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21/10/2010 | FRANCE | N°08/05514

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 21 octobre 2010, 08/05514


R.G : 08/05514









Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 07 juillet 2008



4ème chambre





RG : 2005/08222



















COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 21 Octobre 2010





APPELANTS :



M. [J] [C]

Mme [V] [C],

agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'administrateurs légaux de la personne et des biens de leur fils mineur

[H] [C] né le [Date naissance 6] 1992

[Adresse 9]

[Localité 12]



représentés par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour



assistés de Maître Claire PICHON, avocat au barreau de LYON





SARL ADOS, dont le nom commercial est MAC DONALD'S...

R.G : 08/05514

Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 07 juillet 2008

4ème chambre

RG : 2005/08222

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 21 Octobre 2010

APPELANTS :

M. [J] [C]

Mme [V] [C],

agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'administrateurs légaux de la personne et des biens de leur fils mineur [H] [C] né le [Date naissance 6] 1992

[Adresse 9]

[Localité 12]

représentés par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour

assistés de Maître Claire PICHON, avocat au barreau de LYON

SARL ADOS, dont le nom commercial est MAC DONALD'S

[Adresse 15]

[Localité 12]

représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour

assistée de la SELARL MARIE-CHRISTINE MANTE SAROLI, avocats au barreau de LYON

INTIMES :

SARL ADOS, dont le nom commercial est MAC DONALD'S

[Adresse 15]

[Localité 12]

représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour

assistée de la SELARL MARIE-CHRISTINE MANTE SAROLI, avocats au barreau de LYON

Mme [M] [Z]

née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 17] (ALPES-MARITIMES)

[Adresse 8]

[Localité 12]

représentée par Maître André BARRIQUAND, avoué à la Cour

assistée de Maître Emmanuelle POHU, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2008/30000 du 20/11/2008 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

Maître [F] [L], pris en sa qualité de mandataire - liquidateur judiciaire de la MUTUELLE DE L'ALLIER ET DES REGIONS FRANCAISES (MARF) dont le siège social est [Adresse 3], fonctions auxquelles il a été désigné le 8 février 2007 par jugement du tribunal de grande instance de Moulins

[Adresse 10]

[Localité 14]

représenté par Maître Christian MOREL, avoué à la Cour

assisté de la SCP GRAFMEYER-BAUDRIER-ALLEAUME, avocats au barreau de LYON

M. [K] [G], ès qualités de liquidateur de la MUTUELLE DE L'ALLIER ET DES REGIONS FRANCAISES (MARF) fonctions auxquelles il a été désigné par l'autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, élisant domicile au siège social de la MUTUELLE DE L'ALLIER ET DES REGIONS FRANCAISES (MARF)

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Maître Christian MOREL, avoué à la Cour

assisté de la SCP GRAFMEYER-BAUDRIER-ALLEAUME, avocats au barreau de LYON

CPAM DE LYON

[Adresse 5]

[Localité 11]

non représentée

SERVIPRO RHONE-ALPES

[Adresse 16]

[Localité 7]

non représenté

INTERVENANT FORCE :

Maître [E] [A], pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la SARL SERVIPRO RHONE-ALPES, nommé à cette fonction par ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de Lyon du 30 décembre 2009

[Adresse 4]

[Localité 13]

non représenté

******

Date de clôture de l'instruction : 11 Mai 2010

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Septembre 2010

Date de mise à disposition : 21 Octobre 2010

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Bernadette MARTIN, président

- Christine DEVALETTE, conseiller

- Philippe SEMERIVA, conseiller

assistée pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l'audience, Christine DEVALETTE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bernadette MARTIN, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Le 29 juin 2003, [H] [C], âgé de 11 ans, s'est gravement blessé en jouant sur l'aire de jeux du restaurant MAC DONALD'S de Vaulx-en-Velin, le troisième doigt de sa main droite ayant été arraché.

Par ordonnance de référé du 25 mai 2004, le Docteur [T] a été désigné pour évaluer le préjudice corporel et Monsieur [R], architecte, pour déterminer si les lieux de l'accident présentaient un caractère anormal ou dangereux.

