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03/07/2012 | FRANCE | N°11-13795

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 juillet 2012, 11-13795


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 janvier 2011), que M. X... a été engagé en 1996 par la société Brit Air en qualité de pilote de ligne ; qu'après l'avoir informé qu'il ne serait plus légalement autorisé à voler au-delà du 3 juillet 2007, date de son soixantième anniversaire, et que des recherches de reclassement au sol allaient être effectuées, l'employeur a, par lettre du 10 avril 2007, notifié la rupture du contrat de travail de l'intéressé par application de l'art

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 janvier 2011), que M. X... a été engagé en 1996 par la société Brit Air en qualité de pilote de ligne ; qu'après l'avoir informé qu'il ne serait plus légalement autorisé à voler au-delà du 3 juillet 2007, date de son soixantième anniversaire, et que des recherches de reclassement au sol allaient être effectuées, l'employeur a, par lettre du 10 avril 2007, notifié la rupture du contrat de travail de l'intéressé par application de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile fixant alors la limite d'âge des pilotes à soixante ans ;
Attendu que la société Brit Air fait grief à l'arrêt de dire nulle la rupture du contrat de travail du salarié et de la condamner à payer à ce dernier une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 2.5 de la Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 dispose que "la présente directive ne porte pas atteinte aux mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et à la protection des droits et libertés d'autrui" ; que l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile français prévoyait à l'époque des faits que "Le personnel navigant de l'aéronautique de la section A du registre prévu à l'article L. 421-3 ne peut exercer aucune activité en qualité de pilote ou de copilote dans le transport aérien public au-delà de l'âge de soixante ans" ; qu'ayant constaté que "la limite d'âge imposée par la compagnie Brit Air à ses pilotes était justifiée par (un) objectif de sécurité", conformément aux dispositions susvisées de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, viole les dispositions l'article 2.5 de la Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 l'arrêt attaqué qui retient que la limite d'âge des pilotes n'était pas une condition nécessaire de la sécurité des vols ;
2°/ que l'article 6.1 de la Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 dispose que, nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; qu'à la date des faits, l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile disposait que : "Le personnel navigant de l'aéronautique de la section A du registre prévu à l'article L. 421-3 ne peut exercer aucune activité en qualité de pilote ou de copilote dans le transport aérien public au-delà de l'âge de soixante ans", en précisant que "le contrat de travail du navigant n'est pas rompu du seul fait que cette limite d'âge est atteinte sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est offert" ; que, en application de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, le contrat de travail de M. X... n'avait pas été rompu du seul fait que celui-ci ne pouvait plus voler après 60 ans, mais, selon la lettre de rupture du 10 avril 2007, du fait de "l'absence de toute possibilité de reclassement au sol" après la survenance de cet événement ; qu'en cet état, prive sa décision de base légale au regard de l'article 6.1 de la Directive n° 2000/78/CE la cour d'appel qui s'est abstenue de rechercher, comme elle aurait dû le faire, si la cessation de l'exercice de ses fonctions par le pilote à l'âge de 60 ans avec maintien de son contrat de travail sauf impossibilité de reclassement ou refus de l'intéressé, était ou non nécessaire à la poursuite de l'objectif de sécurité ;
3°/ que lorsque le code de l'aviation civile autorise la conduite d'un avion par un seul pilote commandant de bord, il appartient à l'employeur de décider éventuellement, dans le cadre de son pouvoir de direction et d'organisation de l'entreprise, s'il y a lieu d'adjoindre un copilote au pilote commandant de bord ; que méconnaît le principe de la liberté d'entreprendre et viole l'article L. 1221-1 du code du travail, l'arrêt attaqué qui considère que la limite d'âge des pilotes n'est pas une condition nécessaire de la sécurité des vols dès l'instant où cette exigence peut être satisfaite par la présence additionnelle de copilotes plus jeunes ;
