LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 682 et 683 du code civil, ensemble l'article L. 642-2 du code du patrimoine ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 mai 2011) que les époux X..., propriétaires d'un terrain cadastré AX n° 109, ont assigné les consorts Y..., propriétaires de la parcelle voisine AX 110, en fixation de l'assiette de la servitude légale dont ils bénéficient sur cette parcelle pour désenclaver leur fonds ;
Attendu que pour fixer l'assiette de la servitude dans la partie sud de la parcelle AX 110, selon la solution N° 1 figurant sur le plan annexé au rapport d'expertise, l'arrêt retient que ce tracé, bien que présentant un trajet plus long, est le moins dommageable pour le fonds servant ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si ce tracé était compatible avec les contraintes d'urbanisme et environnementales applicables à cette parcelle située en zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts Y... à payer aux époux X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de Mme Anne-Marie Y... épouse B... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour les époux X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé l'assiette de la servitude desservant la parcelle cadastrée commune de Perros-Guirrec section AX 109 appartenant à M. et Mme X..., dans la partie sud de la parcelle AX 110 appartenant à Mmes Marie Y..., Anne-Marie Y... épouse B... et Sylvie Y... selon la solution n° 1 telle qu'elle figure sur le plan annexé au rapport d'expertise dressé par M. Michel Z... ;
AUX MOTIFS QUE (….) aux termes de l'article 683 du code civil, le passage doit régulièrement être pris du côté du trajet le plus court du fonds enclavé à la voie publique. Néanmoins, il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé ; que l'expert judiciaire M. Michel Z... a proposé trois solutions pour désenclaver la parcelle AX 109 appartenant aux époux X... ; que la 3e solution proposée par l'expert est la plus courte puisque le passage a 80 m de long alors que la solution n° 1 et sa variante la solution n° 2, ont respectivement des longueurs de 135 et 110 mètres ; que toutefois, si la troisième solution représente le trajet le plus court, elle est plus dommageable pour le fonds servant ; qu'en effet la parcelle AX 110 est constructible en sa partie sud ; que la 3e solution passe dans la partie nord de la parcelle AX 110 alors que les propositions 1 et 2 se situent dans la partie sud qui est inconstructible ; que par ailleurs, la 3e solution passe devant le garage des consorts Y... qui aurait pour effet de l'isoler du reste du terrain qu'en outre, ce garage est susceptible de faire l'objet d'une extension de sorte que retenir la 3e solution aurait pour effet de créer un chemin proche de (la) construction ; qu'enfin la 3e solution a pour inconvénient d'imposer une sur-largeur dans l'angle formé par les parcelles AX 110 116 et 118 ; que dès lors la 1re proposition de l'expert, bien que présentant un trajet plus long et, par voie de conséquence plus coûteux à aménager apparaît moins dommageable pour le fonds servant que la troisième proposition mais également que la 2e solution qui présente l'inconvénient de traverser en son milieu la partie sud de la parcelle 110 ; que malgré cela, le premier juge avait fixé l'assiette de la servitude au nord de la parcelle 110 au vu d'une lettre de l'architecte des bâtiments de France en date du 20 mai 2008 mentionnant que la parcelle 110 n'est pas urbanisable et que la réalisation du passage envisagé nécessiterait son avis conforme ; qu'ainsi que l'indique dans un courrier du 19 avril 2010, M. A..., géomètre expert consulté par les époux X..., d'une part le bâtiment existant à usage de garage existant en partie nord de la parcelle 110, peut en vertu de la réglementation applicable faire l'objet d'une extension de 35 m ², d'autre part le maire n'est plus tenu de se conformer à l'avis de l'architecte des bâtiments de France ; que dès lors le jugement sera infirmé et l'assiette du droit de passage sera fixée au sud de la parcelle 110 selon la première solution proposée par l'expert ; que ce passage à tous usages aura une largeur de 4 mètres pour répondre aux normes relatives à la desserte et l'accessibilité d'immeuble bâti (…) ;
