LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 avril 2011), que M. X... a été engagé le 9 août 2004 par la société Pargade en qualité de maître ouvrier ; que le 29 mai 2006, il s'est blessé à l'occasion de son travail et a été placé en arrêt de travail jusqu'au 2 septembre 2008 ; qu'à l'issue de deux visites médicales de reprise en date des 2 et 19 septembre 2008, il a été déclaré inapte à son poste ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 18 novembre 2009 et a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de lui déclarer imputable la rupture, de donner à celle-ci les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser diverses sommes à titre de rappel de salaire et d'indemnités, alors, selon le moyen :
1°/ que les recherches de reclassement d'un salarié déclaré inapte à reprendre son emploi à l'issue de deux visites médicales de reprise doivent être effectuées postérieurement au deuxième avis rendu par le médecin du travail ; qu'en se fondant sur le premier avis médical du 2 septembre 2008, qui constatait l'inaptitude de M. X... aux postes de peintre et de conducteur de travaux- contremaitre, pour rejeter l'offre de reclassement du salarié au poste de conducteur de travaux-contremaître sans activité de peinture, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du Code du travail ;
2°/ que les juges ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, il ressortait expressément du deuxième avis médical, rendu par le médecin du travail le 19 septembre 2008, que M. X... était «inapte à son poste de travail de peintre . Une mutation de poste, telle que travail de bureau, pourrait être possible» ; qu'en affirmant que «le médecin du travail (…) ne faisait référence qu'à un emploi de bureau» pour rejeter de facto toute autre proposition de reclassement de M. X..., quand il ressortait des dispositions claires et précises de cet avis médical que la proposition de reclassement au poste de «travail de bureau » ne revêtait aucun caractère limitatif, la cour d'appel a dénaturé ledit avis, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
3°/ que l'employeur satisfait à son obligation de reclassement lorsqu'il propose un poste de travail non prévu par le médecin du travail mais néanmoins conforme à ses recommandations médicales et aux capacités réduites du salarié déclaré inapte à son emploi ; qu'en se bornant à affirmer, pour juger que la société Pargade avait méconnu son obligation de reclassement, que «le médecin du travail (…) ne proposait nullement le poste de contremaître comme poste de reclassement», sans cependant examiner ce poste ni rechercher s'il était conforme aux prescriptions médicales et aux capacités réduites du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du Code du travail ;
4°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en affirmant, pour juger que la société Pargade n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement, que cette dernière avait «tenté de faire accepter une solution qui se trouvait en dehors des préconisations de la médecine du travail», sans cependant examiner la lettre, versée aux débats, du médecin du travail du 17 octobre 2008 reconnaissant que le poste de contremaître – conducteur de travaux sans fonction de peinture, qui avait été proposé à M. X..., constituait une véritable «proposition de poste» (sic), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'employeur qui n'avait pas reclassé, ni licencié le salarié déclaré inapte à son poste de travail, avait, en dépit d'une mise en demeure, refusé de reprendre le paiement des salaires à l'issue du délai d'un mois suivant le second examen médical de reprise du travail, la cour d'appel qui, sans encourir les griefs du moyen, en a déduit que la prise d'acte de la rupture se trouvait justifiée, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Maurice Pargade aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Maurice Pargade et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Maurice Pargade.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la rupture du contrat de travail de Monsieur X... était imputable à la société PARGADE et qu'elle produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'avoir, en conséquence, condamné la société à verser au salarié les sommes de 5 000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de préavis, de 2 500 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de 750 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE pour faire droit aux demandes de M. X..., le premier juge a considéré que l'employeur après la deuxième visite de reprise et le constat d'inaptitude au poste occupé devait soit licencier son salarié soit le reclasser et qu'en tout état de cause il devait reprendre le paiement du salaire ; qu'il a constaté qu'il ne l'avait pas fait et qu'il ne pouvait se livrer à une interprétation de l'avis du médecin du travail en décidant que celui-ci n'avait constaté une inaptitude qu'à la fonction de peintre ; qu'il en a déduit qu'il n'avait pas respecté ses obligations et que de ce fait la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par le salarié était justifiée ; qu'au soutien de son appel, la société fait valoir que M. X... a été déclaré inapte au poste de peintre alors que ce n'était pas l'emploi qu'il occupait ; que la société Pargade indique lui avoir écrit pour qu'il reprenne son poste antérieur en précisant qu'aucune activité de peintre ne lui serait proposée ; que par la suite, elle