LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... et à M. Y... de ce qu'en leur qualité de liquidateurs de la société Mory LDI (la société Mory), ils reprennent l'instance introduite par celle-ci ;
Donne acte à la société Mory du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Militzer et Munch ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 octobre 2010), qu'entre le 30 novembre 1999 et le 24 avril 2001, la société Maggie May a importé en France, en exonération de droits de douane, des vêtements en provenance de Tunisie dont l'origine préférentielle était attestée par des certificats EUR 1 visés par les autorités tunisiennes ; qu'à la suite d'un contrôle, l'administration des douanes, estimant que la réglementation qui permettait de conférer une origine préférentielle tunisienne à ces vêtements n'avait pas été respectée, a notifié à la société Maggie May, par procès-verbal du 20 juillet 2004, l'infraction douanière d'importation sans déclaration de marchandises prohibées ayant entraîné des droits et taxes éludés à hauteur d'un certain montant, puis a émis à son encontre, le 4 août 2004, un avis de mise en recouvrement (AMR) de même montant ; que par procès-verbaux des 21 et 28 septembre 2004, l'administration des douanes a notifié la même infraction à la société Mory et à la société Militzer et Munch, commissionnaires en douane, en réclamant à chacune une certaine somme, puis en émettant à leur encontre, le 5 octobre 2004, des AMR correspondants ; que leurs contestations ayant été rejetées, les trois sociétés ont fait assigner l'administration des douanes aux fins d'annulation des AMR ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Mory fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes d'annulation de l'AMR du 5 octobre 2004 et de dispense de recouvrement des droits, alors, selon le moyen :
1°/ que l'avis de mise en recouvrement indique le fait générateur de la créance ainsi que sa nature, son montant et les éléments de sa liquidation ; que ces mentions sont prévues à peine de nullité ; que l'avis de mise en recouvrement constitue un titre exécutoire qui doit se suffire à lui-même ; qu'en l'espèce, ayant elle-même constaté que l'avis de mise en recouvrement litigieux faisait mention d'un fait générateur erroné et d'un montant de la valeur taxable inexact, ce dont il résultait que l'avis de mise en recouvrement ne se suffisait pas à lui-même, la cour d'appel qui a refusé d'annuler ce titre exécutoire n'a pas tiré les conséquences légales de sa constatation et a violé l'article 345 du code des douanes ;
2°/ que la société Mory faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que l'avis de mise en recouvrement visait l'article 285 du code des douanes et qu'une telle indication ne saurait permettre de connaître la " nature de la créance ", dont l'indication constituait également une exigence légale ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef de contestation de la société Mory, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la mention de " fausse déclaration de valeur " est erronée et que le montant de la valeur taxable n'est pas exact, l'arrêt retient que ces erreurs purement matérielles n'emportent pas de conséquence dès lors que le fait générateur de la créance a été correctement énoncé dans l'AMR et que le calcul des droits éludés a été réalisé correctement sur la base de la véritable valeur taxable, le procès-verbal d'infraction antérieurement notifié à la société Mory reprenant très exactement la liste des opérations litigieuses et la valeur des marchandises incriminées et explicitant le calcul des droits et taxes effectué par l'administration des douanes ; qu'ainsi la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre au moyen inopérant visé par la seconde branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Mory fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu du principe du respect des droits de la défense, le destinataire d'un avis de mise en recouvrement doit avoir été mis en mesure, avant la délivrance de celui-ci, de faire connaître son point de vue, en connaissance de cause et dans un délai raisonnable, à l'administration douanière ; qu'en retenant qu'aucun débat contradictoire avant l'émission d'un avis de mise en recouvrement n'est prévu par la loi, la cour d'appel a violé le principe des droits de la défense, principe fondamental du droit communautaire, et principe général ayant valeur constitutionnelle ;