Après le dépôt du rapport [R], qui avait été déclaré commun, par ordonnances de référé, à Madame [Z] et à la société SERVIPRO RHONE ALPES , ci-après SERVICEPRO, Monsieur et Madame [C] ont, par exploits des 31 mai et 14 juin 2005, assigné la société ADOS, exploitante du restaurant et Madame [M] [Z], qui accompagnait l'enfant au moment où l'accident s'est produit, devant le tribunal de grande instance de Lyon pour obtenir réparation du préjudice subi par leur fils.

Ils ont également mis en cause la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Lyon, leur organisme social.

La société SERVICEPRO Rhône-Alpes chargée du nettoyage et de la maintenance des aires de jeux a également été mise en cause par la société ADOS, ainsi que Maîtres [L] et [G], en qualité de mandataires liquidateurs de la MARF, par Madame [Z], son assurée.

Par jugement contradictoire du 7 juillet 2008, le tribunal a

- débouté les époux [C] et la CPAM de toutes leurs demandes,

- condamné les premiers à verser des indemnités de procédure aux autres défendeurs.

Par déclaration du 28 juillet 2008, les époux [C] ont interjeté appel contre toutes les parties en présence.

Par arrêt avant dire droit en date du 3 décembre 2009, la Cour a révoqué la clôture et invité les parties dans le cadre de la mise en état, à conclure sur l'application à la présente affaire des dispositions de l'article 1384 du Code civil, visé dans les conclusions des appelants.

****

Aux termes de leurs dernières écritures, qui sont expressément visées par la Cour pour plus ample exposé des moyens et prétentions des appelants ces derniers demandent la réformation du jugement et sollicitent

- que la société ADOS soit déclarée responsable du dommage subi par [H] [C] par le fait de la dangerosité de l'air de jeu dont elle était gardienne,

- subsidiairement, que la société ADOS soit déclarée fautive pour manquement à son obligation contractuelle de sécurité et Madame [Z] pour avoir failli à son obligation de surveillance,

- et qu'en conséquence Madame [Z] et /ou la société ADOS soient déclarées responsables des conséquences dommageables de l'accident survenu à leur fils, pour lui et pour eux-mêmes, selon une proportion à fixer entre eux,

- que dans cette proportion, il leur soit alloué, ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur une provision de 21 500 € à valoir sur le préjudice corporel de celui-ci,

- que la mission confiée au docteur [T] soit prorogée et complétée,

- que Madame [Z] et /ou la société ADOS soient condamnées à leur verser une indemnité de procédure de 6 000 €.

Sur les circonstances de l'accident, et notamment le cheminement des enfants pour accéder sur le toit grillagé de la passerelle et en redescendre, ils relèvent que la version de Madame [Z] diverge de celle de l'enfant et n'a pas été reconnue comme plausible par l'expert. Ils retiennent donc que l'enfant aurait ' grimpé sur une hauteur de 2,20 mètres, le long d'un poteau de structure extérieure puis qu'il aurait escaladé, toujours par l'extérieur, sur 1,30 mètres de haut le grillage de protection latérale de la passerelle reliant les deux piliers pour accéder au grillage constituant la toiture de cette passerelle, empruntant le même parcours que ses camarades ; l'enfant aurait ensuite entrepris de redescendre par la partie arrière du jeu dont l'accès était condamné aux enfants par des dispositifs constitués par un casier à chaussures de 1,20 mètre de haut qu'il fallait escalader pour revenir au point de départ. C'est en entreprenant la descente, qu'il a enjambé la partie supérieure du grillage latéral dont les coupes constituent autant de pointes acérées puis s'est laissé glisser contre ce grillage pour sauter sur le toit de l'édicule sous-jacent situé environ 2 mètres plus bas. C'est lors de ce saut que l'anneau qu'il portait au majeur s'est enfilé dans une des tiges du grillage vertical le suspendant dans le vide par un seul doigt, qui, sous le poids, s'est déchiqueté et l'a laissé retomber sur l'édicule '.