faisait remarquer que M. X... était à nouveau en arrêt maladie ; que sur cette période, elle soutient que M. X... a perçu l'intégralité du salaire auquel il avait droit et qu'il lui a bien été proposé un reclassement puisqu'il aurait exercé sa fonction, sans faire aucun travail de peintre ; que de ce fait, la société Pargade a justement exécuté son obligation de recherche de reclassement et M. X... démontre seulement son refus de reprendre son poste ; que la société enfin fait valoir que c'est seulement un état dépressif qui justifie de ce qu'il n'a pu reprendre son travail et qu'elle produit un constat d'huissier selon lequel M. X... se serait livré à des activités de peinture sur son domicile personnel ; qu'il ressort des écritures des parties que le caractère professionnel de l'accident étant à l'origine de l'arrêt de travail de M. X... depuis le mois de juin 2006 n'est pas discuté ; que de même, les difficultés qui ont opposé les parties durant ce temps d'arrêt de travail sur la prise en charge ou l'absence de prise en charge des indemnités journalières ont été réglées par une ordonnance de référé qui n'a pas été frappée de recours et ne sont plus évoquées en cause d'appel ; que le litige entre les parties doit être pris en compte à partir du mois de septembre 2008, date à laquelle sont intervenues les visites de reprise concernant M. X... ; qu'il y a lieu tout d'abord de définir le poste effectivement occupé par M. X... au moment de la survenance de l'accident du travail, soit le 29 mai 2006 ; que par contrat en date du 9 août 2004, M. X... était engagé en qualité de maître ouvrier affecté sur l'agence d'Arcachon ; que le 1er mai 2005, était conclu un nouveau contrat de travail en qualité de conducteur de travaux et de contremaître ; qu'il était chargé d'un certain nombre de responsabilités au sein de l'entreprise et qu'il était indiqué qu'il "pouvait être amené à réaliser quelques travaux quand le besoin s'en ferait ressentir" ; que le 4 mai 2006, il était proposé à M. X... un avenant à son contrat de travail et la société Pargade expliquait cette proposition à la fois pour des raisons économiques tenant à la diminution des chantiers et pour des raisons personnelles, du fait d'une certaine incapacité de M. X... à gérer les relations avec les collègues de travail et de difficultés dans la gestion des chantiers ; qu'il lui était indiqué que le poste de contremaître sur l'agence d'Arcachon était supprimé et qu'il lui était proposé de redevenir chef d'équipe maître ouvrier sur l'agence d'Arcachon ; que M. X... a refusé cette modification de son contrat de travail ; que le 29 mai 2006, il a été victime d'un accident du travail en manipulant une machine thermique de plus de 60 kilos ; qu'il a alors consulté son médecin traitant qui devait le revoir le 28 juin pour les suites des lésions subies le 29 mai ; qu'à partir du 28 juin 2006, où il ressentait à nouveau une vive douleur en soulevant un seau de peinture, M. X... était en arrêt de travail et l'accident du 29 mai à l'origine de cet arrêt était reconnu comme accident du travail à compter du 19 janvier 2007 ; que ces arrêts de travail devaient se renouveler jusqu'à l'été 2008 ; que le 2 novembre 2006, l'inspection du travail adressait un courrier à la société Pargade pour dénoncer le fait qu'elle ne confiait plus à M. X... les tâches correspondant à son contrat de travail mais des tâches subalternes ; que ce point de vue est d'ailleurs confirmé par les circonstances de fait des incidents du 29 mai et du 28 juin 2006, M. X... ayant été victime d'accidents dans des actions de manutention étrangères à des fonctions de contremaître ; qu'après un courrier de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie en date du 28 août 2008, qui lui indiquait ne plus pouvoir prolonger son arrêt de travail au-delà du 2 septembre 2008, il faisait l'objet de deux visites de reprise ; que la première en date du 2 septembre 2008 mentionnait qu'il occupait un poste de travail de peintre et de conducteur de travaux-contremaître ; que le médecin du travail mentionnait :"Inapte à son poste de travail. Prévoir une mutation de poste, travail de bureau par exemple. A revoir dans Quinze jours. Etude de poste sera faite le vendredi septembre 2008 à 9 heures 30" ; que le 19 septembre 2008, il était mentionné qu'il occupait un poste de peintre et il était indiqué "Inapte à son poste de travail. Une mutation de poste telle que travail de bureau pourrait être possible" ; qu'il ressort des notes manuscrites du médecin du travail que l'étude de poste n'aurait pu être réalisée du fait d'un refus de l'employeur ; qu'en réalité, il ressort d'un courrier de l'employeur que si cette étude a été réalisée dans un climat tendu entre le médecin du travail et l'employeur, elle a tout de même pu être réalisée ; que la société Pargade a maintenu dans ses divers courriers adressés à la médecine du travail et redéveloppés dans ses conclusions qu'en réalité, M. X... n'était pas peintre et que dès lors, l'inaptitude qui consistait dans l'impossibilité de faire un geste répétitif du bras droit ne correspondait pas au poste effectivement occupé ; que le 2 octobre 2008, la société Pargade demandait à M. X... de reprendre son poste puisqu'il n'occupait pas de fonction de peintre ; que le 9 octobre 2008, M. X... répondait à son employeur en rappelant les limites de la déclaration d'inaptitude de la médecine du travail et en insistant sur le fait que la fonction de contremaître ou