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20/06/2012 | FRANCE | N°11-17383

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 juin 2012, 11-17383


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 25 mai 2010), que, prétendant que ses deux soeurs, Mme X..., épouse Y... et Mme X..., épouse Z... avaient diverti de la succession de leur père la somme de 99 668, 89 euros, Mme X..., épouse A... les a assignées en liquidation et partage de cette succession, et a demandé qu'elles soient condamnées à rapporter ladite somme et privées de toute part sur celle-ci ;
Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt d'ac

cueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un héritier ne p...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 25 mai 2010), que, prétendant que ses deux soeurs, Mme X..., épouse Y... et Mme X..., épouse Z... avaient diverti de la succession de leur père la somme de 99 668, 89 euros, Mme X..., épouse A... les a assignées en liquidation et partage de cette succession, et a demandé qu'elles soient condamnées à rapporter ladite somme et privées de toute part sur celle-ci ;
Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un héritier ne peut être privé de sa part dans les biens ou droits qui ont été recelés par un cohéritier ; qu'en décidant que Mme X...- Z... devra rapporter à la succession la somme de 99 668, 89 euros correspondant à la totalité des sommes recelées dans la succession de son père et qu'elle sera privée de tout droit et de toute part sur ladite somme, tout en constatant que sa soeur, Mme X...- Y..., a bénéficié d'une donation de 50 000 francs et s'est octroyée des sommes de 9 230 francs, 5 580 francs et 6 290 francs, ce dont il résultait que pour ces sommes le recel n'était pas imputable à Mme X...- Z..., la cour d'appel a violé l'article 778 du code civil ;
2°/ que le recel étant une peine privée, nul ne saurait être sanctionné du fait du recel imputable à un cohéritier, ce dont il résulte que les juges du fond ne peuvent prononcer une condamnation indivisible à l'égard de plusieurs héritiers sans établir leur participation commune au délit ou que les biens ou les droits recelés leur ont profité indivisiblement ; qu'en décidant que Mme X...- Z... devra rapporter à la succession la somme de 99 668, 89 euros correspondant à la totalité des sommes recelées dans la succession de son père et qu'elle sera privée de tout droit et de toute part sur ladite somme, sans relever la participation de Mme X...- Z... aux actes retenus à l'encontre de sa soeur, Mme X...- Y..., ni un profit qu'elle en aurait retiré, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 778 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que, pour contester le recel qui leur était imputé, Mme Y... et Mme Z... faisaient, l'une et l'autre, valoir que leur père avait fait don à chacune d'elles de la somme de 50 000 euros en rémunération de services qu'elles prétendaient lui avoir rendus, la cour d'appel, constatant que les intéressées, qui avaient refusé de fournir au notaire chargé de la liquidation de la succession des explications sur l'emploi de chèques bancaires émis à leur bénéfice, ne produisaient aucun élément de preuve propre à justifier des dépenses qu'elles prétendaient avoir engagées pour le compte de leur père, a estimé qu'elles avaient, par des manoeuvres frauduleuses, diverti la somme litigieuse des effets de la succession de celui-ci ; qu'elle a ainsi caractérisé la connaissance qu'avait chacune d'elles du recel commis par l'autre et en a exactement déduit que l'une et l'autre ne pouvaient prétendre à aucune part sur ladite somme ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

