La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/10/2012 | FRANCE | N°11-25234

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 16 octobre 2012, 11-25234


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 21 juin 2011), que les consorts X... sont propriétaires d'un immeuble donné à bail commercial à la société Pains Dorés constituée par les époux Y... et leurs fils ; que par un compromis signé le 4 octobre 2000, les consorts X... ont vendu aux époux Y... l'immeuble donné à bail sous condition suspensive ; que les consorts X... ont assigné les époux Y... en nullité de ce compromis, résiliation du bail et paiement de dommages et intérêts ; qu'à titre

reconventionnel, les époux Y... et la société Pains Dorés, intervenue volonta...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 21 juin 2011), que les consorts X... sont propriétaires d'un immeuble donné à bail commercial à la société Pains Dorés constituée par les époux Y... et leurs fils ; que par un compromis signé le 4 octobre 2000, les consorts X... ont vendu aux époux Y... l'immeuble donné à bail sous condition suspensive ; que les consorts X... ont assigné les époux Y... en nullité de ce compromis, résiliation du bail et paiement de dommages et intérêts ; qu'à titre reconventionnel, les époux Y... et la société Pains Dorés, intervenue volontairement à l'instance, ont sollicité la condamnation des bailleurs au paiement de dommages et intérêts pour trouble de jouissance à la suite de l'incendie ayant endommagé l'immeuble ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir limité le montant de la condamnation des consorts X... au paiement de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance, alors, selon le moyen, que la réparation d'un préjudice doit être intégrale ; que dès lors, en limitant à 800 euros les dommages-intérêts accordés à la société Pains Dorés au titre de loyers indûment réglés, la cour, qui a reconnu que la société Pains Dorés avait réglé le loyer mensuel de 219,61 euros jusqu'en octobre 2009 sans pouvoir jouir d'une partie des locaux loués du fait de l'inexécution des travaux, concernant l'escalier et le premier étage qui font partie du bail, par le bailleur qui disposait des clefs des locaux depuis le 16 novembre 2007, la cour, qui a alloué à la société Pains Dorés une indemnité inférieure au préjudice qu'elle a subi tenant aux loyers qu'elle a payés depuis cette date sans avoir la jouissance de l'immeuble indivisible donné à bail, a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant retenu que la société Pains Dorés n'avait pu jouir que d'une partie des locaux loués, la cour d'appel a souverainement apprécié le montant du préjudice en résultant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 1134 et 1184 du code civil, ensemble l'article L. 145-1 du code de commerce ;
Attendu que pour accueillir la demande de résiliation du bail commercial, l'arrêt retient que le défaut d'exploitation du fonds de commerce depuis octobre 2006 et le défaut d'entretien consécutif des locaux du rez-de-chaussée par la société Pains Dorés constituent un motif grave justifiant de prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial à ses torts ;
Qu'en statuant ainsi, sans relever qu'une stipulation expresse du bail faisait obligation au preneur d'exploiter son fonds de commerce dans les locaux loués, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 32-1 du code de procédure civile ;
Attendu que pour retenir le caractère abusif de la procédure et condamner les époux Y... et la société Pains Dorés à payer à chacun des consorts X... une somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la preuve de la mauvaise foi des défendeurs apparaît suffisamment démontrée par leurs acharnements procédurier et leur tentative à obtenir au moyen de diverses stratégies des biens ou leur équivalent en argent ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle accueillait pour partie la demande des époux Y... et de la société Pains Dorés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail commercial et condamné les époux Y... et la société Pains Dorés à payer à chacun des consorts X... une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 21 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour les époux Y... et la société Pains Dorés.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'Avoir prononcé la résiliation du bail commercial du 27 juillet 1994 aux torts de la SARL PAINS DORES, rejeté tant la demande de travaux dans le local sinistré que les demandes de dommages et intérêts de Monsieur et Madame Y... et de la SARL PAINS DORES et condamné celle-ci à effectuer les travaux sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt.
