LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 21 octobre 2010), qu'un jugement du 14 avril 1978 du tribunal de première instance de Papeete (section détachée de Raiatea), statuant sur une demande de reconnaissance de propriété d'une parcelle par les consorts X..., Y..., Z...et A...formée à l'encontre de MM. William et Alfred B..., a constaté que les demandeurs étaient sans droit ni titre sur la terre Atitautu située à Utuora et les a déboutés de leurs demandes en reconnaissance de propriété, en déguerpissement et en partage ; que M. C...a formé tierce opposition au jugement du 14 avril 1978, en exposant qu'il venait aux droits de Y...a D...à qui la terre avait été attribuée en 1902 par la commission d'attribution des terres ;
Attendu que M. C...fait grief à l'arrêt de dire prescrite toute action concernant la terre Atitautu et de le débouter de ses demandes en revendication de ladite terre et en partage, alors, selon le moyen :
1°/ que les consorts B...invoquaient l'article 789 du code civil pour affirmer que l'action en revendication était prescrite, sans soutenir que M. C...ou ses auteurs n'auraient pas accepté la succession de M. D...; qu'en relevant d'office le moyen tiré du défaut d'acceptation de la succession, sans inviter préalablement les parties à s'en expliquer et donc sans permettre M. C...de démontrer l'existence d'une acceptation de la succession, la cour d'appel a violé l'article 6, alinéa 5, du code de procédure civile de la Polynésie française, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que les juges du fond sont tenus par l'objet du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; que les consorts B...soutenaient que l'action en revendication était prescrite, mais pas que M. C...ou ses auteurs n'avaient pas accepté la succession dans le délai prévu pour ce faire et que M. C...articulaient son argumentation en réponse sur la prescription de l'action, en tenant pour incontesté sa qualité d'héritier ; qu'en se fondant néanmoins sur l'absence de preuve de l'acceptation de la succession par M. C...ou ses ayant droits, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 3 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
3°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; que les consorts B...invoquaient uniquement, dans leurs conclusions la prescription de l'action en revendication ; qu'en affirmant qu'ils avaient soulevé un moyen pris de l'absence de preuve de l'acceptation de la succession par M. C...ou ses auteurs dans le délai de trente ans, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 3 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
4°/ qu'en considérant que la charge de la preuve de l'existence d'une acceptation tacite de la succession par M. C...ou ses auteurs reposait sur ce dernier, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 1315 du code civil et 4 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Mais attendu qu'il ressort de l'arrêt et des productions que les consorts B...ont soutenu devant la cour d'appel que la terre litigieuse avait appartenu à Y...a D..., décédé en 1918 et qu'à supposer prouvée la filiation de M. C...à son égard, toute action de ce dernier pour revendiquer la terre était prescrite par application de l'article 789 du code civil ; qu'il s'ensuit que c'est sans méconnaître le principe de la contradiction ni les exigences du procès équitable que la cour d'appel, qui n'a ni dénaturé les écritures des parties ni modifié l'objet du litige, a retenu, sans inverser la charge de la preuve, que M. C...ne produisait aucune pièce permettant d'établir que lui-même ou ses auteurs avaient accepté même tacitement la succession du revendiquant originel ouverte depuis plus de trente ans, de sorte qu'il convenait de le débouter de l'ensemble de ses demandes ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. C... et les onze autres demandeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. Yannick B...la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. Boval, conseiller le plus ancien non empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du douze juillet deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. C...et autres demandeurs.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit prescrite toute action de M. Richard C...concernant la terre Atitautu appartenant précédemment à Y...a Tehuahutia et d'avoir donc débouté M. C...de ses demandes en revendication de ladite terre et en partage ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 789 du Code civil, dans sa version en vigueur du 29 avril 1803 au 1er janvier 2007, la faculté d'accepter ou de répudier une succession se prescrit par le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers ; que la Cour de cassation a jugé que la faculté d'accepter se prescrit par 30 ans à compter de l'ouverture de la succession ; que dès lors, passé ce délai, l'héritier prétendu resté inactif pendant 30 ans dit être considéré comme étranger à la succession et son défaut de qualité peut conformément à l'article 2225 du Code civil, lui être opposé par toute personne y ayant intérêt ; que l'acceptation peut être tacite ou expresse mais la Cour de cassation a jugé que c'était à celui qui réclame une succession ouverte depuis plus de 30 ans de justifier que lui-même ou ses auteurs l'avaient acceptée au moins tacitement avant l'expiration du délai ; qu'au moyen opposé par les intimés, l'appelant ne produit aucune pièce permettant d'établir que lui-même ou ses auteurs avaient accepté même tacitement la succession du revendiquant originel ; qu'il convient en conséquence de constater la prescription et de débouter M. C...de l'ensemble de ses demandes ;
1°) ALORS QUE les consorts B...invoquaient l'article 789 du Code civil pour affirmer que l'action en revendication était prescrite, sans soutenir que M. C...ou ses auteurs n'auraient pas accepté la succession de M. D...; qu'en relevant d'office le moyen tiré du défaut d'acceptation de la succession, sans inviter préalablement les parties à s'en expliquer et donc sans permettre M. C...de démontrer l'existence d'une acceptation de la succession, la cour d'appel a violé l'article 6 al. 5 du code de procédure civile de la Polynésie française, ensemble l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus par l'objet du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; que les consorts B...soutenaient que l'action en revendication était prescrite, mais pas que M. C...ou ses auteurs n'avaient pas accepté la succession dans le délai prévu pour ce faire et que M. C...articulaient son argumentation en réponse sur la prescription de l'action, en tenant pour incontesté sa qualité d'héritier ; qu'en se fondant néanmoins sur l'absence de preuve de l'acceptation de la succession par M. C...ou ses ayant droits, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 3 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
3°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; que les consorts B...invoquaient uniquement, dans leurs conclusions la prescription de l'action en revendication ; qu'en affirmant qu'ils avaient soulevé un moyen pris de l'absence de preuve de l'acceptation de la succession par M. C...ou ses auteurs dans le délai de trente ans, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 3 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en considérant que la charge de la preuve de l'existence d'une acceptation tacite de la succession par M. C...ou ses auteurs reposait sur ce dernier, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 1315 du code civil et 4 du code de procédure civile de la Polynésie française.