Ils considèrent que parmi les trois causes d'accident relevées par l'expert, la témérité des enfants est un pléonasme et ne saurait exonérer l'adulte chargé de les surveiller et l'établissement de restauration, de leurs obligations respectives.

Sur la responsabilité au principal de la société ADOS sur le fondement de l'article 1384 du code civil, ils considèrent que cette dernière était gardienne d'une aire de jeux, structure inanimée mais qui, en l'espèce, a eu un rôle actif, par la dangerosité de sa conception, dans la survenue du dommage puisque l'expert note 'la présence sur le toit de la passerelle constituée d'un grillage de l'émergence de tiges coupées du grillage constituant ses parois latérales dont le franchissement présentait un risque aussi important qu'évident' et que ce qui a été considéré par l'expert comme une zone raisonnablement inaccessible sans une prouesse sportive, a été précisément franchi par les 4 enfants dont Sofiane.

Ils considèrent, subsidiairement, que la société ADOS est responsable sur le fondement de l'article 1147 du code civil, pour avoir mis à la disposition de ses clients, et plus particulièrement de son public en bas âge, un dispositif dangereux et insuffisamment surveillé.

Sur la responsabilité de Madame [Z] au visa de l'article 1382 du Code Civil, ils considèrent

- qu'à la place où se trouvait Madame [Z], et quelle que soit la voie d'ascension empruntée par les enfants, une partie du jeu restait dissimulée à sa vigilance,

- que tout le temps du cheminement difficile de l'enfant, qui a nécessairement duré plusieurs minutes, elle n'a pas jeté un oeil sur Eddy et n'était pas en train de gronder deux autres des 4 garçons sous sa surveillance, comme elle l'affirme, mais déjeunait tranquillement à une table éloignée, contrairement à la mise en garde figurant sur un panneau.

Les époux [C] demandent tant es qualités qu'à titre personnel, l'allocation de sommes à titre provisionnel sur les différents postes, puisque la consolidation n'est pas considérée comme acquise par l'expert, que des frais sont à envisager et que les taux de déficit fonctionnel temporaire et permanent non pas pu être arrêtés.

Ils demandent une prorogation de la mission de l'expert.

****

Aux termes de ses écritures, qui sont expressément visées par la Cour pour plus ample exposé des moyens et prétentions de Madame [Z], intimée, celle-ci demande la confirmation du jugement et, subsidiairement, que la responsabilité de la société ADOS soit jugée prépondérante et qu'en tout état de cause, celle-ci soit condamnée à la relever et garantir de toute condamnation, à titre encore plus subsidiaire, elle demande de très larges délais de paiement. Elle demande que l'arrêt soit déclaré commun et opposable aux mandataires liquidateurs de son assurance.

Elle demande, malgré le bénéfice de l'aide Juridictionnelle totale, une indemnité de procédure de 1 500 €, en visant les dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir tout d'abord qu'elle n'a commis aucune faute de surveillance,

- car elle se trouvait à la table la plus proche de l'aire de jeu, à un endroit où elle pouvait avoir la vue la plus large sur celui-ci,

- car au moment où l'accident est survenu, elle était en train de réprimander les aînés des garçons [S] [X] et [V] [C], frère aîné d'Eddy, pour leur faire stopper l'ascension du jeu par la face extérieure, ce dernier profitant de cela pour effectuer son ascension,

- car elle n'avait pas à assurer une surveillance ininterrompue sur des enfants de 10 à 12 ans, dotés de discernement, jouant sur une aire dédiée et sécurisée, et sur lesquels elle n'avait pas d'autorité puisqu'ils n'étaient pas ses enfants,

- car la cause de l'accident est essentiellement due aux éléments saillants du grillage.

Elle considère en effet que c'est cette configuration dangereuse qui est la cause de l'accident et qui est imputable à la société ADOS, le critère d'accessibilité normale ou non de cette partie grillagée étant purement virtuel, puisque les enfants ont pu y accéder, et non constitutif d'un cas fortuit ou de force majeure.

