La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2012 | FRANCE | N°11-22760

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 12 juillet 2012, 11-22760


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 14 septembre 2010), que par acte établi par M. X..., notaire associé, M. Y...a fait l'acquisition d'un logement, opération financée par un emprunt contracté par l'intéressé et son épouse, Mme Z..., lesquels ont depuis lors divorcé, auprès du Crédit Immobilier Sud Atlantique (CISA) devenu la société Financière immobilier Sud Atlantique (FISA) et dont le remboursement devait être garanti par une hypothè

que de premier rang sur le bien concerné ; que M. Y...et Mme Z...ont constitué ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 14 septembre 2010), que par acte établi par M. X..., notaire associé, M. Y...a fait l'acquisition d'un logement, opération financée par un emprunt contracté par l'intéressé et son épouse, Mme Z..., lesquels ont depuis lors divorcé, auprès du Crédit Immobilier Sud Atlantique (CISA) devenu la société Financière immobilier Sud Atlantique (FISA) et dont le remboursement devait être garanti par une hypothèque de premier rang sur le bien concerné ; que M. Y...et Mme Z...ont constitué deux sociétés civiles immobilières, la première, la société La Glandée, à laquelle ils ont fait apport de l'immeuble d'habitation, chacun étant titulaire de la moitié des parts représentatives du capital social et la seconde, la société Castor, qui s'est portée acquéreur d'un ensemble immobilier destiné à accueillir l'activité professionnelle de M. Y...au moyen d'un emprunt garanti par le cautionnement solidaire de Mme Z..., associé minoritaire ; que par acte établi par M. X..., l'immeuble d'habitation a été revendu par la SCI La Glandée pour un prix dont le notaire s'est directement dessaisi entre les mains de M. Y...qui en était le gérant, après désintéressement d'un autre créancier ; que par un acte instrumenté par M. A..., notaire, avec le concours de M. X... assistant l'acquéreur, la SCI Castor a également procédé à la revente de l'immeuble à usage professionnel ; qu'après avoir vainement engagé une procédure de saisie immobilière, la FISA a introduit une action en remboursement de son prêt à l'encontre de Mme Z...et le notaire instrumentaire, appelé en garantie, a été condamné à indemniser le prêteur, faute d'avoir procédé à l'inscription de l'hypothèque convenue (Pau, 16 décembre 2008) ; que Mme Z...a, quant à elle, recherché la responsabilité de M. X..., faisant valoir que les deux opérations étaient intervenues à son insu et que le notaire s'était dessaisi du prix de la première vente sans veiller à désintéresser le prêteur de deniers dont elle était la débitrice ;

Attendu que Mme Z...reproche à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire, alors, selon le moyen :

