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03/07/2012 | FRANCE | N°11-19476

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 juillet 2012, 11-19476


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 15 mars 2011), que le 9 mai 2005, le Crédit commercial de France, aux droits duquel se trouve la société HSBC France (la banque), a consenti à la société Nouvelle MTB (la société), déjà titulaire d'un compte courant en ses livres, un prêt d'un montant de 220 000 euros, dont M. X... (la caution) s'est rendu caution à concurrence de 286 000 euros ; qu'une échéance n'ayant pas été honorée et le compte présentant un solde débiteur, l

a banque a mis en demeure la société et la caution, puis les a assignées en pa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 15 mars 2011), que le 9 mai 2005, le Crédit commercial de France, aux droits duquel se trouve la société HSBC France (la banque), a consenti à la société Nouvelle MTB (la société), déjà titulaire d'un compte courant en ses livres, un prêt d'un montant de 220 000 euros, dont M. X... (la caution) s'est rendu caution à concurrence de 286 000 euros ; qu'une échéance n'ayant pas été honorée et le compte présentant un solde débiteur, la banque a mis en demeure la société et la caution, puis les a assignées en paiement ; que la société a été mise en redressement judiciaire et la banque a déclaré sa créance ; que par la suite, la société a bénéficié d'un plan de continuation ; que la caution s'est opposée aux demandes et a agi en responsabilité contre la banque ;
Attendu que la caution fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de la somme de 62 717,85 euros à titre de dommages-intérêts dirigée contre la banque, alors, selon le moyen :
1°/ que la caution faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le payeur général de la Vienne avait versé par erreur la somme litigieuse entre les mains de la banque, que la société en avait demandé le remboursement, et que ce n'était qu'une fois qu'elle avait constaté le refus définitif de la banque d'accéder à cette demande qu'elle avait pu manifester sa volonté de voir la somme imputer en priorité sur la dette de prêt, de sorte que la demande d'imputation était, en définitive, concomitante à son acceptation du paiement ; que dès lors, en retenant, pour débouter la caution de sa demande tendant à voir la responsabilité de la banque engagée faute d'avoir procédé à l'imputation demandée par la société, débitrice, que cette demande n'était intervenue que le 21 octobre 2008, tandis que les fonds avaient été reçus le 28 juin 2008 et que, faute d'avoir été faite concomitamment à cette réception, elle n'avait pu avoir le moindre effet, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si eu égard à la contestation existant quant à la validité du paiement réalisé par erreur entre les mains de la banque par un tiers, la société débitrice n'avait pas manifesté sa volonté dès qu'elle avait constaté qu'elle ne pouvait s'opposer au paiement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil ;
2°/ qu'en l'absence d'imputation faite par le débiteur au moment du paiement ou de quittance acceptée par laquelle le créancier a lui-même procédé à une imputation différente, seules les règles d'imputation légales ont vocation à s'appliquer ; que dès lors, en se bornant à énoncer, pour valider l'imputation choisie par le créancier et rejeter la demande de la caution tendant à voir la responsabilité du créancier engagée pour ne pas avoir respecté l'imputation demandée par le débiteur principal, que ce dernier avait manifesté son intention tardivement, sans même vérifier que la société créancière lui avait donné une quittance indiquant une imputation différente qu'elle aurait acceptée, ou que, en l'absence de quittance, l'imputation retenue par la banque correspondait aux règles légales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1255 et 1256 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que si les parties peuvent déroger au principe de l'affectation générale des créances en compte courant, c'est à la condition que la demande d'affectation spéciale soit formulée avant l'entrée en compte de la créance considérée ; qu'après avoir rappelé que le payeur départemental de la Vienne avait opéré, le 28 juin 2008, au profit de la banque, un virement de 90 878,79 euros sur le compte ouvert dans ses livres au nom de la société et avait, à la demande de cette dernière, demandé par courrier du 1er juillet 2008, à la banque de reverser cette somme au compte de la paierie départementale, ce que la banque avait refusé, et relevé que la société, mise en demeure de payer le 18 août 2008, les sommes dues à la banque, avait, par lettre du 21 octobre 2008, indiqué qu'en application de l'article 1253 du code civil, elle affectait le paiement reçu à concurrence de la somme de 62 717,85 euros en remboursement de l'échéance du prêt et celle de 28 160,94 euros sur le compte courant débiteur, l'arrêt retient qu'aucune imputation particulière n'a été précisée par la société lors du virement effectué sur le compte courant ; que la lettre du 1er juillet 2008 ne fait pas état d'une imputation à effectuer entre les deux dettes et que celle du 21 octobre 2008, demandant une imputation spécifique du paiement est postérieure à la clôture du compte courant ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir que la société n'avait pas demandé, avant l'entrée en compte de ladite somme, qu'il y soit donné une affectation particulière, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes ;
Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni des conclusions d'appel, ni des pièces de procédure que la caution ait soutenu que l'imputation choisie par la banque n'avait pas été mentionnée sur une quittance acceptée par la société ou ne répondait pas aux exigences légales prévues à l'article 1256 du code civil ; que le moyen est donc nouveau et mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour M. X...