Elle relève que la société ADOS aurait du protéger les coupes du grillage en partie haute comme elle l'avait fait en partie inférieure ou empêcher complètement l'accès à l'arrière, ce qu'elle a fait après le sinistre en faisant placer une plaque de plexiglas et que la société ADOS ne s'est pas exonérée de sa présomption de responsabilité en apposant une affichette qui ne met pas en garde sur ce danger spécifique. Elle s'associe donc à la démonstration des époux [C] pour lesquels il est amplement démontré que l'aire de jeu a été l'instrument du dommage et que la responsabilité de la société ADOS est entièrement engagée sans qu'un transfert de garde puisse lui être opposé par celle-ci, en l'absence de toute mise en garde sur ce danger spécifique.

Subsidiairement, elle demande que la provision allouée soit ramenée à de plus justes proportions et qu'il lui soit accordé les plus larges délais, eu égard à sa situation et à celle de son assureur, qui a fait l'objet d'un retrait d'agrément et est en liquidation judiciaire.

****

Aux termes de leurs écritures qu'ils n'ont pas modifiées depuis l'arrêt avant-dire-droit, les liquidateurs de la MARF demandent également la confirmation du jugement et la condamnation solidaire des appelants, de la société ADOS et de Madame [Z] à leur verser une indemnité de procédure de 2 500 €.

Ils rappellent que la liquidation judiciaire de la MARF est soumise au régime de droit commun des procédures collectives et qu'aucune condamnation ne peut être prononcée contre celle-ci.

Sur le fond, ils soulignent que Madame [Z] n'a pas manqué à son obligation de surveillance, car la table où elle se trouvait était à un mètre de l'aire de jeu, car elle réprimandait précisément deux des enfants au moment où l'accident s'est produit, car le port de la bague avait été autorisé par les parents eux-mêmes et que la présence d'un élément métallique saillant n'était pas prévisible sur une aire de jeu dédiée aux enfants.

****

Aux termes de ses dernières écritures, qui sont expressément visées par la Cour pour plus ample exposé des moyens et prétentions de la société ADOS, celle-ci demande la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté toutes les demandes. Elle demande qu'il soit jugé que les époux [C] ne peuvent engager sa responsabilité que sur le fondement contractuel et qu'ils doivent en être déboutés. Subsidiairement,la société ADOS demande que soit retenue la responsabilité de Madame [Z] pour défaut de surveillance et que celle-ci soit condamnée à la relever et garantir de toute condamnation, ou que soit, subsidiairement, retenue la responsabilité de la société SERVICEPRO qui ne lui a pas réalisé ni conseillé les travaux nécessaires pour faire disparaître les éléments saillants sur le toit de la structure.

Elle demande la condamnation des appelants ou subsidiairement, la condamnation in solidum de Madame [Z] et de la société SERVICEPRO à lui verser une indemnité de procédure de 4 000 €.

Elle note tout d'abord que les appelants ont abandonné leur argumentation de 1ère instance sur les produits défectueux et qu'ils ne peuvent, après réouverture des débats, rechercher sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1384 du code civil, en vertu du principe de non cumul des responsabilités, alors qu'il s'est formé un contrat entre le jeune Sofiane et elle-même.

Elle rappelle par ailleurs qu'elle est tenue vis à vis de ses clients d'une obligation de sécurité de moyens, supposant la preuve à son encontre d'une faute.

Elle considère qu'elle n'a commis aucune faute

- car, selon les constatations de l'expert, elle a mis à la disposition des enfants un jeu conforme aux normes applicables en la matière et ne comportant aucun élément générateur d'accident dans le cadre d'une utilisation raisonnablement prévisible,

- car, à cet égard le comportement du jeune Eddy, qui a franchi, selon le parcours retenu par l'expert, tous les obstacles visant à assurer la sécurité des utilisateurs, au prix, selon l'expert, d'un exercice périlleux et acrobatique, était imprévisible pour elle,

- car les pointes saillantes n'étaient présentes que dans des zones raisonnablement inaccessibles et car le dispositif de plexiglas mis en place depuis l'accident n'aurait pu éviter l'accident du fait de l'itinéraire emprunté par les enfants et aurait même aggravé le risque,

- car il ne lui appartenait pas, à la différence de Madame [Z], avisée par une affichette, d'exercer une surveillance des enfants qui n'étaient pas présents dans le cadre d'un goûter organisé.

