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26/09/2012 | FRANCE | N°10-26392

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 septembre 2012, 10-26392


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 septembre 2010), qu'engagé le 7 novembre 2005, en qualité de manager de rayon, par la société Tanavi, M. X... a été en arrêt de travail pour maladie ; qu'à l'issue d'une visite de reprise en date du 5 février 2007, le médecin du travail l'a déclaré apte à son poste, sous réserve "de ne pas faire de manutention avec de la glace" ; qu'ayant repris son travail le 12 février 2007, le salarié a été en arrêt de travail pour accident

du travail à compter de cette date ; qu'à l'issue de deux visites de reprise en d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 septembre 2010), qu'engagé le 7 novembre 2005, en qualité de manager de rayon, par la société Tanavi, M. X... a été en arrêt de travail pour maladie ; qu'à l'issue d'une visite de reprise en date du 5 février 2007, le médecin du travail l'a déclaré apte à son poste, sous réserve "de ne pas faire de manutention avec de la glace" ; qu'ayant repris son travail le 12 février 2007, le salarié a été en arrêt de travail pour accident du travail à compter de cette date ; qu'à l'issue de deux visites de reprise en date des 14 juin et 2 juillet 2007, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste et à tous postes comportant des manutentions manuelles ; qu'ayant été licencié le 31 juillet 2007 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, il a demandé la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour manquement de celui-ci à son obligation de sécurité ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail, pris en son deuxième alinéa, l'employeur, tenu de prendre en considération les propositions de mesures individuelles formulées par le médecin du travail compte tenu notamment de l'état de santé du salarié, est également tenu, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite ; que ledit article lui ouvre donc la possibilité d'un refus des propositions formulées par le médecin du travail pour peu qu'il justifie de l'existence de motifs valables ; qu'en affirmant dès lors, pour conclure que la société Tanavi n'aurait pas exécuté de bonne foi le contrat de travail de M. X..., que, contrairement à ce que la société soutenait "sans préciser sur quelle disposition légale ou réglementaire elle se fondait" (sic), un employeur n'était pas fondé à refuser la mise en oeuvre des préconisations du médecin du travail, la cour d'appel a d'ores et déjà méconnu les termes de l'article susvisé ;
2°/ que la cour d'appel a relevé que la société Tanavi avait admis ne pas avoir suivi l'avis du médecin du travail compte tenu du fait qu'il lui était matériellement impossible de le respecter ; qu'en affirmant, dès lors, que la société n'avait d'autre alternative que de se conformer à l'avis du médecin ou de le contester devant l'inspection du travail, quand il résultait des énonciations de l'arrêt que l'employeur n'était pas en désaccord avec l'avis du médecin du travail sur les points précités, de sorte qu'il n'avait pas à saisir l'inspecteur du travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a une nouvelle fois méconnu les dispositions de l'article L. 4624-1 du code du travail ;
3°/ qu'en affirmant que la société n'avait d'autre alternative que de se conformer à l'avis du médecin ou de le contester devant l'inspection du travail, la cour d'appel qui a assimilé le refus motivé des propositions de la médecine du travail prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 4624-1 du code du travail à la situation distincte, prévue à l'alinéa 3 du même texte, de difficulté ou de désaccord devant être soumis à l'inspection du travail, a encore une fois violé ces dispositions ;
4°/ qu'en affirmant que la société Tanavi aurait exécuté de façon déloyale le contrat de M. X... en ne se conformant pas aux propositions du médecin du travail, sans même rechercher si son refus de les respecter ne tenait pas à des motifs valables qu'elle avait dûment exposés dans les courriers en date du 8 février 2007 qu'elle avait adressés au praticien et au salarié tenant au fait qu'elle avait, grâce à des aménagements importants, supprimé 90 % de la manutention de glace, les 10 % restant, qui correspondaient à de la manutention légère dont le poids n'excédait pas 4 kilos, ne pouvant être supprimés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4624-1 du code du travail ;