4°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que les rapports remis au Sénat et à l'Assemblée nationale préalablement au vote de la loi du 4 février 1995 prévoyant la limite d'âge à 60 ans pour les pilotes précisaient qu'il s'agissait d'une mesure de nature à favoriser l'emploi du fait que les postes libérés devaient permettre de créer 130 emplois équivalents plein temps, alors qu'il existait sur le marché environ 1 200 pilotes sans emploi (rapport n° 1764 à l'Assemblée nationale : "alors qu'environ 1 200 pilotes sont actuellement sans emploi" ; rapport n° 57 au Sénat : "alors qu'il existe sur le marché environ 1 200 pilotes sans emploi") ; que dénature les termes clairs et précis de ces rapports, en violation du principe susvisé et de l'article 1134 du code civil, l'arrêt attaqué qui, pour considérer que la limite d'âge à 60 ans n'aurait eu qu'une faible portée sur l'emploi, retient qu'"il résulte clairement des débats parlementaires, que la population de pilotes était en 1994 d'environ 6 000, que plus de 12 000 jeunes déjà formés étaient sans emploi, que la mesure préconisée permettrait l'embauche de 130 à 150 pilotes seulement dans l'immédiat", en multipliant ainsi par 10 le nombre de jeunes pilotes sans emploi ;
5°/ que l'article 6.1 de la Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 dispose que : "Nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires" ; que prive sa décision de base légale au regard de ce texte l'arrêt attaqué qui retient que la limite d'âge à 60 ans imposée par l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile dans son contenu applicable aux faits litigieux ne constituait pas un moyen nécessaire en faveur de l'emploi des pilotes sans emploi, au motif que "cette disposition du code de l'aviation civile ne faisait pas obligation aux compagnies de procéder à l'embauche de jeunes en remplacement des pilotes évincés en raison de leur âge", sans constater qu'une telle solution discriminatoire en faveur des jeunes pilotes aurait été objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime ;
6°/ que c'est à la date des faits susceptibles de caractériser une discrimination qu'il convient d'apprécier les conditions d'application de l'article 6.1 de la Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ; que, M. X... ayant perdu la possibilité de poursuivre ses fonctions en vol à la date de ses soixante ans, à savoir le 3 juillet 2007, en vertu de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, viole les dispositions susvisées de la Directive l'arrêt attaqué qui vérifie si les moyens de réaliser l'objectif de sécurité poursuivi par la limite d'âge litigieuse étaient appropriés et nécessaires, en prenant en considération une modification législative dudit article L. 421-9 du code de l'aviation civile survenue postérieurement à la rupture du contrat de M. X... ;
7°/ que les Etats peuvent émettre des réserves sur l'application des recommandations de l'OACI ; que, comme le faisait valoir la société Brit Air dans ses conclusions (p. 12), à la suite de la publication de la recommandation de l'OACI admettant la possibilité d'autorisation de voler pour les pilotes entre 60 et 65 ans sous condition de respecter des mesures très strictes de sécurité, la France a communiqué à l'OACI ses observations et ses divergences sous forme de notification en précisant qu'« il n'entre pas dans les intentions du gouvernement de proposer au Parlement une modification de la législation nationale applicable aux personnels navigants techniques … pour lesquels la limite d'âge supérieure restera fixée à 60 ans" ; que viole les articles 2.5 et 6.1 de la Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 l'arrêt attaqué qui apprécie l'application de dispositions en matière de sécurité publique au regard de recommandations de l'OACI ne liant pas la France ;
Mais attendu, d'abord, que, saisie de la compatibilité de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, tel qu'applicable à l'époque des faits, avec les dispositions de l'article 2 § 5 de la directive 2000-78/CE du 27 novembre 2000 selon lesquelles l'interdiction des discriminations fondées sur l'âge ne porte pas atteinte aux mesures prévues par la législation nationale dès lors qu'elles sont nécessaires à la sécurité publique, la cour d'appel, retenant que les recommandations de l'Organisation de l'aviation civile internationale, dont elle n'a pas fait application, admettaient expressément que, sous certaines conditions, l'exercice du métier de pilote de ligne pouvait se poursuivre après cet âge, ce que peu de temps après les faits litigieux le législateur avait reconnu en modifiant la législation nationale, a exactement décidé que si la limitation à soixante ans de l'exercice du métier de pilote dans le transport aérien public poursuivait un but de sécurité aérienne, elle n'était pas nécessaire à la satisfaction de cet objectif ;
Attendu, ensuite, que saisie de la compatibilité de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, tel qu'applicable à l'époque des faits, avec les dispositions de l'article 6 § 1 de la même directive aux termes desquelles des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires, la cour d'appel, se référant aux travaux parlementaires établissant que la limitation à soixante ans de l'exercice du métier de pilote dans le transport aérien public permettrait l'embauche de 130 à 150 pilotes en 1995 alors que le nombre de jeunes pilotes déjà formés et sans emploi était de 1 200, en a, peu important une erreur purement matérielle, exactement déduit que la mesure ne constituait pas un moyen approprié et nécessaire dans le cadre d'une politique de l'emploi ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Brit Air aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Brit Air.
