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31/10/2012 | FRANCE | N°11-25677

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 31 octobre 2012, 11-25677


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 juin 2006), qu'à la suite de la rupture, à l'initiative de M. X..., du contrat de collaboration libérale qui le liait depuis le mois de novembre 2002 à la société BRS et Partners (la société), inscrite au barreau de Paris, l'arbitre désigné par le bâtonnier a, notamment, condamné le premier à indemniser le second des conséquences dommageables du non-respect du délai de prévenance édicté par l'article 14-4 du règlement intérieur national de la profes

sion d'avocat et d'un détournement de clientèle ;
Sur le premier moyen, pris...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 juin 2006), qu'à la suite de la rupture, à l'initiative de M. X..., du contrat de collaboration libérale qui le liait depuis le mois de novembre 2002 à la société BRS et Partners (la société), inscrite au barreau de Paris, l'arbitre désigné par le bâtonnier a, notamment, condamné le premier à indemniser le second des conséquences dommageables du non-respect du délai de prévenance édicté par l'article 14-4 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et d'un détournement de clientèle ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, la première n'étant pas nouvelle :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'infirmer cette sentence arbitrale, alors, selon le moyen :
1°/ que les effets légaux d'un contrat sont régis par la loi en vigueur au moment où ils se produisent ; que l'article 14-4 du règlement intérieur national, résultant de la décision n° 2007-001 du 28 avril 2007 du Conseil national des barreaux, en ce qu'il détermine le délai de préavis applicable à la rupture du contrat de collaboration entre avocats, régit les effets légaux des contrats de collaboration en cours ; qu'en refusant de faire une application immédiate des dispositions de ce règlement au motif que cela entraînerait son application rétroactive au contrat litigieux conclu en 2002, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ;
2°/ qu'aux termes de l'article 14-4 du règlement intérieur national, "Sauf meilleur accord entre les parties, chaque partie peut mettre fin au contrat de collaboration en avisant l'autre au moins trois mois à l'avance. Le délai est porté à cinq mois au-delà de cinq ans de présence" ; que selon l'interprétation donnée par le Conseil national des barreaux de ces dispositions, il y a lieu de considérer que le meilleur accord doit être donné par les parties au moment de la rupture ; qu'en retenant que les parties pouvaient s'accorder dès la conclusion du contrat de collaboration pour établir un meilleur accord sur le délai de préavis applicable, la cour d'appel a violé l'article 14-4 du règlement intérieur national ;
3°/ qu'en considérant que la clause du contrat de collaboration litigieux conclu en 2002 prévoyant un délai de préavis de deux mois pour la cessation du contrat de collaboration constitue un meilleur accord entre les parties, au sens de l'article 4-4 du règlement intérieur national, cependant qu'elle constatait que les parties n'avaient pu avoir eu en vue de se référer à de telles dispositions alors inexistantes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que le délai de prévenance prévu, à défaut d'accord contraire des parties, à l'article 14-4 du règlement intérieur national de la profession d'avocat dans sa rédaction issue de la décision n° 2007-001 du Conseil national des barreaux, a une valeur supplétive ;
Que la cour d'appel a donc, à bon droit, fait application du délai de prévenance convenu entre les parties ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches, tel que reproduit en annexe :
Attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre la société dans le détail de son argumentation, a retenu que le fait pour le collaborateur démissionnaire de mentionner le numéro de son téléphone portable dans des courriels professionnels et de laisser, le jour de son départ, un message d'absence indiquant ses nouvelles coordonnées, ne s'inscrivant pas dans un processus de démarchage organisé et prémédité, ne pouvaient en soi constituer une pratique de concurrence déloyale ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société BRS et Partners aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société BRS et Partners ; la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société BRS et Partners.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société BRS de sa demande en indemnisation pour le non-respect par M. X... du délai de préavis applicable et pour détournement de clientèle ;