Mais attendu que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin est habilité à faire en application de l'article L. 4624-1 du code du travail ;
Et attendu qu'après avoir relevé que le médecin du travail ayant, le 5 février 2007, conclu à l'aptitude du salarié avec "réserve de ne pas faire de la manutention avec de la glace", l'employeur avait pourtant demandé à celui-ci de reprendre son poste de responsable de rayon poisson, sans restriction de fonction, la cour d'appel a constaté que ce salarié, ayant, le 12 février 2007, soulevé de la glace, avait eu immédiatement une contracture lombaire et des douleurs irradiant les membres inférieurs et avait été à nouveau victime, ce jour-là, d'un accident du travail qui était la conséquence de l'obligation qui lui avait été faite de reprendre ses fonctions en contradiction avec l'avis du médecin du travail ; qu'ayant procédé à la recherche prétendument omise et fait une exacte application des dispositions de l'article L. 4624-1 du code du travail, elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Tanavi aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Tanavi à payer à Me Rouvière la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour la société Tanavi
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la Société TANAVI n'avait pas exécuté le contrat de travail de Monsieur X... de bonne foi et de l'avoir condamnée à verser au salarié les sommes de 19.438,08 € à titre de dommages et intérêts et de 1.800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la visite médicale du 5 février 2007 qui a eu lieu à la demande de Monsieur X... a conclu à une aptitude du salarié avec « réserve de ne pas faire de manutention avec la glace » ; que cet examen médical marque la fin de la suspension du contrat de travail de Monsieur X... ; que l'employeur de Monsieur X... l'a, nonobstant l'avis du médecin du travail, contraint, par lettre du 8 février 2007, à reprendre son poste dans les termes suivants : « vous avez l'obligation de reprendre votre poste de responsable du rayon poisson à compter du 5 février 2007, aux horaires habituels et ce sans restriction de fonction » ; qu'à compter du 12 février 2007, Monsieur X... a été en arrêt de travail jusqu'au 15 juin 2007 ; que pour Monsieur X... il s'agit d'un accident de travail ; que la société intimée ne conteste plus le caractère professionnel de l'accident ; que dans ses conclusions (page 15), elle note en effet que Monsieur X... a été victime d'un accident du travail le 12 février 2007 et vise les arrêts de travail pour accident du travail qu'elle produit ; qu'en outre, la société intimée a sollicité l'avis des délégués du personnel, conformément à l'article L.1226-10 du Code du travail, ce qui manifeste bien qu'elle admettait que le fait accident du 12 février 2007 était professionnel ; que le certificat médical du 27 février 2007 du médecin traitant de Monsieur X..., le Docteur Z... relève que Monsieur X... : 1/ a, le 12 février 2007, soulevé des pains de glace, ce qui lui a immédiatement provoqué une contracture lombaire et des douleurs irradiant dans les deux membres inférieurs, tant à gauche qu'à droite, 2/ présente une contracture lombaire majeure avec un signe de lasègue lombaire bilatéral à 60 °, sans déficit neurologique ; que les avis du médecin du travail en date du 14 juin 2007 et 2 juillet 2007 ont été donnés en application de l'article R.4624-31 du Code du travail ; qu'ils concluent à l'inaptitude de Monsieur X... à tous postes comportant des manutentions manuelles et à son aptitude à un poste administratif ou à la caisse de la station service sans manutention ; que la SA TANAVI a exécuté le contrat de travail de Monsieur X... de façon déloyale ; qu'en effet, alors que le médecin du travail a conclu, le 5 février 2007, à une aptitude de Monsieur X..., assortie de réserve (non manutention de glace), l'employeur de celui-ci l'a obligé à reprendre ses fonctions qui nécessitent la manutention de glace ; que la Société intimée admet ne pas avoir suivi l'avis du médecin du travail, en raison du fait qu'il lui était impossible de l'observer ; que cette explication ne peut, de toute évidence, être admise ; que la société intimée reconnaît expressément, dans ses écritures que Monsieur X... a dû nécessairement