2°/ qu'en se bornant à retenir que les représentants de la société Mory avaient été auditionnés par les enquêteurs et que la société Mory était donc pleinement informée de l'objet de l'enquête conduite par l'administration des douanes et qu'elle n'avait pas, à la suite de la notification de l'infraction, formulé d'observations ou recouru à la procédure devant la commission de conciliation et d'expertise douanière, au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société avait eu connaissance des éléments recueillis au cours d'une longue enquête par l'administration des douanes établissant comment la société Maggie May se fournissait en tissus, comment ces tissus étaient adressés à des façonniers en Tunisie et comment étaient fabriqués les vêtements et les raisons pour lesquelles l'administration des douanes estimait que les règles du régime préférentiel à l'importation n'avaient pas été respectées, et si la société Mory avait été en mesure, dans un délai suffisant, de faire valoir ses observations, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe des droits de la défense ci-dessus rappelé ;
3°/ que la société Mory faisait valoir que malgré ses demandes réitérées, l'administration des douanes ne lui avait jamais communiqué les multiples pièces et procès-verbaux qui lui avaient permis d'élaborer le redressement complexe litigieux et qu'en sa qualité de commissionnaire en douane, plus de six années après la notification de l'avis de mise en recouvrement, elle n'était toujours pas en mesure de disposer des éléments lui permettant de contrôler le fondement et le montant des droits réclamés et ce, alors même que les indications chiffrées portées sur l'avis de mise en recouvrement étaient incorrectes et incompréhensibles ; qu'en ne recherchant pas si la société Mory avait été au moins mise en mesure de contester contradictoirement au cours de la procédure le redressement et en se bornant à affirmer, sans autre explication, que " le calcul des droits éludés a bien été réalisé correctement ", la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe du contradictoire et de l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que le procès-verbal établi à l'occasion du premier contrôle effectué le 13 février 2003 par les enquêteurs mentionne, en préambule du procès-verbal relatant l'audition du responsable du service douane de la société Mory, que l'objet de la visite consiste à " procéder au contrôle des opérations d'importation ou d'exportation que la société Mory a déposées pour le compte de son client, la société Maggie May " ; qu'il relève également que ce responsable a été entendu longuement par les enquêteurs, qu'il a mis ceux-ci en contact avec le responsable des relations commerciales de la société Maggie May, lequel a encore été entendu deux mois plus tard au sujet des opérations d'importation et d'exportation effectuées par la société Mory pour le compte de la société Maggie May ; qu'il retient que ces deux procès-verbaux attestent que la société Mory était pleinement informée de l'objet de l'enquête conduite par l'administration des douanes et qu'au surplus, à la suite de la notification de l'infraction à la société Mory, son représentant légal n'a formulé aucune observation et s'est abstenu de recourir à la procédure devant la commission de conciliation et d'expertise douanière ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la société Mory avait été mise en mesure avant la délivrance de l'AMR de faire connaître son point de vue, en connaissance de cause, dans un délai suffisant, compte tenu de la durée de la procédure d'instruction, la cour d'appel a statué à bon droit ;
Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel a, contrairement à ce que suppose le moyen, constaté que, lors de la contestation de l'AMR, la société Mory n'avait pas formulé de demande de communication de pièces touchant aux conditions dans lesquelles une infraction douanière avait été constatée et imputée à la société Maggie May ; qu'il ne résulte pas des productions qu'il en a été différemment dans la phase de la procédure antérieure à la notification de l'AMR ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Mory fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'il appartient aux autorités douanières de contrôle qui invoquent l'absence de réponse des autorités douanières du pays d'exportation, d'établir l'envoi et la réception par ces dernières de toute demande d'invalidation de certificats de circulation EUR 1 ; qu'en se bornant à retenir que l'administration des douanes justifiait avoir envoyé le 7 mars 2003 un courrier aux autorités tunisiennes puis un second courrier, sans nullement constater que ces courriers étaient bien parvenus aux autorités tunisiennes, ce qui était contesté, la cour d'appel a violé l'article 33 du titre V du protocole n° 4 relatif à la définition de la notion de produits originaires et aux méthodes de coopération administrative annexé à l'accord euro-méditerranéen entré en vigueur le 1er mars 1998, ensemble l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'administration des douanes a produit, avec la copie d'un courrier du 7 mars 2003 adressé à la direction générale des douanes à Tunis, une copie d'une facture de Chronopost international du 11 mars 2003 comportant, dans la rubrique " destinataire ", le nom et l'adresse de la direction générale des douanes à Tunis, la cour d'appel a pu en déduire que cette facture suffit à démontrer l'envoi de ce courrier dont elle a retenu à bon droit que l'administration des douanes n'était pas tenue de vérifier la réception ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le quatrième moyen :
