La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2012 | FRANCE | N°11-11954

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 octobre 2012, 11-11954


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en référé (Amiens, 18 novembre 2010), qu'un accord collectif sur la durée et l'organisation du temps de travail, la formation et l'emploi a été conclu le 23 avril 2001 au sein de la société Automotive Allibert industrie, devenue Faurecia intérieur industrie ; que cet accord prévoit, compte tenu des variations importantes du marché de l'automobile, la modulation du temps de travail d'une semaine sur l'autre en fonction des impératifs de production, la durée moyenne h

ebdomadaire étant fixée à 35 heures sur l'année ; que le syndicat CFT...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en référé (Amiens, 18 novembre 2010), qu'un accord collectif sur la durée et l'organisation du temps de travail, la formation et l'emploi a été conclu le 23 avril 2001 au sein de la société Automotive Allibert industrie, devenue Faurecia intérieur industrie ; que cet accord prévoit, compte tenu des variations importantes du marché de l'automobile, la modulation du temps de travail d'une semaine sur l'autre en fonction des impératifs de production, la durée moyenne hebdomadaire étant fixée à 35 heures sur l'année ; que le syndicat CFTC Fédération chimie, mines, textiles, énergie secteur chimie a assigné en référé la société Faurecia aux fins de voir lui ordonner de mettre en oeuvre au sein de l'établissement de Méru les termes de l'accord du 23 avril 2001 en accordant aux salariés en horaires de travail modulés les jours ARTT supplémentaires prévus par cet accord et la condamner à des dommages-intérêts pour violation de l'accord ; que le syndicat CGT Faurecia est intervenu volontairement à l'instance et s'est joint à l'action engagée par la CFTC ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Faurecia fait grief à l'arrêt de faire droit aux demandes des syndicats, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation que dans le cas où l'existence de cette obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en application de l'accord d'entreprise sur la durée du travail du 23 avril 2001, notamment de son chapitre 4, la mise en place d'un régime de modulation du temps de travail présente un caractère facultatif ; que ce caractère facultatif est confirmé par les dispositions du chapitre 5 de l'accord qui prévoit, tel qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt, "d'autres modes d'organisation du temps de travail autres que la modulation du temps de travail" (arrêt p. 6 § 3) ; qu'en l'état de ces éléments, la cour d'appel ne pouvait faire droit aux demandes des syndicats soutenant au contraire que la mise en oeuvre d'un régime de modulation présentait un caractère obligatoire au sein de la société Faurecia, sans trancher une contestation sérieuse ; qu'en retenant néanmoins que ce point "ne souffre pas de discussion" et en ordonnant à l'exposante de mettre en oeuvre un régime de modulation, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;
2°/ à titre subsidiaire, que les règles instituées par décision unilatérale de l'employeur de portée collective priment sur les conventions ou accords collectifs normalement applicables si elles s'avèrent plus favorables aux salariés ; que la cour d'appel a constaté que l'organisation du temps de travail instituée par la société Faurecia privilégiant l'accomplissement d'heures supplémentaires sur la base du volontariat en cas de surcharge ponctuelle de travail était plus favorable aux salariés d'un point de vue financier (arrêt p. 7 § 1) ; que dès lors, à supposer que l'accord du 23 avril 2001 impose la mise en place obligatoire d'un régime de modulation du temps de travail, l'organisation du temps de travail instituée au sein de l'entreprise devait prévaloir au regard de son caractère plus favorable ; que la cour d'appel a néanmoins décidé d'ordonner la modulation du temps de travail en retenant que "s'il est incontestable que le montant du salaire présente un intérêt non négligeable pour le salarié, ce dernier est également intéressé par la durée du temps de travail ainsi que par la garantie de l'emploi et de son niveau de rémunération sur le moyen terme" (arrêt p. 7 § 2) ; qu'en écartant ainsi l'organisation mise en place par la société Faurecia motifs pris de ce que les intérêts des salariés en terme de durée du travail, de garantie d'emploi et de niveau de rémunération à moyen terme devaient selon elle primer sur leurs intérêts financiers, la cour d'appel a là encore tranché une contestation sérieuse et violé l'article 809 du code de procédure civile ;
