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12/09/2012 | FRANCE | N°11-10687

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 septembre 2012, 11-10687


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 24 novembre 2010) que la société Everite a installé en 1917 à Bassens sur un terrain de vingt-neuf hectares et exploité jusqu'en 1986, une usine de fabrication de produits en amiante-ciment pour le bâtiment ; que le 24 mars 1988 elle a vendu une partie de ce terrain et des bâtiments à une société SFSC ; que succédant à un deuxième acquéreur, la société foncière du Vivarais (société du Vivarais) exerçant l'activité de marchand de biens, a acquis ce

s terrains le 8 janvier 1995 ; qu'un arrêté préfectoral du 26 janvier 1999 a i...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 24 novembre 2010) que la société Everite a installé en 1917 à Bassens sur un terrain de vingt-neuf hectares et exploité jusqu'en 1986, une usine de fabrication de produits en amiante-ciment pour le bâtiment ; que le 24 mars 1988 elle a vendu une partie de ce terrain et des bâtiments à une société SFSC ; que succédant à un deuxième acquéreur, la société foncière du Vivarais (société du Vivarais) exerçant l'activité de marchand de biens, a acquis ces terrains le 8 janvier 1995 ; qu'un arrêté préfectoral du 26 janvier 1999 a imposé à la société Everite de procéder au désamiantage de tous les bâtiments de fabrication et entrepôts, dont ceux acquis par la société du Vivarais ; que postérieurement à un arrêté préfectoral du 14 février 2000 établissant des servitudes d'utilité publique sur l'ensemble du site, la société du Vivarais a saisi le juge de l'expropriation d'une demande d'indemnisation du préjudice résultant de l'institution de servitudes en application de l'article L. 515-11 du code de l'environnement ;
Sur le premier moyen, qui est recevable :
Vu les articles 2 du code civil ensemble l'article L. 515-11 du code de l'environnement et l'article L. 515-12 du code de l'environnement dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 ;
Attendu que, pour condamner la société Everite à indemniser la société du Vivarais, la cour d'appel retient que les servitudes d'utilité publique imposées par l'arrêté préfectoral du 14 février 2000 doivent s'analyser comme des contraintes supplémentaires s'ajoutant à la réglementation préexistante qui, à la date de référence le 27 septembre 1998 avait classé les terrains en cause en zone DY du plan d'occupation du sol (POS), dispositions auxquelles s'ajoutaient des restrictions résultant des zones de protection spéciale instituées par les prescriptions relatives aux zones Z1 et Z2 concernant les installations dites "Seveso" prises en 1990 et 1992, interdisant notamment les constructions nouvelles à usage d'habitation, celles d'établissements recevant du public, celles destinées à l'hébergement du bétail et les terrains de camping, que l'utilisation du bien n'est plus la même que celle qui était possible au 27 septembre 1998, date de référence, et que les servitudes administratives instituées le 14 février 2000 ont entraîné un préjudice direct, matériel et certain se traduisant en une diminution de la valeur vénale qui, en application de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation, doit être intégralement réparée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence d'une disposition contraire expressément affirmée par le législateur, la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 qui a ajouté à l'article L. 515-12 du code de l'environnement, l'indemnisation, dans les conditions prévues à l'article L. 515-11, des servitudes prévues aux articles L. 515-8 à L. 515-11 pouvant être instituées sur des terrains pollués par l'exploitation d'une installation, sur l'emprise des sites de stockage de déchets ou dans une bande de 200 mètres autour de la zone d'exploitation, ou sur l'emprise des sites d'anciennes carrières ou autour de ces sites sur des surfaces dont l'intégrité conditionne le respect de la sécurité et de la salubrité publiques, ne dispose que pour l'avenir, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse (chambre des expropriations) ;
Condamne la société Foncière du Vivarais aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Everite.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société EVERITE à verser à la Société FONCIERE DU VIVARAIS en application de l'article L. 515-11 du code de l'environnement une somme de 1.189.102,32 euros en réparation du préjudice subi,
AUX MOTIFS PROPRES QUE « L'article L 515-11 du code de l'environnement, fondement de la demande de la Société FONCIERE DU VIVARAIS précise « Lorsque l'institution des servitudes prévues à l'article L 515-8 entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. La demande d'indemnisation doit être adressée à l'exploitant de l'installation dans un délai de trois ans à dater de la notification de la décision instituant la servitude. A défaut d'accord amiable, l'indemnité est fixée par le juge de l'expropriation. Le préjudice est estimé à la date de la décision de première instance. Toutefois, est seul pris en considération l'usage possible des immeubles et droits immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête publique prévue à l'article L. 515-9. La qualification éventuelle de terrain à bâtir est appréciée conformément aux dispositions de l'article L 13-15 du code de l'expropriation. Le juge limite ou refuse l'indemnité si une acquisition de droits sur un terrain a, en raison de l'époque à laquelle elle a eu lieu ou de toute autre circonstance, été faite dans le but d'obtenir une indemnité. Le paiement des indemnités est à la charge de l'exploitant de l'installation. » Le juge de l'expropriation a été saisi en application de ce texte, la demande de la Société FONCIERE DU VIVARAIS a pour fondement l'institution de servitudes résultant de l'arrêté préfectoral du 14 février 2000 qui lui auraient causé un préjudice et dont il appartient au juge de l'expropriation d'apprécier la réalité et l'évaluation au regard des règles qui lui sont propres. Dès lors les engagements de droit privé résultant des clauses limitatives de garantie ou de responsabilité contenues dans les actes de vente successifs dont fait état la société EVERITE, trouvent leur application dans le cadre d'une action en responsabilité contractuelle ou délictuelle en cas de faute commise par un contractant, mais sont sans portée sur l'indemnisation d'un préjudice résultant de la mise en servitudes d'un terrain. De même si dans une note annexée à l'acte de vente du 8 février 1995 il a été rappelé que la société EVERITE avait exploité sur le terrain objet de l'acquisition, une installation classée et donc soumise à