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit nulle la rupture du contrat de travail de Monsieur X..., et D'AVOIR condamné la société BRIT AIR à payer à l'intéressé les sommes de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts et de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « la rupture du contrat de Monsieur X... lui a été notifiée par courrier du 10 avril 2007 en ces termes : « A la suite de notre entretien préalable du 6 avril 2007, nous vous informons que nous sommes contraints de vous notifier la rupture de votre contrat de travail en application des dispositions des articles L. 421-9 et suivants du code de I'aviation civile pour les motifs ci-après développés : Vous avez été embauché par la Compagnie en qualité de pilote professionnel par contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 avril 1996. L'article L 421-9 du code de l'aviation civile dispose que : Le personnel navigant de l'aéronautique civile de la section A du registre prévu à l'article L. 421-3 ne peut exercer en qualité de pilote ou de copilote dans le transport aérien public au delà de 60 ans. Toutefois, le contrat de travail du navigant n'est pas rompu du seul fait que cette limite d'âge est atteinte sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol. Vous atteindrez la limite d'âge prévue à l'article susvisé le 3 juillet 2000. A compter de cette date, vous ne pourrez donc plus exercer vos fonctions de pilote au sein de la Compagnie. Nous avons recherché au sein de la Compagnie, de ses filiales, mais aussi au sein du groupe AIR FRANCE, les emplois au sol éventuellement disponibles et compatibles avec votre formation, vos compétences et votre expérience professionnelle. Malheureusement, nos recherches se sont avérées infructueuses... » ; que, sur le caractère discriminatoire de la rupture du contrat de travail, Monsieur X... se prévaut des dispositions de l'article 6 paragraphe 1 de la directive numéro 2000/78/CE du 27 novembre 2000 ; qu'en application de ce texte, des différences de traitement fondées sur l'âge ne sont admises qu'à la condition d'être objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, de marché du travail et de la formation professionnelle, et si les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; que, 1) sur les objectifs légitimes, il ressort de l'ensemble des documents produits, et notamment des articles émanant du syndicat national des pilotes de ligne français s'opposant au report de la limite d'âge envisagée pour leur profession à 65 ans que : « La mission confiée aux pilotes est complexe, sérieuse et physiquement exigeante. Au cours de chacun de leurs vols, les hommes et les femmes pilotes de ligne ont la responsabilité d'une mission engageant des centaines de vies humaines et des dizaines de millions d'euros. Pour que cette mission s'exerce en toute sécurité, elle repose sur un ensemble complet de règles d'utilisation des équipages... L'âge de cessation d'activité est un de ces éléments. Car, si les compétences professionnelles des pilotes sont vérifiées plusieurs fois par an comme leurs aptitudes physiques et mentales, ces tests ne sont pas capables de déceler les subtiles et incontestables baisses de performance des individus dues à l'âge... » ; qu'il est incontestable que la mission des pilotes de ligne consiste à amener les passagers à destination en toute sécurité, tout en préservant également le matériel coûteux qui leur est confié, que cette mission exige des personnels en pleine possession de leurs moyens physiques et psychologiques, ainsi que l'affirment ceux-ci, dans leur grande majorité ; qu'au regard de ces éléments, la limite d'âge imposée par la compagnie BRIT AIR, à ses pilotes était justifiée par cet objectif de sécurité ; que, par ailleurs, il résulte d'un rapport remis au sénat et à l'assemblée nationale préalablement au vote de la loi du 4 février 1995 prévoyant la limite d'âge à 60 ans pour les pilotes que, à cette époque, cette mesure permettrait à de jeunes pilotes nouvellement diplômés d'accéder à un emploi ; que cet objectif parfaitement légitime de favoriser l'emploi des jeunes diplômés justifiait dès lors également la mesure discriminatoire adoptée ; que, 2) sur la nécessité de la cessation d'activité pour assurer la réalisation des objectifs, Monsieur X... développe sur ce point une double argumentation ; que, d'une part, il fait remarquer que la nouvelle rédaction de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, telle que découlant de la loi du 17 décembre 2008 permet, à compter du 1er janvier 2010 la présence des pilotes de plus de 60 ans dans les avions, circonstance qui démontre que des aménagements étaient possibles ; que, d'autre part, en ne conditionnant pas la rupture du contrat de travail des pilotes après 60 ans, à l'embauche obligatoire d'un jeune, l'article L. 421-9 dans sa rédaction antérieure ne répondait pas à l'objectif fixé ; qu'en conséquence, la rupture de son contrat de travail n'était pas nécessaire à la réalisation des objectifs de bon fonctionnement de la navigation aérienne et de sécurité ; que la société BRIT AIR rétorque que les débats parlementaires avaient dégagé la possibilité en 1995 de procéder à l'embauche de 130 jeunes pilotes au moyen de cette mesure ; qu'il est exact que postérieurement à la rupture du contrat de monsieur X..., le code de l'aviation civile s'est trouvé modifié ; que la présence de pilotes commandants de bord de plus de 60 ans a été autorisée en France sous certaines conditions ; que l'une de ces conditions consistait en la présence dans le cockpit de deux membres d'équipage de conduite, dont un seul serait âgé de plus de 60 ans ; que l'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale), dans les recommandations aux états préconisait des mesures très strictes de sécurité en cas d'autorisation de voler pour les pilotes entre 60 et 65 ans, ces derniers ne devant être admis que sur des vols multi-pilotes et subir une évaluation médicale tous les six mois ; que la preuve est ainsi rapportée de ce que la limite d'âge des pilotes n'est pas une condition nécessaire de la sécurité des vols, cette exigence pouvant être satisfaite par d'autres moyens, notamment la présence des copilotes plus jeunes, mesure également efficace pour lutter contre le sous-emploi ; que, par ailleurs, il résulte clairement des débats parlementaires, que la population de pilotes était en 1994 d'environ 6.000, que plus de 12.000 jeunes déjà formés étaient sans emploi, que la mesure préconisée permettrait l'embauche de 130 à 150 pilotes seulement dans l'immédiat ; que, de ,plus, cette disposition du code de l'aviation civile ne faisait pas obligation aux compagnies de procéder à l'embauche de jeunes en remplacement des pilotes évincés en raison de leur âge, relativisant le caractère nécessaire de la mesure pour assurer la réalisation de l'objectif ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que si la rupture du contrat de travail de monsieur X... était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime, les moyens mis en oeuvre pour réaliser ces objectifs n'étaient pas véritablement nécessaires ; que dès lors la nullité de la rupture est encourue, la décision de première instance étant infirmée » ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE l'article 2.5 de la Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 dispos e que « la présente directive ne porte pas atteinte aux mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que l'article L. 421-9 du Code de l'aviation civile français prévoyait à l'époque des faits que « Le personnel navigant de l'aéronautique de la section A du registre prévu à l'article L. 421-3 ne peut exercer aucune activité en qualité de pilote ou de copilote dans le transport aérien public au-delà de l'âge de soixante ans » ; qu'ayant constaté que « la limite d'âge imposée par la compagnie BRIT AIR à ses pilotes était justifiée par (un) objectif de sécurité », conformément aux dispositions susvisées de l'article L. 421-9 du Code de l'aviation civile, viole les dispositions l'article 2.5 de la Directive n° 200/7 8/CE du Conseil du 27 novembre 2000 l'arrêt attaqué qui retient que la limite d'âge des pilotes n'était pas une condition nécessaire de la sécurité des vols ;
