LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2010), que M. X..., employé par la société Air France en qualité d'« agent de service avion 2, Département pistes-Servitudes » et exerçant son activité professionnelle dans la « zone réservée » de l'aéroport d'Orly, s'est vu retirer, par une décision du 20 février 2007 du préfet du Val-de-Marne son titre de circulation en zone aéroportuaire ; que par lettre du 19 avril 2007, son contrat de travail a été résilié par son employeur pour "fait du prince" ; que l'intéressé a saisi la juridiction prud'homale pour voir reconnaître que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Air France au paiement de diverses indemnités et de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Air France fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, alors, selon le moyen :
1°/ que toute intervention ou acte de l'administration qui rend impossible par l'employeur ou par le salarié, l'exécution du contrat de travail constitue un fait du prince ; qu'est ainsi constitutif du fait du prince, assimilé à un cas de force majeure, privatif de toute les indemnités de rupture, le retrait par l'administration d'un agrément indispensable à l'exercice de l'activité du salarié ; que la cour d'appel a relevé que, par décision du 20 février 2007, le préfet du Val-de-Marne n'avait pas renouvelé l'autorisation du salarié, rattaché au département piste, d'accéder à la zone réservée, habilitation préfectorale indispensable à l'exercice de ses fonctions ; que ce retrait d'habilitation, décidé par le préfet en raison du comportement du salarié, constituait un fait du prince, qui s'imposait à l'employeur, lequel était tenu, en application de la réglementation en vigueur, sous peine de s'exposer à des sanctions pénales, de résilier le contrat de travail ; qu'en refusant de l'admettre la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1231-1 du code du travail et les articles R. 213-4, R. 213-6 et R. 282-1 du code de l'aviation civile ;
2°/ et alors que la force majeure, à laquelle le fait du prince est assimilé, et qui permet à l'employeur de s'exonérer de tout ou partie de ses obligations nées de la rupture du contrat de travail, s'entend de la survenance d'un événement extérieur irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail ; que la cour d'appel a relevé que, par décision du 20 février 2007, le préfet du Val-de-Marne n'avait pas renouvelé l'autorisation du salarié, rattaché au département piste, d'accéder à la zone réservée ; qu'il s'évince des énonciations de l'arrêt que le retrait de l'habilitation préfectorale, indispensable à l'exercice des fonctions du salarié, était étranger à l'employeur qui, en application de la réglementation de l'aviation civile en vigueur prise pour des raisons impérieuses de sécurité, et sous peine de s'exposer à des sanctions pénales, s'est trouvé dans l'obligation de mettre fin aux fonctions pour lesquelles le salarié avait été engagé, ce qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail ; que les éléments constitutifs de la force majeure se trouvaient donc réunis, peu important que ce retrait ait été, ou non, prévisible lors de la conclusion du contrat dans la mesure où même prévisibles, les conséquences du retrait d'habilitation ne pouvaient être évitées ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail et les articles R. 213-4, R. 213-6 et R. 282-1 du code de l'aviation civile ;
3°/ que, à titre subsidiaire, pour dire que la résiliation du contrat de travail devait s'analyser en un licenciement abusif, la cour d'appel a considéré que le retrait d'habilitation n'était pas imprévisible dans la mesure où l'employeur ne pouvait pas ignorer lors de la conclusion du contrat de travail que le préfet pouvait décider du non-renouvellement de l'habilitation pour des motifs personnels ou professionnels et qu'il n'était pas irrésistible puisque l'employeur, tenu d'une obligation d'adaptation à l'emploi, aurait du reclasser le salarié sur un poste de travail situé en zone non réservée ; qu'à supposer même que le caractère imprévisible de l'événement lors de la conclusion du contrat de travail soit requis, l'employeur ne pouvait raisonnablement prévoir, lors de la conclusion du contrat de travail, que le salarié qui avait reçu l'habilitation préfectorale nécessaire pour exercer ses fonctions, adopterait postérieurement et volontairement un comportement qui entraînerait le retrait de l'agrément accordé ; et que la loi prescrit exclusivement à l'employeur d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail afin de leur permettre de continuer à exercer leurs fonctions en cas d'évolution des emplois, des technologies, et des organisations, et de reclasser les salariés inaptes ou dont le licenciement économique est envisagé ; que la société Air France se trouvait dans l'obligation de résilier le contrat de travail sous peine de s'exposer à des sanctions pénales ; que la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé les articles L. 1231-1, L. 1226-2, L. 1233-4 et L. 6321-1 du code du travail et l'article 1148 du code civil ;
