LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1226-2 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 18 novembre 2002 par la société RPH en qualité d'ouvrier ; qu'à l'issue d'un arrêt de travail pour maladie à caractère non professionnel, le salarié a été déclaré le 15 septembre 2008, au terme de deux visites, inapte à son poste par le médecin du travail ; que l'employeur l'a avisé par lettre du 18 septembre 2008 de l'impossibilité de bénéficier d'un reclassement, puis l'a convoqué le 19 septembre 2008 à l'entretien préalable à son licenciement et l'a licencié le 6 octobre 2008 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester ce licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes ;
Attendu que, pour rejeter ses demandes, l'arrêt retient que l'employeur démontre avoir recherché un reclassement dès le lendemain de la première visite en entrant en relation avec le médecin du travail pour une étude conjointe qui n'a pas pu aboutir ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier si postérieurement au second avis d'inaptitude du 15 septembre 2008, l'employeur avait effectivement recherché des possibilités de reclassement du salarié, au sein de l'entreprise et du groupe, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail et à titre d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, l'arrêt rendu le 12 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société RPH aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société RPH et condamne cette société à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de ses demandes de dommages et intérêts fondées sur l'absence de respect par l'employeur de son obligation de reclassement
AUX MOTIFS QUE au premier soutien de sa contestation du caractère réel et sérieux du licenciement, le salarié intimé invoque un manquement au délai de deux semaines qui doit espacer les constats d'inaptitude faits par le médecin du travail en application des articles R.4624-31 et R.4624-32 du Code du travail ; En réalité, le premier avis d'inaptitude a été émis par le médecin du travail le 1er septembre 2008, et le second le 15 septembre 2008 ; Le délai de deux semaines a donc été respecté, et le grief est mal fondé ; Au deuxième soutien de sa contestation, le salarié intimé reproche à son employeur de ne pas avoir préalablement consulté les délégués du personnel ; Mais il vise expressément les dispositions de l' article L.1226-10 du Code du travail qui imposent cette consultation avant tout licenciement pour inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle ; Ces dispositions n'étaient pas applicables à Monsieur Yves X... dont l'inaptitude constatée était liée à une maladie sans caractère professionnel ; Au troisième et dernier soutien de sa contestation, le salarié intimé invoque un manquement à l'obligation de reclassement ; A titre principal, Monsieur Yves X... vise expressément l'obligation de l'article L.1226-10, l'indemnité spéciale de l'article L.1226-14 et les dommages et intérêts de l' article L.1226-15 du Code du travail . Mais dès lors que son inaptitude était liée à une maladie à caractère non professionnel, il ne peut se prévaloir de ces dispositions applicables en cas d'inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle ; A titre subsidiaire, Monsieur Yves X... se réfère implicitement aux dispositions de l' article L.1226-2 du Code du travail qui imposent à l'employeur de proposer au salarié déclaré inapte un autre emploi approprié à ses capacités, au regard des conclusions écrites du médecin du travail et sur ses indications sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail ; Au premier chef, le salarié intimé reproche à la société appelante de n'avoir pas cherché à le reclasser sur un site exploité à Cernay. Mais si le périmètre de l'obligation s'étend à tout le groupe auquel appartient l'employeur parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lien d'exploitation lui permettant d'effectuer la mutation de tout ou partie du personnel, le salarié intimé n'apporte aux débats aucun élément sur l'unité qu'il affirme être exploitée à Cernay ; Seule la société appelante justifie qu'une entreprise homonyme avait son siège à Cernay, qu'elle était en voie de cessation d'activité au temps du licenciement en cause, et que sa liquidation amiable a débuté le 30 juin 2009. Rien ne permettait à la société appelante d'envisager la mutation de Monsieur Yves X... dans une entreprise dont la fin était prévue à une date proche ; Au deuxième chef, le salarié intimé reproche à la société appelante de n'avoir pas cherché à l'affecter à des tâches compatibles avec son inaptitude définitive aux travaux en hauteur ; D'une part, le salarié intimé fait observer que l'activité de pose d'alarme est mentionnée parmi les activités constitutives de l'objet social de l'entreprise, tel qu'il est décrit au registre du commerce ; Mais la société appelante justifie, sans être contredite, n'avoir en fait jamais exercé cette activité de pose d'alarme ; D'autre part, le salarié intimé se prévaut de l'activité de traitement des sols également mentionné dans l'objet social de la société RPH ; Mais la société RPH justifie du caractère très marginal de cette activité, limitée à des travaux d'isolation de planchers, eux-mêmes accessoires à des travaux d'isolation sous toiture qui sont donc réalisés en hauteur ; Il s'en déduit que la société appelante ne pouvait envisager de reclasser Monsieur Yves X... ni en l'affectant à des tâches de pose d'alarme, ni en l'employant au traitement des sols ; Au troisième et dernier chef, le salarié intimé critique la brutalité de la rupture de son contrat de travail en ce que la convocation à entretien préalable a été adressée le 19 septembre 2008, soit deux jours après la lettre du 17 avril 2008 l'avertissant qu'aucun poste de reclassement n'était disponible dans l'entreprise ; Mais au regard de la faible dimension de l'entreprise, il ne s'en déduit pas pour autant que la recherche, qui incombait à l'employeur, a manqué de sérieux ; En revanche, la société appelante démontre dès le 2 septembre 2008, au lendemain du premier avis d'inaptitude, elle est entrée en relation avec le médecin du travail pour rechercher une possibilité de reclassement au regard des aptitudes résiduelles de Monsieur Yves X.... Le médecin du travail a lui-même attesté de la réalité et du contenu des entretiens qui se sont poursuivis dans le cadre d'une étude conjointe des conditions de travail et qui n'ont pu aboutir ni à un aménagement du poste ni à une affectation à un autre emploi ; Il en résulte la preuve que par une recherche réelle et active, la société appelante a satisfait à son obligation, même si elle a été conduite à constater l'impossibilité de reclasser le salarié ; Le licenciement, prononcé au motif de l'inaptitude du salarié et de l'impossibilité de son reclassement, ne manque donc pas de cause réelle et sérieuse ; Le salarié intimé doit être débouté de sa prétention à des dommages et intérêts de ce chef ; Le contrat de travail s'est cependant poursuivi jusqu'à l'échéance normale du préavis ( Cass. Soc. du 17 juin 2006 ), soit durant les deux mois qui ont suivi la réception de la lettre de licenciement le 7 octobre 2008 ; Le salarié intimé est dès lors fondé à obtenir un certificat de travail rectifié mentionnant que le contrat a pris fin, non le 7 octobre 2008, mais le 7 décembre 2008, et ce sous astreinte ; Le salarié intimé ne peut néanmoins prétendre à une indemnité compensatrice dès lors qu'à raison de son inaptitude, il ne pouvait exécuter le préavis ( Cass. Soc du 11 juillet 2000), et il doit être débouté de ce chef.
