LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été mis à la disposition de la société Renosol Nord et Est, aux droits de laquelle vient la société TFN propreté Nord et Est, par l'entreprise de travail temporaire Adia, en qualité de manutentionnaire ou agent de propreté dans le cadre de 99 contrats de missions entre le 14 décembre 2001 et le 2 décembre 2005 aux motifs de remplacement de salariés absents ou d'accroissement temporaire d'activité ; qu'il a saisi, le 15 septembre 2008, la juridiction prud'homale pour faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée et ce depuis le 14 décembre 2001 et obtenir la condamnation solidaire des sociétés TFN propreté nord et est et Adia à lui payer diverses sommes ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'entreprise de travail temporaire :
Attendu que la société Adia fait grief à l'arrêt de dire que la demande de requalification à compter de décembre 2001 n'était pas prescrite, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'avait mise hors de cause et de la condamner solidairement avec la société TFN propreté Nord et Est à payer diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, de préavis, congés payés et d'indemnité ainsi qu'à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors selon le moyen :
1°/ que la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile s'applique immédiatement aux prescriptions en cours, dès lors que l'instance a été introduite postérieurement à son entrée en vigueur, soit le 19 juin 2008 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X... avait saisi la juridiction prud'homale le 15 septembre 2008 et sollicitait la requalification de la relation contractuelle depuis décembre 2001 ; qu'en décidant que la demande de requalification à compter de décembre 2001 n'était pas prescrite, quand il s'évinçait de ses constatations que l'action du salarié n'était recevable que pour les contrats conclus à partir du 15 septembre 2003, la cour d'appel a violé les articles 2224 et 2244 du code civil, ainsi que l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 ;
2°/ que le salarié doit exécuter son contrat de travail de bonne foi ; qu'un travailleur temporaire, qui a délibérément refusé de signer les contrats de missions qui lui ont été régulièrement transmis par l'entreprise de travail temporaire, peu important qu'il ait par ailleurs signé les avenants ou que la société de travail temporaire pouvait lui demander de signer les contrats, ne peut demander la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ; qu'en se fondant, pour dire qu'il ne pouvait être retenu que le salarié aurait refusé délibérément de signer les contrats de mission en date des 5 et 19 septembre 2005, sur le prétexte inopérant que ce dernier avait signé les avenants et que la société avait toute possibilité de le lui demander, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1 du code du travail, 1134 du code civil, et le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;
3°/ que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions reprises verbalement à l'audience, elle soutenait que la signature, par le travailleur intérimaire, denombreux contrats de missions postérieurement aux derniers contrats non signés datant de 2005 emportait novation de la relation contractuelle et interdisait à M. X... de se prévaloir des dispositions éventuellement irrégulières des contrats de mission précédents ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant tiré de la novation de la relation contractuelle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que les deux actions exercées, l'une contre l'entreprise de travail temporaire en application de l'article L. 1251-16 du code de travail, l'autre contre l'entreprise utilisatrice en application de l'article L. 1251-40 du même code, ayant des fondements différents, et rien n'interdisant qu'elles puissent être exercées concurremment, la cour d'appel, après avoir constaté que le salarié invoquait à l'appui de sa demande contre la société Adia, l'absence de signature des contrats de mission des 5 et 19 septembre 2005, en a exactement déduit que cette demande n'était pas prescrite ;
Attendu, ensuite, que la signature d'un contrat écrit, imposée par l'article L 1251-16 du code du travail dans les rapports entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié afin de garantir qu'ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée ; qu'il n'en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de mission dans une intention frauduleuse ;
Et attendu qu'appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à un moyen inopérant, a relevé qu'aucun élément ne permettait de retenir que le salarié avait délibérément refusé de signer les contrats des 5 et 19 septembre 2005 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'entreprise utilisatrice après avis aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu que la société TFN propreté Nord et Est fait grief à l'arrêt de requalifier la relation de travail établie entre elle et M. X... en un contrat de travail à durée indéterminée et de la condamner solidairement avec la société Adia à payer diverses sommes au titre d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, d'indemnité de licenciement et d' indemnité de requalification, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; qu'il