Elle demande le rejet de l'appel en garantie formé contre elle par Madame [Z] qui vise de manière inexacte l'article 1382 du code civil et se fonde sur la même argumentation.

Subsidiairement, en cas de condamnation contre elle, la société ADOS demande à être relevée et garantie par Madame [Z] qui a failli à son devoir de surveillance, car le jeune Eddy avait dépassé l'âge d'utilisation du jeu, car elle a manqué de vigilance et d'autorité sur les enfants dont l'âge précisément nécessitait une surveillance accrue.

Elle forme, toujours subsidiairement, un appel en garantie contre la société SERVICEPRO chargée depuis juin 2003 de la maintenance et du contrôle de la sécurité du jeu, et qui n'a formulé aucune remarque sur les risques potentiels présentés par le jeu, à supposer que ceux -ci n'aient été ni imprévisibles ni insurmontables.

Encore plus subsidiairement, elle demande une diminution de l'indemnisation provisionnelle et s'en rapporte sur la prorogation de la mission de l'expert.

****

Par exploit du 19 mai 2009, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Lyon a été assignée à personne habilitée mais n'a pas constitué avoué. Le présent arrêt sera réputé contradictoire à son égard.

La société SERVIPRO Rhône-Alpes a été assignée à mairie le 12 octobre 2009 par la société ADOS en appel provoqué, avec notification de ses conclusions. Cette société ayant été radiée du RCS depuis le 11 juin 2008, Maître [A] a été nommé par ordonnance du Premier Président, comme administrateur ad hoc et assigné à personne habilitée le 4 février 2010.

Maître [A], ès qualités, n'a pas constitué avoué, et le présent arrêt, après jonction des procédures, est également réputé contradictoire à son égard.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 mai 2010.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité de la société ADOS

Le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ne s'oppose pas à ce que les parents d'Eddy [C] recherchent la responsabilité de cette dernière sur le fondement de l'article 1384 du code civil, sauf à la Cour de donner, le cas échéant, l'exacte qualification aux faits de la cause. Les époux [C] n'auraient d'ailleurs de lien contractuel avec la société ADOS que par le biais de leur fils, qui lui-même, mineur au moment de l'accident, ne s'est pas trouvé engagé dans un lien contractuel, même par stipulation pour autrui, avec la société ADOS, dans le cadre de l'utilisation d'une aire de jeux, indépendante du contrat de restauration.

Par ailleurs l'aire de jeux, dont la société ADOS est présumée gardienne au sens de cet article, est une structure certes inanimée et dotée d'un certificat de conformité (pour le seul équipement de jeu d'ailleurs, hors aménagement de l'aire elle-même), mais qui a eu un rôle actif dans la réalisation du dommages subi par le jeune Eddy dans la mesure où, quel qu'ait été le chemin emprunté par celui -ci pour parvenir à l'endroit où est survenu l'accident, il est établi par les constatations de l'expert et les autres pièces du dossier, que le doigt de l'enfant a été accroché puis arraché en raison de la présence d'une tige émergeant du grillage, aspérité dangereuse, car non protégée, sur un jeu destiné aux enfants.

La circonstance selon laquelle la dangerosité de cette tige non protégée n'était pas prévisible en raison de son caractère raisonnablement inaccessible est non seulement contredite par les faits, puisque d'autres enfants qu' Eddy ont pu y accéder, mais est également insusceptible d'exonérer la société ADOS de sa responsabilité dans la mesure où le danger n'était pas totalement imprévisible et aurait pu être évité par des dispositifs de protection du grillage lui-même ou de l'accès à celui-ci, ce qui a partiellement été réalisé, après l'accident, par la société ADOS qui a posé un plexiglass limitant l'accès des enfants vers l'arrière du jeu et qui a affiché un nouveau règlement interdisant l'usage de l'aire de jeux au delà de 10 ans.

