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25/09/2012 | FRANCE | N°11-17256

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 septembre 2012, 11-17256


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 3 février 2011), que le capital de la société anonyme Lioser, qui avait, en 1998, conclu avec la société ITM Entreprises un contrat d'enseigne d'une durée de dix ans pour l'exploitation d'un supermarché alimentaire, était détenu à concurrence de 66% par M. et Mme X..., le solde, soit 34 %, étant détenu en nue-propriété par la société ITM Région parisienne (la société ITM), filiale de la société ITM entreprises, et en usufruit pa

r M. X... ; que le 29 juin 2007, une assemblée générale des actionnaires de la so...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 3 février 2011), que le capital de la société anonyme Lioser, qui avait, en 1998, conclu avec la société ITM Entreprises un contrat d'enseigne d'une durée de dix ans pour l'exploitation d'un supermarché alimentaire, était détenu à concurrence de 66% par M. et Mme X..., le solde, soit 34 %, étant détenu en nue-propriété par la société ITM Région parisienne (la société ITM), filiale de la société ITM entreprises, et en usufruit par M. X... ; que le 29 juin 2007, une assemblée générale des actionnaires de la société Lioser, à laquelle n'assistait pas la société ITM, qui y avait été convoquée, a décidé une augmentation du capital social réservée aux salariés ayant la qualité d'adhérents à un plan d'épargne d'entreprise et a supprimé le droit préférentiel de souscription ; qu'ont été émises cent soixante quatorze actions nouvelles, dont cent soixante cinq ont été souscrites par M. X... ; qu'après que la société Lioser eut notifié à la société ITM entreprises sa décision de ne pas renouveler le contrat d'enseigne à son échéance, la société ITM l'a fait assigner aux fins d'annulation des résolutions n° 5 et 6 adoptées par l'assemblée du 29 juin 2007 ;
Attendu que la société Lioser et M. X... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen :
1°/ que le capital social d'une société anonyme peut être augmenté, notamment par émission d'actions nouvelles, les anciennes comportant un droit préférentiel de souscription qui est d'ordre public ; que la loi offre néanmoins à l'assemblée générale qui décide cette augmentation la faculté de supprimer alors ce droit ; qu'elle lui permet aussi de réserver cette augmentation à certains bénéficiaires, quels qu'ils soient, auquel cas ladite réserve emporte, nécessairement, exclusion du droit préférentiel ; qu'il s'ensuit qu'une convocation à une assemblée générale extraordinaire pour y proposer une augmentation de capital réservée à des personnes particulières emporte, nécessairement, convocation à voter la suppression du droit préférentiel sans laquelle cette réserve est à tous égards impossible ; qu'en décidant dès lors d'annuler les résolutions 5 et 6, au motif que l'assemblée ne pouvait délibérer sur la question de la suppression du droit préférentiel, qui ne figurait pas à l'ordre du jour de la convocation, quand cette dernière invitait explicitement les actionnaires à se prononcer sur une «augmentation du capital social réservée aux salariés dans les conditions prévues à l'article L. 443-5 du code du travail, en application de l'article L. 225-129-6 du code de commerce», ce qui emportait, nécessairement, convocation à voter sur une suppression du droit préférentiel, la cour d'appel a violé l'article L. 225-105 alinéa 3 du code de commerce, ensemble les articles L. 225-135 et L. 225-138 du même code ;
2°/ que pour annuler les résolutions n° 5 et 6 de l'assemblée générale extraordinaire appelée à voter l'augmentation de capital réservée au profit des salariés, dans les conditions de l'article L. 3332-18 du code du travail, la cour d'appel a retenu que s'il était obligatoire de présenter tous les trois ans un projet de résolution à cette fin, il n'était pas obligatoire de l'adopter, de sorte que l'assemblée convoquée pour le 29 juin 2007 n'était pas davantage tenue de l'adopter ; qu'en se déterminant par de tels motifs, inopérants, la cour a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 225-105 alinéa 3, L. 225-135 et L. 225-138 du code de commerce ;