Attendu que la société Mory fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que l'erreur des autorités douanières, au sens de l'article 220-2 b du code des douanes communautaire, peut émaner soit des autorités compétentes pour le recouvrement a posteriori, soit de l'Etat d'exportation ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si l'administration des douanes françaises qui devait prendre toutes les mesures nécessaires afin de contrôler le caractère originaire des produits en application de l'article 18 du protocole n° 4 n'avait pas commis une erreur en ne procédant pas à un minimum de contrôle pour vérifier la provenance des tissus utilisés par la société Maggie May avant de délivrer à celle-ci des documents EUR 1 attestant de l'origine communautaire des tissus, documents qui avaient permis ensuite la délivrance de certificats EUR 1, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 220-2 b du code des douanes communautaire ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'administration des douanes avait déclenché une enquête et procédé à des contrôles approfondis puis avait saisi les autorités tunisiennes d'une demande de renseignements concernant les certificats EUR 1, la cour d'appel a pu en déduire qu'aucune erreur ne peut lui être imputée permettant à la société Mory de se prévaloir des dispositions de l'article 220-2 b du code des douanes communautaire ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Mory LDI et autres
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Mory LDI de ses demandes d'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 5 octobre 2004 et de dispense de recouvrement de droits ;
AUX MOTIFS QUE concernant en premier lieu la régularité de la procédure au regard des mentions de l'AMR, il convient de se référer à l'article 345 du Code des douanes, qui dispose : « l'avis de mise en recouvrement indique le fait générateur de la créance ainsi que sa nature, son montant et les éléments de sa liquidation. Une copie est notifiée au redevable » ; qu'en l'espèce, l'AMR notifié à la société Mory LDI mentionne notamment, dans la rubrique intitulée « Désignation des créances fait générateur, nature, montants et éléments de liquidation » ; « Mise en libre pratique d'articles de confection originaires de la Tunisie ; obtention indue d'un régime préférentiel à l'importation. Fausse déclaration de valeur relevée par P. V. N° 32 en date du 21 septembre 2004 Article 285 du Code des douanes. Valeur taxable : 2. 450. 593 € » ; que s'il est vrai que la mention d'une « fausse déclaration de valeur », qui en effet ne constitue pas l'infraction poursuivie à l'encontre de Mory LDI, est erronée, cette erreur purement matérielle est cependant sans emport au cas d'espèce, dès lors qu'elle ne constitue pas le fait générateur de la créance qui, en revanche, a été correctement énoncé ; qu'en outre, s'il est également vrai que le montant de la valeur taxable n'est pas exact, force est de constater que le calcul des droits éludés a bien été réalisé correctement, sur la base de la véritable valeur taxable ; qu'il s'ensuit que ces erreurs matérielles n'affectent pas la régularité de l'AMR qui satisfait aux exigences de l'article 345 précité du Code des douanes, étant de surcroît observé que les annexes qui accompagnent le procès-verbal d'infraction antérieurement notifié à la société Mory LDI reprennent très exactement la liste des opérations litigieuses et la valeur des marchandises incriminées, en explicitant ainsi en tant que de besoin le calcul des droits et taxes effectué par les douanes ; qu'au demeurant, l'administration des douanes est fondée à opposer à la société Mory LDI que son courrier de contestation du 28 octobre 2004 ne visait nullement les deux mentions en cause mais tendaient essentiellement à obtenir l'application de l'article 348 du Code des douanes « en cas d'établissement d'une situation de fraude de Maggie May » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'avis de mise en recouvrement indique le fait générateur de la créance ainsi que sa nature, son montant et les éléments de sa liquidation ; que ces mentions sont prévues à peine de nullité ; que l'avis de mise en recouvrement constitue un titre exécutoire qui doit se suffire à lui-même ; qu'en l'espèce, ayant elle-même constaté que l'avis de mise en recouvrement litigieux faisait mention d'un fait générateur erroné et d'un montant de la valeur taxable inexact, ce dont il résultait que l'avis de mise en recouvrement ne se suffisait pas à lui-même, la Cour d'appel qui a refusé d'annuler ce titre exécutoire n'a pas tiré les conséquences légales de sa constatation et a violé l'article 345 du Code des douanes ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la société Mory LDI faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que l'avis de mise en recouvrement visait l'article 285 du Code des douanes et qu'une telle indication ne saurait permettre de connaître la « nature de la créance », dont l'indication constituait également une exigence légale ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef de contestation de la société Mory LDI, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Mory LDI de ses demandes d'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 5 octobre 2004 et de dispense de recouvrement de droits ;
