LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 février 2011), que Mme X..., engagée le 21 mars 1995 en qualité de responsable logistique par la société Bidim geosynthetics aux droits de laquelle est venue la société Tencate geosynthetics France, a été licenciée, le 9 novembre 2007, pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour voir prononcer la nullité de son licenciement, subsidiairement, dire qu'il était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée la somme de 81 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1°/ que le juge qui, saisi de deux demandes indemnitaires distinctes formées sur deux fondements différents, retient que le demandeur ne peut obtenir réparation que sur un fondement juridique, ne peut lui accorder une somme supérieure à celle demandée sur ce fondement ; que méconnaît l'objet du litige le juge qui, dans une telle hypothèse, procède à la confusion des demandes formées sur des fondements distincts pour déterminer le montant de l'indemnisation réclamée par le demandeur et, en conséquence, fixer la réparation de son préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la salariée, qui avait été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, sollicitait le paiement de 63 200 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-11 du code du travail, en raison de la prétendue nature économique déguisée de son licenciement, et le paiement de 31 600 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, en raison de la prétendue méconnaissance par l'employeur de l'obligation de reclassement d'un salarié inapte ; qu'après avoir relevé que la salariée n'apportait aucun élément au soutien de sa demande au titre de la nature économique de son licenciement, mais qu'en revanche son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de l'absence de démarches de reclassement suffisantes de la part de l'employeur, la cour d'appel en a déduit que la réparation du préjudice subi par la salariée ne pouvait être fondée que sur l'article L. 1235-3 du code du travail ; qu'en allouant une somme de 81 000 euros à la salariée, qui ne demandait que 31 600 euros sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 12 du code de procédure civile, ensemble les articles 4 et 5 du même code ;
2°/ que les indemnités visant à réparer le préjudice résultant de la perte injustifiée de l'emploi ne peuvent se cumuler, de sorte que, lorsque le salarié sollicite le paiement d'une indemnité pour licenciement nul et d'une autre indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge ne peut lui accorder, à titre de réparation du préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi, une somme supérieure à l'indemnité la plus élevée réclamée ; qu'en procédant à la jonction des deux indemnités réclamées par la salariée sur le fondement des articles L. 1235-11 et L. 1235-3 du code du travail, pour fixer le montant de la réparation de la perte injustifiée de son emploi, la cour d'appel a violé ces deux textes, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
Mais attendu que dans le corps de ses conclusions soutenues oralement auxquelles l'arrêt se réfère, la salariée avait demandé en tout état de cause à la cour d'appel de condamner l'employeur à lui payer la somme de 423 093 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, à titre subsidiaire seulement, celle de 31 600 euros ; que c'est donc sans méconnaître l'étendue du litige que la cour d'appel, indépendamment des motifs erronés justement critiqués par le moyen, lui a alloué la somme de 81 000 euros ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Tencate geosynthetics France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Tencate geosynthetics à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Tencate geosynthetics France
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société TENCATE GEOSYNTHETICS FRANCE à payer à Madame X... la somme de 81.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE « Madame X... forme au titre de la nullité du licenciement diverses demandes fondées sur les articles 1152-3 et 1235-11 du code du travail ; que le licenciement n'est pas nul, mais sans cause réelle et sérieuse ; que sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail Madame X... demande une somme de 31.600 €, soit 6 mois de salaire sur la base de 5.266,66 € par mois ; que sur le fondement de l'article 12235-11, elle demande la somme de 63200 € à titre de dommages intérêts ; que l'article 1235-11 du code du travail ne s'applique qu'au licenciement économique et renvoie exclusivement à l'article 1235-10 consacré à la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi dans les entreprises dont l'effectif est supérieur à 50 salariés ; que la salariée n'apporte aucun élément au soutien de son argument ; que la réparation de son préjudice ne peut être fondée que sur l'article L.1235-3 du code du travail ; qu'il appartient à la cour, par application de l'article 12 du code de procédure civile de restituer aux faits leur exacte qualification et aux demandes leur véritable fondement, en l'espèce l'article ci-dessus rappelé du code du travail ; que la cour joindra les deux sommes demandées, par lesquelles la salariée avait entendu réclamer réparation de son entier préjudice ; qu'au vu des circonstances de la cause, de l'âge de la salariée, de la durée du chômage subi, du manque à gagner qui en résulte, y compris pour sa retraite, la cour est en mesure de fixer son préjudice à la somme de 81.000 € » ;
1. ALORS QUE le juge qui, saisi de deux demandes indemnitaires distinctes formées sur deux fondements différents, retient que le demandeur ne peut obtenir réparation que sur un fondement juridique, ne peut lui accorder une somme supérieure à celle demandée sur ce fondement ; que méconnaît l'objet du litige le juge qui, dans une telle hypothèse, procède à la confusion des demandes formées sur des fondements distincts pour déterminer le montant de l'indemnisation réclamée par le demandeur et, en conséquence, fixer la réparation de son préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Madame X..., qui avait été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, sollicitait le paiement de 63.200 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-11 du Code du travail, en raison de la prétendue nature économique déguisée de son licenciement, et le paiement de 31.600 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3 du Code du travail, en raison de la prétendue méconnaissance par l'employeur de l'obligation de reclassement d'un salarié inapte ; qu'après avoir relevé que Madame X... n'apportait aucun élément au soutien de sa demande au titre de la nature économique de son licenciement, mais qu'en revanche son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de l'absence de démarches de reclassement suffisantes de la part de l'employeur, la cour d'appel en a déduit que la réparation du préjudice subi par la salariée ne pouvait être fondée que sur l'article L. 1235-3 du Code du travail ; qu'en allouant une somme de 81.000 € à Madame X..., qui ne demandait que 31.600 € sur le fondement de l'article L.1235-3 du Code du travail, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 12 du Code de procédure civile, ensemble les articles 4 et 5 du même Code ;
2. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE les indemnités visant à réparer le préjudice résultant de la perte injustifiée de l'emploi ne peuvent se cumuler, de sorte que, lorsque le salarié sollicite le paiement d'une indemnité pour licenciement nul et d'une autre indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge ne peut lui accorder, à titre de réparation du préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi, une somme supérieure à l'indemnité la plus élevée réclamée ; qu'en procédant à la jonction des deux indemnités réclamées par la salariée sur le fondement des articles L. 1235-11 et L. 1235-3 du Code du travail, pour fixer le montant de la réparation de la perte injustifiée de son emploi, la cour d'appel a violé ces deux textes, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.