Aux motifs que « l'arbitre refusant pertinemment de surseoir à statuer en l'absence de justification de la saisine d'une autre juridiction, a essentiellement pris en compte la loi du 11 février 2004 qui confère au CNB le pouvoir d'unifier les règles et usages de la profession, donc un pouvoir normatif renforcé au regard de sa mission antérieure qui était d'harmoniser ainsi que l'article 38-1 inséré dans le décret du 27 novembre 1991 par l'effet du décret du 15 mai 2007 lequel précise que les décisions du CNB sont publiées au Journal Officiel pour en conclure que le délai de prévenance porté à 5 mois était d'application immédiate aux contrats en cours, avec certes la possibilité d'un meilleur accord, mais compte tenu de la raison d'être de l'allongement des délais de prévenance, à la condition que cet accord intervienne au moment de la rupture ; que constatant que tel n'avait pas été le cas en l'espèce dès lors que les parties n'avaient pas choisi, de manière éclairée, un meilleur accord, d'autant qu'en 2002, le délai de 5 mois n'existait pas et que le délai de 2 mois était le délai légal en vigueur à l'époque, se refusant, pour une obligation présentant un caractère de réciprocité et obligeant autant chaque partie, à faire application, comme invoqué par M. X..., des dispositions de l'article 1162 du code civil selon lesquelles le doute profite à celui qui a contracté l'obligation, l'arbitre a encore estimé que l'appelant aurait pu et dû attendre l'avis de la commission qui avait convoqué les parties pour le 17 mars 2009 ou recourir à 1a procédure du référé déontologique, son attitude se révélant fautive ne serait-ce que par la désorganisation causée au cabinet ; que cette analyse est critiquable en ce qu'elle n'aborde pas explicitement la difficulté principale invoquée à juste raison par M. X..., lequel soutient que des dispositions entrées en vigueur postérieurement à la signature de son contrat ne peuvent avoir d'effet rétroactif sur celui-ci ; que la sentence refuse une application des conventions signées librement entre les parties en invoquant des textes ultérieurs mais sans justifier du fondement d'une telle rétroactivité ; que certes, elle soutient exactement qu'il y a lieu à application immédiate des normes définies par le Conseil National des Barreaux, publiées au Journal Officiel, auquel un pouvoir réglementaire est ainsi conféré ; que ces normes prévoient toutefois la possibilité d'un meilleur accord des parties ; que l'article 14-4 prévoit ainsi : " sauf meilleur accord des parties, chaque partie peut mettre fin au contrat de collaboration en avisant l'autre au moins trois mois à l'avance. Ce délai est porté à 5 mois au-delà de 5 ans de présence" ; que s'agissant du meilleur accord, il ne peut s'apprécier en l'espèce qu'en 2002, seule date à prendre en considération pour rechercher l'existence d'un accord pleinement réciproque, époque à laquelle le délai de préavis allongé à 5 mois n'existait pas ce qui exclut d'autant plus d'envisager que les parties aient pu avoir à un moment quelconque la volonté de s'y référer ; qu'en conséquence la sentence sera infirmée en ce qu'elle a retenu que M. X... n'avait pas respecté ses obligations quant au préavis complémentaire de 3 mois qu'il restait devoir et que ce préjudice justifierait à lui seul l'octroi d'une somme de 21 000 € à titre de dommages et intérêts » (arrêt attaqué, p. 3-4) ;
1°) Alors que les effets légaux d'un contrat sont régis par la loi en vigueur au moment où ils se produisent ; que l'article 14-4 du règlement intérieur national, résultant de la décision n° 2007-001 du 28 avril 2007 du Conseil national des barreaux, en ce qu'il détermine le délai de préavis applicable à la rupture du contrat de collaboration entre avocats, régit les effets légaux des contrats de collaboration en cours ; qu'en refusant de faire une application immédiate des dispositions de ce règlement au motif que cela entraînerait son application rétroactive au contrat litigieux conclu en 2002, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ;
2°) Alors, subsidiairement, qu'aux termes de l'article 14-4 du règlement intérieur national, « Sauf meilleur accord entre les parties, chaque partie peut mettre fin au contrat de collaboration en avisant l'autre au moins trois mois à l'avance. Le délai est porté à cinq mois au-delà de cinq ans de présence » ; que selon l'interprétation donnée par le Conseil national des barreaux de ces dispositions, il y a lieu de considérer que le meilleur accord doit être donné par les parties au moment de la rupture ; qu'en retenant que les parties pouvaient s'accorder dès la conclusion du contrat de collaboration pour établir un meilleur accord sur le délai de préavis applicable, la cour d'appel a violé l'article 14-4 du règlement intérieur national ;