AUX MOTIFS QUE concernant en second lieu la régularité de la procédure au regard du respect du principe du contradictoire et des droits de la défense, qu'il convient tout d'abord de rappeler :
- en premier lieu, que la procédure spécifique de recouvrement des dettes douanières n'organise pas d'échange contradictoire entre, d'une part, la date de notification de l'infraction douanière et des droits à l'issue de l'enquête douanière qui n'est pas elle-même soumise au principe de la contradiction et, d'autre part, la date de délivrance de l'avis de mise en recouvrement ;
- en second lieu, que les dispositions des articles 345 à 349 bis du Code des douanes fixant les conditions d'émission et les modalités de contestation des AMR ne prévoient pas non plus de délai entre la date de la notification de l'infraction douanière et la date d'émission de l'avis ;
qu'il suffit de constater, qu'en l'espèce, Mory LDI n'a nullement été privée de la faculté qui lui était offerte par les articles 346 et 347 du Code des douanes d'adresser à l'administration une contestation dont le rejet l'a alors conduite à l'assigner devant le tribunal d'instance ; que les conditions dans lesquelles les agents des douanes ont effectué par les contrôles qui ont conduit à l'établissement des procès-verbaux de constat puis du procès-verbal de notification d'infraction révèlent qu'aucune atteinte n'a été concrètement apportée aux droits de la défense de l'intimée antérieurement à la notification de l'AMR ; qu'en effet, le procès-verbal établi à l'occasion du premier contrôle effectué le 13 février 2003 par les enquêteurs mentionne, en préambule du procès-verbal relatant l'audition du M. Z..., responsable du service douane, que l'objet de la visite consiste à « procéder au contrôle des opérations d'importation ou d'exportation que la société Mory LDI a déposées pour le compte de son client, la société Maggie May » ; qu'il est constant que M. Z... est entendu longuement par les enquêteurs qu'il va également mettre en contact avec M. A..., responsable des relations commerciales avec la société Maggie May, qui a encore été entendu deux mois plus tard au sujet des opérations d'importation et d'exportation effectuées par la société Mory LDI pour le compte de la société Maggie May ; que ces deux procès-verbaux attestent, si besoin est, que la société Mory LDI était pleinement informée de l'objet de l'enquête conduite par l'administration des douanes et qu'au surplus, à la suite de la notification de l'infraction à la société Mory LDI, son représentant, M. B..., n'a formulé aucune observation et s'est abstenu de recourir à la procédure devant la CCED ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu du principe du respect des droits de la défense, le destinataire d'un avis de mise en recouvrement doit avoir été mis en mesure, avant la délivrance de celui-ci, de faire connaître son point de vue, en connaissance de cause et dans un délai raisonnable, à l'administration douanière ; qu'en retenant qu'aucun débat contradictoire avant l'émission d'un avis de mise en recouvrement n'est prévu par la loi, la Cour d'appel a violé le principe des droits de la défense, principe fondamental du droit communautaire, et principe général ayant valeur constitutionnelle ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se bornant à retenir que les représentants de la société Mory LDI avaient été auditionnés par les enquêteurs et que la société Mory LDI était donc pleinement informée de l'objet de l'enquête conduite par l'administration des douanes et qu'elle n'avait pas, à la suite de la notification de l'infraction, formulé d'observations ou recouru à la procédure devant la commission de conciliation et d'expertise douanière, au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Mory LDI avait eu connaissance des éléments recueillis au cours d'une longue enquête par l'administration des douanes établissant comment la société Maggie May se fournissait en tissus, comment ces tissus étaient adressés à des façonniers en Tunisie et comment étaient fabriqués les vêtements et les raisons pour lesquelles l'administration des douanes estimait que les règles du régime préférentiel à l'importation n'avaient pas été respectées, et si la société Mory LDI avait été en mesure, dans un délai suffisant, de faire valoir ses observations, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe des droits de la défense ci-dessus rappelé.