résulte de ce texte que le contrat de mission peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir à des besoins permanents de l'entreprise utilisatrice, pour autant que cela ne soit pas de façon durable ; que pour prononcer la requalification de la relation de travail la cour d'appel s'est contentée de relever que les tâches occupées par M. X... à l'occasion de ses différents contrats de mission étaient similaires et correspondaient à l'activité normale et permanente de l'entreprise, que la succession des contrats, même interrompue, démontrait que M. X... avait été utilisé au gré de besoins non pas ponctuels mais permanents de l'entreprise et par motifs adoptés, que M. X... avait exercé des tâches similaires pendant de très longues périodes ; qu'en statuant de la sorte, sans établir concrètement qu'elle avait eu durablement recours au travail temporaire afin de pourvoir à des besoins permanents, quand elle soulignait dans ses écritures qu'elle avait, entre chaque contrat de mission, respecté les délais de carence et que les différents contrats de mission avaient été entrecoupés de longues périodes sans aucune mission, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1251-5 du code du travail ;
2°/ que pour prononcer la requalification de la relation de travail, la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'elle ne justifiait de la réalité d'aucun des motifs de remplacement de salarié absent ou d'accroissement temporaire d'activité ; qu'en statuant de la sorte, sans établir aucunement en quoi les motifs de recours au travail temporaire n'étaient pas justifiés, quand elle rappelait que les contrats d'intérim conclus avec la société Adia indiquaient tous, soit les différents motifs d'accroissement temporaires d'activité, soit, pour les contrats de remplacement, l'identité du salarié remplacé et la raison de l'absence de ce salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1251-6 du code du travail ;
3°/ que la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile s'applique immédiatement aux prescriptions en cours, dès lors que l'instance a été introduite postérieurement à son entrée en vigueur, soit le 19 juin 2008 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X... avait saisi la juridiction prud'homale le 15 septembre 2008 et sollicitait la requalification de la relation contractuelle depuis décembre 2001 ; qu'en décidant que la demande de requalification à compter de décembre 2001 n'était pas prescrite, cependant que l'action du salarié n'était recevable que pour les contrats conclus à partir du 15 septembre 2003, la cour d'appel a violé les articles 2224 et 2244 du code civil, ainsi que l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 ;
Mais attendu, d'abord, que selon l'article L. 1251-40 du code du travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ; qu'il en résulte que le délai de prescription prévu par l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ne court qu'à compter du terme du dernier contrat de mission ;
Que l'arrêt, qui retient que la demande de M. X... à l'égard de l'entreprise utilisatrice tendant à la requalification de ses contrats de missions en un contrat à durée indéterminée prenant effet au 14 décembre 2001 n'est pas prescrite, se trouve dès lors légalement justifié ;
Attendu, ensuite, qu'il résulte des articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail que la possibilité donnée à l'entreprise utilisatrice de recourir à des contrats de missions successifs avec le même salarié intérimaire pour remplacer un ou des salariés absents ou pour faire face à un accroissement temporaire d'activité ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente ; qu'il en résulte que l'entreprise utilisatrice ne peut recourir de façon systématique aux missions d'intérim pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre ;
Et attendu qu'ayant relevé que durant près de quatre années consécutives, et quel que soit le motif du contrat de mission le salarié avait occupé le même emploi de manutentionnaire ou d'agent de propreté, ce dont il résultait que l'emploi qu'il occupait était lié durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise, la cour d'appel a par ce seul motif légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal de l'entreprise de travail temporaire :
Vu l'article L. 1251-41 du code du travail ;
Attendu que la cour d'appel a condamné la société Adia, entreprise de travail temporaire, au paiement d'une indemnité de requalification ;
Attendu, cependant, qu'il résulte de l'article L. 1251-41 du code du travail qu'en cas de requalification d'un contrat de mission en contrat à durée indéterminée, le juge doit accorder au salarié, à la charge de l'utilisateur, une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ; qu'il en résulte que le salarié ne peut prétendre au paiement, par l'entreprise de travail temporaire, d'une indemnité de requalification ;
Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Adia à payer à M. X... une somme à titre d'indemnité de requalification, l'arrêt rendu le 14 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute M. X... de sa demande en paiement de l'indemnité de requalification à l'encontre de la société Adia ;
Condamne la société TFN propreté Nord et Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Adia ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Adia