AUX MOTIFS QUE le rapport d'expertise réalisé le 14 mars 2007 à la demande des AGF, assureur du bailleur, en présence d'un représentant de l'assureur de la SARL PAINS DORES et d'un expert désigné par cette même société, permet de constater que le sinistre a détruit l'escalier intérieur ainsi que les cloisons et cadres des portes du premier étage et que les pompiers ont fracturé certaines ouvertures pour procéder à l'extinction du feu ; qu'il ressort des différentes pièces et courriers échangés entre les parties que l'expert des A.G.F., assureur du bailleur, a défini les travaux incombant au propriétaire des murs du fonds de commerce, procès-verbal étant adressé aux consorts X... le 13 avril 2007 ; le 23 novembre 2006 la société de menuiserie BERGANIN a adressé un devis de travaux de réfection dans les locaux sinistrés de la boulangerie et attesté le 14 juin 2007 avoir reçu un acompte de 3 000 euros pour engager les travaux ; les 8 février, 1 juin et 1er septembre 2007 la SARL PAINS DORES a adressé divers courriers demandant au bailleur à quelle date seraient faits les travaux de menuiserie (porte du laboratoire), travaux à l'étage, escalier et toiture ; le 15 mars 2007 Madame Yvonne X... a écrit à la compagnie AXA pour faire opposition sur le règlement des agencements commerciaux par l'assureur à la SARL PAINS DORES tant que cette dernière n'aura pas exécuté les travaux ; qu'il s'avère d'une part que Monsieur Y... avait été très tardivement avisé de la venue de l'entreprise le 7 septembre 2007, d'autre part, le 16 novembre 2007 Monsieur Y... a remis une clef de la porte du magasin à Madame Yvonne X... ; que le 28 février 2008 l'huissier a constaté que seule la porte du fournil avait été changée en une porte en bois pleine et que le 20 mars 2008 la société a fait délivrer sommation aux consorts X... d'effectuer les travaux leur incombant dans le délai de 10 jours, alors que, d'une part, le 24 avril 2008 l'huissier a constaté que le bâtiment était dans le même état que le 28 février 2008 et tendait même à se dégrader, d'autre part, la société PAINS DORES a, à plusieurs reprises, demandé aux consorts X... en février et mars 2008 la date d'intervention du plâtrier et du menuisier pour remettre l'escalier, les quatre portes, les plafonds en frisette et les raccords de plancher ; qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutiennent les consorts X..., ceux-ci détiennent les clefs du local depuis le 16 novembre 2007 et sont malvenus de soutenir qu'ils ne peuvent accéder aux locaux pour y faire effectuer les travaux de réparation qui leur incombent et que les appelants leur ont demandé à moult reprises d'entreprendre ; que, par ailleurs, ayant reçu de leur assureur la somme de 112 800 euros comme ils l'ont exposé lors de l'instance en suspension de l'exécution provisoire, les appelants n'ont cependant entrepris aucun travaux dans le local commercial au rez-de-chaussée, alors que le sinistre a principalement affecté la cage d'escalier et le premier étage constitué de quatre chambres non utilisées pour l'exploitation commerciale ; que l'inexploitation du fonds de commerce depuis octobre 2006 et le défaut d'entretien consécutif des locaux du rez-de-chaussée par la SARL PAINS DORES constituent un motif grave justifiant de prononcer la résiliation du bail commercial à ses torts et de la débouter des demandes indemnitaires formulées à ce titre ; que la SARL PAINS DORES sera en poutre condamnée à remettre le local du rez-de-chaussée en état sous une astreinte de 100 euros qui commencera à courir à l'issue des deux mois qui suivront la signification du présent arrêt.
ALORS QUE, d'une part, le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparation de toute espèce et de faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires autres que locatives ; qu'aux termes du bail commercial du 27 juillet 1994 les lieux loués, comprenant notamment un rez-de-chaussée et un premier étage, forment une location indivisible et à titre commercial pour le tout ; que dès lors en retenant que les époux Y... et la société PAINS DORES, qui avaient reçu de leur assureur, la somme de 112 800 euros, n'ont cependant entrepris aucun travaux dans le local commercial au rez-de-chaussée lorsque le sinistre a principalement affecté la cage d'escalier et le premier étage constitué de quatre chambres non utilisées pour l'exploitation commerciale, pour décider que l'inexploitation du fonds de commerce depuis octobre 2006 et le défaut d'entretien consécutif des locaux du rez-de-chaussée par la société PAINS DORES constituent un motif grave justifiant la résiliation du bail commercial à ses torts et de la débouter des demandes indemnitaires formulées à ce titre, la Cour, qui a affirmé que la société PAINS DORES était en droit d'obtenir la réalisation des travaux concernant l'escalier et le premier étage qui faisaient partie du bail et qu'elle avait réglé le loyer mensuel, jusqu'en octobre 2005, sans pouvoir jouir d'une partie des locaux loués du fait de l'inexécution de ces travaux par le bailleur qui disposait des clefs du local commercial depuis le 16 novembre 2007, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, d'où il ressort que la carence du bailleur à exécuter les travaux lui incombant, qui a privé la société PAINS DORES de la jouissance de l'ensemble loué qui constitue un tout indivisible, est à l'origine de l'inexploitation du fonds de commerce et du défaut d'entretien consécutif du rez-de-chaussée, et a ainsi violé les articles 1184, 1720 et 1741 du Code civil.
