des pièces de la procédure, comme le relevaient les réquisitions du ministère public et le mémoire régulièrement déposé par les parties civiles, que la convocation de l'avocat des parties civiles établie par le juge figurait au dossier d'instruction, qu'il résulte également des pièces de la procédure que ni M. X... ni son conseil ne se sont opposés à la présence et à la participation de l'avocat des parties civiles lors de l'interrogatoire en cause ; qu'en prononçant néanmoins la nullité dudit interrogatoire sans constater que cette présence faisait grief, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Vu les articles 171 et 802 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que la nullité d'un acte de la procédure ne peut être prononcée que lorsque la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou l'inobservation de formalités substantielles a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 1er mars 2012, M. X..., mis en examen du chef d'abus de confiance, a déposé une requête en nullité sollicitant l'annulation de son interrogatoire, intervenu le 12 septembre 2011, en présence de son avocat et de l'avocat des parties civiles, en application des dispositions de l'article 82-2 du code de procédure pénale ;
Attendu que, pour faire droit à cette demande, la chambre de l'instruction énonce qu'aucune demande écrite et motivée satisfaisant au formalisme exigé par l'article 81, alinéa 10, du code de procédure pénale n'avait été formée par les parties civiles et que l'article 82-1 du même code dispose que ce formalisme s'impose à peine de nullité, laquelle est encourue sans que la preuve d'un grief subi par le mis en examen ne soit exigée ; que les juges ajoutent qu'un renoncement tacite à se prévaloir de la nullité de l'acte ne saurait résulter du défaut de protestation de l'intéressé au cours de l'interrogatoire ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que ni M. X... ni son avocat n'ont émis aucune opposition ou réserve à la présence de l'avocat des parties civiles qui est intervenu lors de l'interrogatoire du 12 septembre 2011, ce dont il résulte qu'aucune atteinte n'a été portée aux intérêts de la personne mise en examen, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau, en date du 2 mai 2012 ;
DIT n'y avoir lieu à annulation de l'interrogatoire de M. X... du 12 septembre 2011 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six novembre deux mille douze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-83766
Date de la décision : 06/11/2012
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Interrogatoire - Première comparution - Demande d'une partie tendant à ce que l'acte soit effectué en présence de son avocat - Formes - Méconnaissance - Sanction - Nullité - Conditions - Atteinte aux intérêts de la personne mise en examen

Selon les articles 171 et 802 du code de procédure pénale, la nullité d'un acte de la procédure ne peut être prononcée que lorsque la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou l'inobservation de formalités substantielles a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne qu'elle concerne. Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui fait droit à la demande d'annulation d'un interrogatoire d'un mis en examen, réalisé en présence de l'avocat des parties civiles, alors que la demande à cette fin présentée par celles-ci n'a pas respecté les formes prévues, à peine de nullité, par l'article 81, alinéa 10, du code de procédure pénale, et que ni le mis en examen ni son avocat n'ont émis d'opposition ou de réserve à la présence de l'avocat au cours de l'interrogatoire, ce dont il résulte qu'aucune atteinte n'a été portée aux intérêts de la personne mise en examen


Références :

articles 171 et 802 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau, 02 mai 2012

Sur la nécessité d'un grief pour annuler l'interrogatoire d'un mis en examen réalisé en présence de l'avocat de la partie civile en méconnaissance des formes prévues par l'article 81, alinéa 10, du code de procédure pénale, à rapprocher :Crim., 11 mai 2004, pourvoi n° 04-81039, Bull. crim. 2004, n° 114 (2) (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 nov. 2012, pourvoi n°12-83766, Bull. crim. criminel 2012, n° 238
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2012, n° 238

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Berkani
Rapporteur ?: M. Pers
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:12.83766
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