M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir la société HSBC France condamner à lui payer la somme de 62.717,85 € à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE le 28 juin 2008, le payeur départemental de la Vienne a opéré, au profit de la société HSBC France, en règlement d'un marché de construction, un virement de la somme de 90.878,79 euros sur le compte ouvert dans les livres de cette banque au nom de la SN MTB ; que cette dernière ayant demandé que le paiement soit domicilié ailleurs, par courrier du 1er juillet 2008, le payeur départemental de la Vienne a demandé à la société HSBC France, de "reverser cette somme" au compte de la paierie départementale, ce que la société HSBC a refusé ; que, par lettre du 21 octobre 2008, la SN MTB a indiqué qu'en application des dispositions de l'article 1253 du Code civil elle affectait le paiement reçu à concurrence de la somme de 62.717,85 euros en remboursement de l'échéance du prêt du 9 mai 2008 et celle de 28.160,94 euros sur le compte courant débiteur ; que, le 3 novembre 2008, la société HSBC France a répondu que toutes les opérations « tombées sur le compte courant » étaient fusionnées en un solde immédiatement disponible, créditeur ou débiteur, que les comptes avaient été clôturés après dénonciation intervenue le 18 juin 2008 et qu'en raison de cette clôture, il n'était plus possible d'imputer le règlement reçu selon le souhait de la SN MTB, faute pour la demande d'avoir été faite avant la réception des fonds ou concomitamment ; que M. X... ne conteste pas avoir été mis en demeure de payer par lettre recommandée avec avis de réception en date du 18 août 2008 ; que la SN MTB a, également, été mise en demeure selon les mêmes modalités et à la même date ; que les assignations en paiement ont été délivrées les 17 et 20 octobre 2008 ; qu'il résulte des éléments ci-dessus que la lettre du 21 octobre 2008 de la SN MTB, demandant une imputation spécifique du paiement reçu le 28 juin 2008, est postérieure à la clôture du compte courant intervenue le 18 août 2008 et à la déchéance du terme du prêt ; que c'est donc à juste titre que la société HSBC France a indiqué ne plus pouvoir modifier la répartition des dettes telle qu'arrêtée à la clôture des comptes ; que la contestation de ce chef, non-fondée, doit donc être écartée ; que, dès lors qu'aucune imputation particulière n'ayant été précisée par la SN MTB lors du virement opéré par la paierie départementale de la Vienne et le virement ayant été opéré sur le compte courant, la société HSBC ne saurait être considérée comme ayant commis une faute en n'imputant pas une partie de ce règlement au remboursement d'une échéance annuelle du prêt, alors que la lettre du 1er juillet 2008, envoyée par le payeur départemental à la demande de la SN MTB ne faisait pas état d'une imputation à effectuer entre les deux dettes, mais se fondait sur une demande de la société SN MTB de « modification de la domiciliation bancaire du marché » et comportait une demande de restitution des fonds et non de répartition de ceux-ci sur les différents comptes ouverts dans les livres de la société HSBC FRANCE ; que la demande en dommages-intérêts doit donc, également, être rejetée ;
ALORS QUE que M. X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel signifiées le 4 janvier 2011 (p. 2-3) que le payeur général de la Vienne avait versé par erreur la somme litigieuse entre les mains de la société HSBC France, que la société SN MTB en avait remandé le remboursement, et que ce n'était qu'une fois qu'elle avait constaté le refus définitif de la société HSBC France d'accéder à cette demande qu'elle avait pu manifester sa volonté de voir la somme imputer en priorité sur la dette de prêt, de sorte que la demande d'imputation était, en définitive, concommitante à son acceptation du paiement ; que dès lors, en retenant, pour débouter M. X... de sa demande tendant à voir la responsabilité de la banque engagée faute d'avoir procédé à l'imputation demandée par la société SN MTB, débitrice, que cette demande n'était intervenue que le 21 octobre 2008, tandis que les fonds avaient été reçus le 28 juin 2008 et que, faute d'avoir été faite concomitamment à cette réception, elle n'avait pu avoir le moindre effet, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si eu égard à la contestation existant quant à la validité du paiement réalisé par erreur entre les mains de la société HSBC France par un tiers, la société débitrice n'avait pas manifesté sa volonté dès qu'elle avait constaté qu'elle ne pouvait s'opposer au paiement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil ;
ALORS, en tout état de cause, QU'en l'absence d'imputation faite par le débiteur au moment du paiement ou de quittance acceptée par laquelle le créancier a lui-même procédé à une imputation différente, seules les règles d'imputation légales ont vocation à s'appliquer ; que dès lors, en se bornant à énoncer, pour valider l'imputation choisie par le créancier et rejeter la demande de la caution tendant à voir la responsabilité du créancier engagée pour ne pas avoir respecté l'imputation demandée par le débiteur principal, que ce dernière avait manifesté son intention tardivement, sans même vérifier que la société créancière lui avait donné une quittance indiquant une imputation différente qu'elle aurait acceptée, ou que, en l'absence de quittance, l'imputation retenue par la banque correspondait aux règles légales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1255 et 1256 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-19476
Date de la décision : 03/07/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BANQUE - Compte - Compte courant - Remises - Affectation spéciale - Conditions - Moment et acceptation de la demande

Si le banquier est tenu de respecter l'affectation spéciale donnée par son client à une remise, dérogeant ainsi au principe de l'affectation générale au compte courant des créances réciproques des parties, c'est à la condition que cette affectation spéciale lui ait été demandée lors de la remise et que, sauf dispositions légales contraires, il l'ait acceptée. Justifie en conséquence sa décision la cour d'appel qui, après avoir fait ressortir qu'aucune affectation spéciale n'avait été précisée par le client lors de la remise, a rejeté l'action dirigée contre la banque qui en avait inscrit le montant au crédit du compte courant de ce dernier


Références :

article 1253 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 15 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 jui. 2012, pourvoi n°11-19476, Bull. civ. 2012, IV, n° 141
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 141

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : Mme Bonhomme
Rapporteur ?: Mme Robert-Nicoud
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.19476
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