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28/06/2012 | FRANCE | N°10-28492

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 juin 2012, 10-28492


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi en tant que dirigé contre l'arrêt du 3 décembre 2009 :

Vu l'article 978 du code de procédure civile ;
Attendu que la société ADOS s'est pourvue en cassation contre l'arrêt du 3 décembre 2009, mais que son mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de cette décision ; qu'il y a lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 1147 et 1384, alinéa 1er, du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt a

ttaqué, que, le 29 juin 2003, M. Eddy X..., alors âgé de 11 ans, qui s'était rendu avec d...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi en tant que dirigé contre l'arrêt du 3 décembre 2009 :

Vu l'article 978 du code de procédure civile ;
Attendu que la société ADOS s'est pourvue en cassation contre l'arrêt du 3 décembre 2009, mais que son mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de cette décision ; qu'il y a lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 1147 et 1384, alinéa 1er, du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 29 juin 2003, M. Eddy X..., alors âgé de 11 ans, qui s'était rendu avec d'autres enfants, accompagnés d'un adulte, dans un restaurant, a été blessé alors qu'il s'apprêtait à descendre d'un élément de l'aire de jeux, dépendante de l'établissement, l'anneau qu'il portait au doigt s'étant pris dans une aspérité d'un grillage de protection qu'il venait d'enjamber ; que ses parents, tant en leur nom personnel qu'au nom de leur enfant mineur, ont recherché la responsabilité de la société ADOS, exploitante de l'établissement, et de la personne accompagnant les enfants ;
Attendu que, pour déclarer la société ADOS responsable du préjudice subi par M. Eddy X... et par ses parents, la cour d'appel a retenu que le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ne s'opposait pas à ce que cette responsabilité fût recherchée sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, que M. et Mme X... n'auraient d'ailleurs de lien contractuel avec la société ADOS que par le biais de leur fils, qui lui-même, mineur au moment de l'accident, ne s'était pas trouvé engagé dans un lien contractuel, même par stipulation pour autrui, avec cette société, en utilisant une aire de jeux, indépendante du contrat de restauration ;
Qu'en statuant ainsi, quand elle avait constaté que l'enfant avait fait usage de l'aire de jeux, exclusivement réservée à la clientèle du restaurant, au cours d'un goûter auquel il participait en compagnie d'un adulte et d'autres enfants, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le second par fausse application ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
Constate la déchéance partielle du pourvoi en tant que dirigé contre l'arrêt du 3 décembre 2009 ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions relatives à l'expertise, l'arrêt rendu le 21 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société ADOS.
IL EST GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré la société ADOS entièrement responsable du préjudice subi par le jeune Eddy X... et ses parents à la suite de l'accident survenu le 29 juin 2003, et de l'avoir condamnée à verser aux époux X... une provision de 15.000 € à valoir sur le préjudice subi par l'enfant ;
AUX MOTIFS QUE « le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ne s'oppose pas à ce que les parents d'Eddy X... recherchent la responsabilité de cette dernière sur le fondement de l'article 1384 du code civil, sauf à la Cour de donner, le cas échéant, l'exacte qualification aux faits de la cause ; que les époux X... n'auraient d'ailleurs de lien contractuel avec la société ADOS que par le biais de leur fils, qui lui-même, mineur au moment de l'accident, ne s'est pas trouvé engagé dans un lien contractuel, même par stipulation pour autrui, avec la société ADOS, dans le cadre de l'utilisation d'une aire de jeux, indépendante du contrat de restauration ; que par ailleurs l'aire de jeux, dont la société ADOS est présumée gardienne, au sens de cet article, est une structure certes inanimée et dotée d'un certificat de conformité (pour le seul équipement de jeu d'ailleurs, hors aménagement de l'aire elle-même), mais qui a eu un rôle actif dans la réalisation du dommages subi par le jeune Eddy dans la mesure où, quel qu'ait été le chemin emprunté par celui-ci pour parvenir à l'endroit où est survenu l'accident, il est établi par les constatations de l'expert et les autres pièces du dossier, que le doigt de l'enfant a été accroché puis arraché en raison de la présence d'une tige émergeant du grillage, aspérité dangereuse, car non protégée, sur un jeu destiné aux enfants ; que la circonstance selon laquelle la dangerosité de cette tige non protégée n'était pas prévisible en raison de son caractère raisonnablement inaccessible est non seulement contredite par les faits, puisque d'autres enfants qu'Eddy ont pu y accéder, mais est également insusceptible d'exonérer la société ADOS de sa responsabilité dans la mesure où le danger n'était pas totalement imprévisible et aurait pu être évité par des dispositifs de protection du grillage lui-même ou de l'accès à celui-ci, ce qui a partiellement été réalisé, après l'accident, par la société ADOS qui a posé un plexiglass limitant l'accès des enfants vers l'arrière du jeu et qui a affiché un nouveau règlement interdisant l'usage de l'aire de jeux au delà de 10 ans ; que par ailleurs, la bague que portait l'enfant ne constitue pas non plus une circonstance imprévisible et insurmontable, tout autre objet de la vie courante (chaîne, vêtements) étant susceptible d'accrocher la tige de fer en cause, dès lors qu'elle dépasse et n'est pas protégée ; qu'enfin l'imprudence ou la témérité de l'enfant, même qualifiée subjectivement par l'expert, de "performance sportive", ne constitue ni un cas de force majeure ni un mode anormal bien que dangereux, d'utilisation d'une aire de jeux destinée aux enfants » ;
1. ALORS QUE les conventions portant sur les actes de la vie courante sont valables même passées par le mineur, et obligent le cocontractant avec qui le mineur a conclu à les exécuter ; que le restaurateur qui met à la disposition de ses clients, accessoirement à ses prestations de restauration, une aire de jeux destinée à sa clientèle enfantine est lié par un contrat à l'adulte et aux enfants même mineurs qui l'accompagnent ; que l'obligation contractuelle dont est tenu le restaurateur à l'égard de l'utilisateur des jeux est une obligation de sécurité de moyen ; qu'en jugeant que la qualité d'enfant mineur de la victime excluait qu'il ait pu passer un contrat avec la société de restauration ayant mis à sa disposition, accessoirement aux prestations de restauration, une aire de jeux, et en déduisant que la responsabilité de la Société ADOS devait être examinée sur le terrain délictuel, la Cour d'Appel a violé l'article 1147 du Code Civil, ensemble les articles 1108 et 1123 et suivant du Code Civil ;
2. ALORS QUE les articles 1382 et suivants du Code civil sont inapplicables à la réparation d'un dommage se rattachant à l'exécution d'un engagement contractuel ; que la responsabilité du restaurateur à l'égard de ses clients est de nature contractuelle ; que le restaurateur qui met à la disposition de sa jeune clientèle accessoirement à sa prestation de restauration une aire de jeux dont l'usage lui est exclusivement réservé, est tenu à l'égard de ses clients d'une obligation de sécurité de moyen ; qu'en l'espèce le jeune Eddy X..., âgé de 11 ans s'étant blessé sur l'aire de jeu réservée aux clients du restaurant exploité par la société ADOS, la Cour d'appel ne pouvait faire application des règles de la responsabilité délictuelle aux relations entre la victime et la société ADOS, sans méconnaître la règle de non cumul entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour a violé par fausse application les articles 1134 et 1384 alinéa 1er du Code civil, et, par refus d'application, l'article 1147 du Code Civil ;
3. ALORS QU' une chose inerte ne peut être l'instrument du dommage si la preuve n'est pas rapportée qu'elle occupait une position anormale ou qu'elle était en mauvais état ; que la Cour d'appel qui n'a pas recherché, malgré les conclusions qui l'y invitaient si le dommage n'avait pas sa cause dans le détournement de l'usage de l'aire de jeux auquel s'était livré le jeune garçon qui, doué d'un certain discernement, s'était livré selon l'expert judiciaire à une véritable acrobatie en escaladant l'extérieur du toboggan pour atteindre la toiture d'une passerelle dont il tentait de redescendre lorsque l'anneau qu'il portait au majeur s'est accroché sur une tige du grillage vertical a privé de base légale sa décision au regard de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil ;
4. ALORS QUE, en toute hypothèse, la faute de la victime, même ne présentant pas un caractère imprévisible, est partiellement exonératoire tant pour le débiteur de l'obligation de sécurité de moyen que pour le gardien de la chose instrument du dommage ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel était saisie par la société ADOS de conclusions tendant à son exonération intégrale ; que la Cour d'appel a constaté que le jeune Eddy X... a fait preuve d'imprudence et de témérité, mais a condamné néanmoins la société ADOS à réparer l'entier dommage au motif que qu'elle ne rapportait la preuve d'un cas de force majeure ; qu'en statuant de la sorte, quand il lui appartenait de rechercher si le comportement imprudent et téméraire de l'enfant n'était pas constitutif d'une faute d'imprudence de nature à conduire à un partage de responsabilité, la Cour d'appel a privé de base légale sa décision ou bien au regard de l'article 1147 du Code civil, ou bien au regard de l'article 1384 alinéa 1er du même Code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-28492
Date de la décision : 28/06/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Non-cumul des deux ordres de responsabilité - Domaine de la responsabilité contractuelle - Existence d'un engagement contractuel - Caractérisation - Applications diverses - Accident survenu à un enfant dans une aire de jeux réservée à la clientèle d'un restaurant