autorisation, la Société FONCIERE DU VIVARAIS ne pouvait avoir une connaissance précise de la pollution à l'amiante et en tout cas des servitudes administratives qui en résulteraient cinq ans plus tard. Comme l'a relevé le juge de l'expropriation, le terrain a été acquis en 1995 alors que les servitudes n'ont été instaurées qu'au mois de février 2000, de sorte qu'aucune circonstance ne permet de limiter ou de refuser l'indemnité prévue par l'article L 515-11. En l'espèce il est établi que la société EVERITE qui a exploité le site jusqu'en 1986 est le dernier exploitant et que la propriété du site appartient à la Société FONCIERE DU VIVARAIS depuis le 8 février 1995. Par ailleurs la demande d'indemnisation devant le juge de l'expropriation a été faite en octobre 2001, à la suite de l'arrêté préfectoral du 14 février 2000 instituant des servitudes d'utilité publique, soit dans le délai prévu par le texte. Les servitudes instituées sur les parcelles appartenant à la Société FONCIERE DU VIVARAIS s'expliquent par les risques de pollution résiduelle résultant de la présence d'amiante-ciment sur ces parcelles, ce qui a nécessité la mise en place de dispositions particulières de protection précisées par l'arrêté préfectoral du 14 février 2000 ainsi rédigé :
- article 3-1 : Tout prélèvement des déchets d'amiante-ciment est interdit, sauf autorisation préalable du préfet qui fixera les conditions de cette exhumation, par arrêté pris dans le cadre de la loi numéro 76-663 du 19 juillet 1976 susvisée
- article 3-2 : Toutes occupations du sol nécessitant des travaux d'affouillement du sol sont interdites. Sont notamment interdites :
les constructions assises sur des fondations dont la mise en oeuvre nécessiterait une ouverture des sols de recouvrement, un affouillement ou une remontée à l'air libre des déchets d'amiante,
les installations et travaux divers mentionnés à l'article L 442-1 et au a) et c) de l'article R 442-2 du code de l'urbanisme
les campings et stationnements de caravanes
- article 3-3 : Peuvent être autorisées :
les constructions légères ne nécessitant pas de fondation et sous réserve que tous les réseaux de desserte soient en aérien
les constructions assises sur des fondations dont la mise en oeuvre ne nécessite aucun affouillement, ou aucune exhumation des déchets amiante-ciment et qui n'auront aucun réseau de desserte enterré
l'implantation de parkings imperméabilisés ou pas, avec récupération des eaux de ruissellement en surface (caniveaux)
les utilisations du site en aire de stockage de matériaux les installations classées répondant aux constructions des 1er et 2ème
- article 3-4 : Tout puisage et exploitation des nappes aquifères sous jacentes dans l'emprise des parcelles concernées sont interdites
- article 3-5 : L'entretien, notamment le maintien des sols de recouvrement des déchets sera réalisé aussi souvent que nécessaire par les propriétaires successifs des parcelles concernées, afin d'éviter la mise à nue des déchets d'amiante-ciment.
Il résulte notamment de ce dernier article que les déchets d'amiante-ciment enfouis dans le sol sont destinés à rester sur le site de manière définitive et qu'il incombe aux propriétaires successifs des parcelles concernées d'assurer le recouvrement des dits déchets. Les servitudes d'utilité publique imposées par l'arrêté préfectoral du 14 février 2000 doivent s'analyser comme des contraintes supplémentaires s'ajoutant à la réglementation préexistante qui à la date de référence le 27 septembre 1998 avait classé les terrains en cause en zone DY du plan d'occupation du sol (POS) secteur industriel portuaire destiné aux activités commerciales et industrielles de toutes catégories. A ces dispositions s'ajoutaient les restrictions résultant des zones de protection spéciale instituées par les prescriptions relatives aux zones Z1 et Z2 concernant les installations dites SEVESO, prises en 1990 et 1992, interdisant notamment les constructions nouvelles à usage d'habitation, celles d'établissements recevant du public, celles destinées à l 'hébergement du bétail et les terrains de camping. Dès lors l'utilisation du bien n'est plus la même que celle qui était possible à la date de référence en septembre 1998. Les servitudes administratives instituées le 14 février 2000 ont entraîné un préjudice direct, matériel et certain se traduisant en une diminution de la valeur vénale. En application de l'article L 13-13 du code de l'expropriation le préjudice doit être réparé intégralement et pour ce faire il convient de le chiffrer. Comme l'indique la société EVERITE et comme l'a retenu le juge de l'expropriation le terrain de la Société FONCIERE DU VIVARAIS n'est pas totalement inconstructible et inutilisable dès lors que des constructions légères ou des parkings sont autorisés par l'article 3-3 de l'arrêté du 14 février 2000 et qu'elles sont conformes aux dispositions générales du POS et aux restrictions dites SEVESO. Comme le justifie la société EVERITE il est possible techniquement de réaliser des fondations superficielles au moyen de pieux battus qui permettent la construction de bâtiments soit en utilisant des matériaux habituels, soit avec des matériaux aériens. L'indemnisation sur la base de la totalité de la perte foncière, demandée par la Société FONCIERE DU VIVARAIS ne peut en conséquence être admise, ce qui reviendrait à nier une quelconque valeur aux terrains et constructions existant. Il est d'ailleurs établi que cette dernière a revendu une partie des 72 550 m2 acquis en 1995 pour un prix de 29 000 000 francs (4 421 021,40 €). Ce prix d'acquisition peut être utilisé comme élément de référence. En effet le même bien avait été négocié quatre ans et demi auparavant 26 000 000 francs. Par ailleurs il est versé aux débats deux rapports d'expertise, le rapport COEXTIM effectué en 1991 évaluant le bien 30 500 000 francs et le rapport ZERVUDACKI effectué en 1994 l'évaluant à 34 300 000 francs, sommes très proches du montant de la transaction. Pour apprécier la valeur vénale du terrain et le préjudice subi par la Société FONCIERE DU VIVARAIS à la date de la décision du premier juge (1er octobre 2002) conformément à l'article L 515-11 du code de l'environnement, il n'est produit aucun élément de comparaison et par ailleurs il ne peut être tiré d'enseignement utile des ventes consenties par la Société FONCIERE DU VIVARAIS portant soit sur des terrains nus, soit sur des terrains avec des bâtiments en état, soit sur des terrains avec des hangars en mauvais état :
- le 24 décembre 1998 à la SCI GUERLANDE pour un prix de 4 000 000 francs
- le 24 juillet 2001 à la société Docks Maritimes pour un prix de 53 357,16 euros
- le 1er août 2002 à la Société Delagues location et services pour un prix de 500 000 euros.
