La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/09/2012 | FRANCE | N°11-17446

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 septembre 2012, 11-17446


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mars 2011), que M. X...engagé par la société Metin le 1er septembre 1992 et promu le 1er juillet 2002 responsable des ventes à la concession Pomponne, a fait l'objet le 13 octobre 2006 d'une mise à pied conservatoire puis a été licencié pour faute grave le 2 novembre 2006 ; qu'il lui était reproché des ventes de véhicules sur la période courant de 2004 à 2006, et notamment le 21 avril 2006 au profit de membres de sa famille ou de proche

s à des tarifs préférentiels ayant généré des pertes pour la société ;

At...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mars 2011), que M. X...engagé par la société Metin le 1er septembre 1992 et promu le 1er juillet 2002 responsable des ventes à la concession Pomponne, a fait l'objet le 13 octobre 2006 d'une mise à pied conservatoire puis a été licencié pour faute grave le 2 novembre 2006 ; qu'il lui était reproché des ventes de véhicules sur la période courant de 2004 à 2006, et notamment le 21 avril 2006 au profit de membres de sa famille ou de proches à des tarifs préférentiels ayant généré des pertes pour la société ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de constater que les faits invoqués à l'appui du licenciement sont prescrits et de déclarer en conséquence le licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors selon le moyen que le délai de prescription dans lequel l'employeur peut engager une procédure disciplinaire court à compter du jour où il a une connaissance exacte de la nature, de la réalité et de l'ampleur des faits reprochés au salarié ; qu'en l'espèce l'employeur faisait précisément valoir que ni l'analyse des tableaux de bord, ni le contrôle des factures en fin de mois, ne pouvait permettre de constater que le salarié avait, sans respecter les procédures internes, réalisé de nombreuses transactions avec des membres de sa famille dans des conditions générant des pertes pour son employeur, dès lors que, d'une part, dans le cadre de ses fonctions de chef des ventes, c'est le salarié lui-même qui était chargé du contrôle du journal des ventes, son supérieur, le directeur de concession, ne visant que le tableau de bord récapitulatif dit « Refeco » qui est un simple document analytique, et dès lors, d'autre part, que le contrôle des factures ne concernait que les factures internes de travaux et non les factures de vente de véhicule, ce qui expliquait d'ailleurs que ce soit une facture interne relative au changement d'un pare-brise qui ait pu permettre au directeur de concession de découvrir les agissements du salarié ; qu'en affirmant péremptoirement qu'il était impensable que la vente du 21 avril 2006 ait pu passer inaperçue lors du contrôle des factures de fin de mois ou lors de l'analyse des tableaux de bord et échapper ainsi à la connaissance de la direction, sans caractériser en quoi ces procédures, compte tenu de leur nature et des conditions dans lesquelles elles étaient réalisées, auraient pu ou dû permettre à l'employeur d'avoir une connaissance suffisante des faits reprochés au salarié plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires le 13 octobre 2006, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

Mais attendu que sous le couvert du grief non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont estimé que l'employeur ne rapportait pas la preuve qu'il avait eu une connaissance tardive des faits qu'il reprochait au salarié ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Metin aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 2 500 euros à M. X...;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Metin.

