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26/06/2012 | FRANCE | N°11-18337

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 juin 2012, 11-18337


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 mars 2011), que M. X... a fait pratiquer une saisie-conservatoire portant sur les 41 000 actions émises par la société Les Maisons d'Aujourd'hui inscrites sur le compte-titres ouvert par M. Y... dans les livres de la société Cortal Consors ; qu'il a ensuite fait assigner cette dernière afin qu'il lui soit fait interdiction de procéder à la vente des titres LMA ayant fait l'objet de la saisie et que soit ordonnée la consignation du mon

tant du prix des 1 690 actions cédées postérieurement à la saisie ; ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 mars 2011), que M. X... a fait pratiquer une saisie-conservatoire portant sur les 41 000 actions émises par la société Les Maisons d'Aujourd'hui inscrites sur le compte-titres ouvert par M. Y... dans les livres de la société Cortal Consors ; qu'il a ensuite fait assigner cette dernière afin qu'il lui soit fait interdiction de procéder à la vente des titres LMA ayant fait l'objet de la saisie et que soit ordonnée la consignation du montant du prix des 1 690 actions cédées postérieurement à la saisie ;
Attendu que la société Cortal Consors fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen :
1°/ que quelle que soit leur nature, les dépôts effectués par un donneur d'ordre auprès des prestataires de service d'investissement, leur sont transférés en pleine propriété sans qu'aucun de ses créanciers ne puisse se prévaloir d'un droit quelconque sur ces dépôts ; que la constitution d'une couverture revêtant un caractère obligatoire et constituant un préalable à l'acceptation par le prestataire de services de l'ordre destiné à être exécuté sur un marché à terme, résulte, sans aucun formalisme spécifique, de la remise effective des espèces et instruments financiers la composant au prestataire de services d'investissement ainsi que le reconnaissait lui-même M. X... dans ses conclusions d'appel, conditionnant le transfert de propriété à la seule existence d'un solde débiteur ; qu'il s'avère, ainsi qu'en a justifié la société Cortal Consors, dans ses conclusions d'appel, que le compte de M. Y... présentait précisément, au jour de la saisie, soit le 17 avril 2008, un solde débiteur de 28 924,62 euros ; qu'en considérant dès lors que les titres litigieux remis à la société Cortal Consors par M. Y..., préalablement à ses opérations sur les marchés financiers à terme, ayant fait l'objet d'une saisie conservatoire, ne pouvaient faire l'objet d'une vente par la société Cortal Consors motifs pris de ce qu'elle ne justifiait pas « de la volonté non équivoque (de M. Y...) de les affecter à titre de couverture en garantie de ses positions prises sur le marché », la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 440-7 et L. 440-8 du code monétaire et financier, ensemble celles de l'article 516-15 du règlement général de l'AMF ;
2°/ que quelle que soit leur nature, les dépôts effectués par un donneur d'ordre auprès des prestataires de service d'investissement, leur sont transférés en pleine propriété sans qu'aucun de ses créanciers ne puisse se prévaloir d'un droit quelconque sur ces dépôts ; que dès le 17 avril 2008, soit le jour de la saisie, la société Cortal Consors a déclaré détenir pour le compte de M. Y... 41 000 titres (de la société LMA) « qui servent de couverture sur ses pertes et ses positions au SRD » ; que par courrier du 24 juin 2008, se référant à la saisie remise le même jour à l'encontre de M. Y... et rappelant, à titre informatif, l'existence de celle du 17 avril 2008, la société Cortal Consors a expressément déclaré : « Un solde débiteur de 11 687,06 euros suite à une moins value au SRD du mois d'avril 2008 couverte par les titres Maisons d'Aujourd'hui » ainsi qu'elle l'indiquera à nouveau par courrier du 24 décembre 2009, au conseil de M. X... ; qu'en considérant dès lors que « le tiers saisi ne faisait plus état de ce que les titres détenus par le titulaire du compte étaient affectés à la couverture de ses opérations de bourse » sans avoir nul égard aux termes de la lettre du 24 juin 2008 susvisés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 440-7 et L. 440-8 du code monétaire et financier, ensemble celles de l'article 516-15 du règlement général de l'AMF. ;