Par ailleurs, la bague que portait l'enfant ne constitue pas non plus une circonstance imprévisible et insurmontable, tout autre objet de la vie courante (chaîne, vêtements) étant susceptible d'accrocher la tige de fer en cause, dés lors qu'elle dépasse et n'est pas protégée.

Enfin l'imprudence ou la témérité de l'enfant, même qualifiée subjectivement par l'expert, de 'performance sportive' ne constitue ni un cas de force majeure ni un mode 'anormal' bien que dangereux, d'utilisation d'une aire de jeux destinée aux enfants

Le jugement qui a débouté les époux [C] de leur action en responsabilité contre la société ADOS doit être infirmé, la responsabilité de celle-ci dans la réalisation du dommage subi par leur fils et par eux-mêmes étant établie.

Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes subsidiaires des appelants contre la société ADOS et Madame [Z]

Sur l'action en garantie de la société ADOS contre Madame [Z]

La société ADOS n'établit pas, que, par la simple apposition d'une affichette à l'entrée de l'aire de jeu prescrivant de pas laisser les enfants sans surveillance d'un adulte et de ne pas escalader les parois extérieures, elle ait transféré la garde de la structure impliquée dans l'accident, aucune indication sur le danger spécifique lié à la présence d'un élément métallique dangereux en hauteur, de nature à permettre à Madame [Z] de prévenir ce danger, ne figurant sur cette affichette.

Par ailleurs, même si Madame [Z] avait, non pas la garde de l'enfant Eddy et de son frère, mais l'obligation de surveiller ces enfants dans le cadre d'un goûter qui n'était pas organisé par la société ADOS, il n'est pas établi non plus qu'elle ait commis une faute de nature à constituer une cause étrangère exonérant, même partiellement, la société ADOS de sa responsabilité.

En effet, l'aire de jeux n'était pas expressément interdite à l'époque aux enfants de plus de 10 ans et la vélocité de ces derniers n' aurait pas permis à Madame [Z], malgré la proximité de la table où elle se trouvait occupée à gronder deux des enfants qui l'accompagnaient, d'empêcher Eddy [C], non pas de grimper, ce qui est notamment le but de ce jeu, mais d'emprunter un autre chemin d'accès qui n'a présenté pour lui un danger qu'en raison des aspérités du grillage, non visibles de l'endroit où elle se trouvait, car situés à l'arrière et à 4 mètres du sol.

De surcroît, l'âge de l'enfant ne requérait pas de sa part une surveillance de tous les instants et ne lui permettait pas d'exercer, sur cet enfant, une autorité conservée par les parents notamment en termes de comportement et de port de bijou.

En l'absence de preuve d'une attitude fautive de Madame [Z], la société ADOS doit être déboutée de sa demande tendant à être relevée et garantie par cette dernière, demande non formulée en première instance dans le cadre de laquelle les époux [C] engageaient leur action conjointement contre la société ADOS et Madame [Z].

La demande subsidiaire de cette dernière en relevé et garantie contre la société ADOS est donc sans objet. Le présent arrêt est en revanche commun, par définition, avec les organes de la procédure collective de la MARF, qui sont présents dans l'instance d'appel et à l'égard de la CPAM, régulièrement assignée.

Sur les autres demandes

La société ADOS demande à être relevée et garantie de cette condamnation par la société SERVIPRO en produisant un 'bon de livraison' pour désinfection et maintenance du 20 mai 2003, et un contrat de désinfection et maintenance conclu avec cette société le 12 juin 2003, et prenant effet seulement à cette date. Ces documents ne permettent cependant pas de caractériser la faute contractuelle qu'aurait commise ce prestataire dans les obligations contractuelles définies au contrat, et notamment dans l'obligation de contrôler la sécurité du jeu dés lors qu'aucun élément ne justifie que la société SERVIPRO soit intervenue au restaurant de la société ADOS dans le cadre de son contrôle tri-annuel, avant la survenance de l'accident le 29 juin 2003.