4°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité; que la cour d'appel a condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 567,58 euros au titre du droit individuel à la formation sans motiver sa décision du chef du préjudice subi par le salarié au titre du droit individuel à la formation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que les conditions de mise en oeuvre de la force majeure ou du "fait du prince" n'étaient pas réunies en l'espèce et a rappelé à bon droit que la situation résultant du retrait d'une habilitation par l'autorité publique en raison du comportement du salarié titulaire de l'habilitation ne constitue pas, en soi, un cas de force majeure, a, répondant aux conclusions, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Air France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Air France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR condamné la société Air France à verser au salarié les sommes de 5.574 € à titre d'indemnités de licenciement, 5.003,64 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 567, 58 € au titre du droit individuel à la formation et 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
AUX MOTIFS QUE « la société AIR France reproche aux premiers juges de ne pas avoir retenu que la rupture du contrat de travail procédait d'un fait du prince, suite au non-renouvellement de l'autorisation de travailler dans la zone aéroportuaire pour Monsieur Jérôme X...; qu'en conséquence, aucune indemnité de rupture n'aurait due être allouée à Monsieur Jérôme X... ; que le fait du prince se définit comme tout acte de la puissance publique à caractère général ou individuel de nature à rendre impossible le maintien du contrat de travail ; que le fait du prince s'entend d'un événement irrésistible et imprévisible; que le retrait d'une habilitation par l'autorité publique en raison du comportement du salarié titulaire de l'habilitation, ne constitue pas en soi un cas de force majeure, ni un fait du prince exonérant l'employeur de toute obligation, ce dernier devant démontrer l'irrésistibilité de l'événement ; qu'en l'espèce : non seulement le retrait de l'habilitation n'était pas imprévisible, dans la mesure où l'employeur ne pouvait pas ignorer, lors de la conclusion du contrat de travail, qui prévoyait du reste cette hypothèse, que la Préfecture du Val de Marne pouvait décider du non renouvellement de l'habilitation pour des motifs personnels ou professionnels, motifs pour lesquels la société AIR FRANCE aurait pu du reste engager une procédure de licenciement, mais encore ce retrait n'était pas irrésistible dès lors qu'il résulte des pièces versées aux débats que la société dispose de nombreux postes de travail situés en zone non réservée et qu'au moment même de la rupture du contrat de travail elle disposait dans cette zone, de postes compatibles avec les capacités du salarié, tels que des postes de vendeur ou magasinier, la société étant, en tant que de besoin, tenue d'une obligation d'adaptation à l'emploi ; qu'il s'ensuit que, la clause de résiliation automatique étant inopposable au salarié et ne pouvant priver le juge de son pouvoir d'appréciation, la résiliation du contrat de travail par l'employeur s'analyse en un licenciement lequel, le fait du prince n'étant pas caractérisé, est sans cause réelle et sérieuse; que, l'employeur refusant la réintégration sollicitée, il y a lieu d'allouer à Jérôme X... l'indemnité de préavis et les congés payés afférents qu'il sollicite ainsi que l'indemnité de licenciement et, en réparation de l'entier préjudice qu'il a subi, compte-tenu notamment de son ancienneté, de la rémunération qui était la sienne et de la situation d'instabilité professionnelle dans laquelle il s'est trouvé, la somme de 30.000 € ; qu'il y a lieu d'ordonner en outre, sur le fondement de l'article L.1235-4 du Code du travail, le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Jérôme X..., suite à son licenciement, dans la limite de six mois » ;