manipuler de la glace ; qu'elle indique que le poids d'une pelle remplie de glace est de moins de quatre kilos ; qu'il appartenait à la SA TANAVI de se conformer à l'avis du médecin du travail ou de contester ledit avis devant l'inspection du travail ; que contrairement à ce que soutient la SA TANAVI, un employeur n'est pas fondé à refuser la mise en oeuvre des préconisations du médecin du travail – qui ne sont pas, comme elle le conclut, des « propositions » – dès lors que ce refus est selon elle « justifié » ; que la Société TANAVI ne précise pas sur quelle disposition légale ou réglementaire elle se fonde ; que le 12 février 2007, Monsieur X... a été à nouveau victime d'un accident du travail et ce dernier est la conséquence de l'obligation qui lui a été faite de reprendre ses fonctions, en contradiction avec l'avis du médecin du travail ; que la SA TANAVI a méconnu son obligation d'exécuter le contrat de travail de Monsieur X..., de bonne foi ; que la SA TANAVI sera condamnée à payer à Monsieur X... la somme de 19.438,08 € à titre de dommages et intérêts ;
ALORS, D'UNE PART, QU'aux termes de l'article L.4624-1 du Code du travail, pris en son deuxième alinéa, l'employeur, tenu de prendre en considération les propositions de mesures individuelles formulées par le médecin du travail compte tenu notamment de l'état de santé du salarié, est également tenu, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite ; que ledit article lui ouvre donc la possibilité d'un refus des propositions formulées par le médecin du travail pour peu qu'il justifie de l'existence de motifs valables ; qu'en affirmant dès lors, pour conclure que la Société TANAVI n'aurait pas exécuté de bonne foi le contrat de travail de Monsieur X..., que, contrairement à ce que la Société soutenait « sans préciser sur quelle disposition légale ou réglementaire elle se fondait » (sic), un employeur n'était pas fondé à refuser la mise en oeuvre des préconisations du médecin du travail, la Cour d'appel a d'ores et déjà méconnu les termes de l'article susvisé ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la Cour d'appel a relevé que la Société TANAVI avait admis ne pas avoir suivi l'avis du médecin du travail compte tenu du fait qu'il lui était matériellement impossible de le respecter ; qu'en affirmant, dès lors, que la Société n'avait d'autre alternative que de se conformer à l'avis du médecin ou de le contester devant l'inspection du travail, quand il résultait des énonciations de l'arrêt que l'employeur n'était pas en désaccord avec l'avis du médecin du travail sur les points précités, de sorte qu'il n'avait pas à saisir l'inspecteur du travail, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a une nouvelle fois méconnu les dispositions de l'article L.4624-1 du Code du travail ;
ALORS, DE SURCROIT, QU'en affirmant que la Société n'avait d'autre alternative que de se conformer à l'avis du médecin ou de le contester devant l'inspection du travail, la Cour d'appel qui a assimilé le refus motivé des propositions de la médecine du travail prévu par le deuxième alinéa de l'article L.4624-1 du Code du travail à la situation distincte, prévue à l'alinéa 3 du même texte, de difficulté ou de désaccord devant être soumis à l'inspection du travail, a encore une fois violé ces dispositions ;
ET ALORS, ENFIN QU'en affirmant que la Société TANAVI aurait exécuté de façon déloyale le contrat de Monsieur X... en ne se conformant pas aux propositions du médecin du travail, sans même rechercher si son refus de les respecter ne tenait pas à des motifs valables qu'elle avait dûment exposés dans les courriers en date du 8 février 2007 qu'elle avait adressés au praticien et au salarié tenant au fait qu'elle avait, grâce à des aménagements importants, supprimé 90 % de la manutention de glace, les 10 % restant, qui correspondaient à de la manutention légère dont le poids n'excédait pas 4 kilos, ne pouvant être supprimés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.4624-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-26392
Date de la décision : 26/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 15 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 sep. 2012, pourvoi n°10-26392


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Rouvière, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.26392
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