3°/ que pour justifier l'annulation des résolutions n° 5 et 6 de l'assemblée générale extraordinaire appelée à voter l'augmentation de capital réservée au profit des salariés, dans les conditions du code du travail, la convocation à cette assemblée ne faisant pas explicitement état d'une suppression du droit préférentiel, la cour d'appel a retenu que l'article L. 225-138 du code de commerce disait que l'assemblée générale qui décide une augmentation de capital réservée «peut (le) supprimer » ; que cependant ce verbe "pouvoir" vise, non pas la faculté de supprimer ou non le droit préférentiel en cas d'augmentation réservée puisque cette suppression est alors nécessaire , mais la faculté de déroger au principe d'ordre public du droit préférentiel ; qu'en suggérant dès lors, sur le fondement du texte visé, que la convocation à voter l'augmentation de capital réservée n'emportait pas nécessairement suppression de ce droit, de sorte que l'éventualité du vote d'une telle suppression, facultative, devait être explicitement prévue par la convocation, en plus de l'invitation à voter l'augmentation réservée, la cour d'appel a violé par fausse application l'article sus visé ;
4°/ que pour justifier l'annulation des résolutions n° 5 et 6 de l'assemblée générale extraordinaire appelée à voter l'augmentation de capital réservée au profit des salariés, dans les conditions du code du travail, la convocation à cette assemblée ne faisant pas explicitement état d'une suppression du droit préférentiel, la cour d'appel a retenu que la convocation ne comportait aucune référence au rapport spécial du conseil d'administration et au rapport spécial des commissaires aux comptes ; qu'en se déterminant ainsi, quand la question de la nécessité de l'indication de cette référence dans la convocation n'avait pas été discutée par les parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu que selon l'article L. 225-105, alinéa 3, du code de commerce, sous réserve de la dérogation qu'il prévoit, l'assemblée générale des actionnaires ne peut délibérer sur une question qui n'est pas inscrite à l'ordre du jour ; qu'il résulte de l'article L. 225-138, I, du même code que la suppression du droit préférentiel de souscription pour les besoins de la réalisation d'une augmentation de capital réservée doit être soumise au vote de l'assemblée ; qu'ayant constaté que l'assemblée générale des actionnaires de la société Lioser avait voté la suppression du droit préférentiel de souscription pour la totalité de l'augmentation de capital à laquelle elle décidait de procéder sans que cette question ait été inscrite à l'ordre du jour, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième, troisième et quatrième branches, que les résolutions litigieuses devaient être annulées ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses trois dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Lioser et M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société ITM région parisienne la somme globale de 2 500 euros ; rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société Lioser et M. X....
II est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR annulé les résolutions n° 5 et 6 prises par l'assemblée générale extraordinaire de la société LIOSER tenue le 29 juin 2007 et d'avoir condamné in solidum la société LIOSER et M. Michel X..., en les déboutant du surplus de leurs prétentions, à verser la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts à la société ITM REGION PARISIENNE,
AUX MOTIFS QUE la convocation adressée aux actionnaires de la société LIOSER pour "l'assemblée générale ordinaire annuelle et extraordinaire de notre société" au 29 juin 2007 est ainsi libellée :
ORDRE DU JOUR DE LA COMPETENCE DE L'ASSEMBLEE GENERALE ORDINAIRE :
« Rapport de gestion établi par le conseil d'administration« Rapport du commissaire aux comptes sur les comptes de l'exercice« Approbation des comptes de l'exercice clos le 31/12/2006 et quitus aux administrateurs« Affectation du résultat de l'exercice« Rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions visées aux articles L. 225-38 du code de commerce et approbation desdites conventions« Pouvoirs pour l'accomplissement des formalités » ;
ORDRE DU JOUR DE LA COMPETENCE DE L'ASSEMBLEE GENERALE EXTRAORDINAIRE :
« Augmentation du capital réservée aux salariés dans les conditions prévues à l'article L. 443-5 du code du travail, en application de l'article L. 225-129-6 du code de commerce » ;