ALORS QUE, d'autre part, le défaut d'exploitation des locaux ne peut entraîner la résiliation du bail commercial en l'absence d'une clause expresse imposant l'exploitation effective et continue du fonds dans les lieux ; que dès lors, en affirmant seulement que l'inexploitation du fonds de commerce depuis octobre 2006 et le défaut d'entretien consécutif des locaux du rez-de-chaussée par la société PAINS DORES constituent un motif grave justifiant la résiliation du bail commercial à ses torts et de la débouter des demandes indemnitaires formulées à ce titre, sans relever dans le bail du 27 juillet 1994 une telle clause, qui était contestée, la Cour a violé l'article 1184 du Code civil.
ET ALORS QU'en toute hypothèse dans leurs conclusions (page 5) les époux Y... et la société PAINS DORES avaient fait valoir qu'il n'est pas envisageable de terminer les travaux du rez-de-chaussée pour réaliser ensuite des travaux au premier étage en utilisant le rez-de-chaussée alors qu'il existe des normes sanitaires (commerce de boulangerie) qui ne permettent pas de réaliser les travaux dans cet ordre ; que dès lors, en retenant que les époux Y... et la société PAINS DORES n'ont entrepris aucun travaux dans le local commercial au rez-de-chaussée lorsque le sinistre a principalement affecté la cage d'escalier et le premier étage non utilisés pour l'exploitation commerciale, pour décider que l'inexploitation du fonds de commerce et le défaut d'entretien consécutif des locaux du rez-de-chaussée constituent un motif grave justifiant la résiliation du bail commercial aux torts de la société PAINS DORES et de la débouter de ses demandes indemnitaires à ce titre, sans répondre à ces conclusions déterminantes qui démontraient que l'exécution des travaux du premier étage incombant au bailleur était un préalable nécessaire à la réalisation des travaux du rez-de-chaussée, la Cour a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'Avoir condamné les consorts X... à payer à la SARL PAINS DORES la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts.
AUX MOTIFS QUE sur la restitution des loyers que les appelants considèrent avoir indûment payés, que dès lors que le bailleur disposait des clefs du local commercial depuis le 16 novembre 2007, la SARL PAINS DORES était en droit d'obtenir la réalisation des travaux concernant l'escalier et le premier étage de l'immeuble qui faisaient partie du bail ; qu'il est établi qu'elle a réglé un loyer mensuel de 219,61 euros jusqu'en octobre 2009 sans pouvoir jouir d'une partie des locaux loués, du fait de l'inexécution de ces travaux par le bailleur, les consorts X... ; que les consorts X... seront condamnés à ce titre à lui payer une somme de 800 euros de dommages-intérêts.
ALORS QUE la réparation d'un préjudice doit être intégrale ; que dès lors, en limitant à 800 euros les dommages-intérêts accordés à la société PAINS DORES au titre de loyers indûment réglés, la Cour, qui a reconnu que la société PAINS DORES avait réglé le loyer mensuel de 219,61 euros jusqu'en octobre 2009 sans pouvoir jouir d'une partie des locaux loués du fait de l'inexécution des travaux, concernant l'escalier et le premier étage qui font partie du bail, par le bailleur qui disposait des clefs des locaux depuis le 16 novembre 2007, la Cour, qui a alloué à la société PAINS DORES une indemnité inférieure au préjudice qu'elle a subi tenant aux loyers qu'elle a payés depuis cette date sans avoir la jouissance de l'immeuble indivisible donné à bail, a violé l'article 1147 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'Avoir condamné in solidum Monsieur et Madame Y... et la SARL PAINS DORES à payer à Madame Yvonne Z..., veuve X..., Madame Corinne A..., épouse B..., Madame Cécile A..., Monsieur Laurent A... et Madame Annie X..., épouse C..., chacun, la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.
AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE la preuve de la mauvaise foi des défendeurs apparaît suffisamment démontrée par leur acharnement procédurier, et leur tentative à obtenir au moyen de diverses stratégies des biens ou leur équivalent en argent ; que cette mauvaise foi sera équitablement sanctionnée par l'octroi de dommages-intérêts qui ne sauraient être inférieurs à la somme de 500 euros pour chacun des demandeurs.
ALORS QUE celui qui triomphe, même partiellement, dans son action, ne peut être condamné à des dommages-intérêts pour abus de son droit d'agir en justice ; que dès lors, en condamnant in solidum les époux Y... et la société PAINS DORES à payer 500 euros de dommages-intérêts à chacun des consorts X..., aux motifs adoptés que la mauvaise foi était démontrée par leur acharnement procédurier et leur tentative d'obtenir des biens ou leur équivalent en argent, la Cour, qui a fait droit à une de leurs demandes en condamnant les consorts X... à payer des dommages-intérêts à la société PAINS DORES, qui a payé des loyers sans pouvoir jouir de l'intégralité des locaux du fait de l'inexécution des travaux par le bailleur, les consorts X..., a violé l'article 32-1 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-25234
Date de la décision : 16/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 21 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 16 oct. 2012, pourvoi n°11-25234


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.25234
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award