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12/06/2012 | FRANCE | N°11-12513

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 juin 2012, 11-12513


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 2010), que Patricia X..., qui avait reçu, aux termes d'un acte de partage du 26 juin 1998, 42 014 actions émises par la société Louis Vuitton Moët Hennessy (LVMH) a, le 7 août 1998, ouvert un compte-titres auprès de la banque Neuflize Schlumberger, devenue Neuflize OBC (la banque), et y a fait inscrire ces actions ; que, sur l'ordre de Patricia X..., celles-ci ont été vendues les 23 septembre 1998, 4 et 5 janvier 1999 ; qu'après s

on décès, survenu le 30 juin 2004, M. X..., son conjoint survivant, f...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 2010), que Patricia X..., qui avait reçu, aux termes d'un acte de partage du 26 juin 1998, 42 014 actions émises par la société Louis Vuitton Moët Hennessy (LVMH) a, le 7 août 1998, ouvert un compte-titres auprès de la banque Neuflize Schlumberger, devenue Neuflize OBC (la banque), et y a fait inscrire ces actions ; que, sur l'ordre de Patricia X..., celles-ci ont été vendues les 23 septembre 1998, 4 et 5 janvier 1999 ; qu'après son décès, survenu le 30 juin 2004, M. X..., son conjoint survivant, faisant notamment valoir que la banque avait manqué à son obligation d'information et de conseil quant aux risques financiers encourus, l'a fait assigner en paiement d'une indemnité correspondant à l'écart entre le cours des titres lors de l'ouverture du compte et celui constaté lors des ventes ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que la banque, professionnelle de la finance, qui a ouvert deux mois auparavant un compte de titres à un nouveau client, ne peut se borner à exécuter les ordres de vente massive et à perte de ce dernier, entraînant une moins-value de 1.293.920,45 euros, sans attirer préalablement son attention sur la circonstance que le cours de l'action dont la vente massive était demandée était alors au plus bas et sur l'importance de la perte dès lors encourue ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ que si la réception sans protestation ni réserve des avis d'opéré et des relevés de compte fait présumer l'existence et l'exécution des opérations qu'ils indiquent, elle n'empêche pas le client, pendant le délai convenu ou, à défaut, pendant le délai de prescription, de reprocher à leur auteur un manquement à son obligation d'information et de conseil lors de l'exécution de ces opérations ; qu'en se fondant, pour écarter la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation d'information et de conseil relative aux ordres litigieux, sur la circonstance que Mme X... avait été rendue destinataire de l'ensemble des avis d'opéré et des relevés de compte relatifs aux opérations contestées, intervenues entre le 23 septembre 1998 et le 5 janvier 1999, lesquels faisaient clairement apparaître la vente des titres en cause, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'un acte manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'elle ne peut se déduire de la seule inaction ou du silence de son titulaire ; que le silence et l'inaction de M. et Mme X... après la réception des relevés annuels adressés à l'épouse par la banque aux fins de rédaction de la déclaration de revenus, faisant apparaître les pertes subies en 1998 et 1999 pour un montant respectif de 6.535.655 francs pour l'année 1998 et 1.820.127 francs pour l'année 1999, n'était pas de nature à caractériser leur renonciation à demander la réparation du préjudice résultant de la faute de cette banque à l'origine de la perte subie ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ qu'il appartient à la banque qui s'est abstenue d'exécuter son obligation d'information et de conseil de démontrer que son client était un opérateur averti et avait passé les ordres de vente en connaissance de cause du cours particulièrement bas des actions dont la vente était demandée et de l'importance de la perte encourue ; qu'en se bornant à affirmer que Mme X... n'était pas profane dans le domaine financier, sans qu'il résulte de ses constatations qu'elle était un opérateur averti et avait effectivement une connaissance précise du cours des actions dont elle avait sollicité la vente et de l'importance de la perte qui allait en résulter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
5°/ que les compétences du client doivent être appréciées à la date de l'ouverture du compte ou au plus tard à la date de l'ordre de vente litigieux, de sorte qu'en se déterminant sur le fondement du comportement postérieur de Mme X... qui, une fois la perte subie, a employé une partie du prix de la vente au profit de ses enfants et procédé à la déduction fiscale de la moins-value, conséquence nécessaire des pertes subies, sans caractériser les compétences particulières de Mme X... au plus tard à la date des ventes litigieuses, ni sa volonté délibérée à ce moment de réaliser une importante moins-value, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