Mais attendu que ne sont transférés en pleine propriété au prestataire de services d'investissement habilité, dès leur constitution, que les dépôts effectués par les donneurs d'ordre en couverture des positions prises par ces derniers sur un marché d'instruments financiers ; qu'ayant constaté que la preuve n'était pas rapportée que les titres saisis à l'initiative de M. X... étaient affectés à la couverture des opérations à terme de M. Y..., la cour d'appel en a exactement déduit, sans avoir à faire d'autre recherche, que la société Cortal Consors n'était pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 440-7 du code monétaire et financier ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cortal Consors aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ; rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour la société Cortal consors
La SA CORTAL CONSORS fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de lui AVOIR interdit, sous astreinte, de procéder à la vente des titres de la Société LMA ayant fait l'objet de la saisie pratiquée le 17 avril 2008 à la requête de M. X..., et de lui AVOIR ordonné de consigner entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations le montant du prix des 1690 actions cédées postérieurement au 17 avril 2008 ;
AUX MOTIFS QUE : « par acte sous seing privé du 19 octobre 2007, M. X... avait constitué avec M. Y... une société en participation, qui avait pour objet de permettre le partage des plus-values résultant des cessions des titres de la société LES MAISONS D'AUJOURD'HUI (ci-après la société LMA), après son introduction au marché libre de la bourse de PARIS ; qu'exposant que son associé, M. Y..., s'était emparé des 60.000 actions de la société LMA dont il était propriétaire, pour les transférer sur le compte ouvert à son nom dans les livres de la société CORTAL CONSORS, M. X... a été autorisé, par ordonnance du 16 avril 2008 du juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de NANTERRE, à pratiquer une saisie conservatoire portant sur les titres de la société LMA se trouvant sur les comptes de M. Y... ; que ladite saisie a été effectuée le 17 avril 2008 entre les mains de la société CORTAL CONSORS qui a indiqué détenir 41.000 titres de la société LMA pour le compte de M. Y... lui servant de couverture sur ses pertes et positions au SRD ; que M. X... a parallèlement saisi le Tribunal de grande instance de PARIS afin d'obtenir un titre exécutoire et aux fins de conversion de la saisie en saisie-attribution ; que la société CORTAL CONSORS ayant procédé à la vente de 1.300 actions courant décembre 2009, M. X... l'a assignée le 29 janvier 2010 devant le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de NANTERRE afin de faire cesser toute opération de mouvement des actions de la société LMA et afin qu'il soit fait injonction à la société CORTAL CONSORS de conserver l'intégralité du produit de la cession des actions LMA déjà intervenue ; que c'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement entrepris ;
« (…) que M. X... critique l'interprétation faite par le juge de l'exécution des dispositions du code monétaire et financier ayant conduit à le débouter de ses demandes et à refuser de considérer que la saisie opérée avait rendu indisponibles les titres qui en faisaient l'objet qu'il soutient que l'article L. 440-7 de ce code, qui confère aux agents de change une sûreté particulière consistant en une garantie des prises de position du donneur d'ordre, doit être interprété plus restrictivement en ce sens que le transfert de propriété sur les dépôts effectués entre leurs mains prévu par ce texte, ne s'effectuerait qu'à la faveur de l'existence d'un solde débiteur et sous réserve de la justification de la convention liant l'agent de change au donneur d'ordre ;
Que la société CORTAL CONSORS se prévaut de l'application des textes du code monétaire et financier et de l'existence d'un solde débiteur de M. Y... au jour de la saisie pour conclure à la confirmation de la décision entreprise ;