ALORS QUE, en cas de licenciement d'un salarié inapte, il appartient à l'employeur de procéder à des recherches loyales de reclassement au vu de l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail ; que la recherche doit en conséquence être effectuée postérieurement à la seconde visite ; qu'est donc sans cause le licenciement prononcé sitôt après l'avis d'inaptitude ; que la Cour d'appel qui a constaté que le second avis d'inaptitude était en date du 15 septembre la constatation de l'impossibilité de reclassement en date du 17 septembre et le licenciement du 19 septembre mais a dit la recherche de reclassement suffisante n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au regard de l'article L. 1226-2 du Code du travail.
ALORS SURTOUT QUE la recherche de reclassement doit être opérée après l'avis d'inaptitude et au vu de cet avis ; que la Cour d'appel qui s'est fondée sur des recherches antérieures au second avis, sans constater aucune recherche postérieure a privé sa décision de base légale au regard dudit article L. 1226-2 du Code du travail.
ALORS au demeurant QUE en cas de licenciement d'un salarié inapte, c'est à l'employeur de démontrer l'impossibilité dans laquelle il se trouve de reclasser le salarié ; que l'obligation de reclassement s'étend à toutes les entreprises dont les activités dont l'organisation ou le lien d'exploitation lui permettent d'effectuer la mutation de tout ou partie du personnel ; que la Cour d'appel qui a retenu que « le salarié intimé n'apporte aux débats aucun élément sur l'unité qu'il affirme être exploitée à Cernay » a inversé la charge de la preuve, violant ainsi les articles 1315 du Code civil et L. 1226-2 du Code du travail.
QUE, en cas de licenciement d'un salarié inapte, il appartient à l'employeur de démontrer l'impossibilité dans laquelle il se trouve de reclasser le salarié ; que le fait que partie de l'entreprise soit « en voie de cessation d'activité » ne suffit pas à démontrer que le reclassement y soit impossible, serait-ce temporairement ; qu'en excluant tout reclassement à CERNAY au motif que cette unité aurait été « en voie de cessation d'activité », sans constater que tout reclassement même temporaire y était impossible, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du Code du travail.
QUE, le caractère marginal d'une activité de l'entreprise ne suffit pas à justifier l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé l'employeur de reclasser le salarié ; qu'en retenant que « le salarié intimé se prévaut de l'activité de traitement des sols également mentionnée dans l'objet social de la Société RPH mais que la société justifie du caractère très marginal de cette activité, limitée à des travaux d'isolation de planchers, eux-mêmes accessoires à des travaux d'isolation sous toiture qui sont donc réalisés en hauteur », ce dont il résultait que cette activité, marginale, était réelle, et en ne recherchant pas si elle ne suffisait pas au reclassement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du Code du travail.
ET ALORS ENFIN QUE, en cas de licenciement d'un salarié inapte, il appartient à l'employeur de démontrer l'impossibilité dans laquelle il se trouve de reclasser le salarié ; que les discussions engagées avec la médecine du travail ne peuvent être considérées comme justifiant l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé l'employeur de reclasser le salarié ; que, pour dire que l'employeur était dans l'impossibilité de reclasser le salarié, la Cour d'appel a retenu que « la société appelante démontre qu'elle est entrée en relation avec le médecin du travail pour rechercher une possibilité de reclassement au regard des aptitudes résiduelles du salarié. Le médecin du travail a lui même attesté de la réalité et du contenu des entretiens qui se sont poursuivis dans le cadre d'une étude conjointe des conditions de travail et qui n'ont pu aboutir nu à un aménagement du poste ni à une affectation à un autre emploi », pour en déduire que « il en résulte que la preuve par une recherche réelle et active, la société appelante a satisfait à son obligation, même si elle a été conduite à constater l'impossibilité de reclasser le salarié » ; qu'en déduisant de la sollicitation du médecin du travail l'existence de recherches suffisantes de reclassement et l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé l'employeur de reclasser le salarié, la Cour d'appel a violé l'article L. 1226-2.