ALORS, DE DEUXIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE l'article 6.1 de la Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 dispose que, nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; qu'à la date des faits, l'article L. 421-9 du Code de l'aviation civile disposait que : « Le personnel navigant de l'aéronautique de la section A du registre prévu à l'article L. 421-3 ne peut exercer aucune activité en qualité de pilote ou de copilote dans le transport aérien public au-delà de l'âge de soixante ans », en précisant que « le contrat de travail du navigant n'est pas rompu du seul fait que cette limite d'âge est atteinte sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est offert » ; que, en application de l'article L. 421-9 du Code de l'aviation civile, le contrat de travail de Monsieur X... n'avait pas été rompu du seul fait que celui-ci ne pouvait plus voler après 60 ans, mais, selon la lettre de rupture du 10 avril 2007, du fait de « l'absence de toute possibilité de reclassement au sol » après la survenance de cet événement ; qu'en cet état, prive sa décision de base légale au regard de l'article 6.1 de la Directive n° 2000/78/CE la cour d'appel qui s'est abstenue de rechercher, comme elle aurait dû le faire, si la cessation de l'exercice de ses fonctions par le pilote à l'âge de 60 ans avec maintien de son contrat de travail sauf impossibilité de reclassement ou refus de l'intéressé, était ou non nécessaire à la poursuite de l'objectif de sécurité ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsque le Code de l'aviation civile autorise la conduite d'un avion par un seul pilote commandant de bord, il appartient à l'employeur de décider éventuellement, dans le cadre de son pouvoir de direction et d'organisation de l'entreprise, s'il y a lieu d'adjoindre un copilote au pilote commandant de bord ; que méconnaît le principe de la liberté d'entreprendre et viole l'article L.1221-1 du Code du Travail, l'arrêt attaqué qui considère que la limite d'âge des pilotes n'est pas une condition nécessaire de la sécurité des vols dès l'instant où cette exigence peut être satisfaite par la présence additionnelle de copilotes plus jeunes ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que les rapports remis au Sénat et à l'Assemblée Nationale préalablement au vote de la loi du 4 février 1995 prévoyant la limite d'âge à 60 ans pour les pilotes précisaient qu'il s'agissait d'une mesure de nature à favoriser l'emploi du fait que les postes libérés devaient permettre de créer 130 emplois équivalents plein temps, alors qu'il existait sur le marché environ 1.200 pilotes sans emploi (rapport n°1764 à l'Assemblée Nationale : « alors qu'environ 1.200 pilotes sont actuellement sans emploi » ; rapport n°57 au Sénat : « alors qu'il existe sur le marché environ 1.200 pilotes sans emploi ») ; que dénature les termes clairs et précis de ces rapports, en violation du principe susvisé et de l'article 1134 du Code civil, l'arrêt attaqué qui, pour considérer que la limite d'âge à 60 ans n'aurait eu qu'une faible portée sur l'emploi, retient qu'« il résulte clairement des débats parlementaires, que la population de pilotes était en 1994 d'environ 6.000, que plus de 12.000 jeunes déjà formés étaient sans emploi, que la mesure préconisée permettrait l'embauche de 130 à 150 pilotes seulement dans l'immédiat », en multipliant ainsi par 10 le nombre de jeunes pilotes sans emploi ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE l'article 6.1 de la Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 dispos e que : « Nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires » ; que prive sa décision de base légale au regard de ce texte l'arrêt attaqué qui retient que la limite d'âge à 60 ans imposée par l'article L. 421-9 du Code de l'aviation civile dans son contenu applicable aux faits litigieux ne constituait pas un moyen nécessaire en faveur de l'emploi des pilotes sans emploi, au motif que « cette disposition du code de l'aviation civile ne faisait pas obligation aux compagnies de procéder à l'embauche de jeunes en remplacement des pilotes évincés en raison de leur âge », sans constater qu'une telle solution discriminatoire en faveur des jeunes pilotes aurait été objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime ;
ALORS, DE SIXIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE c'est à la date des faits susceptibles de caractériser une discrimination qu'il convient d'apprécier les conditions d'application de l'article 6.1 de la Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ; que, Monsieur X... ayant perdu la possibilité de poursuivre ses fonctions en vol à la date de ses soixante ans, à savoir le 3 juillet 2007, en vertu de l'article L. 421-9 du Code de l'aviation civile, viole les dispositions susvisées de la Directive l'arrêt attaqué qui vérifie si les moyens de réaliser l'objectif de sécurité poursuivi par la limite d'âge litigieuse étaient appropriés et nécessaires, en prenant en considération une modification législative dudit article L. 421-9 du Code de l'aviation civile survenue postérieurement à la rupture du contrat de Monsieur X... ;