Il peut néanmoins être retenu que la première vente est intervenue avant l'arrêté préfectoral du 14 février 2000, de sorte que la valeur vénale du site à la date de référence (27 septembre 1998) doit être diminuée de 4 000 000 francs soit :
29 000 000 francs - 4 000 000 francs = 25 000 000 francs.
Cette somme doit être réévaluée en tenant compte de l'indice du coût de la vie soit 1,04, comme le demande la Société FONCIERE DU VIVARAIS :
25 000 000 francs x 1,04 = 26000000 francs (3 963 674,40 euros).
Comme l'ont évoqué les deux parties dans leur mémoire respectif la dépréciation résultant des servitudes d'utilité publique instituées par l'arrêté du 14 février 2000 doit être évaluée à 30 %, suivant en cela les suggestions du commissaire du gouvernement devant le juge de l'expropriation. En effet les contraintes créées par les « servitudes amiante» sont supérieures à celles résultant des servitudes dites « SEVESO» qui ont déjà été évaluées à 10 % et 20 % par la présente juridiction dans un litige précédent situé dans une zone géographique très proche (arrêt CASCARRA en date du 18 février 1998). Dès lors le préjudice subi par la Société FONCIERE DU VIVARAIS doit être chiffré à la somme de :
3 963 674,40 x 30 % = 1 189 102,32 euros.
La décision du juge de l'expropriation ayant chiffré le préjudice à la somme de 1 143 367,60 euros arrondie à 1 143 368 euros sera en conséquence réformée.» ;
ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QUE « La S.N.C. Foncière du Vivarais se trouve propriétaire d'un ensemble immobilier acquis par elle le 8 février 1995 pour un prix de 29.000.000 Francs. Sur cet en ensemble, par arrêté du 14 février 2000 du Préfet de la Gironde, ont été instituées des servitudes en application des articles 7-1 à 7-5 de la loi du 19 juillet 1976 modifiée (codifiée aux articles L. 515-8-9-10-11-12 du Code de l'Environnement). Il n'est pas contesté que les terrains se trouvent pollués à l'amiante par l'ancienne exploitation d'une usine de la société EVERITE et que les servitudes instituées comportent limitation ou interdiction des modifications de l'état du sol et du sous-sol. Il s'ensuit que la question d'un préjudice pour le propriétaire se trouve posée en l'espèce ainsi que celle de son indemnisation conformément aux dispositions de l'article L. 515-11 du Code de l'Environnement lequel prévoit la compétence du juge de l'expropriation à défaut d'accord amiable.
Sur la demande de sursis à statuer Le fait que la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS ait saisi le Tribunal Administratif de Bordeaux d'une action en responsabilité contre l'Etat, responsable à ses yeux de la situation qui résulte pour elle de l'absence de décontamination du site, n'est pas de nature à justifier un sursis à statuer de la part de la juridiction de l'expropriation. Nous ferons remarquer tout d'abord que la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS n'a pas contesté devant la juridiction administrative la légalité de l'arrêté préfectoral du 14 février 2000 et donc que les conditions de la saisine de la juridiction de l'expropriation ne dépendent en rien de l'issue de la procédure administrative. Quant au risque de voir la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS indemnisée au-delà de son préjudice, il apparaît hypothétique. La Société EVERlTE sera déboutée de sa demande de sursis à statuer.
Sur le droit à indemnisation de la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS Les servitudes d'utilité publique des articles L. 515-8 à L. 515-11 ne concernaient initialement que des propriétés situées autour de l'installation classée et il existait alors pour reprendre les termes des conclusions de la Société EVERITE «un rapport d'extranéité» entre ces propriétaires et l'exploitant. Dans le cas présent, la servitude a été instituée sur le site même de l'ancienne exploitation dont les terrains d'assiette avaient été revendus à des acquéreurs successifs. On ne trouve plus en l'espèce le « rapport d'extranéité» précédemment mentionné. Cependant la loi n'introduit aucune distinction. L'article L. 515-12 qui prévoit l'institution des servitudes sur les terrains pollués par une exploitation renvoie, en ce qui concerne l'indemnisation, au seul article L. 515-11. La Société EVERITE fait valoir la présence dans les actes de vente successifs de terrains d'une clause limitative de responsabilité quant à l'état du sol et du sous-sol, clause qu'elle déclare être en droit d'opposer à l'ensemble des sous acquéreurs. Elle ajoute à cela que la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS est un professionnel de l'immobilier en sa qualité de marchand de biens et qu'il lui appartenait de se renseigner sur la qualité du bien dont elle faisait l'acquisition auprès de son vendeur, STAR IMMO. Ces moyens de défense de la société EVERITE ne peuvent être retenus. Cette société est le dernier exploitant du site acquis par la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAlS et l'institution de la servitude affecte des terrains pollués par cette exploitation. La demande de la S.N.C. s'adresse bien au débiteur de l'indemnité conformément à l'article L. 515-11 du. Code de l'Environnement. L'indemnité prévue par ce texte exige un lien de causalité entre l'institution des servitudes et la valeur des biens. Pour que l'indemnité soit due il faut seulement que « l'institution des servitudes (...) entraîne un préjudice direct matériel et certain» pour les propriétaires, titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. L'article L. 515-11 en son quatrième alinéa ajoute une condition : « Le juge limite ou refuse l'indemnité si une acquisition de droits sur un terrain a, en raison de l'époque à laquelle elle a eu lieu ou de toute autre circonstance, été faite dans le but d'obtenir une indemnité ». Selon le Commissaire du Gouvernement, tel serait le cas en l'espèce, la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS ne pouvait ignorer la présence d'amiante sur le site ainsi que les procès pour poIIution à l'amiante dont faisait l'objet la Société EVERlTE. Il suffira de rappeler que l'acquisition du terrain par la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS est intervenue en 1995 alors que les servitudes n'ont été instaurées qu'au mois de février 2000. Aucune autre circonstance ne permet de soutenir que l'acquéreur agissait dans le but d'obtenir une indemnité. Le droit à indemnisation du propriétaire ne peut donc être écarté sur le fondement de l'intention spéculative du quatrième alinéa de l'article L. 515-11 du Code de l'Environnement.