ALORS ENFIN QUE la société Mory LDI faisait valoir (conclusions d'appel, p. 9 et 10) que malgré ses demandes réitérées, l'administration des douanes ne lui avait jamais communiqué les multiples pièces et procès-verbaux qui lui avaient permis d'élaborer le redressement complexe litigieux et qu'en sa qualité de commissionnaire en douane, plus de six années après la notification de l'avis de mise en recouvrement, elle n'était toujours pas en mesure de disposer des éléments lui permettant de contrôler le fondement et le montant des droits réclamés et ce, alors même que les indications chiffrées portées sur l'avis de mise en recouvrement étaient incorrectes et incompréhensibles ; qu'en ne recherchant pas si la société Mory LDI avait été au moins mise en mesure de contester contradictoirement au cours de la procédure le redressement et en se bornant à affirmer, sans autre explication, que « le calcul des droits éludés a bien été réalisé correctement », la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe du contradictoire et de l'article 16 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Mory LDI de ses demandes d'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 5 octobre 2004 et de dispense de recouvrement de droits ;
AUX MOTIFS QUE l'administration des douanes a produit, avec la copie d'un courrier du 7 mars 2003 adressé par la DNRED à la Direction générale des douanes à Tunis dont l'objet est intitulé « demande d'invalidation de certificats EUR 1 », dans lequel elle expose de manière précise et détaillée les circonstances dans lesquelles elle a été conduite à faire une enquête sur les importations de vêtements effectuées par la société Maggie May, une copie d'une facture de Chronopost International du 11 mars 2003 comportant, dans la rubrique « destinataire », le nom et l'adresse de la direction générale des douanes à Tunis ; que cette facture suffit à démontrer l'envoi de ce courrier qui, selon les dispositions de l'article 33 du titre V du protocole susvisé, n'est de toute façon assujetti à aucune formalité particulière, étant au surplus observé que compte tenu du silence des autorités douanières tunisiennes, l'administration des douanes, qui n'y était pourtant pas tenue, a cependant pris la précaution de leur faire parvenir un second courrier rappelant le précédent et lui demandant de bien vouloir lui « adresser dans les meilleurs délais possibles son courrier lui confirmant l'invalidation des EUR 1 litigieux » ; qu'en l'absence de réponse à son courrier du 11 mars 2003 à l'expiration du délai de six mois prévu par le protocole, l'administration des douanes, qui n'était alors astreinte à aucune autre formalité, en particulier concernant la vérification de la réception de son courrier, était ainsi fondée, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, à refuser le bénéfice du traitement préférentiel, aucune circonstance exceptionnelle au sens du protocole n'étant par ailleurs invoquée en l'espèce ;
ALORS QU'il appartient aux autorités douanières de contrôle qui invoquent l'absence de réponse des autorités douanières du pays d'exportation, d'établir l'envoi et la réception par ces dernières de toute demande d'invalidation de certificats de circulation EUR 1 ; qu'en se bornant à retenir que l'administration des douanes justifiait avoir envoyé le 7 mars 2003 un courrier aux autorités tunisiennes puis un second courrier, sans nullement constater que ces courriers étaient bien parvenus aux autorités tunisiennes, ce qui était contesté, la Cour d'appel a violé l'article 33 du titre V du protocole n° 4 relatif à la définition de la notion de produits originaires et aux méthodes de coopération administrative annexé à l'accord euroméditerranéen entré en vigueur le 1er mars 1998, ensemble l'article 1315 du Code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Mory LDI de ses demandes d'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 5 octobre 2004 et de dispense de recouvrement de droits ;
AUX MOTIFS QUE la société Mory LDI réclame le bénéfice des dispositions de l'article 220-2 b du Code des douanes communautaire en faisant valoir qu'elle est fondée, en dépit de la mauvaise foi, voire de la fraude de la société Maggie May, à se prévaloir de l'erreur des autorités douanières, dès lors que l'administration des douanes, ne pouvant ignorer qu'une grande partie de tissus du type de ceux, relativement bon marché, utilisés par la société Maggie May étaient dans une très large proportion d'origine asiatique, aurait dû procéder à un minimum de contrôle des informations inexactes portées sur ses demandes de certificat EUR 1 par la société Maggie May ; que toutefois, aucune erreur ne peut en l'espèce être imputée à la douane française, qui a déclenché une enquête et procédé à des contrôles approfondis puis a saisi les autorités tunisiennes dont il a été indiqué que l'erreur ne permettait pas à la société Maggie May de se prévaloir des dispositions de l'article 220-2 b du Code des douanes communautaire ;
ALORS QUE l'erreur des autorités douanières, au sens de l'article 220-2 b du Code des douanes communautaire, peut émaner soit des autorités compétentes pour le recouvrement a posteriori, soit de l'Etat d'exportation ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si l'administration des douanes françaises qui devait prendre toutes les mesures nécessaires afin de contrôler le caractère originaire des produits en application de l'article 18 du protocole n° 4 n'avait pas commis une erreur en ne procédant pas à un minimum de contrôle pour vérifier la provenance des tissus utilisés par la société Maggie May avant de délivrer à celle-ci des documents EUR 1 attestant de l'origine communautaire des tissus, documents qui avaient permis ensuite la délivrance de certificats EUR 1, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 220-2 b du Code des douanes communautaire.