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la demande de requalification à compter de décembre 2001 n'était pas prescrite, d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait mis hors de cause la société ADIA et d'avoir condamné solidairement la société TFN PROPRETE NORD ET EST et la société ADIA à payer à monsieur X... diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, de préavis, congés payés et d'indemnité ainsi qu'à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou une indemnité au profit de maître Y... que Monsieur X... était fondé à mettre en cause la société ADIA,
AUX MOTIFS QUE « Sur la prescription : Monsieur X... a saisi, le 15 septembre 2008, la juridiction prud'homale et sollicite la requalification de la relation contractuelle depuis décembre 2001 ; cette action était soumise à la prescription trentenaire avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; les dispositions de cette loi s'appliquent aux situations en cours à compter du jour de son entrée en vigueur, le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; la demande de requalification à compter de décembre 2001 n'est donc pas prescrite ; sur la mise en cause de la société ADIA : Monsieur X... invoque notamment l'absence de signature de certains contrats : s'agissant des contrats de mission datés des 14 janvier, 20 août et 23 août 2002, la société se borne à opposer la prescription alors que celle-ci a été écartée par la Cour ; s'agissant des contrats des 5 et 19 septembre 2005, il ne peut être retenu que le salarié a refusé délibérément de les signer alors qu'il a signé les avenants et que la société avait toute possibilité de le lui demander ; Monsieur X... est donc fondé à mettre en cause la société ADIA » ;
1) ALORS QUE la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile s'applique immédiatement aux prescriptions en cours, dès lors que l'instance a été introduite postérieurement à son entrée en vigueur, soit le 19 juin 2008 ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que Monsieur X... avait saisi la juridiction prud'homale le septembre 2008 et sollicitait la requalification de la relation contractuelle depuis décembre 2001 ; qu'en décidant que la demande de requalification à compter de décembre 2001 n'était pas prescrite, quand il s'évinçait de ses constatations que l'action du salarié n'était recevable que pour les contrats conclus à partir du 15 septembre 2003, la Cour d'appel a violé les articles 2224 et 2244 du Code civil, ainsi que l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 ;
2) ALORS QUE le salarié doit exécuter son contrat de travail de bonne foi ; qu'un travailleur temporaire, qui a délibérément refusé de signer les contrats de missions qui lui ont été régulièrement transmis par l'entreprise de travail temporaire, peu important qu'il ait par ailleurs signé les avenants ou que la société de travail temporaire pouvait lui demander de signer les contrats, ne peut demander la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ; qu'en se fondant, pour dire qu'il ne pouvait être retenu que le salarié aurait refusé délibérément de signer les contrats de mission en date des 5 et 19 septembre 2005, sur le prétexte inopérant que ce dernier avait signé les avenants et que la société avait toute possibilité de le lui demander, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1 du Code du travail, 1134 du Code civil, et le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;
3) ALORS, en tout état de cause, QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions reprises verbalement à l'audience, la société de travail temporaire soutenait que la signature, par le travailleur intérimaire, de nombreux contrats de missions postérieurement aux derniers contrats non signés datant de 2005 emportait novation de la relation contractuelle et interdisait à Monsieur X... de se prévaloir des dispositions éventuellement irrégulières des contrats de mission précédents ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant tiré de la novation de la relation contractuelle, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire) :Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la demande de requalification à compter de décembre 2001 n'était pas prescrite, d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait mis hors de cause la société ADIA et d'avoir condamné solidairement la société TFN PROPRETE NORD ET EST et la société ADIA à payer à monsieur X... diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, de préavis, congés payés et d'indemnité ainsi qu'à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou une indemnité au profit de maître Y... que Monsieur X... était fondé à mettre en cause la société ADIA,
AUX MOTIFS QUE « sur la mise en cause de la société ADIA. Monsieur X... invoque notamment l'absence de signature de certains contrats :
- s'agissant des contrats de mission datés des 14 janvier, 20 août et 23 août 2002, la société se borne à opposer la prescription alors que celle-ci a été écartée par la cour ;
- s'agissant des contrats des 5 et 19 septembre 2005, il ne peut être retenu que le salarié a refusé délibérément de les signer alors qu'il a signé les avenants et que la société avait toute possibilité de le lui demander.
Monsieur X... est donc fondé à mettre en cause la société ADIA.