1°/ qu'elle faisait valoir devant la cour d'appel que lors de la vente litigieuse, le notaire avait nécessairement connaissance de l'existence du privilège de prêteur de deniers consenti au profit de la FISA, puisqu'était visé dans cet acte de vente l'acte d'apport du bien immobilier à la SCI La Glandée, lequel faisait mention de ce privilège, que le notaire avait manqué à ses obligations en établissant, à l'adresse de la conservation foncière, une demande de renseignements lacunaire et que le produit de la vente avait été dans ces conditions indûment distribué, pour partie, à la banque Courtois, en lieu et place de la FISA, bénéficiaire du privilège du prêteur de deniers ; qu'en se bornant à relever que le notaire était tenu de régler, avec le prix de l'immeuble vendu, les créanciers inscrits sur l'immeuble, pour en déduire qu'il ne pouvait être reproché à M. X... d'avoir pour partie libéré les fonds entre les mains d'un créancier personnel de M. Y..., la banque Courtois, sans s'expliquer sur les manquements du notaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que dans ses conclusions, Mme Z...faisait valoir que les agissements fautifs du notaire lui avaient causé, en plus du préjudice matériel, un préjudice moral, dès lors, d'une part, qu'elle avait été inquiétée pendant plusieurs années par la FISA, créancière de la SCI La Glandée, d'autre part, que le défaut de diligences du notaire avait permis à M. Y...de faire réaliser l'ensemble des actes lui ayant permis de bénéficier, seul, du produit de la vente du bien de la SCI La Glandée, et enfin, qu'elle avait dû engager diverses procédures pour faire valoir ses droits ; qu'en estimant que le seul préjudice personnel et direct de Mme Z...était matériel et avait été intégralement réparé par la décision du 16 décembre 2008 exécutée par le notaire, sans répondre à ces conclusions, démontrant que Mme Z...avait également subi un préjudice moral du fait des agissements du notaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que la responsabilité du notaire lors de l'établissement d'un acte authentique ne tient pas exclusivement à sa mission de rédacteur d'acte ; qu'en retenant que l'acte de vente de l'immeuble à la SCI Castor avait été rédigé par le notaire du vendeur, tandis que M. X... n'était intervenu qu'en qualité de notaire de l'acquéreur, pour en déduire qu'aucune faute ne pouvait lui être reprochée, sans rechercher si, en exécution de son devoir de conseil, M. X... n'était pas, en tout état de cause, tenu de signaler les irrégularités de l'acte, notamment le fait que le procès-verbal d'assemblée générale de la SCI Castor ne comportait pas la signature de l'associée, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que la délibération de l'assemblée générale des associés de la SCI La Glandée autorisant la vente de l'immeuble d'habitation était en apparence valable, la cour d'appel a pu en déduire que le notaire n'avait pas commis de faute à l'occasion de l'instrumentation de cette première opération en ne vérifiant pas l'étendue des pouvoirs du gérant et ne procédant pas à une vérification des écritures ; qu'ensuite, la juridiction a constaté, d'une part, que les désagréments occasionnés par les poursuites engagées par la FISA contre la débitrice n'étaient que la conséquence de l'inexécution des engagements qu'elle avait contractés et, d'autre part, que par l'effet de la condamnation du notaire à indemniser le prêteur de deniers à hauteur de la créance qu'il lui avait fait perdre en ne veillant pas à assurer l'efficacité de la sûreté convenue, condamnation dont l'officier public s'était pleinement acquitté, le préjudice subi par Mme Z...au titre du maniement du produit de la première vente avait été intégralement réparé ; qu'enfin, ayant constaté que si le procès-verbal d'assemblée générale de la SCI Castor portant autorisation de la vente de l'immeuble à usage professionnel ne comportait pas la signature de Mme Z..., celle-ci, qui ne détenait que 2, 5 % des parts sociales, n'aurait, en aucun cas, pu s'opposer à l'opération litigieuse, la cour d'appel a pu en déduire que le dommage invoqué à ce titre n'était pas imputable au notaire ayant assisté l'acquéreur aux côtés de l'officier public instrumentaire de l'acte ; que par ces seuls motifs non critiqués, le juge du fond, qui n'était pas tenu de répondre à des moyens que ses constatations ou énonciations rendaient inopérants, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Z...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils pour Mme Z...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme Christine Z...de ses demandes dirigées contre Me X... ;

AUX MOTIFS QUE par arrêt du 16 décembre 2008, Me X... et la SCP X...-B... ont été condamnés définitivement à payer à la société financière de l'immobilier Sud Atlantique la somme de 268 632, 15 € correspondant au montant de la créance de la banque contre les époux Y..., arrêtée au 31 janvier 2007, outre intérêts de retard au taux de 3, 733 % à compter du 1er février 2007 ; que cette condamnation était motivée par les conséquences dommageables pour le créancier qui s'est vu opposer par les tiers acquéreurs du bien dont il poursuivait la saisie, l'absence d'inscription de la sûreté sur l'état hypothécaire à eux délivré, la leur rendant ainsi inopposable, cette omission ayant été la suite de demandes de renseignements erronés présentées par le notaire à la conservation des hypothèques ; que la présente action en responsabilité est celle bien distincte engagée par l'associée de la SCI LA GLANDEE contre le notaire pour avoir rédigé l'acte de vente de ce bien sans l'en avoir informée et d'avoir libéré les fonds directement entre les mains d'un créancier personnel de M. Y...; mais attendu d'une part que l'acte authentique de vente dressé par Me X... ne concernait que la SCI LA GLANDEE, propriétaire de l'immeuble, et qu'à ce titre, le notaire rédacteur n'avait pour obligation que de vérifier les pouvoirs du gérant de cette société pour procéder à la disposition de cet actif ; qu'à cet égard, la production par ce dernier d'un procès-verbal d'assemblée générale de la société portant une délibération autorisant le gérant à procéder à cette vente dispensait le notaire de toute autre vérification sur l'étendue des pouvoirs du gérant et notamment de procéder à une vérification d'écriture ; que d'autre part, Me X... était tenu de régler les créanciers inscrits sur l'immeuble ou susceptibles de menacer d'éviction l'acquéreur et qu'il est justifié que la banque COURTOIS bénéficiait de la publication d'une assignation en nullité de l'apport par « Y...» à la société de l'immeuble vendu ; qu'en tout état de cause, le produit de cette vente n'aurait pu être versé qu'entre les mains du gérant de la SCI LA GLANDEE ; qu'enfin, il sera relevé que le seul préjudice personnellement et directement subi par Mme Z...du fait du non paiement entre les mains de son créancier du produit de la vente a été intégralement réparé par la décision du 16 décembre 2008 que le notaire a totalement exécutée ; qu'il est rappelé que la mise en cause de la co-empruntrice n'était que la conséquence première du défaut de paiement des échéances du prêt auquel elle était personnellement et contractuellement tenue avec son ex-mari et de l'apport de l'immeuble qu'elle a consenti à une société civile immobilière dont la gérance a été confiée à son mari qui doit seul répondre de ses éventuelles fautes de gestion ; qu'infirmant sur ce point le jugement entrepris, Mme Z...sera donc déboutée des prétentions présentées à l'encontre de Me X..., liées à la vente de l'immeuble appartenant à cette dernière société ; qu'ensuite, il sera relevé que Me X... n'est intervenu à l'acte authentique de vente de l'immeuble appartenant à la SCI CASTOR qu'en qualité de notaire de l'acquéreur, la rédaction de l'acte étant principalement confiée au notaire du vendeur, en l'espèce, Me A..., notaire à OLORON SAINTE MARIE, qui seul a reversé le prix de vente entre les mains du gérant de la société venderesse et a procédé aux formalités ; que si effectivement, le procès-verbal d'assemblée générale de la SCI CASTOR ne comportait pas la signature de l'associée, celle-ci porteuse de seulement 2, 5 % des parts sociales, n'aurait de toute façon pu s'opposer à la vente sauf à faire juger préalablement un abus de majorité et que la qualification de faux en écriture et usage concernant cette délibération n'a pas été retenue par la juridiction d'instruction ; qu'ainsi l'action en responsabilité entreprise par l'associée minoritaire, caution d'un prêt contracté par la société pour l'acquisition d'un bien immobilier, ne peut, là encore, être tournée qu'à l'encontre du gérant de la SCI CASTOR afin de voir juger ses éventuelles fautes de gestion, voir aussi son notaire et qu'il n'est pas établi à l'endroit du notaire du tiers acquéreur aucune faute en lien de causalité avec ce préjudice allégué (arrêt, pages 7 et 8) ;