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR constaté que les faits invoqués à l'appui du licenciement de Monsieur Didier X...sont prescrits, d'AVOIR en conséquence déclaré ce licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur à payer à Monsieur X...diverses sommes à titre d'indemnité de préavis, d'indemnité de licenciement, de rappel de salaire sur mise à pied, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité pour non-respect du droit individuel à la formation et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'« aux termes des dispositions de l'article L 1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait n'ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Monsieur X...soulève d'emblée la prescription des faits ayant motivé le licenciement, faits selon la lettre de licenciement, du 21 avril 2006 qui auraient déclenché la procédure disciplinaire. Il soutient que la société METIN ne donne pas la date précise de la découverte des faits qui serait intervenue " fin septembre 2006 ", à l'occasion d'un contrôle inopiné des factures internes effectué le 13 septembre 2006. Il fait observer que le contrôle des factures internes s'opérait chaque fin de mois et que l'employeur avait nécessairement validé les factures d'avril 2006, de sorte que la découverte d'un fait fautif en septembre 2006 était impossible. La société METIN demande de dire et juger que les faits fautifs ne sont pas prescrits. Elle soutient qu'au mois de septembre 2006, lors d'un contrôle de factures internes à la société, Monsieur Y...(responsable de site) a été alerté par des frais de garantie pour un échange de pare-brise sur un véhicule Passat break qui avaient fait l'objet d'une commande du 12 septembre 2006 et d'une facture interne du 13 septembre 2006 ; que Monsieur Y...a alors découvert et constaté que ce véhicule avait été vendu au mois d'avril 2006 à Monsieur Laurent X..., à un tarif préférentiel qui générait une perte financière et un manque à gagner pour la société ; qu'intrigué il a procédé à un examen du livre de police et a découvert que sur une période courant de 2004 à 2006, Monsieur X...avait réalisé 13 opérations de vente ou d'achat auprès de membres connus de sa famille à des conditions très préférentielles générant pour la société des pertes et un manque à gagner. La lettre de licenciement du 2 novembre 2006 évoquait de la façon suivante comment les faits objet du licenciement avaient été découverts : " Fin septembre 2006, lors d'un contrôle de factures internes à notre entreprise, votre responsable de site Monsieur Florent Y...s'est interrogé sur des frais de garantie concernant l'échange d'un pare-brise sur un véhicule Passat Break immatriculé 36 CZM 77, objet d'une facture interne datée du 13 septembre 2006. Après vérification, il s'est avéré que vous avez vendu ce véhicule à Monsieur Laurent X...votre frère en date du 21 avril 2006, au prix de 12 900 euros. A l'étude du dossier, nous avons constaté que ce véhicule avait été repris pour un montant de 12 000 euros en date du 14 avril 2006. Sur ce véhicule il a été réalisé des travaux de remise en état et de préparation pour un montant de 1579, 08 euros plus le coût de l'assurance garantie voitures d'occasion d'un montant de 153, 06 euros, soit un total de 1732, 14 euros. Monsieur Florent Y...a donc constaté dans cette affaire une perte financière de 832, 14 euros. Le prix de vente pour ce véhicule était de 14 200 euros, soit un manque à gagner total de 2132, 14 euros. Suite à ce constat de perte financière importante sur cette vente réalisée auprès d'un membre de votre famille, Monsieur Florent Y...a demandé à étudier le livre de police, et s'est aperçu que vous réalisiez régulièrement des opérations d'achat et de vente avec des membres de votre famille. Monsieur Florent Y...a fait ressortir les dossiers ci-dessous détaillés, sur une période courant de 2004 à 2006. Nous tenons à préciser qu'il existe d'autres dossiers plus anciens sur lesquels nous avons constaté également des pertes, mais que nous ne relatons pas ci-dessous, ayant déjà suffisamment d'exemples de transactions dans lesquelles l'entreprise à réalisé des pertes financières, plus un manque à gagner important par rapport au prix du marché (...) ". Le point de départ du délai de prescription est constitué par le jour où l'agissement fautif est personnalisé, c'est à dire au jour où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié. La fin de ce délai est constituée par la date de déclenchement de la procédure de licenciement, soit la date du 13 octobre 2006, date de la mise à pied disciplinaire et de la convocation à l'entretien préalable. En l'espèce, le fait fautif reproché à Monsieur Didier X... est une vente de véhicule effectuée le 21 avril 2006 au profit de son frère, Monsieur Laurent X..., à des tarifs préférentiels ayant généré une perte pour la société. Cette vente aurait été révélée à l'employeur fin septembre 2006 lors du contrôle d'une facture du 13 septembre 2006 relative à un échange de pare-brise pris en charge au titre de la garantie véhicule d'occasion. Il ressort des attestations versées aux débats par la société METIN (attestations des Mesdames C...et D...) que le contrôle des factures internes et l'analyse des tableaux de bord était faite chaque mois par la Direction. Contrairement à ce que soutient la société METIN, et à supposer que le salarié n'ait pas sollicité d'autorisation de sa hiérarchie pour procéder à la vente litigieuse à un membre de sa famille (ce que le salarié conteste), il est impensable que la vente du 21 avril 2006 ait pu passer inaperçue lors du contrôle des factures de fin de mois ou lors de l'analyse des tableaux de bord, et échapper ainsi à la connaissance de la Direction. Il en résulte que fin avril 2006 ou début mai 2006, la Direction de la société METIN avait eu connaissance de la vente du 21 avril 2006 ou avait été en mesure d'en prendre connaissance par l'intermédiaire de son service administratif et financier. Par le même contrôle mensuel, elle avait également été en capacité de connaître toutes les ventes antérieures reprochées au salarié. Dès lors il y a lieu de constater que la procédure de licenciement initiée le 13 octobre 2006 repose sur des faits prescrits. Le licenciement intervenu le 2 novembre 2006 sera donc déclaré sans cause réelle et sérieuse » ;

ALORS QUE le délai de prescription dans lequel l'employeur peut engager une procédure disciplinaire court à compter du jour où il a une connaissance exacte de la nature, de la réalité et de l'ampleur des faits reprochés au salarié ; qu'en l'espèce l'employeur faisait précisément valoir (conclusions page 22 et suivantes) que ni l'analyse des tableaux de bord, ni le contrôle des factures en fin de mois, ne pouvait permettre de constater que le salarié avait, sans respecter les procédures internes, réalisé de nombreuses transactions avec des membres de sa famille dans des conditions générant des pertes pour son employeur, dès lors que, d'une part, dans le cadre de ses fonctions de chef des ventes, c'est le salarié lui-même qui était chargé du contrôle du journal des ventes, son supérieur, le directeur de concession, ne visant que le tableau de bord récapitulatif dit « REFECO » qui est un simple document analytique, et dès lors, d'autre part, que le contrôle des factures ne concernait que les factures internes de travaux et non les factures de vente de véhicule, ce qui expliquait d'ailleurs que ce soit une facture interne relative au changement d'un pare-brise qui ait pu permettre au directeur de concession de découvrir les agissements du salarié ; qu'en affirmant péremptoirement qu'il était impensable que la vente du 21 avril 2006 ait pu passer inaperçue lors du contrôle des factures de fin de mois ou lors de l'analyse des tableaux de bord et échapper ainsi à la connaissance de la direction, sans caractériser en quoi ces procédures, compte tenu de leur nature et des conditions dans lesquelles elles étaient réalisées, auraient pu ou dû permettre à l'employeur d'avoir une connaissance suffisante des faits reprochés au salarié plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires le 13 octobre 2006, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du Code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-17446
Date de la décision : 12/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 sep. 2012, pourvoi n°11-17446


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.17446
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award