Sur le préjudice subi par la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS II n'est pas contesté que les servitudes instituées sur les parcelles appartenant aujourd'hui à la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAlS s'expliquent par les « risques de pollution résiduelle résultant de la présence de déchets d'amiante-ciment » sur ces parcelles, ce qui a nécessité la mise en place de « dispositions particulières de protection » (Arrêté Préfectoral du 14 février 2000). Les servitudes sont destinées, nous dit cet arrêté, à assurer :
- la conservation des sols de recouvrement des déchets d'amiante-ciment,
- les travaux d'entretien de ces sols de recouvrement,
- les travaux de remise en état rendus nécessaires par l'évolution du site,
- l'inspection régulière du site.
Les servitudes applicables aux parcelles concernées sont les suivantes :
« 3.1 - Tout prélèvement des déchets d'amiante-ciment enfouis est interdit, sauf autorisation préalable du Préfet qui fixera le cas échéant les conditions de cette exhumation, par arrêté pris dans le cadre de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 susvisée.
3.2 - Toutes occupations du sol nécessitant des travaux d'affouillement du sol sont interdites. Sont notamment interdites :
- Les constructions assises sur des fondations dont la mise en oeuvre nécessiterait une ouverture des sols de recouvrement, un affouillement ou une remontée à l'air libre des déchets d'amiante.
- Les installations et travaux divers mentionnés à l'article L 442-1 et aux a) et c) de l'article R 442-2 du Code de l'urbanisme
- Les campings et stationnements de caravanes.
3.3 - Peuvent être autorisés :
- les constructions légères ne nécessitant pas de fondation et sous réserve que tous les réseaux de desserte soient en aérien.
- les constructions assises sur des fondations dont la mise en oeuvre ne nécessite aucun affouillement, ou aucune exhumation des déchets d'amiante-ciment et qui n'auront aucun réseau de desserte enterré
- l'implantation de parkings imperméabilisés ou pas, avec récupération des eaux de ruissellement en surface (caniveaux)
- l'utilisation du site en aire de stockage de matériaux - les installations classées répondant aux constructions des 1er et 2ème paragraphes.
3.4 - Tout puisage et exploitation des nappes aquifères sous-jacentes dans l'emprise des parcelles concernées sont interdites.
3.5 - L'entretien, notamment le maintien des sols de recouvrement des déchets, sera réalisé aussi souvent que nécessaire par les propriétaires successifs des parcelles concernées, afin d'éviter la mise à nu des déchets d'amiante-ciment. » Il résulte de l'article 3.1 de l'arrêté que les déchets d'amiante-ciment sont destinés à rester sur le site et qu'en quelque sorte la pollution est définitive, la protection étant espérée essentiellement de la conservation des sols de recouvrement. D'où l'obligation faite aux propriétaires successifs des parcelles concernées d'entretenir et de maintenir ces sols de recouvrement des déchets (article 3.5). Ceci s'analyse comme une charge pesant sur les propriétaires des parcelles. La visite sur les lieux a montré que les travaux de recouvrement des déchets n'étaient pas aisés et que leur efficacité était limitée dans le temps. L'essentiel du débat porte cependant sur les effets de la servitude instituée par l'article 3.2 de l'arrêté. Cette servitude vient limiter le droit d'occupation des sols en affectant indirectement le droit de construire par interdiction de fondations dont la mise en oeuvre nécessite une ouverture des sols de recouvrement Pour la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS cette interdiction priverait les terrains de toute valeur économique. La Société EVERITE fait valoir que les servitudes laissent subsister des possibilités de construire telles que mentionnées à l'article 3.3 de l'arrêté :
« Peuvent être autorisées :
- les constructions légères ne nécessitant pas de fondation et sous réserve que tous les réseaux de desserte soient en aérien
- les constructions assises sur des fondations dont la mise en oeuvre ne nécessite aucun affouillement, ou aucune exhumation des déchets d'amiante-ciment et qui n'auront aucun réseau de desserte enterré
- l'implantation de parkings imperméabilisés ou pas, avec récupération des eaux de ruissellement en surface (caniveaux)
- l'utilisation du site en aire de stockage de matériaux
- les installations classées répondant aux constructions des 1er et 2ème paragraphes. »
Pour la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS, si les techniques de construction ne nécessitant pas de fondation existent, leur coût est tel qu'eues ne peuvent que peser sur la valeur des parcelles. Il n'est pas contesté que des techniques de construction de ce type ont été utilisées sur des terrains voisins de ceux de la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAlS et également pollués. En conséquence on ne peut suivre la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAlS quand elle prétend que les servitudes priveraient son bien de toute utilisation économique profitable. II s'agit ici de terrains industriels déjà classés en zone SEVESO et qui sont susceptibles d'accueillir des installations classées selon l'article 3.3 précité de l'arrêté préfectoral. Les servitudes instituées en février 2000 ont modifié profondément les conditions d'utilisation économique des parcelles possédées par la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS. La désirabilité de ce bien s'en trouve affectée et vient peser sur les possibilités de revente. Le préjudice qui en résulte pour le propriétaire est direct, matériel et certain. » ;