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Fondement de l'action - Article 1384, alinéa 1er, du code civil - Exclusion - Applications diverses - Accident survenu à un enfant dans une aire de jeux réservée à la clientèle d'un restaurant

Viole les articles 1147, 1384, alinéa 1er, du code civil, le premier pour refus d'application, le second pour fausse application, une cour d'appel qui, pour déclarer une société, exploitante d'un restaurant, responsable sur le fondement de la responsabilité délictuelle du fait des choses, du préjudice subi par un enfant de onze ans du fait de l'accident dont il a été victime en faisant usage d'une aire de jeux dépendante du restaurant, énonce que les parents n'auraient eu de lien avec la société que par le biais de leur fils qui, lui-même mineur, ne s'était pas trouvé engagé dans un lien contractuel, même par stipulation pour autrui, avec cette société, l'aire de jeux étant indépendante du contrat de restauration, alors qu'elle avait constaté que l'enfant avait fait usage de l'aire de jeux, exclusivement réservée à la clientèle du restaurant, au cours d'un goûter auquel il participait en compagnie d'un adulte et d'autres enfants, de sorte que la responsabilité de la société était de nature contractuelle


Références :

articles 1147 et 1384, alinéa 1er, du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 21 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 28 jui. 2012, pourvoi n°10-28492, Bull. civ. 2012, I, n° 147
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, I, n° 147

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Domingo
Rapporteur ?: Mme Dreifuss-Netter
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.28492
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