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06/11/2012 | FRANCE | N°11-19457

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 novembre 2012, 11-19457


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1998, la Société pour l'aménagement et la gestion de l'environnement (la SAGED), aux droits de laquelle vient la société Consortium de réalisation entreprises (la société CDR), a cédé à la société Entreprise Jean Lefevre (la société EJL), aux droits de laquelle vient la société Vinci, les actions représentant le capital de la société Matériaux de l'Essonne et du Loin

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1998, la Société pour l'aménagement et la gestion de l'environnement (la SAGED), aux droits de laquelle vient la société Consortium de réalisation entreprises (la société CDR), a cédé à la société Entreprise Jean Lefevre (la société EJL), aux droits de laquelle vient la société Vinci, les actions représentant le capital de la société Matériaux de l'Essonne et du Loing (la société MEL), aux droits de laquelle vient Ia société Matériaux routiers franciliens (la société MRF), qui exploitait notamment un Centre d'enfouissement technique (CET) de classe III à Coudray Monceaux dans l'Essonne ; que la convention de cession comportait en son article 8 un engagement de non-concurrence ; qu'aux termes de l'article 8.2, la SAGED s'interdisait expressément , pour une durée de dix ans à compter de la date du transfert, de s'intéresser ou de participer directement ou indirectement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, à toute activité similaire ou susceptible de concurrencer les activités des sociétés EJL et MEL dans toute la zone géographique couverte par les départements d'Ile de France ; qu'aux termes de l'article 8.3, la SAGED s'interdisait en particulier d'exploiter un CET de classe III dans le département de l'Essonne, de s'intéresser ou de participer directement ou indirectement à toute activité similaire à celles des sociétés EJL et MEL ou susceptible de concurrencer celles-ci dans la même zone géographique ; qu'en 2001, la SAGED a cédé à la Société d'économie mixte d'actions pour la revalorisation des déchets et des énergies locales (la SEMARDEL) les actions représentant le capital d'une autre de ses filiales, la société Carrières de l'Essonne et du Loing (la société CEL), qui était titulaire d'une autorisation d'exploitation d'un CET de classe Ill à Ballancourt dans l'Essonne ; qu'ayant appris que depuis 2002, la société CEL avait sous-traité à la Société de valorisation de déchets et de matériaux l'exploitation du site de Ballancourt, les sociétés Vinci et MRF, reprochant à la société CDR de ne pas avoir fait en sorte que l'obligation de non-concurrence soit respectée, ont demandé que celle-ci soit condamnée à leur payer des dommages-intérêts ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que les termes utilisés par les parties dans l'engagement de non-concurrence démontrent que ces dernières ont voulu établir une obligation générale de non-concurrence la plus large possible à la charge de la SAGED et de ses filiales et qu'en cédant les titres de la société CEL à la SEMARDEL, la SAGED aurait dû lui transmettre l'obligation de non- concurrence dont elle était elle-même responsable ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les stipulations claires et précises de l'engagement de non-concurrence en y ajoutant une obligation de transmission de l'obligation qu'il ne prévoyait pas et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Matériaux routiers franciliens et la société Vinci aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Consortium de Réalisation Entreprises
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la SAS CONSORTIUM DE REALISATION ENTREPRISES (CDR ENTREPRISES) est responsable envers la SAS VINCI venant aux droits de la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE et la SAS MRF (MATERIAUX ROUTIERS FRANCILIENS) venant aux droits de la société MEL (MATERIAUX DE L'ESSONNE ET DU LOING) de la violation de l'obligation de non concurrence commise par la société SAGED et contenue dans l'article 8.2 du Protocole de cession en date du 24 novembre 1998, et d'avoir en conséquence ordonné une mesure d'expertise aux fins d'apprécier le manque à gagner de la société MRF ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « il suffit, pour la compréhension du présent litige, de retenir que la Société pour l'aménagement et la gestion de l'environnement, dite SAGED, promettait, par ‘'Protocole d'accord'' sous seing privé signé le 24 novembre 1998, de céder à la société Entreprise Jean Lefebvre (EJL) les actions de la société Matériaux de l'Essonne et du Loing (MEL) qui exploitait notamment un centre d'enfouissement technique (CET) de classe III à Coudray Monceaux dans l'Essonne (91) ; que la convention comportait un article 8, intitulé ‘'engagements de non concurrence'', dont il convient d'extraire les obligations suivantes :‘'8.2 SAGED s'interdit expressément de s'intéresser ou de participer directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit à toute activité similaire ou susceptible de concurrencer les activités des Sociétés et ce, dans toute la zone géographique couverte par les départements de l'Ile de France.8.3 En particulier, SAGED s'engage à ne pas exploiter un centre d'enfouissement technique de classe III dans le département de L'Essonne.En cas d'exploitation par SAGED