Mais (…) que si l'article L. 440-7 du code monétaire et financier dispose que « quelle que soit leur nature, les dépôts effectués par les donneurs d'ordre auprès des prestataires de service d'investissement (...), en couverture ou garantie des positions prises sur un marché d'instruments financiers, sont transférés en pleine propriété au prestataire (...) dès leur constitution, aux fins de règlement, d'une part, du solde débiteur constaté lors de la liquidation d'office des positions, et d'autre part, de tout autre somme due au prestataire (...) » et que si l'alinéa 2 de ce texte ajoute qu'aucun créancier d'un prestataire mentionné à l'alinéa précédent ne peut se prévaloir d'un droit quelconque sur ces dépôts et que l'article L. 440-8 prévoit que les dispositions de ce second alinéa s'appliquent également à tout créancier d'un donneur d'ordre, encore faudrait-il, pour que ces textes s'appliquent à l'objet de la saisie litigieuse, que la société CORTAL CONSORS justifie, ainsi que M. X... le lui a demandé, que les actions de la société LMA déposées par M. Y... sur son compte, lui aient été remises par ce dernier avec la volonté non équivoque de les affecter à titre de couverture en garantie de ses positions prises sur le marché, ce qu'elle s'abstient de faire ;
que la seule affirmation de la société CORTAL CONSORS à l'huissier ayant procédé à la saisie litigieuse, de ce qu'elle détient 41.000 titres servant de couverture aux pertes de M. Y... sur le marché SRD, ne saurait suffire à soustraire l'intégralité desdits titres à l'effet d'indisponibilité attaché à la saisie conservatoire litigieuse, alors que cette affirmation n'est étayée par aucune pièce justificative de la convention intervenue entre le titulaire du compte et l'agent de change, et alors qu'elle se trouve contredite par une autre déclaration faite le 24 juin 2008 par la société CORTAL CONSORS, soit deux mois après la saisie pratiquée à la requête de l'appelant, à un autre huissier, dans le cadre d'une saisie effectuée par l'administrateur de la SARL TECHNIQUE CONSTRUCTION en redressement judiciaire, selon laquelle « M. Y... Joseph détient un compte titre évalué à ce jour à une somme de 271.000 € environ, mais ayant fait l'objet d'une saisie conservatoire en date du 17/04/2008 à la demande de Monsieur Guy X..., suivant saisie de Me B..., huissier de justice à St CLOUD » ; qu'au terme de cette seconde déclaration, contraire à la première, il apparaît que le tiers saisi ne faisait plus état de ce que les titres détenus par le titulaire du compte étaient affectés à la couverture de ses opérations de bourse, mais seulement de l'existence d'une saisie préexistante sur les mêmes titres ; qu'il s'en déduit que la preuve de ce que les titres saisis par M. X... auraient été affectés à la couverture des opérations de bourse de M. Y... n'est pas rapportée par la société CORTAL CONSORS de sorte que celle-ci n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions ci-dessus énoncées du code monétaire et financier ; que par conséquent la saisie conservatoire rendant ces titres indisponibles, ils ne pouvaient faire l'objet d'une vente par la société CORTAL CONSORS; que celle-ci ne conteste pas avoir cédé 1690 titres postérieurement au 17 avril 2008 ; qu'il convient de faire droit aux demandes de M. X... tendant à voir reconnaître plein effet à sa saisie et d'infirmer le jugement entrepris ; qu'il sera par conséquent interdit à la société CORTAL CONSORS de procéder à la vente des 41.000 titres de la société LMA saisis entre ses mains, ce sous astreinte de 20 € par action vendue à compter de la signification du présent arrêt ; qu'il convient d'ordonner le séquestre entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations du prix des 1690 actions vendues au mépris de la saisie » (arrêt attaqué p. 2 à 4) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE quelle que soit leur nature, les dépôts effectués par un donneur d'ordre auprès des prestataires de service d'investissement, leur sont transférés en pleine propriété sans qu'aucun de ses créanciers ne puisse se prévaloir d'un droit quelconque sur ces dépôts ; que la constitution d'une couverture