ALORS QUE l'institution des servitudes d'utilité publique prévues par l'article 7.5 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 197 6, devenu article L. 515-12 du code de l'environnement, ne pouvait, jusqu'en 2002, donner lieu à indemnisation de la part de l'exploitant ; que ce n'est que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002, non rétroactive, qu'est ouverte la possibilité d'indemnisation des servitudes de l'article L. 515-12 du code de l'environnement, dans les conditions prévues à l'article L. 515-11 du même code ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le juge de l'expropriation était saisi, en application de l'article L. 515-11 du code de l'environnement, d'une demande indemnitaire formée par la société FONCIERE DU VIVARAIS à l'encontre de la société EVERITE, ancien exploitant de l'installation polluante, et ayant pour fondement l'institution de servitudes résultant de l'arrêté préfectoral édicté le 14 février 2000, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi précitée de 2002 ; que dans ces conditions, le prétendu préjudice lié à l'institution de la servitude n'était pas indemnisable par l'exploitant ; qu'en condamnant néanmoins la société EVERITE en sa qualité d'exploitant à indemniser, dans les conditions prévues à l'article L. 515-11, la société FONCIERE DU VIVARAIS du préjudice résultant pour elle de l'institution de la servitude édictée le 14 février 2000, la cour d'appel a méconnu le champ d'application de la loi en lui conférant une portée rétroactive et, partant, a violé l'article 2 du code civil, ensemble les articles L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la société EVERITE à verser à la Société FONCIERE DU VIVARAIS en application de l'article L. 515-11 du code de l'environnement une somme de 1.189.102,32 euros en réparation du préjudice subi,
AUX MOTIFS QUE « L'article L 515-11 du code de l'environnement, fondement de la demande de la Société FONCIERE DU VIVARAIS précise « Lorsque l'institution des servitudes prévues à l'article L 515-8 entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. La demande d'indemnisation doit être adressée à l'exploitant de l'installation dans un délai de trois ans à dater de la notification de la décision instituant la servitude. A défaut d'accord amiable, l'indemnité est fixée par le juge de l'expropriation. Le préjudice est estimé à la date de la décision de première instance. Toutefois, est seul pris en considération l'usage possible des immeubles et droits immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête publique prévue à l'article L. 515-9. La qualification éventuelle de terrain à bâtir est appréciée conformément aux dispositions de l'article L 13-15 du code de l'expropriation. Le juge limite ou refuse l'indemnité si une acquisition de droits sur un terrain a, en raison de l'époque à laquelle elle a eu lieu ou de toute autre circonstance, été faite dans le but d'obtenir une indemnité. Le paiement des indemnités est à la charge de l'exploitant de l'installation. » Le juge de l'expropriation a été saisi en application de ce texte, la demande de la Société FONCIERE DU VIVARAIS a pour fondement l'institution de servitudes résultant de l'arrêté préfectoral du 14 février 2000 qui lui auraient causé un préjudice et dont il appartient au juge de l'expropriation d'apprécier la réalité et l'évaluation au regard des règles qui lui sont propres. Dès lors les engagements de droit privé résultant des clauses limitatives de garantie ou de responsabilité contenues dans les actes de vente successifs dont fait état la société EVERITE, trouvent leur application dans le cadre d'une action en responsabilité contractuelle ou délictuelle en cas de faute commise par un contractant, mais sont sans portée sur l'indemnisation d'un préjudice résultant de la mise en servitudes d'un terrain. De même si dans une note annexée à l'acte de vente du 8 février 1995 il a été rappelé que la société EVERITE avait exploité sur le terrain objet de l'acquisition, une installation classée et donc soumise à autorisation, la Société FONCIERE DU VIVARAIS ne pouvait avoir une connaissance précise de la pollution à l'amiante et en tout cas des servitudes administratives qui en résulteraient cinq ans plus tard. Comme l'a relevé le juge de l'expropriation, le terrain a été acquis en1995 alors que les servitudes n'ont été instaurées qu'au mois de février 2000, de sorte qu'aucune circonstance ne permet de limiter ou de refuser l'indemnité prévue par l'article L 515-11. En l'espèce il est établi que la société EVERITE qui a exploité le site jusqu'en 1986 est le dernier exploitant et que la propriété du site appartient à la Société FONCIERE DU VIVARAIS depuis le 8 février 1995. Par ailleurs la demande d'indemnisation devant le juge de l'expropriation a été faite en octobre 2001, à la suite de l'arrêté préfectoral du 14 février 2000 instituant des servitudes d'utilité publique, soit dans le délai prévu par le texte. Les servitudes instituées sur les parcelles appartenant à la Société FONCIERE DU VIVARAIS s'expliquent par les risques de pollution résiduelle résultant de la présence d'amiante-ciment sur ces parcelles, ce qui a nécessité la mise en place de dispositions particulières de protection précisées par l'arrêté préfectoral du 14 février 2000 ainsi rédigé :
- article 3-1 : Tout prélèvement des déchets d'amiante-ciment est interdit, sauf autorisation préalable du préfet qui fixera les conditions de cette exhumation, par arrêté pris dans le cadre de la loi numéro 76-663 du 19 juillet 1976 susvisée
- article 3-2 : Toutes occupations du sol nécessitant des travaux d'affouillement du sol sont interdites. Sont notamment interdites :
les constructions assises sur des fondations dont la mise en oeuvre nécessiterait une ouverture des sols de recouvrement, un affouillement ou une remontée à l'air libre des déchets d'amiante,
les installations et travaux divers mentionnés à l'article L 442-1 et au a) et c) de l'article R 442-2 du code de l'urbanisme
les campings et stationnements de caravanes
- article 3-3 : Peuvent être autorisées :
les constructions légères ne nécessitant pas de fondation et sous réserve que tous les réseaux de desserte soient en aérien
les constructions assises sur des fondations dont la mise en oeuvre ne nécessite aucun affouillement, ou aucune exhumation des déchets amiante-ciment et qui n'auront aucun réseau de desserte enterré
l'implantation de parkings imperméabilisés ou pas, avec récupération des eaux de ruissellement en surface (caniveaux)
les utilisations du site en aire de stockage de matériaux
les installations classées répondant aux constructions des 1er et 2ème
- article 3-4 : Tout puisage et exploitation des nappes aquifères sous jacentes dans l'emprise des parcelles concernées sont interdites
- article 3-5 : L'entretien, notamment le maintien des sols de recouvrement des déchets sera réalisé aussi souvent que nécessaire par les propriétaires successifs des parcelles concernées, afin d'éviter la mise à nue des déchets d'amiante-ciment.