3°/ à titre subsidiaire, que l'employeur dispose d'un pouvoir de direction lui permettant de prendre les mesures de gestion et d'organisation qu'il juge utiles au bon fonctionnement de l'entreprise ; qu'en retenant que la société devait obligatoirement mettre en oeuvre un régime de modulation du temps de travail et ne pouvait absorber ses surcharges ponctuelles de commandes par le recours aux heures supplémentaires sur la base du volontariat, quand elle constatait que le chapitre 5 de l'accord du 23 avril 2001 prévoit "d'autres modes d'organisation du temps de travail autres que la modulation du temps de travail" (arrêt p. 6 § 3), de sorte que ce régime conventionnel nonobligatoire ne pouvait être imposé par le juge à l'entreprise, la cour d'appel, qui s'est immiscée dans le pouvoir de direction de la société, a violé les articles L. 1221-1 et L. 3111-1 et suivants du code du travail, ensemble le principe de liberté d'entreprendre ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant constaté que l'employeur avait effectivement pratiqué la modulation au cours de l'année 2009, en recourant régulièrement, conformément à l'article 4-1 de l'accord du 23 avril 2001, au travail le samedi, elle a pu, par ce seul motif, décider que l'octroi des deux jours d'ARTT prévus par l'article 3.10 du même accord au bénéfice du personnel dont l'horaire est modulant, ne se heurtait à aucune contestation sérieuse ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Faurecia aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Faurecia et la condamne à payer aux syndicats la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Faurecia intérieur industrie.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Société FAURECIA des exceptions de procédure soulevées et d'AVOIR en conséquence décidé que le Syndicat CFTC FEDERATION CHIMIE, MINES, TEXTILES, ENERGIE SECTEUR CHIMIE et le Syndicat CGT FAURECIA étaient recevables en leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE « sur les exceptions de procédure, la société FAURECIA considère que les demandes formées par les syndicats intimés à savoir de faire respecter sous astreinte, au sein de l'établissement de Méru des termes de l'accord du 23 avril 2001 accordant aux salariés en horaire modulé les jours ARTT supplémentaires prévus ne peuvent être formulés que par les intéressés eux-mêmes devant le Conseil de Prud'hommes compétent ; que de plus les intimés qui n'ont pas indiqué le nom des adhérents pour lesquels ils agissent ni n'ont fourni les éléments permettant au juge la détermination des droits de chacun, ne peuvent se prévaloir de l'article L 2262-9 du code du travail et sont donc irrecevables en leurs demandes ; qu'en conséquence, l'appelante soutient d'une part que le juge des référés du tribunal de grande instance était incompétent pour connaître des demandes et d'autre part que l'assignation qui lui a été délivrée est nulle faute pour les syndicats intimés de justifier des conditions d'application de l'article L 2262-9 précité, nullité qui rend l'intervention du syndicat CGT FAURECIA sans objet ; que la cour relève que contrairement à ce que soutient la société FAURECIA, les syndicats intimés n'exercent pas d'actions individuelles pour le compte de leurs membres mais une action collective visant au respect des engagements contractés par l'employeur dans l'accord du 23 avril 2001 ; que l'article L 2262-11 du code du travail dispose que les organisations ou groupements ayant la capacité d'agir en justice liés par une convention ou un accord, peuvent intenter en leur nom propre toute action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés et le cas échéant, des dommages et intérêts contre les autres organisations ou groupements, leurs propres membres out toute personne liée par la convention ou l'accord ; que dès lors que les syndicats CGT et CFTC sont signataires de l'accord du 23 avril 2001, les syndicats CFTC fédération chimie, mines, textiles, énergie, secteur chimie et CGT FAURECIA sont recevables à agir en justice devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Beauvais, pour obtenir en leur nom propre l'exécution sur le site de l'établissement de Méru des obligations contractées par la société SAI AUTOMOTIVE ALLIBERT INDUSTRIE aux droits de laquelle vient la société FAURECIA appelante, l'action engagée étant une action collective relevant des tribunaux de grande instance et non du Conseil de Prud'hommes qui n'est compétent que pour les litiges individuels en application de l'article L 1411-4 du code du travail ; qu'aussi, l'ordonnance attaquée doit être confirmée en ce qu'elle a déclaré recevables les demandes des intimés et rejeter les exceptions de procédure opposées » ;