ou par un tiers qu'elle se substituerait, et ce de quelque manière que ce soit, d'un centre d'enfouissement technique de classe I ou II dans ce même département nécessitant l'extraction de matériaux, les cessionnaires s'engagent à évacuer à leurs frais les matériaux de type B1 (sablons) et D2 (graves) tels que définis par le classement des matériaux résultant du Guide Technique des Routes établi par le CETRA et non utilisés dans le cadre de l'exploitation du centre d'enfouissement technique susvisé, qui seront cédés par SAGED pour le franc symbolique. Cet engagement sera attaché à ladite exploitation.8.4 Les engagements souscrits au titre des articles 8.1, 8.2 et 8.3 seront valides pendant une durée de dix années à compter de la Date de Transfert'' ;que le même 24 novembre 1998 a aussi été signée une convention de garantie soumise à conditions suspensives, notamment ‘'la remise à EJL d'une lettre de substitution de CDR-E'' (article 12.1 (f) ; que cette lettre, datée du 23 décembre 1998, est rédigée en ces termes :‘'(...) En notre qualité de société mère de la société SAGED nous nous engageons, par la présente, sous réserve que le bénéfice des obligations souscrites par votre société soit intégralement transféré de SAGED à notre société, à nous substituer dans les obligations de garant de SAGED souscrites au titre de cet Acte dans l'un des cas suivants :- liquidation de la société SAGED,- fusion ou scission de la société SAGED avec une société tiers au groupe CDR,- cession de la société SAGED à une société tiers au Groupe CDR'' ;que l'ensemble des conditions suspensives ont été levées et la promesse, la convention de garantie et la lettre du 23 décembre 1998 sont devenues acte de cession suivant annexe complémentaire en date du 7 janvier 1999, enregistrée le même jour ; que SAGED, par acte sous seing privé du 14 mars 2001, a cédé à la société d'Economie Mixte d'Actions pour la Revalorisation des Déchets et des Energies Locales (SEMARDEL) une autre des ses filiales, la société Carrières de l'Essonne et du Loing (CEL), titulaire d'une autorisation d'exploitation d'un CET de classe III à Ballancourt (Essonne) ; que EJL, le 28 avril 2007, a écrit à SAGED en ces termes ‘'Contre toute attente, nous venons d'apprendre que depuis 2002, la Société CEL sous-traite à la Société S.D.V. Société De Valorisation de déchets et de matériaux qu'elle détient partiellement, le site de Ballancourt. Ce site consistant en une carrière de grave naturelle et de sablon est réaménagé en terre agricole après enfouissement de déchets de classe III'' ; que EJL demandait à SAGED de faire cesser ce trouble et entendait obtenir réparation de ce qu'elle considérait comme une violation de la clause de non concurrence précédemment reproduite ; que SAGED avait fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine à la société CDR Entreprises le 29 janvier 2007 ; que la société Vinci, venant aux droits de EJL, et la société Matériaux Routiers Franciliens (MRF), venant aux droits de MEL, ont, le 22 novembre 2007, assigné la société Consortium De Réalisation Entreprises afin que celle-ci soit condamnée à lui payer une provision de 200.000 euros et que soit ordonnée une expertise permettant d'évaluer son préjudice puisqu'il n'avait pas été ‘'fait en sorte que l'obligation de non concurrence soit respectée'' ; que c'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement frappé d'appel dont le dispositif a été précédemment rappelé ; que la transmission universelle du patrimoine de SAGED à CDR Entreprises le 22 novembre 2007 rend vaine toute discussion relative à la portée de l'engagement de garantie de cette dernière, tel que défini dans sa lettre précitée du 23 décembre 1998 ; que la clause de non concurrence litigieuse s'applique à l'appelante ; que, pour le surplus, c'est par une exacte appréciation de la cause tant en fait qu'en droit et par des motifs appropriés que la Cour adopte que les premiers juges ont retenu la responsabilité du CDR et ordonné une expertise ; que le jugement frappé d'appel sera confirmé » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le protocole signé le 24 novembre 1998 entre SAGED et EJL prévoit :- article 8.2. : ‘'Saged s'interdit expressément de s'intéresser ou de participer directement ou indirectement sous quelque forme et à quelque titre que ce soit à toute activité similaire ou susceptible de concurrencer les activités des sociétés et ce dans toute la zone géographique couverte par les départements d'Ile de France''- article 8.3 : ‘'en particulier, Saged s'engage à ne pas exploiter un centre d'enfouissement technique de classe III dans le département de l'Essonne. En cas d'exploitation par Saged ou par un tiers qu'elle se substituerait et ce de quelque manière que ce soit d'un centre d'enfouissement technique de classe I ou II dans ce même département nécessitant l'extraction de matériaux, les cessionnaires s'engagent à évacuer à leurs frais les matériaux de type B1 (sablons) et D2 (graves)non utilisés dans le cadre de l'exploitation du centre d'enfouissement technique susvisé qui seront cédés par SAGED pour le franc symbolique.Cet engagement sera attaché à ladite exploitation'' ;que les termes et expressions tels que ‘'directement ou indirectement'', ‘'sous quelque forme que ce soit et à quelque titre'', ‘'similaire ou susceptible'' utilisés par les parties démontrent que ces dernières ont voulu établir dans cet article une obligation générale de nonconcurrence