1) ALORS QUE le tracé de l'assiette d'une servitude ne peut pas ignorer les contraintes d'urbanisme et environnementales ; que dans leurs conclusions (signifiées le 30 août 2010, p. 10), les époux X... faisaient valoir que compte tenu des règles d'urbanisme et d'environnement applicables, et en particulier du classement partielle de la zone concernée par l'emprise du chemin à réaliser en Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP), l'assiette de la servitude de passage ne pouvait en aucun cas être implantée dans la partie sud de la parcelle AX 110 ; qu'en se bornant à apprécier le tracé de l'assiette de la servitude en fonction des seules exigences des articles 682 et 683 du code civil, sans s'assurer de la compatibilité du tracé qu'elle a retenu avec les contraintes d'urbanisme et environnementales applicables à cette zone, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 682, 683 du code civil et L 642-1 et suivants du code du patrimoine ;
2) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que dans son courrier du 19 avril 2010, M. A... avait indiqué que le règlement d'urbanisme applicable en la matière étant ambigu, il ne pouvait affirmer avec certitude qu'une extension du garage implanté sur la parcelle des consorts Y... était possible et qu'« en supposant que l'extension du garage existant soit possible, pour le même usage, ce qui constitue l'interprétation la plus favorable du règlement ambigu de la ZPPAUP, l'éventuelle extension aurait une surface maximum de 35 m ² et aurait une emprise maximum de 5 m sur la parcelle AX 110 grevée de la servitude publique de ZPPAUP » ; qu'en affirmant que M. A... avait, dans ce courrier du 19 avril 2010, déclaré que « le bâtiment à usage de garage existant en partie nord de la parcelle 110 peut, en vertu de la réglementation applicable faire l'objet d'une extension de 35 m ² », pour déduire de cette déclaration que la possibilité d'étendre le garage existant pouvait être tenue pour acquise, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
3) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que si, dans son courrier du 19 avril 2010, M. A... avait relevé qu'à cette date, le maire de la commune de Perros-Guirec n'était plus tenu de se conformer à l'avis de l'architecte des bâtiments de France, il avait aussitôt ajouté qu'en l'espèce, il ne voyait pas « comment le Maire de Perros-Guirec pourrait passer outre l'avis de l'architecte des bâtiments de France, qu'il soit simple ou conforme, sans commettre une « erreur manifeste d'appréciation » ou une « illégalité » qui serait sans nul doute sanctionnée par la juridiction administrative à défaut d'être relevée par le contrôle de légalité » ; qu'en affirmant « qu'ainsi que l'indique dans un courrier du 19 avril 2010 M. A... (…), le maire n'est plus tenu de se conformer à l'avis de l'architecte des bâtiments de France », la cour d'appel qui a dénaturé le sens et la portée de la lettre susvisée, a violé l'article 1134 du code civil ;
4) ALORS, en toute hypothèse, QUE si l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France pour tous travaux situés dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager a été supprimé par l'article 9 de la loi du 3 août 2009 dite Grenelle I, et remplacé par un avis simple que le Maire n'est plus tenu de suivre, l'exigence d'un avis sui generis contraignant a été introduite par la loi du 12 juillet 2010 dite Grenelle II applicable à partir du 1er octobre 2010 ; qu'en considérant que le Maire n'est plus tenu de se conformer à l'avis de l'architecte des bâtiments de France, bien qu'à la date à laquelle elle a statué le Maire était à nouveau tenu par les prescriptions de l'avis de l'architecte des bâtiments de France, sauf à exercer un recours devant le Préfet de Région, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L 642-3 ancien du code du patrimoine et par refus d'application, l'article L 642-6 du même code dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2010, issue de la loi 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
5) ALORS QUE les nouvelles dispositions de l'article L 642-6 du code du patrimoine ne permettent au maire de s'affranchir de l'avis négatif de l'architecte des bâtiments de France qu'en formant un recours motivé auprès du Préfet de Région ; que ni le préfet, ni a fortiori le juge ne peut donc autoriser la construction d'un chemin en contravention avec les règles d'urbanisme applicable à l'emprise ; qu'en se bornant à affirmer que le Maire n'est plus tenu de se conformer à l'avis de l'architecte des bâtiments de France, sans s'expliquer sur les raisons susceptibles de lui permettre de s'écarter, en toute légalité, de l'avis négatif, de l'Architecte des bâtiments de France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 642-6 du code du patrimoine en vigueur depuis le 1er octobre 2010.