que le 29 juin 2007, ont été soumises au vote des actionnaires et votées lors de l'assemblés générale extraordinaire une résolution n°5 décidant « de procéder à une augmentation du capital social en numéraire d'un montant maximum de 3 % par la création d'actions nouvelles d'une valeur nominale de 15,24 € à libérer en numéraire par versement d'espèces ou compensation avec des créances sur la société », et de « déléguer au conseil d'administration tous pouvoirs afin de fixer les autres modalités d'émission des titres », puis, « en conséquence de la résolution qui précède et conformément à l'article L. 225-138-1 du code de commerce », une résolution n°6 décidant de « supprimer le droit préférentiel de souscription aux actions nouvelles à émettre réservé aux actionnaires ayant la qualité d'adhérents à un plan d'épargne d'entreprise et qui remplissent, en outre, les conditions éventuellement fixées par le conseil d'administration en vertu de l'article précité et de l'article L. 443-5 du code du travail » ; qu'ainsi, la convocation à l'assemblée générale extraordinaire ne faisait pas état d'une suppression du droit préférentiel de souscription bénéficiant aux actionnaires ; que les deux textes de loi cités dans l'ordre du jour de cette assemblée n'en font pas davantage mention, étant précisé que la possibilité de supprimer ce droit à l'occasion d'une augmentation de capital réservée est prévue à l'article L. 225-138 du code de commerce ; que cette convocation ne comportait aucune référence au rapport spécial du conseil d'administration et au rapport spécial des commissaires aux comptes dont l'audition préalable au vote est légalement exigée, alors qu'il est significatif de relever dans cette même convocation, au titre de l'ordre du jour de l'assemblée ordinaire tenue le même jour, la présence de trois références à trois rapports ; que de plus, si la soumission à l'assemblée, tous les trois ans, d'un projet de résolution tendant à la réalisation d'une augmentation de capital dans les conditions prévues à l'article L. 443-5 devenu L.3332-19 du code du travail, constitue certes une obligation légale pour une entreprise comme la société Lioser, une telle augmentation demeure facultative, et les actionnaires restent ainsi libres de n'y pas procéder, de sorte qu'il ne peut être considéré que l'assemblée convoquée pour le 29 juin 2007 devait nécessairement prendre une telle décision, et s'agissant du droit préférentiel de souscription, l'article L.225-138 dit que l'assemblée générale qui décide une augmentation de capital réservée «peut (le) supprimer » ; qu'au, regard de ces éléments, les actionnaires ne peuvent être regardés comme ayant été suffisamment et valablement avertis pas la convocation et l'ordre du jour, de la nécessaire portée du vote qui leur était proposé, et la société ITM Région Parisienne est donc fondée à solliciter l'annulation des résolutions n°5 et 6 sur le fondement de l'article L.225-105, al. 3 du code de commerce, en ce qu'il dispose que l'assemblée d'une société anonyme ne peut délibérer sur une question qui n'est pas inscrite à l'ordre du jour ; que l'irrégularité de cette convocation engage la responsabilité de la société et de son dirigeant, lesquels seront condamnés in solidum à verser à l'appelante une somme de 5.000€, le préjudice indemnisable tenant à l'atteinte portée à ses droits d'actionnaire ;
1° ALORS QUE le capital social d'une société anonyme peut être augmenté, notamment par émission d'actions nouvelles, les anciennes comportant un droit préférentiel de souscription qui est d'ordre public ; que la loi offre néanmoins à l'assemblée générale qui décide cette augmentation la faculté de supprimer alors ce droit ; qu'elle lui permet aussi de réserver cette augmentation à certains bénéficiaires, quels qu'ils soient, auquel cas ladite réserve emporte, nécessairement, exclusion du droit préférentiel ; qu'il s'ensuit qu'une convocation à une assemblée générale extraordinaire pour y proposer une augmentation de capital réservée à des personnes particulières emporte, nécessairement, convocation à voter la suppression du droit préférentiel sans laquelle cette réserve est à tous égards impossible ; qu'en décidant dès lors d'annuler les résolutions 5 et 6, au motif