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Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme Z....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que Mmes X...- Y... et X...- Z... ont recelé la somme de 99. 668, 89 € qu'elles devront rapporter à la succession de leur père et qu'elles sont privées de tout droit et de toute part sur ladite somme dépendant de la succession de leur père ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 778 du code civil, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits divertis ou recelés ; que le texte précise que lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part ; qu'il convient de rappeler que M. Pierre X... est décédé le 28 septembre 2001, son épouse étant décédée le 15 janvier 1993 ; que Mme X...- A... soutient qu'entre le décès de leur mère et le décès de leur père, profitant de l'altération des facultés mentales de leur père, les intimés auraient diverti la somme totale de 99. 668, 89 € au moyen de chèques tirés sur le compte postal et le compte bancaire de leur père, sur lesquels Mme X...- Y... disposait d'une procuration, chèques de montants d'une certaine importance, dont elles sont incapables de justifier l'utilisation ; qu'elle verse aux débats les relevés de ces comptes sur lesquels apparaissent les sommes débitées, les photocopies d'une quinzaine de chèques rédigés par Mme X...- Y... et signés par M. X..., ainsi que des courriers de la BNP Paribas et de la Banque Postale l'informant de l'impossibilité d'obtenir des photocopies des chèques vieux de plus de dix ans ; que Mme X...- Y... et Mme X...- Z... répliquent que les sommes débitées correspondaient au remboursement de frais engagés pour le compte de leur père, ainsi qu'à la rémunération de leurs services et notamment, malgré son activité professionnelle, de la disponibilité totale de Mme X...- Y..., " 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pendant 8 ans et demi " pour son père qui a ainsi permis d'éviter la solution la plus onéreuse de son placement dans un établissement de séjour, puisqu'au décès de leur mère il était incapable de vivre seul ; que Mme X...- Y... ajoute que son père lui avait confié la gestion de ses comptes au décès de son épouse ; que les intimées précisent que leur père avait décidé en toute connaissance de cause de les " rémunérer " pour leurs services, et leur avait fait don à chacune en 1994 d'une somme de 50. 000 francs en leur demandant de garder le secret sur ces donations ; que, cependant, la cour relève d'une part que les intimées ne produisent pas la moindre pièce justifiant des dépenses qu'elles auraient engagées pour le compte de leur père comme elles le prétendent, et d'autre part que la procuration dont Mme X...- Y... disposait sur les comptes de leur père lui permettait de régler les frais de celui-ci sans avoir à en faire l'avance sur ses deniers comme elle prétend, mais aussi lui imposait de rendre compte de l'emploi des sommes dépensées, ce qu'elle ne fait pas ; que la cour observe encore qu'après avoir bénéficié entre 1994 et 1998 des services d'une aide à domicile, M. Pierre X... a séjourné dans un établissement de long séjour entre le 4 mai 1998 et le 28 septembre 2001, date de son décès, alors que pourtant et notamment Mme X...- Y... s'octroyait le 9 juin 1998 un versement de 9. 230 francs, le 16 septembre 1998 un versement de 5. 580 francs et le 22 septembre 1998 un versement de 6. 290 francs, au moyen de chèques tirés sur le compte postal de son père, rédigés et signés par elle ; qu'en outre, il résulte du certificat médical établi par un médecin spécialiste le 21 octobre 2000 dans la perspective d'une mesure de protection judiciaire, que les facultés mentales de M. X... étaient gravement altérées au point d'empêcher absolument toute expression de sa volonté et son audition par le juge des tutelles, ce médecin psychiatre précisant qu'en février 1998 avait déjà été diagnostiqué un état démentiel évolué ; que cette altération profonde de facultés mentales de M. X... est d'ailleurs confirmée par Mme X...- Y... elle-même qui écrit dans une lettre adressée en mai 2005 à Me B..., notaire, que son père lacérait ses vêtements, qu'il perdait régulièrement ses clefs au point qu'elle avait dû « faire refaire des centaines de trousseaux de clefs " et qu'il cassait les vitres ou forçait une porte avec un outil pour rentrer chez lui ; que dans ces conditions, les intimés ne peuvent sérieusement soutenir que la " rémunération " et les " dons " dont elles ont profité étaient l'expression de la volonté de leur père, comme elles l'ont cependant objecté, pour refuser de répondre, au notaire qui leur demandait des explications sur l'emploi des chèques émis à leur profit ; qu'il résulte de ce qui précède que les intimées ont par des manoeuvres frauduleuses diverti la somme de 99. 668 € des effets de la succession de leur père qu'elles se sont appropriées indûment au détriment de leur soeur Mme X...- A... et dont elles ont refusé de rendre compte au décès de leur père, écrivant dans leurs lettres datées des 1er et 4 mars 2003 au notaire qui sollicitait des explications sur l'emploi des sommes litigieuses que leur père " était libre de faire ce qu'il voulait de son argent " ou " de signer un chèque à qui il voulait " ; que le jugement critiqué sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme X...- A... de sa demande relative au recel ;
1) ALORS QU'un héritier ne peut être privé de sa part dans les biens ou droits qui ont été recelés par un cohéritier ; qu'en décidant que Mme X...- Z... devra rapporter à la succession la somme de 99. 668, 89 euros correspondant à la totalité des sommes recelées dans la succession de son père et qu'elle sera privée de tout droit et de toute part sur la dite somme, tout en constatant que sa soeur, Mme X...- Y..., a bénéficié d'une donation de 50. 000 francs et s'est octroyée des sommes de 9. 230 francs, 5. 580 francs et 6. 290 francs, ce dont il résultait que pour ces sommes le recel n'était pas imputable à Mme X...- Z..., la Cour d'appel a violé l'article 778 du Code civil ;
2) ALORS QUE le recel étant une peine privée, nul ne saurait être sanctionné du fait du recel imputable à un cohéritier, ce dont il résulte que les juges du fond ne peuvent prononcer une condamnation indivisible à l'égard de plusieurs héritiers sans établir leur participation commune au délit ou que les biens ou les droits recelés leur ont profité indivisiblement ; qu'en décidant que Mme X...- Z... devra rapporter à la succession la somme de 99. 668, 89 euros correspondant à la totalité des sommes recelées dans la succession de son père et qu'elle sera privée de tout droit et de toute part sur la dite somme, sans relever la participation de Mme X...- Z... aux actes retenus à l'encontre de sa soeur, Mme X...- Y..., ni un profit qu'elle en aurait retiré, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 778 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-17383
Date de la décision : 20/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SUCCESSION - Recel - Cas - Participation à un recel commun - Effet

SUCCESSION - Recel - Cas - Participation à un recel commun - Caractérisation

Des successibles ayant diverti une somme d'argent des effets de la succession, par des manoeuvres frauduleuses commises par chacun d'eux en connaissance des agissements des autres, participent à un recel commun, de sorte qu'ils ne peuvent prétendre à aucune part sur ladite somme


Références :

article 778 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 20 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 jui. 2012, pourvoi n°11-17383, Bull. civ. 2012, I, n° 140
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, I, n° 140

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Pagès
Rapporteur ?: Mme Monéger
Avocat(s) : SCP Bénabent, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.17383
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