Il résulte notamment de ce dernier article que les déchets d'amiante-ciment enfouis dans le sol sont destinés à rester sur le site de manière définitive et qu'il incombe aux propriétaires successifs des parcelles concernées d'assurer le recouvrement des dits déchets. Les servitudes d'utilité publique imposées par l'arrêté préfectoral du 14 février 2000 doivent s'analyser comme des contraintes supplémentaires s'ajoutant à la réglementation préexistante qui à la date de référence le 27 septembre 1998 avait classé les terrains en cause en zone DY du plan d'occupation du sol (POS) secteur industriel portuaire destiné aux activités commerciales et industrielles de toutes catégories. A ces dispositions s'ajoutaient les restrictions résultant des zones de protection spéciale instituées par les prescriptions relatives aux zones Z1 et Z2 concernant les installations dites SEVESO, prises en 1990 et 1992, interdisant notamment les constructions nouvelles à usage d'habitation, celles d'établissements recevant du public, celles destinées à l 'hébergement du bétail et les terrains de camping. Dès lors l'utilisation du bien n'est plus la même que celle qui était possible à la date de référence en septembre 1998. Les servitudes administratives instituées le 14 février 2000 ont entraîné un préjudice direct, matériel et certain se traduisant en une diminution de la valeur vénale. En application de l'article L 13-13 du code de l'expropriation le préjudice doit être réparé intégralement et pour ce faire il convient de le chiffrer. Comme l'indique la société EVERITE et comme l'a retenu le juge de l'expropriation le terrain de la Société FONCIERE DU VIVARAIS n'est pas totalement inconstructible et inutilisable dès lors que des constructions légères ou des parkings sont autorisés par l'article 3-3 de l'arrêté du 14 février 2000 et qu'elles sont conformes aux dispositions générales du POS et aux restrictions dites SEVESO. Comme le justifie la société EVERITE il est possible techniquement de réaliser des fondations superficielles au moyen de pieux battus qui permettent la construction de bâtiments soit en utilisant des matériaux habituels, soit avec des matériaux aériens. L'indemnisation sur la base de la totalité de la perte foncière, demandée par la Société FONCIERE DU VIVARAIS ne peut en conséquence être admise, ce qui reviendrait à nier une quelconque valeur aux terrains et constructions existant. Il est d'ailleurs établi que cette dernière a revendu une partie des 72 550 m2 acquis en 1995 pour un prix de 29 000 000 francs (4 421 021,40 €). Ce prix d'acquisition peut être utilisé comme élément de référence. En effet le même bien avait été négocié quatre ans et demi auparavant 26 000 000 francs. Par ailleurs il est versé aux débats deux rapports d'expertise, le rapport COEXTIM effectué en 1991 évaluant le bien 30 500 000 francs et le rapport ZERVUDACKI effectué en 1994 l'évaluant à 34 300 000 francs, sommes très proches du montant de la transaction. Pour apprécier la valeur vénale du terrain et le préjudice subi par la Société FONCIERE DU VIVARAIS à la date de la décision du premier juge (1er octobre 2002) conformément à l'article L 515-11 du code de l'environnement, il n'est produit aucun élément de comparaison et par ailleurs il ne peut être tiré d'enseignement utile des ventes consenties par la Société FONCIERE DU VIVARAIS portant soit sur des terrains nus, soit sur des terrains avec des bâtiments en état, soit sur des terrains avec des hangars en mauvais état :
- le 24 décembre 1998 à la SCI GUERLANDE pour un prix de 4 000 000 francs
- le 24 juillet 2001 à la société Docks Maritimes pour un prix de 53 357,16 euros
- le 1er août 2002 à la Société Delagues location et services pour un prix de 500 000 euros.
Il peut néanmoins être retenu que la première vente est intervenue avant l'arrêté préfectoral du 14 février 2000, de sorte que la valeur vénale du site à la date de référence (27 septembre 1998) doit être diminuée de 4 000 000 francs soit :
29 000 000 francs - 4 000 000 francs = 25 000 000 francs.
Cette somme doit être réévaluée en tenant compte de l'indice du coût de la vie soit 1,04, comme le demande la Société FONCIERE DU VIVARAIS :
25 000 000 francs x 1,04 = 26000000 francs (3 963 674,40 euros).
Comme l'ont évoqué les deux parties dans leur mémoire respectif la dépréciation résultant des servitudes d'utilité publique instituées par l'arrêté du 14 février 2000 doit être évaluée à 30 %, suivant en cela les suggestions du commissaire du gouvernement devant le juge de l'expropriation. En effet les contraintes créées par les « servitudes amiante» sont supérieures à celles résultant des servitudes dites « SEVESO» qui ont déjà été évaluées à 10 % et 20 % par la présente juridiction dans un litige précédent situé dans une zone géographique très proche (arrêt CASCARRA en date du 18 février 1998). Dès lors le préjudice subi par la Société FONCIERE DU VIVARAIS doit être chiffré à la somme de :
3 963 674,40 x 30 % = 1 189 102,32 euros.
La décision du juge de l'expropriation ayant chiffré le préjudice à la somme de 1 143 367,60 euros arrondie à 1 143 368 euros sera en conséquence réformée.» ;
ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QUE « La S.N.C. Foncière du Vivarais se trouve propriétaire d'un ensemble immobilier acquis par elle le 8 février 1995 pour un prix de 29.000.000 Francs. Sur cet en ensemble, par arrêté du 14 février 2000 du Préfet de la Gironde, ont été instituées des servitudes en application des articles 7-1 à 7-5 de la loi du 19 juillet 1976 modifiée (codifiée aux articles L. 515-8-9-10-11-12 du Code de l'Environnement). Il n'est pas contesté que les terrains se trouvent pollués à l'amiante par l'ancienne exploitation d'une usine de la société EVERITE et que les servitudes instituées comportent limitation ou interdiction des modifications de l'état du sol et du sous-sol. Il s'ensuit que la question d'un préjudice pour le propriétaire se trouve posée en l'espèce ainsi que celle de son indemnisation conformément aux dispositions de l'article L. 515-11 du Code de l'Environnement lequel prévoit la compétence du juge de l'expropriation à défaut d'accord amiable.