Sur la mise en cause de la société TFN PROPRETE NORD ET EST Il a été conclu avec M. X... 99 contrats de mission entre décembre 2001 et décembre 2005 pour des motifs de remplacement de salarié absent ou d'accroissement temporaire d'activité. La société ne justifie de la réalité d'aucun de ces motifs. En outre, le salarié a été employé en qualité de manutentionnaire, ASP niveau I, coefficient 170, ou d'agent de propreté niveau I, coefficient 170, affecté au même site Renault, avec des tâches similaires de ramassage de cartons, coupage de cartons à l'aide d'un cuteur pour les plier afin de les mettre dans une benne, tri de déchets, nettoyage d'emballages, cerclage de palettes, remplissage de compacteur …, correspondant à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
En dépit de l'apparente autonomie des contrats entre eux et de l'alternance des motifs de recours, la multiplicité de ces contrats et leur succession, même interrompue, démontre que Monsieur X... a été utilisé au gré des besoins non pas ponctuels mais permanents de l'entreprise.
La méconnaissance des dispositions de l'article L. 1251-5 du code du travail justifie la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, à compter de décembre 2001.
La rupture du contrat valant licenciement sans cause réelle et sérieuse, puisque non motivée, est intervenue le 2 décembre 2005.
La moyenne des salaires a été justement appréciée par le conseil de prud'hommes à 1.663.90 euros. Le jugement sera confirmé sur le montant des indemnités de requalification, de préavis et congés payés afférents mais réformé sur le montant de l'indemnité de licenciement s'élevant à 659.90 euros et non 650.90 euros et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui sera réduit à 10.000 euros compte tenu de l'ancienneté relative du salarié et des circonstances de la cause.
Il est équitable d'allouer à M. X... une somme de 1.000 euros en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu des manquements de la société ADIA à ses obligations contractuelles, celle-ci sera condamnée solidairement avec la société utilisatrice ».
ALORS QU'un salarié ne peut pas prétendre à la condamnation de l'entreprise de travail temporaire au paiement d'une indemnité de requalification ; qu'en condamnant solidairement la société ADIA, entreprise de travail temporaire, et la société TFN PROPRETE NORD ET EST, entreprise utilisatrice, au paiement d'une indemnité de requalification, la Cour d'appel a violé l'article L.1251-41 du Code du travail ;
Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société TFN propreté Nord et Est
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié la relation de travail établie entre Monsieur Z...
X... et la Société RENOSOL NORD ET EST, devenue la Société TFN PROPRETE NORD ET EST, entreprise utilisatrice, en un contrat de travail à durée indéterminée, d'AVOIR dit que la Société RENOSOL NORD ET EST, devenue la Société TFN PROPRETE NORD ET EST, était bien l'employeur de ce dernier et d'AVOIR, en conséquence, condamné la Société TFN PROPRETE, solidairement avec la Société ADIA, à payer à Monsieur X... diverses sommes au titre d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre du préavis, au titre des congés payés afférents à ce préavis, d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité de requalification ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. X... a saisi, le 15 septembre 2008, la juridiction prud'homale et sollicite la requalification de la relation contractuelle depuis décembre 2001 ; que cette action était soumise à la prescription trentenaire avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; que les dispositions de cette loi s'appliquent aux situations en cours à compter du jour de son entrée en vigueur, le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « QU'il a été conclu avec M. X... 99 contrats de mission entre décembre 2001 et décembre 2005 pour des motifs de remplacement de salariés absents ou d'accroissement temporaire d'activité ; que la société ne justifie de la réalité d'aucun de ces motifs ; qu'en outre, le salarié a été employé en qualité de manutentionnaire, ASP niveau I, coefficient 170, ou d'agent de propreté niveau I, coefficient 170, affecté au même site Renault, avec des tâches similaires de ramassage de cartons, coupage de cartons à l'aide d'un cutter pour les plier afin de les mettre dans une benne, tri de déchets , nettoyage d'emballages, cerclage de palettes, remplissage de compacteur… , correspondant à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'en dépit de l'apparente autonomie des contrats entre eux et de l'alternance des motifs de recours, la multiplicité de ces contrats et leur succession, même interrompue, démontre que M. X... a été utilisé au gré des besoins, non pas ponctuels, mais permanents de l'entreprise ; que la méconnaissance des dispositions de l'article L.1251-5 du Code du travail justifie la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, à compter de décembre 2001 ; que la rupture du contrat valant licenciement sans cause réelle et sérieuse, puisque non motivée, est intervenue le 2 décembre 2005 ; que la moyenne des salaires a été justement appréciée par le Conseil de prud'hommes à 1.663,90 € ; que le jugement sera confirmé sur le montant des indemnités de requalification, de préavis et congés payés afférents, mais réformé sur le montant de l'indemnité de licenciement s'élevant à 659,90 € et non 650,90 € et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui sera réduit à 10.000 €, compte tenu de l'ancienneté relative du salarié et des circonstances de la cause ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article L.1251-1 du Code du travail, « le contrat de mission, quel que soit le motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice » ; que M. Z...