ALORS QUE toute intervention ou acte de l'administration qui rend impossible par l'employeur ou par le salarié, l'exécution du contrat de travail constitue un fait du prince; qu'est ainsi constitutif du fait du prince, assimilé à un cas de force majeure, privatif de toute les indemnités de rupture, le retrait par l'administration d'un agrément indispensable à l'exercice de l'activité du salarié; que la Cour d'appel a relevé que par décision du 20 février 2007, le préfet du Val de Marne n'avait pas renouvelé l'autorisation du salarié, rattaché au département piste, d'accéder à la zone réservée, habilitation préfectorale indispensable à l'exercice de ses fonctions ; que ce retrait d'habilitation, décidé par le préfet en raison du comportement du salarié, constituait un fait du prince, qui s'imposait à l'employeur, lequel était tenu, en application de la réglementation en vigueur, sous peine de s'exposer à des sanctions pénales, de résilier le contrat de travail ; qu'en refusant de l'admettre la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L.1231-1 du Code du travail et les articles R.213-4, R.213-6 et R.282-1 du Code de l'aviation civile ;
ET ALORS QUE la force majeure, à laquelle le fait du prince est assimilé, et qui permet à l'employeur de s'exonérer de tout ou partie de ses obligations nées de la rupture du contrat de travail, s'entend de la survenance d'un événement extérieur irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail ; que la Cour d'appel a relevé que par décision du 20 février 2007 le préfet du Val de Marne, n'avait pas renouvelé l'autorisation du salarié, rattaché au département piste, d'accéder à la zone réservée; qu'il s'évince des énonciations de l'arrêt que le retrait de l'habilitation préfectorale, indispensable à l'exercice des fonctions du salarié, était étranger à l'employeur qui, en application de la réglementation de l'aviation civile en vigueur prise pour des raisons impérieuses de sécurité, et sous peine de s'exposer à des sanctions pénales, s'est trouvé dans l'obligation de mettre fin aux fonctions pour lesquelles le salarié avait été engagé, ce qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail ; que les éléments constitutifs de la force majeure se trouvaient donc réunis, peu important que ce retrait ait été, ou non, prévisible lors de la conclusion du contrat dans la mesure où même prévisibles, les conséquences du retrait d'habilitation ne pouvaient être évitées; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L.1231-1 du Code du travail et les articles R.213-4, R.213-6 et R.282-1 du Code de l'aviation civile ;
ET ALORS, A TITRE SUBSIDIAIRE, que pour dire que la résiliation du contrat de travail devait s'analyser en un licenciement abusif, la Cour d'appel a considéré que le retrait d'habilitation n'était pas imprévisible dans la mesure où l'employeur ne pouvait pas ignorer lors de la conclusion du contrat de travail que le préfet pouvait décider du non renouvellement de l'habilitation pour des motifs personnels ou professionnels et qu'il n'était pas irrésistible puisque l'employeur, tenu d'une obligation d'adaptation à l'emploi, aurait du reclasser le salarié sur un poste de travail situé en zone non réservée ; qu'à supposer même que le caractère imprévisible de l'événement lors de la conclusion du contrat de travail soit requis, l'employeur ne pouvait raisonnablement prévoir, lors de la conclusion du contrat de travail, que le salarié qui avait reçu l'habilitation préfectorale nécessaire pour exercer ses fonctions, adopterait postérieurement et volontairement un comportement qui entraînerait le retrait de l'agrément accordé ; et que la loi prescrit exclusivement à l'employeur d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail afin de leur permettre de continuer à exercer leurs fonctions en cas d'évolution des emplois, des technologies, et des organisations, et de reclasser les salariés inaptes ou dont le licenciement économique est envisagé ; que la société Air France se trouvait dans l'obligation de résilier le contrat de travail sous peine de s'exposer à des sanctions pénales ; que la Cour d'appel a en toute hypothèse violé les articles L.1231-1, L.1226-2, L.1233-4 et L.6321-1 du Code du travail et l'article 1148 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR condamné la société Air France à verser au salarié la somme de 567,58 € au titre du droit individuel à la formation ;
ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité; que la Cour d'appel a condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 567,58 € au titre du droit individuel à la formation sans motiver sa décision du chef du préjudice subi par le salarié au titre du droit individuel à la formation; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.