conducteur de travaux n'était pas préconisée comme fonction de reclassement ; qu'il disait qu'il se présenterait à Arcachon pour occuper le poste qui lui serait affecté comme reclassement ; qu'à nouveau, la société Pargade lui proposait de reprendre son poste comme conducteur de travaux sans effectuer de travaux de peinture ; qu'à partir de ce moment là, M. X... était à nouveau en arrêt de travail pour état anxiodépressif ; que par la suite, le médecin du travail maintenait à nouveau qu'il ne pouvait exercer la fonction de peintre ; qu'il est constant qu'à partir de la deuxième visite de reprise qui constatait l'inaptitude de M. X... à son poste, la société Pargade se devait soit de lui proposer une solution de reclassement soit de procéder à son licenciement et à défaut, elle devait au bout d'un mois, reprendre le paiement du salaire ; qu'en l'espèce, la société Pargade s'est à tort obstinée à soutenir que M. X... n'exerçait pas la fonction de peintre et que dès lors, le constat d'inaptitude ne concernait que cette fonction ; qu'en réalité, il ressort des éléments du dossier qu'avant son arrêt de travail, M. X... avait été ramené à des fonctions de peintre ; que cet élément ressort des circonstances rappelées ci-dessus dans lesquelles s'est produit l'accident du travail et par un courrier du mois de mai 2006, la société affirmait supprimer le poste de contremaître ; qu'en outre, si le deuxième certificat de visite de reprise ne mentionne que l'activité de peintre, en revanche, le premier certificat mentionne aussi bien l'activité de peintre que celle de contremaître ; qu'enfin, à supposer que le médecin du travail n'ait pris en compte que la fonction de peintre, il ne proposait nullement le poste de contremaître comme poste de reclassement, ne faisant référence qu'à un emploi de bureau ; que la société Pargade a tenté de faire accepter une solution qui se trouvait en dehors des préconisations de la médecine du travail et qu'il lui appartenait, si elle le souhaitait, de contester la décision du médecin du travail en exerçant un recours devant l'Inspection du travail, ce qu'elle n'a pas fait ; que dès lors, elle était tenue par ses conclusions et notamment ses préconisations de reclassement ; que dans le mois suivant la deuxième visite, elle n'a ni procédé à un reclassement ni envisagé le licenciement et a donc failli à ses obligations ; que M. X... a mis son employeur en demeure de lui verser son salaire, ce que ce dernier a refusé de faire ; que dès lors, la prise d'acte de rupture du contrat de travail par M. X... se trouvait justifiée par les carences de l'employeur et le premier juge a, avec raison, estimé que la société Pargade devait payer le salaire dû à M. X... et supporter les conséquences indemnitaires d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les recherches de reclassement d'un salarié déclaré inapte à reprendre son emploi à l'issue de deux visites médicales de reprise doivent être effectuées postérieurement au deuxième avis rendu par le médecin du travail ; qu'en se fondant sur le premier avis médical du 2 septembre 2008, qui constatait l'inaptitude de Monsieur X... aux postes de peintre et de conducteur de travaux-contremaitre, pour rejeter l'offre de reclassement du salarié au poste de conducteur de travaux-contremaître sans activité de peinture, la Cour d'appel a violé l'article L 1226-10 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, il ressortait expressément du deuxième avis médical, rendu par le médecin du travail le 19 septembre 2008, que Monsieur X... était « inapte à son poste de travail ie peintre . Une mutation de poste, telle que travail de bureau, pourrait être possible » ; qu'en affirmant que « le médecin du travail (…) ne faisait référence qu'à un emploi de bureau » pour rejeter de facto toute autre proposition de reclassement de Monsieur X..., quand il ressortait des dispositions claires et précises de cet avis médical que la proposition de reclassement au poste de « travail de bureau » ne revêtait aucun caractère limitatif, la Cour d'appel a dénaturé ledit avis, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, ENSUITE, QUE l'employeur satisfait à son obligation de reclassement lorsqu'il propose un poste de travail non prévu par le médecin du travail mais néanmoins conforme à ses recommandations médicales et aux capacités réduites du salarié déclaré inapte à son emploi; qu'en se bornant à affirmer, pour juger que la société PARGADE avait méconnu son obligation de reclassement, que « le médecin du travail (…) ne proposait nullement le poste de contremaître comme poste de reclassement », sans cependant examiner ce poste ni rechercher s'il était conforme aux prescriptions médicales et aux capacités réduites du salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1226-10 du Code du travail ;
ALORS, ENFIN, QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en affirmant, pour juger que la société PARGADE n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement, que cette dernière avait « tenté de faire accepter une solution qui se trouvait en dehors des préconisations de la médecine du travail », sans cependant examiner la lettre, versée aux débats, du médecin du travail du 17 octobre 2008 reconnaissant que le poste de contremaître – conducteur de travaux sans fonction de peinture, qui avait été proposé à Monsieur X..., constituait une véritable « proposition de poste » (sic), la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.