Sur la demande de sursis à statuer Le fait que la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS ait saisi le Tribunal Administratif de Bordeaux d'une action en responsabilité contre l'Etat, responsable à ses yeux de la situation qui résulte pour elle de l'absence de décontamination du site, n'est pas de nature à justifier un sursis à statuer de la part de la juridiction de l'expropriation. Nous ferons remarquer tout d'abord que la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS n'a pas contesté devant la juridiction administrative la légalité de l'arrêté préfectoral du 14 février 2000 et donc que les conditions de la saisine de la juridiction de l'expropriation ne dépendent en rien de l'issue de la procédure administrative. Quant au risque de voir la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS indemnisée au-delà de son préjudice, il apparaît hypothétique. La Société EVERlTE sera déboutée de sa demande de sursis à statuer.
Sur le droit à indemnisation de la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS Les servitudes d'utilité publique des articles L. 515-8 à L. 515-11 ne concernaient initialement que des propriétés situées autour de l'installation classée et il existait alors pour reprendre les termes des conclusions de la Société EVERITE «un rapport d'extranéité» entre ces propriétaires et l'exploitant. Dans le cas présent, la servitude a été instituée sur le site même de l'ancienne exploitation dont les terrains d'assiette avaient été revendus à des acquéreurs successifs. On ne trouve plus en l'espèce le « rapport d'extranéité» précédemment mentionné. Cependant la loi n'introduit aucune distinction. L'article L. 515-12 qui prévoit l'institution des servitudes sur les terrains pollués par une exploitation renvoie, en ce qui concerne l'indemnisation, au seul article L. 515-11. La Société EVERITE fait valoir la présence dans les actes de vente successifs de terrains d'une clause limitative de responsabilité quant à l'état du sol et du sous-sol, clause qu'elle déclare être en droit d'opposer à l'ensemble des sous acquéreurs. Elle ajoute à cela que la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS est un professionnel de l'immobilier en sa qualité de marchand de biens et qu'il lui appartenait de se renseigner sur la qualité du bien dont elle faisait l'acquisition auprès de son vendeur, STAR IMMO. Ces moyens de défense de la société EVERITE ne peuvent être retenus. Cette société est le dernier exploitant du site acquis par la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAlS et l'institution de la servitude affecte des terrains pollués par cette exploitation. La demande de la S.N.C. s'adresse bien au débiteur de l'indemnité conformément à l'article L. 515-11 du. Code de l'Environnement. L'indemnité prévue par ce texte exige un lien de causalité entre l'institution des servitudes et la valeur des biens. Pour que l'indemnité soit due il faut seulement que « l'institution des servitudes (...) entraîne un préjudice direct matériel et certain» pour les propriétaires, titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. L'article L. 515-11 en son quatrième alinéa ajoute une condition : « Le juge limite ou refuse l'indemnité si une acquisition de droits sur un terrain a, en raison de l'époque à laquelle elle a eu lieu ou de toute autre circonstance, été faite dans le but d'obtenir une indemnité ». Selon le Commissaire du Gouvernement, tel serait le cas en l'espèce, la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS ne pouvait ignorer la présence d'amiante sur le site ainsi que les procès pour poIIution à l'amiante dont faisait l'objet la Société EVERlTE. Il suffira de rappeler que l'acquisition du terrain par la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS est intervenue en 1995 alors que les servitudes n'ont été instaurées qu'au mois de février 2000. Aucune autre circonstance ne permet de soutenir que l'acquéreur agissait dans le but d'obtenir une indemnité. Le droit à indemnisation du propriétaire ne peut donc être écarté sur le fondement de l'intention spéculative du quatrième alinéa de l'article L. 515-11 du Code de l'Environnement.
Sur le préjudice subi par la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS II n'est pas contesté que les servitudes instituées sur les parcelles appartenant aujourd'hui à la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAlS s'expliquent par les « risques de pollution résiduelle résultant de la présence de déchets d'amiante-ciment » sur ces parcelles, ce qui a nécessité la mise en place de « dispositions particulières de protection » (Arrêté Préfectoral du 14 février 2000). Les servitudes sont destinées, nous dit cet arrêté, à assurer :
- la conservation des sols de recouvrement des déchets d'amiante-ciment,
- les travaux d'entretien de ces sols de recouvrement,
- les travaux de remise en état rendus nécessaires par l'évolution du site,
- l'inspection régulière du site.
Les servitudes applicables aux parcelles concernées sont les suivantes :
« 3.1 - Tout prélèvement des déchets d'amiante-ciment enfouis est interdit, sauf autorisation préalable du Préfet qui fixera le cas échéant les conditions de cette exhumation, par arrêté pris dans le cadre de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 susvisée.
3.2 - Toutes occupations du sol nécessitant des travaux d'affouillement du sol sont interdites. Sont notamment interdites :
- Les constructions assises sur des fondations dont la mise en oeuvre nécessiterait une ouverture des sols de recouvrement, un affouillement ou une remontée à l'air libre des déchets d'amiante.
- Les installations et travaux divers mentionnés à l'article L 442-1 et aux a) et c) de l'article R 442-2 du Code de l'urbanisme - Les campings et stationnements de caravanes.
3.3 - Peuvent être autorisés :
- les constructions légères ne nécessitant pas de fondation et sous réserve que tous les réseaux de desserte soient en aérien.
- les constructions assises sur des fondations dont la mise en oeuvre ne nécessite aucun affouillement, ou aucune exhumation des déchets d'amiante-ciment et qui n'auront aucun réseau de desserte enterré
- l'implantation de parkings imperméabilisés ou pas, avec récupération des eaux de ruissellement en surface (caniveaux)
- l'utilisation du site en aire de stockage de matériaux
- les installations classées répondant aux constructions des 1er et 2ème paragraphes.
3.4 - Tout puisage et exploitation des nappes aquifères sous-jacentes dans l'emprise des parcelles concernées sont interdites.