revêtant un caractère obligatoire et constituant un préalable à l'acceptation par le prestataire de services de l'ordre destiné à être exécuté sur un marché à terme, résulte, sans aucun formalisme spécifique, de la remise effective des espèces et instruments financiers la composant au prestataire de services d'investissement ainsi que le reconnaissait lui-même M. X... dans ses conclusions d'appel (p. 5, § 3, et dernier et p. 6, § 1er), conditionnant le transfert de propriété à la seule existence d'un solde débiteur ; qu'il s'avère, ainsi qu'en a justifié la SA CORTAL CONSORS, dans ses conclusions d'appel (p. 5, § 1 à 3), que le compte de M. Y... présentait précisément, au jour de la saisie, soit le 17 avril 2008, un solde débiteur de 28.924,62 € ; qu'en considérant dès lors que les titres litigieux remis à la SA CORTAL CONSORS par M. Y..., préalablement à ses opérations sur les marchés financiers à terme, ayant fait l'objet d'une saisie conservatoire, ne pouvaient faire l'objet d'une vente par la Société CORTAL CONSORS motifs pris de ce qu'elle ne justifiait pas « de la volonté non équivoque (de M. Y...) de les affecter à titre de couverture en garantie de ses positions prises sur le marché » (arrêt attaqué p. 3, dernier §), la Cour d'Appel a violé les dispositions des articles L. 440-7 et L. 440-8 du Code monétaire et financier, ensemble celles de l'article 516-15 du Règl. Gén. AMF ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE quelle que soit leur nature, les dépôts effectués par un donneur d'ordre auprès des prestataires de service d'investissement, leur sont transférés en pleine propriété sans qu'aucun de ses créanciers ne puisse se prévaloir d'un droit quelconque sur ces dépôts ; que dès le 17 avril 2008, soit le jour de la saisie, la SA CORTAL CONSORS a déclaré détenir pour le compte de M. Y... 41.000 titres (de la Société LMA) « qui servent de couverture sur ses pertes et ses positions au SRD » ; que par courrier du 24 juin 2008, se référant à la saisie remise le même jour à l'encontre de M. Y... et rappelant, à titre informatif, l'existence de celle du 17 avril 2008, la Société CORTAL CONSORS a expressément déclaré : « Un solde débiteur de 11.687,06 € suite à une moins value au SRD du mois d'avril 2008 couverte par les titres MAISONS D'AUJOURD'HUI » ainsi qu'elle l'indiquera à nouveau par courrier du 24 décembre 2009, au conseil de Monsieur X... ; qu'en considérant dès lors que « le tiers saisi ne faisait plus état de ce que les titres détenus par le titulaire du compte étaient affectés à la couverture de ses opérations de bourse » (arrêt attaqué p. 4, § 1er) sans avoir nul égard aux termes de la lettre du 24 juin 2008 susvisés, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 440-7 et L. 440-8 du Code monétaire et financier, ensemble celles de l'article 516-15 du Règl. Gén. AMF.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-18337
Date de la décision : 26/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BOURSE - Prestataire de services d'investissement - Marché à terme - Dépôts en couverture ou en garantie - Affectation non prouvée - Portée - Saisissabilité

Seuls les dépôts effectués par les donneurs d'ordre en couverture des positions prises par eux sur un marché d'instruments financiers sont en application de l'article L. 440-7 du code monétaire et financier, dès leur constitution, transférés en pleine propriété au prestataire de services d'investissement habilité. Il en résulte que les titres dont l'affectation à la couverture des opérations à terme n'est pas démontrée peuvent faire l'objet d'une saisie conservatoire par un créancier du donneur d'ordre


Références :

article L. 440-7 du code monétaire et financier

article 516-15 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 10 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 jui. 2012, pourvoi n°11-18337, Bull. civ. 2012, IV, n° 134
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 134

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Le Dauphin
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP Blanc et Rousseau

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.18337
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