La société ADOS doit donc être déboutée de ce chef de demande.

Compte tenu des éléments produits, et notamment de l'expertise médicale réalisée pour évaluer le préjudice corporel subi par Eddy [C] dont l'état n'est cependant pas encore consolidé et nécessitera peut-être une nouvelle intervention chirurgicale, il convient de condamner la société ADOS à verser aux parents de l'enfant une provision de 15 000 € à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice et de proroger la mission du Docteur [T], en modifiant en revanche le contenu de cette mission pour l'adapter à la nouvelle nomenclature d'indemnisation des préjudices.

La société ADOS devra effectuer une consignation de 850 € à valoir sur les frais d'expertise.

Le jugement doit être réformé sur la condamnation des époux [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ADOS doit être condamnée à verser aux époux [C] une indemnité de procédure de 2 000 € à valoir leurs frais irrépétibles.

L'équité commande qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Madame [Z] bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, ou des représentants de la MARF, en liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris ;

Et statuant à nouveau,

Déclare la société ADOS entièrement responsable du préjudice subi par le jeune Eddy [C] et ses parents à la suite de l'accident survenu le 29 juin 2003 ;

Déboute la société ADOS de ses demandes en relevé et garantie contre Madame [M] [Z] et contre la société SERVICEPRO RHONE-ALPES ;

Condamne la société ADOS à verser à Monsieur et Madame [C], en leurs qualités de représentants légaux de leur fils, mineur au moment de la clôture des débats, une provision de 15 000 € à valoir sur le préjudice de ce dernier, outre une indemnité de procédure de 2 000 € ;

Désigne à nouveau le Professeur [W] [T] expert, pour évaluer le préjudice d'Eddy [C] après consolidation, sa mission étant la suivante :

1 - recueillir les doléances de la victime et décrire au besoin un état antérieur ayant une incidence sur les lésions et séquelles, puis procéder, en présence des médecins mandatés par les parties, à un examen clinique détaillé de la victime ;

2 - indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles (Déficit fonctionnel temporaire) Indiquer le taux et la durée de l'incapacité partielle ;

3 - fixer la date de consolidation et, à défaut, dire à quelle date il conviendra de revoir la victime ;

4- indiquer si la victime subit un déficit fonctionnel permanent, en évaluer l'importance et en chiffrer le taux ;

5 - décrire les soins futurs et les aides techniques compensatoires (prothèses, appareillage spécifique) en précisant la fréquence de leur renouvellement ;

6 - indiquer si le déficit fonctionnel permanent entraîne d'autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future ;

7 - si la victime est scolarisée ou en cours d'études, dire si elle a subi, en liaison avec les lésions, une perte d'année scolaire ou de formation, l'obligeant le cas échéant à se réorienter ;

8 - décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des lésions en les évaluant sur une échelle de 1 à 7 ;

9 - donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance, sur une échelle de 1 à 7, du préjudice esthétique en distinguant le préjudice temporaire et définitif ;

10 - indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si la victime est empêchée, en tout ou partie, de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir ;

11 - établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés ;

12 - dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises ;

13 - dit que l'expert devra communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

Dit que la société ADOS doit consigner avant le 10 décembre 2010 au greffe de la cour d'appel, une somme de 850 € à valoir sur les frais d'expertise ;

Dit que l'expert devra déposer son rapport dans les quatre mois du dépôt de la consignation au greffe ;

Dit que le déroulement des opérations d'expertise sera suivi par le conseiller de la mise en état de la chambre ;

Condamne la société ADOS aux dépens de première instance et d'appel de Madame [Z] et des organes de la liquidation de la MARF, avec application des dispositions sur l'aide juridictionnelle pour Madame [Z] et distraction au profit de Maîtres MOREL, BARRIQUAND, avoués .

Réserve le surplus des dépens vis-à-vis des époux [C].

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 08/05514
Date de la décision : 21/10/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°08/05514 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-21;08.05514 ?
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