3.5 - L'entretien, notamment le maintien des sols de recouvrement des déchets, sera réalisé aussi souvent que nécessaire par les propriétaires successifs des parcelles concernées, afin d'éviter la mise à nu des déchets d'amiante-ciment. » Il résulte de l'article 3.1 de l'arrêté que les déchets d'amiante-ciment sont destinés à rester sur le site et qu'en quelque sorte la pollution est défInitive, la protection étant espérée essentiellement de la conservation des sols de recouvrement. D'où l'obligation faite aux propriétaires successifs des parcelles concernées d'entretenir et de maintenir ces sols de recouvrement des déchets (article 3.5). Ceci s'analyse comme une charge pesant sur les propriétaires des parcelles. La visite sur les lieux a montré que les travaux de recouvrement des déchets n'étaient pas aisés et que leur efficacité était limitée dans le temps. L'essentiel du débat porte cependant sur les effets de la servitude instituée par l'article 3.2 de l'arrêté. Cette servitude vient limiter le droit d'occupation des sols en affectant indirectement le droit de construire par interdiction de fondations dont la mise en oeuvre nécessite une ouverture des sols de recouvrement Pour la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS cette interdiction priverait les terrains de toute valeur économique. La Société EVERITE fait valoir que les servitudes laissent subsister des possibilités de construire telles que mentionnées à l'article 3.3 de l'arrêté :
« Peuvent être autorisées :
- les constructions légères ne nécessitant pas de fondation et sous réserve que tous les réseaux de desserte soient en aérien
- les constructions assises sur des fondations dont la mise en oeuvre ne nécessite aucun affouillement, ou aucune exhumation des déchets d'amiante-ciment et qui n'auront aucun réseau de desserte enterré
- l'implantation de parkings imperméabilisés ou pas, avec récupération des eaux de ruissellement en surface (caniveaux)
- l'utilisation du site en aire de stockage de matériaux
- les installations classées répondant aux constructions des 1er et 2ème paragraphes. »
Pour la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS, si les techniques de construction ne nécessitant pas de fondation existent, leur coût est tel qu'eues ne peuvent que peser sur la valeur des parcelles. Il n'est pas contesté que des techniques de construction de ce type ont été utilisées sur des terrains voisins de ceux de la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAlS et également pollués. En conséquence on ne peut suivre la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAlS quand elle prétend que les servitudes priveraient son bien de toute utilisation économique profitable. II s'agit ici de terrains industriels déjà classés en zone SEVESO et qui sont susceptibles d'accueillir des installations classées selon l'article 3.3 précité de l'arrêté préfectoral. Les servitudes instituées en février 2000 ont modifié profondément les conditions d'utilisation économique des parcelles possédées par la S.N.C. FONCIERE DU VIVARAIS. La désirabilité de ce bien s'en trouve affectée et vient peser sur les possibilités de revente. Le préjudice qui en résulte pour le propriétaire est direct, matériel et certain. » ;
1°/ ALORS D'UNE PART QUE seul le préjudice direct, matériel et certain résultant de l'institution d'une servitude d'utilité publique est indemnisable sur le fondement de l'article L. 515-11 du code de l'environnement et qu'à cet égard, la victime doit assumer le préjudice auquel elle a contribué par sa propre faute ; qu'en affirmant que le préjudice de la société FONCIERE DU VIVARAIS serait directement lié à l'institution de la servitude, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'imprudence de la société FONCIERE DU VIVARAIS d'acquérir en 1995 les terrains à un prix surévalué compte tenu de leur pollution, n'était pas à l'origine du préjudice qu'elle invoque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement ;
2°/ ET ALORS QUE D'AUTRE PART dans ses écritures, la société EVERITE faisait valoir que la société FONCIERE DU VIVARAIS avait été informée des activités antérieurement exercées sur les terrains en cause et les avait acquis à un prix sans aucune corrélation avec leur valeur vénale, ce que démontrait la différence entre la vente des terrains en 1988 par la société EVERITE pour un montant de 7.550.000 francs et l'achat de ces terrains en 1995 par la société FONCIERE DU VIVARAIS pour un montant de 29.000.000 F ; que la société EVERITE faisait ainsi valoir que le préjudice invoqué de dépréciation du bien n'était pas exclusivement dû à l'institution de la servitude en 2000 mais également à l'imprudence de la société FONCIERE DU VIVARAIS d'avoir acquis le bien à un prix trop élevé (v. conclusions notamment p. 31 à 33) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent des écritures de l'exposante, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS D'AUTRE PART QUE seul préjudice direct, matériel et certain résultant de l'institution d'une servitude d'utilité publique est indemnisable sur le fondement de l'article L. 515-11 du code de l'environnement et qu'à cet égard, la victime doit démontrer que son préjudice n'est pas éventuel ; qu'en affirmant que le préjudice lié à l'institution de la servitude édictée par l'arrêté du 14 février 2000 serait certain, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société FONCIERE DU VIVERAIS démontrait qu'elle avait réellement un projet de construction ou de revente, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement ;
4°/ ALORS ENFIN QUE dans ses écritures d'appel, la société EVERITE faisait valoir que le préjudice invoqué par la société FONCIERE DU VIVARAIS était purement éventuel, dès lors qu'elle ne démontre pas l'existence d'un projet (v. conclusions p. 35-36), ni d'une cession (v. conclusions p. 39) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent des écritures de l'exposante, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-10687
Date de la décision : 12/09/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT - Installations classées - Création de servitudes d'utilité publique - Préjudice - Indemnisation - Conditions - Détermination

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Protection de la nature et de l'environnement - Installations classées - Création de servitudes d'utilité publique - Préjudice - Indemnisation - Conditions - Détermination

Viole les articles 2 du code civil, ensemble l'article L. 515-11 du code de l'environnement et l'article L. 515-12 du code de l'environnement dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2002-276 du 27 février 2002, la cour d'appel qui fait droit à la demande du propriétaire d'un terrain en réparation d'un préjudice résultant de servitudes imposées par un arrêté préfectoral du 14 février 2000


Références :

article 2 du code civil

articles L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2002-276 du 27 février 2002.

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 24 novembre 2010

Sur l'indemnisation du propriétaire d'un terrain en cas de création de servitudes d'utilité publique, à rapprocher :3e Civ., 1er Octobre 2008, pourvoi n° 07-15717, Bull. 2008, III, n° 146 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 sep. 2012, pourvoi n°11-10687, Bull. civ. 2012, III, n° 120
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, III, n° 120

Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Petit
Rapporteur ?: Mme Andrich
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 07/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10687
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