3°) Alors qu'en considérant que la clause du contrat de collaboration litigieux conclu en 2002 prévoyant un délai de préavis de deux mois pour la cessation du contrat de collaboration constitue un meilleur accord entre les parties, au sens de l'article 14-4 du règlement intérieur national, cependant qu'elle constatait que les parties n'avaient pu avoir eu en vue de se référer à de telles dispositions alors inexistantes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société BRS de sa demande en indemnisation pour détournement de clientèle ;
Aux motifs que « le seul fait que M. X... ait persévéré dans les diverses démarches indispensables à son futur établissement professionnel ne saurait lui être reproché ; que les courriels échangés, produits notamment en pièces 25, 27, 28, 30, invoqués par l'intimée, ne sont pas de nature à démontrer la volonté de chercher à tronquer les listes des dossiers en cours mais seulement de pouvoir, seulement pour la clientèle qui le souhaite, la conserver ; que les autres éléments d'indélicatesse invoqués par l'intimée, comme l'indication dès que possible du téléphone personnel ou l'installation le jour de son départ d'un message d'absence sur la messagerie du cabinet ne sont sans doute pas d'une courtoisie exemplaire mais en aucun cas de nature à étayer sérieusement les graves accusations qui sont portées à l'encontre de M. X... et qui , apparaissent dès lors particulièrement disproportionnées s'il ne s'agit que de déplorer une attitude manquant de souplesse ou de convivialité ; que la sentence sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a indemnisé la Selarl BRS et lui a alloué des dommages et intérêts, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux frais d'arbitrage qui seront partagés entre les parties ;
1°) Alors que l'ancien collaborateur libéral doit s'interdire toute pratique de concurrence déloyale ; que constitue une telle pratique le fait pour un ancien collaborateur de mettre à la disposition de la clientèle du cabinet ses coordonnées personnelles dans le but d'établir un contact direct avec lui ; qu'en considérant que la mention par M. X... sur les courriels adressés à la clientèle de la société BRS de son numéro de portable, quelques mois avant son départ, ainsi que l'indication sur la messagerie de son téléphone du bureau de sa nouvelle installation et de ses nouvelles coordonnées, ne constituait pas une faute de nature à engager sa responsabilité civile, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 14-3, dernier alinéa, du règlement intérieur national ;
2°) Alors que, dans ses conclusions d'appel, la société BRS soutenait que M. X... avait utilisé les affaires du cabinet pour se constituer sa propre clientèle, citant en ce sens le cas du dossier de Didier Y..., gérant d'une société dont la société BRS était le conseil ; que M. X... ne contestait pas dans ses écritures avoir obtenu ce dossier par grâce à l'affaire qu'il avait traité pour la société BRS ; qu'en laissant sans réponse ce moyen de la société BRS, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-25677
Date de la décision : 31/10/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Barreau - Règlement intérieur - Disposition relative à la rupture du contrat de collaboration - Délai de prévenance - Valeur supplétive - Portée

AVOCAT - Exercice de la profession - Contrat de collaboration - Rupture - Délai de prévenance - Délai convenu entre les parties - Portée

Le délai de prévenance prévu, à défaut d'accord contraire des parties, à l'article 14-4 du règlement intérieur national de la profession d'avocat, dans sa rédaction issue de la décision n° 2007-001 du Conseil national des barreaux, a une valeur supplétive. En conséquence, c'est à bon droit qu'une cour d'appel applique à la rupture contractuelle survenue sous l'empire de ce texte, le délai de prévenance convenu entre les parties avant son entrée en vigueur


Références :

Cour d'appel de Paris, 14 juin 2011, 10/00978
article 14-4 du règlement intérieur national de la profession d'avocat, dans sa version issue de la décision n° 2007-001 du Conseil national des barreaux en date du 28 avril 2007

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 31 oct. 2012, pourvoi n°11-25677, Bull. civ. 2012, I, n° 220
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, I, n° 220

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Mellottée
Rapporteur ?: Mme Verdun
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.25677
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