X... a toujours travaillé sur le site de Renault ; que M. Z...
X... a bénéficié de quelques contrats ; qu'à la lecture des motifs de ces contrats, on note : 4 janvier 2004 : motif lié au parc OA, 17 janvier au 24 janvier : motif lié à la zone de tri, 20 décembre 2004 : lié au parc OA, les contrats 6 juin ,10 juin,20 juin, 24 juin, 3 juin : liés à la zone D ; que M. Z...
X... a « exercé pendant ces périodes des prestations similaires : ramassage des cartons sur le site Renault, ramassage et coupage des cartons à l'aide d'un cutter pour les plier afin de les mettre dans une benne outils… ; que la similitude des tâches pendant ces très longes périodes ne permet pas de considérer que ces missions ont été régularisées pour faire face à une augmentation temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise RENOSOL NORD ET EST ; que de ce fait, il y a lieu de requalifier les contrats en un contrat de travail à durée indéterminée ».
ALORS, DE PREMIERE PART, QU' en vertu de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; qu'il résulte de ce texte que le contrat de mission peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir à des besoins permanents de l'entreprise utilisatrice, pour autant que cela ne soit pas de façon durable ; que pour prononcer la requalification de la relation de travail entre la Société TFN PROPRETE NORD ET EST, la cour d'appel s'est contentée de relever que les tâches occupées par Monsieur X... à l'occasion de ses différents contrats de mission étaient similaires et correspondaient à l'activité normale et permanente de l'entreprise, que la succession des contrats, même interrompue, démontrait que Monsieur X... avait été utilisé au gré de besoins non pas ponctuels mais permanents de l'entreprise et par motifs adoptés, que Monsieur X... avait exercé des tâches similaires pendant de très longues périodes ; qu'en statuant de la sorte, sans établir concrètement que la Société TFN PROPRETE NORD ET EST avait eu durablement recours au travail temporaire afin de pourvoir à des besoins permanents, quand cette dernière soulignait dans ses écritures qu'elle avait, entre chaque contrat de mission, respecté les délais de carence et que les différents contrats de mission avaient été entrecoupés de longues périodes sans aucune mission, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1251-5 du code du travail ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE pour prononcer la requalification de la relation de travail entre la Société TFN PROPRETE NORD ET EST et Monsieur X..., la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la société ne justifiait de la réalité d'aucun des motifs de remplacement de salarié absent ou d'accroissement temporaire d'activité ; qu'en statuant de la sorte, sans établir aucunement en quoi les motifs de recours au travail temporaire n'étaient pas justifiés, quand la Société TFN PROPRETE NORD ET EST rappelait que les contrats d'intérim conclus avec la Société ADIA indiquaient tous, soit les différents motifs d'accroissement temporaires d'activité, soit, pour les contrats de remplacement, l'identité du salarié remplacé et la raison de l'absence de ce salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1251-6 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, ET SUBSIDIAIREMENT, QUE la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile s'applique immédiatement aux prescriptions en cours, dès lors que l'instance a été introduite postérieurement à son entrée en vigueur, soit le 19 juin 2008 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Monsieur X... avait saisi la juridiction prud'homale le 15 septembre 2008 et sollicitait la requalification de la relation contractuelle depuis décembre 2001 ; qu'en décidant que la demande de requalification à compter de décembre 2001 n'était pas prescrite, cependant que l'action du salarié n'était recevable que pour les contrats conclus à partir du 15 septembre 2003, la cour d'appel a violé les articles 2224 et 2244 du Code civil, ainsi que l'article 26 de la loi du 17 juin 2008.