ALORS QUE l'action visant exclusivement à obtenir l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif, ou la réparation de son inexécution, prévue par l'article L. 2262-11 du code du travail, sans que ne soit invoquée par aucune des parties la défense des intérêts collectifs de la profession au sens de l'article L. 2132-3 du code du travail, est réservée aux syndicats liés par les dispositions de ladite convention, qui seuls ont qualité pour agir ; qu'en retenant que « les syndicats CGT et CFTC sont signataires de l'accord du 23 avril 2001 » pour déduire que le syndicat CGT FAURECIA était recevable à agir devant le juge des référés sur le fondement de l'article L. 2262-11 du code du travail pour obtenir en son nom propre l'exécution de l'accord du 23 avril 2001, alors que ni la fédération nationale CGT, ni le syndicat CGT FAURECIA n'ont signé cet accord, et que ce dernier n'a pas invoqué la nécessité de défendre les intérêts collectifs de la profession, la cour d'appel a dénaturé l'accord susvisé du 23 avril 2001 et a violé l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné à la Société FAURECIA de mettre en oeuvre l'accord de modulation du 24 avril 2001 en accordant au personnel concerné le bénéfice de deux jours d'ARTT, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter du 9ème jour, et d'AVOIR condamné l'exposante à payer aux syndicats CFTC et CGT la somme de 5.000 euros chacun à titre de provision à valoir sur les dommages-intérêts dus en réparation des préjudices subis, outre la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « la société FAURECIA prétend que l'action engagée par les intimés ne relève pas de la compétence du juge des référés, les articles 808 et 809 du Code de Procédure Civile étant inapplicables, faute d'urgence et de trouble manifestement illicite et en présence d'une contestation sérieuse ; que selon cette appelante, le litige qui appelle une interprétation de l'accord du 23 avril 2001 relève du pouvoir du juge du fond ; que l'article 809 paragraphe 2 dispose que dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il (le juge des référés) peut ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ; que la société FAURECIA reconnaît qu'elle fait effectuer depuis le début 2009 sur la base du volontariat, aux salariés de l'établissement de Méru des heures supplémentaires en dehors des stipulations de l'accord du 23 avril 2001 prévoyant le recours à la modulation, étant précisé que ce mode d'organisation était mis en oeuvre sur ce site jusqu'alors ; que la société FAURECIA soutient que ce recours à la modulation n'a aucun caractère impératif mais n'est qu'une simple faculté qu'elle doit déterminer en début d'exercice ; que ce choix relève d'une décision de gestion de la Direction que le juge ne peut remettre en cause car il n'a aucun caractère illégal ; qu'en l'espèce, elle a substitué au régime de modulation le régime plus favorable pour les salariés, d'heures supplémentaires fondé sur la base du volontariat ; que, sur les dispositions de l'accord du 23 avril 2001, à titre liminaire, il convient de relever que l'application de cet accord aux salariés sur le site de l'établissement FAURECIA de Méru n'est pas contestée et que la société FAURECIA qui vient aux droits de la signataire originelle ne l'ayant pas dénoncé, cet accord s'impose à elle ; que selon les termes du préambule de l'accord sur la durée et l'organisation du temps de travail, la formation et l'emploi : - les obligations contractées visent à prendre en compte les intérêts de l'employeur ('préserver la compétitivité des usines, notamment face à la concurrence internationale interne et externe particulièrement forte dans notre secteur d'activité (le secteur de la sous-traitance automobile)", "satisfaire les clients par la réactivité et la souplesse des organisations", comme des salariés ("préserver et améliorer les conditions de travail des salariés", "favoriser le maintien voire le développement de l'emploi au sein de SAI AUTOMOTIVE ALLIBERT INDUSTRIE", "garantir la rémunération actuelle des salariés après application de la réduction du temps de travail") ; que - ces objectifs seront « durablement établis » grâce à : " l'annualisation des horaires de travail pour répondre à la variation de la charge demandée par les clients"; "la mise en oeuvre d'organisations du travail adaptées et efficaces" ; que le chapitre 2 précise que l'accord s'applique à l'ensemble du personnel de SAI Automobile ALLIBERT INDUSTRIE et qu' « aucune organisation locale du temps de travail ne pourra être contraire ou défavorable dans ses dispositions au présent accord » ; que le chapitre 3 définit les caractéristiques de cette « réduction du temps de travail » : la durée du temps de travail, son décompte, les bénéficiaires, les temps de pause, les périodes assimilées au temps de travail, les heures supplémentaires, les maxima quotidiens et hebdomadaires, le temps de repos entre deux séances de travail, la prise des jours d'ARTT ; que le chapitre 4 définit les modalités de la modulation du temps de travail : Il s'agit d'un principe d'organisation du travail qui doit « éviter dans toute la mesure du possible, le recours aux heures supplémentaires comme au chômage partiel » et qui permet de répondre aux caractéristiques du marché automobile (variation d'activité sur l'année en fonction du cycle de vie et des succès commerciaux des produits) ; que la modulation permet de faire varier le temps de travail d'une semaine sur l'autre en fonction des impératifs de production dictés par les clients, pour obtenir