ALORS, DE SEPTIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE les Etats peuvent émettre des réserves sur l'application des recommandations de l'OACI ; que, comme le faisait valoir la société BRIT AIR dans ses conclusions (p. 12), à la suite de la publication de la recommandation de l'OACI admettant la possibilité d'autorisation de voler pour les pilotes entre 60 et 65 ans sous condition de respecter des mesures très strictes de sécurité, la France a communiqué à l'OACI ses observations et ses divergences sous forme de notification en précisant qu'« il n'entre pas dans les intentions du Gouvernement de proposer au Parlement une modification de la législation nationale applicable aux personnels navigants techniques … pour lesquels la limite d'âge supérieure restera fixée à 60 ans » ; que viole les articles 2.5 et 6.1 de la Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 l'arrêt attaqué qui apprécie l'application de dispositions en matière de sécurité publique au regard de recommandations de l'OACI ne liant pas la France.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-13795
Date de la décision : 03/07/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

UNION EUROPEENNE - Travail - Salarié - Principe de non-discrimination - Directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 - Application directe - Application directe dans les rapports entre particuliers - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Discrimination entre salariés - Discrimination fondée sur l'âge - Justification - Objectif légitime - Caractérisation - Nécessité - Portée TRANSPORTS AERIENS - Personnel - Personnel navigant professionnel - Pilote atteint par la limite d'âge légal - Cessation obligatoire des fonctions - Compatibilité avec les dispositions des articles 2 § 5 et 6 § 1 de la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 - Appréciation - Portée

Saisie de la compatibilité avec les dispositions des articles 2 § 5 et 6 § 1 de la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, prévoyant la cessation obligatoire des fonctions de pilote de ligne à soixante ans, une cour d'appel, d'une part, après avoir retenu que les recommandations de l'Organisation de l'aviation civile internationale, admettaient expressément que, sous certaines conditions, l'exercice du métier de pilote de ligne pouvait se poursuivre après cet âge, ce que peu de temps après les faits litigieux le législateur avait reconnu en modifiant la législation nationale, décide exactement que si la limitation à soixante ans de l'exercice du métier de pilote dans le transport aérien public poursuivait un but de sécurité aérienne, elle n'était pas nécessaire à la satisfaction de cet objectif et, d'autre part, se référant aux travaux parlementaires établissant que la limitation à soixante ans de l'exercice du métier de pilote dans le transport aérien public permettrait l'embauche de 130 à 150 pilotes en 1995 alors que le nombre de jeunes pilotes déjà formés et sans emploi était de 1 200, en a exactement déduit que la mesure ne constituait pas un moyen approprié et nécessaire dans le cadre d'une politique de l'emploi


Références :

articles 2 § 5 et 6 § 1 de la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail

article L. 421-9 du code de l'aviation civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 18 janvier 2011

Sur la cessation des fonctions de pilote de ligne à 60 ans (comme mesure non-nécessaire à la réalisation des objectifs de sécurité aérienne et de politique de l'emploi), à rapprocher : Soc., 11 mai 2010, pourvoi n° 08-45307, Bull. 2010, V, n° 105 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 jui. 2012, pourvoi n°11-13795, Bull. civ. 2012, V, n° 205
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, V, n° 205

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Weissmann
Rapporteur ?: M. Béraud
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.13795
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