ALORS, d'une part, QUE Mme Z...faisait valoir devant la cour d'appel que lors de la vente litigieuse, le notaire avait nécessairement connaissance de l'existence du privilège de prêteur de deniers consenti au profit de la FISA, puisqu'était visé dans cet acte de vente l'acte d'apport du bien immobilier à la SCI LA GLANDEE, lequel faisait mention de ce privilège, que le notaire avait manqué à ses obligations en établissant, à l'adresse de la conservation foncière, une demande de renseignements lacunaire et que le produit de la vente avait été dans ces conditions indûment distribué, pour partie, à la banque COURTOIS, en lieu et place de la FISA, bénéficiaire du privilège du prêteur de deniers ; qu'en se bornant à relever que le notaire était tenu de régler, avec le prix de l'immeuble vendu, les créanciers inscrits sur l'immeuble, pour en déduire qu'il ne pouvait être reproché à Me X... d'avoir pour partie libéré les fonds entre les mains d'un créancier personnel de M. Y..., la banque COURTOIS, sans s'expliquer sur les manquements du notaire, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

ALORS, d'autre part, QUE dans ses conclusions d'appel (signifiées le 1er décembre 2009, pp. 15-16), Mme Z...faisait valoir que les agissements fautifs du notaire lui avaient causé, en plus du préjudice matériel, un préjudice moral, dès lors d'une part qu'elle avait été inquiétée pendant plusieurs années par la FISA, créancière de la SCI LA GLANDEE, d'autre part que le défaut de diligences du notaire avait permis à M. Y...de faire réaliser l'ensemble des actes lui ayant permis de bénéficier, seul, du produit de la vente du bien de la SCI LA GLANDEE, et enfin qu'elle avait dû engager diverses procédures pour faire valoir ses droits ; qu'en estimant que le seul préjudice personnel et direct de Mme Z...était matériel et avait été intégralement réparé par la décision du 16 décembre 2008 exécutée par le notaire, sans répondre à ces conclusions, démontrant que Mme Z...avait également subi un préjudice moral du fait des agissements du notaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, enfin, QUE la responsabilité du notaire lors de l'établissement d'un acte authentique ne tient pas exclusivement à sa mission de rédacteur d'acte ; qu'en retenant que l'acte de vente de l'immeuble à la SCI CASTOR avait été rédigé par le notaire du vendeur, tandis que Me X... n'était intervenu qu'en qualité de notaire de l'acquéreur, pour en déduire qu'aucune faute ne pouvait lui être reprochée, sans rechercher si, en exécution de son devoir de conseil, Me X... n'était pas, en tout état de cause, tenu de signaler les irrégularités de l'acte, notamment le fait que le procès-verbal d'assemblée générale de la SCI CASTOR ne comportait pas la signature de l'associée, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-22760
Date de la décision : 12/07/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 14 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 12 jui. 2012, pourvoi n°11-22760


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.22760
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award