une durée moyenne hebdomadaire de 35 heures de travail effectif sur l'année, le personnel dont l'horaire de travail est modulé bénéficiant de 2 jours d'ARTT supplémentaires ; que le paragraphe 4-2 de ce chapitre indique que la modulation fait l'objet d'une programmation annuelle prévisionnelle présentée avant mise en oeuvre au CE de l'établissement concerné ; qu'elle définit de façon indicative pour les différents secteurs concernés, les périodes basses et hautes de l'activité pour l'année ; qu'une information mensuelle est donnée chaque mois en CE sur la réalisation du programme prévisionnel ; qu'en cas de modification de programme le CE est consulté avec un délai de prévenance de 7 jours ouvrés, ce délai pouvant être réduit à deux jours ouvrés pour faire face à des situations exceptionnelles ; que le chapitre 5 prévoit d'autres modes d'organisation autres que la modulation du temps de travail ; qu'il s'agit de l'organisation en journée, l'organisation sous forme de cycles, les horaires réduits en fin de semaine, une organisation spécifique aux salariés hors production, l'organisation du travail des salariés à temps partiel, le forfait annuel sur un référence horaire des personnels non cadres ; que le chapitre 6 définit les modalités de la formation professionnelle, le chapitre 7 prévoit le régime applicable aux cadres, le chapitre 8 le régime des rémunérations, le chapitre 9 le régime de l'emploi (embauches, rémunération des nouveaux embauchés, salariés âgés), le chapitre 10, l'entrée en vigueur de l'accord et sa durée ; que, sur l'application de l'accord, la cour relève que cet accord définit très précisément toutes les modalités d'organisation du travail des salariés et encadre les décisions de gestion de l'employeur dans ce domaine ; que si la convention prévoit des adaptations possibles de l'organisation du travail localement, il ne peut s'agir que de l'adaptation des rythmes de travail, les principes d'organisation du temps de travail constituant un cadre général (cf. paragraphe 4-1 de la convention) ; que certes, comme le soutient la société FAURECIA, la modulation du temps de travail est une des modalités d'organisation du travail permettant de mettre en place la «réduction du temps de travail» ; que toutefois, la convention ne permet pas d'échapper à un mode d'organisation conventionnellement prévu : « aucune organisation locale du temps de travail ne pourra être contraire ou défavorable dans ses dispositions au présent accord » (cf. chapitre 2) ; que le recours systématique à des heures supplémentaires (27 samedis pendant l'année 2009) pour absorber les surcharges ponctuelles de commandes et la mise en oeuvre pendant cette même période de chômage partiel sont contraires à cet accord dès lors qu'ils font échapper notamment les salariés du site de production (environ 500 salariés) à l'annualisation du temps de travail sur la base d'un travail effectif de 35 heures par semaine ; que la convention prévoit pour absorber les surcharges d'activité la mise en place préférentiellement du régime de la modulation définie au chapitre 4 ou d'un autre mode d'organisation défini au chapitre 5 et cela après discussion avec les représentants du personnel ; qu'il convient de relever que le régime de la modulation était appliquée aux salariés de la production postée depuis 2001 et que la société FAURECIA n'a pas obtenu l'accord des partenaires sociaux avant d'abandonner unilatéralement ce mode d'organisation en 2009 ; que si elle a engagé une négociation pendant cette période, celle-ci n'a pas débouché ; qu'il importe peu que le régime d'heures supplémentaires mis en place par la société FAURECIA puisse être plus favorable financièrement aux salariés que la modulation du temps de travail, car s'il est incontestable que le montant du salaire présente un intérêt non négligeable pour le salarié, ce dernier est également intéressé par la durée du temps de travail ainsi que par la garantie de l'emploi et de son niveau de rémunération sur le moyen terme ; que la convention du 23 avril 2001 a pour objectif de préserver les conditions de travail, de favoriser le maintien de l'emploi et de garantir la rémunération des salariés après réduction du temps de travail tout en préservant les intérêts de l'employeur par une souplesse d'organisation efficace du travail sur l'année ; qu'on peut noter également que ce régime d'heures supplémentaires permet à l'employeur d'échapper à l'information préalable annuelle du CE prévue dans l'accord pour la modulation, ce qui ne permet plus aux salariés d'avoir une vision prévisionnelle de leur temps de travail sur l'année étant relevé que la convention prévoit des modifications possibles avec un délai de prévenance pour la réunion du CE pouvant être réduit à deux jours (!) pour adapter la modulation à des surcharges impératives de travail ; que dès lors le recours systématique à des heures supplémentaires sans garantie de pérennité, aboutissant à un allongement du temps de travail dans la semaine