que l'assemblée ne pouvait délibérer sur la question de la suppression du droit préférentiel, qui ne figurait pas à l'ordre du jour de la convocation, quand cette dernière invitait explicitement les actionnaires à se prononcer sur une « augmentation du capital social réservée aux salariés dans les conditions prévues à l'article L 443-5 du code du travail, en application de l'article L. 225-129-6 du code de commerce », ce qui emportait, nécessairement, convocation à voter sur une suppression du droit préférentiel, la cour a violé l'article L. 225-105 alinéa 3 du code de commerce, ensemble les articles L. 225-135 et L. 225-138 du même code ;
2° ALORS QUE pour annuler les résolutions n° 5 et 6 de l'assemblée générale extraordinaire appelée à voter l'augmentation de capital réservée au profit des salariés, dans les conditions de l'article L. 3332-18 du code du travail, la cour a retenu que s'il était obligatoire de présenter tous les trois ans un projet de résolution à cette fin, il n'était pas obligatoire de l'adopter, de sorte que l'assemblée convoquée pour le 29 juin 2007 n'était pas davantage tenue de l'adopter ; qu'en se déterminant par de tels motifs, inopérants, la cour a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 225-105 alinéa 3, L. 225-135 et L. 225-138 du code de commerce ;
3° ALORS QUE pour justifier l'annulation des résolutions n° 5 et 6 de l'assemblée générale extraordinaire appelée à voter l'augmentation de capital réservée au profit des salariés, dans les conditions du code du travail, la convocation à cette assemblée ne faisant pas explicitement état d'une suppression du droit préférentiel, la cour a retenu que l'article L. 225-138 du code de commerce disait que l'assemblée générale qui décide une augmentation de capital réservée « peut (le) supprimer » ; que cependant ce verbe "pouvoir" vise, non pas la faculté de supprimer ou non le droit préférentiel en cas d'augmentation réservée puisque cette suppression est alors nécessaire , mais la faculté de déroger au principe d'ordre public du droit préférentiel ; qu'en suggérant dès lors, sur le fondement du texte visé, que la convocation à voter l'augmentation de capital réservée n'emportait pas nécessairement suppression de ce droit, de sorte que l'éventualité du vote d'une telle suppression, facultative, devait être explicitement prévue par la convocation, en plus de l'invitation à voter l'augmentation réservée, la cour a violé par fausse application l'article sus visé ;
4° ALORS QUE pour justifier l'annulation des résolutions n° 5 et 6 de l'assemblée générale extraordinaire appelée à voter l'augmentation de capital réservée au profit des salariés, dans les conditions du code du travail, la convocation à cette assemblée ne faisant pas explicitement état d'une suppression du droit préférentiel, la cour a retenu que la convocation ne comportait aucune référence au rapport spécial du conseil d'administration et au rapport spécial des commissaires aux comptes ; qu'en se déterminant ainsi, quand la question de la nécessité de l'indication de cette référence dans la convocation n'avait pas été discutée par les parties, la cour a violé l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-17256
Date de la décision : 25/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE ANONYME - Augmentation de capital - Droit préférentiel de souscription - Suppression - Délibération de l'assemblée générale - Conditions - Inscription à l'ordre du jour

La question de la suppression du droit préférentiel de souscription pour les besoins de la réalisation d'une augmentation de capital réservée, sur laquelle l'assemblée générale des actionnaires d'une société est appelée à voter, doit être inscrite à l'ordre du jour conformément aux articles L. 225-105, alinéa 3, et L. 225-138 I du code de commerce


Références :

articles L. 225-105, alinéa 3, et L. 225-138 I du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 03 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 sep. 2012, pourvoi n°11-17256, Bull. civ. 2012, IV, n° 172
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 172

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : M. Carre-Pierrat
Rapporteur ?: M. Le Dauphin
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.17256
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