la plus large possible à la charge de Saged et ses filiales ; que l'article 8.3, comme cela est souvent l'usage pour ce type de clauses, décrit les situations particulières les plus probables dans une intention illustrative mais non limitative ; que l'article 8.3 ne prescrit pas expressément une restriction à la généralité des termes de l'article 8.2 qui, dans une telle hypothèse, n'aurait alors aucune raison d'être ; que le même jour une convention de garantie de passif et d'actif a été signée entre Saged et EJL, n'évoquant pas l'obligation de non-concurrence ; que cette dernière n'avait en effet aucune raison de se trouver inscrite dans une telle Convention ; que l'article 4.1.1 f) du Protocole mentionne une condition suspensive tenant à la remise à la société EJL d'une lettre de substitution de CDR-E conforme à l'article 5 de la convention de Garantie relative à la mise en oeuvre éventuelle de cette garantie ; que par courrier en date du 23 décembre 1998 CDR s'est engagée à se substituer dans les obligations de garant de Saged dans le cas de cession de Saged à une société tiers au Groupe CDR ; que ce courrier a été annexé au Protocole le 7 janvier 1999 avec la convention de Garantie, le tout faisant un seul et même corpus contractuel ; que le 14 mars 2001, Saged a vendu sa filiale CEL à SEMARDEL ; qu'à cette époque CEL n'exploitait pas le site de Ballancourt bien qu'en ayant l'autorisation préfectorale ; qu'après la vente, CEL a confié à SDVM dont elle détient une part de capital, l'exploitation du site de Ballancourt qui est un CET de classe III ; qu'en vendant CEL à SEMARDEL, SAGED aurait dû lui transmettre l'obligation de non concurrence dont elle était elle même responsable ; que la transmission universelle de patrimoine de SAGED à CDR-E le 29 janvier 2007 a eu pour effet de transférer à CRD-E l'ensemble des obligations souscrites par SAGED tant dans la convention de Garantie que dans le Protocole de cession lui-même ; que le seul fait que SAGED n'ait pas fait en sorte que l'obligation de non-concurrence soit transmise à la charge des cessionnaires ; que par l'effet de la transmission universelle, CDR-E en soit désormais redevable ; que ces fautes, à l'origine du trouble subi par VINCI et MRF, sont les éléments qui constituent une violation de l'article 8.2 du Protocole dont CDR-E doit répondre envers MRF et Vinci ; que les sociétés VINCI et MRF demandent à titre de provision une somme de 200.000 euros de dommages et intérêts ; que la détermination exacte du quantum du préjudice est une question complexe et spécialisée qui nécessite l'intervention d'un expert que le Tribunal désignera avec la mission ci-après» ;
1°/ ALORS QUE les juges ne peuvent altérer le sens clair et précis d'un contrat, ni dénaturer les obligations que les parties avaient librement acceptées en y ajoutant une obligation non prévue au contrat ; que l'article 8.2 du protocole de cession du 24 novembre 1998 stipulait que « SAGED s'interdit expressément de s'intéresser ou de participer directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit à toute activité similaire ou susceptible de concurrencer les activités des Sociétés et ce, dans toute la zone géographique couverte par les départements de l'Ile de France » ; qu'en retenant, par motifs adoptés, pour dire que la société SAGED aurait violé l'article 8.2 dudit protocole, qu'« en vendant sa filiale CEL à SEMARDEL, SAGED aurait dû lui transmettre l'obligation de non concurrence dont elle était elle-même responsable » (jugement, p. 8, § 4), la Cour d'appel a dénaturé les stipulations claires et précises de l'article 8.2 du protocole de cession du 24 novembre 1998 en y ajoutant une obligation de transmission de l'obligation, non prévue au contrat, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2°/ ALORS QU' une obligation de non concurrence qui n'est pas attachée à un fonds immobilier est une dette personnelle à son débiteur ; que, sauf stipulation contraire, les dettes personnelles ne sont pas transmises à l'ayant cause à titre particulier du débiteur ; que dès lors, la transmission d'une dette de non concurrence ne peut constituer une suite donnée à l'obligation d'après sa nature ; qu'en l'espèce, l'article 8.2 du protocole de cession du 24 novembre 1998 stipulait que « SAGED s'interdit expressément de s'intéresser ou de participer directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit à toute activité similaire ou susceptible de concurrencer les activités des Sociétés et ce, dans toute la zone géographique couverte par les départements de l'Ile de France » ; qu'à supposer même que la Cour d'appel se serait déterminée en considération des suites données à l'engagement de non concurrence pour dire que la société SAGED aurait violé l'article 8.2 dudit protocole « en vendant sa filiale CEL à SEMARDEL, SAGED aurait dû lui transmettre l'obligation de non concurrence dont elle était elle-même responsable » (jugement, p. 8, § 4), cependant que la transmission d'une dette personnelle de non concurrence ne constitue pas une suite donnée à l'obligation d'après sa nature, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-19457
Date de la décision : 06/11/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 nov. 2012, pourvoi n°11-19457


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent, SCP Monod et Colin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.19457
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