et sans information préalable annuelle des membres du comité d'établissement ne peut être considéré comme un régime plus favorable que celui de la modulation ; que ce régime systématisant les heures supplémentaires est donc contraire aux obligations conventionnelles s'imposant à la société FAURECIA, sans qu'il soit besoin de recourir pour donner cette qualification à une interprétation de la convention qui ne souffre pas discussion, ainsi que l'avait d'ailleurs rappelé l'inspecteur du Travail dans ses lettres des 25 mai et 24 juin 2009 produites aux débats ; que les conditions de la mise en oeuvre de la modulation étant réunies (surcharge et sous-charge d'activité pour 2009 et 2010) notamment pour les salariés du site de la production, la cour confirme l'ordonnance attaquée sauf à substituer l'article 809 du code de procédure civile à celui visé dans cette décision, étant relevé que les dispositions relatives à l'allocation de dommages et intérêts et d'indemnités pour frais irrépétibles ne sont pas discutées » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation que dans le cas où l'existence de cette obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en application de l'accord d'entreprise sur la durée du travail du 23 avril 2001, notamment de son chapitre 4, la mise en place d'un régime de modulation du temps de travail présente un caractère facultatif ; que ce caractère facultatif est confirmé par les dispositions du chapitre 5 de l'accord qui prévoit, tel qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt, « d'autres modes d'organisation du temps de travail autres que la modulation du temps de travail» (arrêt p. 6 § 3) ; qu'en l'état de ces éléments, la cour d'appel ne pouvait faire droit aux demandes des syndicats soutenant au contraire que la mise en oeuvre d'un régime de modulation présentait un caractère obligatoire au sein de la Société FAURECIA, sans trancher une contestation sérieuse ; qu'en retenant néanmoins que ce point « ne souffre pas de discussion » et en ordonnant à l'exposante de mettre en oeuvre un régime de modulation, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE les règles instituées par décision unilatérale de l'employeur de portée collective priment sur les conventions ou accords collectifs normalement applicables si elles s'avèrent plus favorables aux salariés ; que la cour d'appel a constaté que l'organisation du temps de travail instituée par la Société FAURECIA privilégiant l'accomplissement d'heures supplémentaires sur la base du volontariat en cas de surcharge ponctuelle de travail était plus favorable aux salariés d'un point de vue financier (arrêt p. 7 § 1) ; que dès lors, à supposer que l'accord du 23 avril 2001 impose la mise en place obligatoire d'un régime de modulation du temps de travail, l'organisation du temps de travail instituée au sein de l'entreprise devait prévaloir au regard de son caractère plus favorable ; que la cour d'appel a néanmoins décidé d'ordonner la modulation du temps de travail en retenant que « s'il est incontestable que le montant du salaire présente un intérêt non négligeable pour le salarié, ce dernier est également intéressé par la durée du temps de travail ainsi que par la garantie de l'emploi et de son niveau de rémunération sur le moyen terme» (arrêt p. 7 § 2) ; qu'en écartant ainsi l'organisation mise en place par la Société FAURECIA motifs pris de ce que les intérêts des salariés en terme de durée du travail, de garantie d'emploi et de niveau de rémunération à moyen terme devaient selon elle primer sur leurs intérêts financiers, la cour d'appel a là encore tranché une contestation sérieuse et violé l'article 809 du code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE, QUE l'employeur dispose d'un pouvoir de direction lui permettant de prendre les mesures de gestion et d'organisation qu'il juge utiles au bon fonctionnement de l'entreprise ; qu'en retenant que la société devait obligatoirement mettre en oeuvre un régime de modulation du temps de travail et ne pouvait absorber ses surcharges ponctuelles de commandes par le recours aux heures supplémentaires sur la base du volontariat, quand elle constatait que le chapitre 5 de l'accord du 23 avril 2001 prévoit « d'autres modes d'organisation du temps de travail autres que la modulation du temps de travail » (arrêt p. 6 § 3), de sorte que ce régime conventionnel non-obligatoire ne pouvait être imposé par le juge à l'entreprise, la cour d'appel, qui s'est immiscée dans le pouvoir de direction de la société, a violé les articles L1221-1 et L3111-1 et suivants du code du travail, ensemble le principe de liberté d'entreprendre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-11954
Date de la décision : 17/10/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 18 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 oct. 2012, pourvoi n°11-11954


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11954
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award