6°/ qu' en statuant comme elle l'a fait après avoir constaté que Mme X... avait hérité des actions LVMH dans la succession de son père, qu'elle avait été contrainte d'ouvrir un compte titres pour y déposer ces actions, ce dont il résulte qu'elle ne disposait d'aucun compte titres auparavant, et qu'elle avait cédé ces titres deux mois seulement après l'ouverture de ce compte, ce dont il résulte qu'elle n'était pas une habituée de la gestion d'un portefeuille de titres et ne pouvait avoir de compétence en la matière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1147 du code civil, qu'elle a ainsi violé ;
Mais attendu, en premier lieu, que, sauf convention contraire, le prestataire de services d'investissement qui tient un compte-titres n'est pas tenu, en l'absence d'opérations spéculatives, de mettre en garde son client contre les risques de pertes inhérents à l'évolution du cours des titres financiers objets des ordres de vente dont ce dernier prend l'initiative ;
Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel, qui ne s'est référée à la circonstance visée par la deuxième branche qu'à titre d'élément de preuve de la volonté de Patricia X... de vendre ses actions LVMH, même à perte, n'a pas dit que M. X... avait renoncé à son droit de demander réparation du préjudice résultant, selon lui, de la faute imputée à la banque ;
Et attendu, enfin, que dès lors que la banque n'était pas tenue de l'obligation invoquée à l'appui de la demande, il importait peu que Patricia X... n'ait pas eu la qualité d'opérateur averti ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ses trois dernières branches, qui critiquent un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Jean-Pierre X... de l'ensemble de ses demandes contre la banque Neuflize OBC ;
AUX MOTIFS QU'il est constant qu'il n'y a pas d'ordre écrit de Mme X... demandant à la banque Neuflize de procéder à la vente des actions de LVMH ; que cependant, l'absence d'ordre écrit n'exclut pas que la banque ait agi en qualité de mandataire de son client donneur d'ordre ; qu'en vertu de l'article 1985 du code civil, le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous seing privé mais aussi par lettre ou verbalement ; qu'il est établi et non contesté que Mme X... a été rendue destinataire de l'ensemble des avis d'opéré et des relevés de compte relatifs aux opérations contestées intervenues entre le 23 septembre 1998 et le 5 janvier 1999, lesquels font clairement apparaître la vente des titres en cause et sont le moyen par lequel la banque rend compte à son client de chacune des opérations effectuées sur son compte en lui rappelant que, sauf observation de sa part dans le délai d'un mois à compter de l'expédition du relevé, l'opération serait considérée approuvée ; qu'il est établi que les opérations réalisées n'ont fait l'objet d'aucune contestation de la part de Mme X..., et ce jusqu'à son décès intervenu plus de 6 ans après la réalisation des cessions d'actions LVMH ; que les relevés annuels adressés par la banque Neuflize aux fins de rédaction de sa déclaration d'impôts versés aux débats font clairement apparaître les pertes subies en 1998 et 1999 pour un montant respectif de 6.535.655 francs pour l'année 1998 et 1.820.127 francs pour l'année 1999 et n'ont également suscité aucune réaction de la part de Mme X... ; qu'il ressort par ailleurs d'un courrier de la banque Neuflize en date du 30 décembre 1998, versé aux débats par l'intimé, ayant pour objet «ordre de vente de 11.900 actions LVMH limité à 1 150 francs sur le compte ordinaire et ordre de vente de 11 976 actions LVMH limité à 1.195 francs sur le compte ordinaire», que la banque a confirmé à Mme X... les ordres de vente à intervenir le 4 janvier 1999 des actions LVMH restantes ; qu'il est également établi que les fruits de la cession ont été immédiatement remployés par Mme X... pour souscrire un contrat d'assurance vie au profit de ses enfants et effectuer des donations à leur profit sous forme de liquidités, laissant présumer que la réalisation de ces cessions résultait de la volonté expresse de leur propriétaire dans un souci de transmission patrimoniale intégrant la fiscalité applicable justifiant le choix d'une vente à perte des actions en cause ; qu'ainsi, l'ensemble de ces éléments constitue des présomptions graves, précises et concordantes prouvant que la volonté de Mme X... a été de vendre ses actions LVMH, même à perte, et qu'elle en a donné l'ordre à la banque Neuflize, qui l'a exécuté ; que, tant aux regard des avantages fiscaux non négligeables conférés par de tels remplois que de la volonté de Mme X... de transmettre son patrimoine à ses enfants, comme en attestent les donations intervenues ultérieurement et consécutivement aux ventes réalisées, M. X... ne saurait valablement prétendre que celles-ci ont été uniquement réalisées en raison des liquidités rendues disponibles par les cessions d'actions réalisées par la banque sans que celles-ci aient pour origine un ordre de Mme X..., ni que son épouse est restée dans l'ignorance de la vente de ses actions jusqu'à son décès et qu'elle n'en est pas le donneur d'ordre ; que M. X... est également particulièrement mal fondé pour justifier son action, intervenant plus de huit ans après les transactions litigieuses, à soutenir qu'il est lui-même resté dans l'ignorance de ces transactions jusqu'au décès de son épouse, alors même qu'il établissait avec elle les déclarations fiscales communes sur lesquelles figuraient les moins-values des opérations contestées, étant mariés sous le régime de la communauté de biens, de sorte qu'il avait nécessairement connaissance des actifs communs de leur patrimoine ; qu'ainsi M. X... est mal fondé en son appel, en l'absence de faute de la banque qui a exécuté les ordres de sa cliente, qui savait précisément ce qu'elle voulait faire pour transmettre des espèces et des valeurs à ses enfants avant son décès, compte tenu du régime matrimonial des époux adopté le 9 avril 1996, tout en défiscalisant par le biais de vente de titres à perte, ce qui exclut qu'elle puisse être considérée comme profane dans le domaine financier ;
1°/ ALORS QUE la banque, professionnelle de la finance, qui a ouvert deux mois auparavant un compte de titres à un nouveau client, ne peut se borner à exécuter les ordres de vente massive et à perte de ce dernier, entraînant une moins-value de 1.293.920,45 €, sans attirer préalablement son attention sur la circonstance que le cours de l'action dont la vente massive était demandée était alors au plus bas et sur l'importance de la perte dès lors encourue ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ ALORS QUE si la réception sans protestation ni réserve des avis d'opéré et des relevés de compte fait présumer l'existence et l'exécution des opérations qu'ils indiquent, elle n'empêche pas le client, pendant le délai convenu ou, à défaut, pendant le délai de prescription, de reprocher à leur auteur un manquement à son obligation d'information et de conseil lors de l'exécution de ces opérations ; qu'en se fondant, pour écarter la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation d'information et de conseil relative aux ordres litigieux, sur la circonstance que Mme X... avait été rendue destinataire de l'ensemble des avis d'opéré et des relevés de compte relatifs aux opérations contestées, intervenues entre le 23 septembre 1998 et le 5 janvier 1999, lesquels faisaient clairement apparaître la vente des titres en cause, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ ALORS QUE la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'un acte manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'elle ne peut se déduire de la seule inaction ou du silence de son titulaire ; que le silence et l'inaction de M. et Mme X... après la réception des relevés annuels adressés à l'épouse par la banque aux fins de rédaction de la déclaration de revenus, faisant apparaître les pertes subies en 1998 et 1999 pour un montant respectif de 6.535.655 francs pour l'année 1998 et 1 820 127 francs pour l'année 1999, n'était pas de nature à caractériser leur renonciation à demander la réparation du préjudice résultant de la faute de cette banque à l'origine de la perte subie ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ ALORS QU'il appartient à la banque qui s'est abstenue d'exécuter son obligation d'information et de conseil de démontrer que son client était un opérateur averti et avait passé les ordres de vente en connaissance de cause du cours particulièrement bas des actions dont la vente était demandée et de l'importance de la perte encourue ; qu'en se bornant à affirmer que Mme X... n'était pas profane dans le domaine financier, sans qu'il résulte de ses constatations qu'elle était un opérateur averti et avait effectivement une connaissance précise du cours des actions dont elle avait sollicité la vente et de l'importance de la perte qui allait en résulter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
5°/ ALORS QUE les compétences du client doivent être appréciées à la date de l'ouverture du compte ou au plus tard à la date de l'ordre de vente litigieux ; qu'en se déterminant sur le fondement du comportement postérieur de Mme X... qui, une fois la perte subie, a employé une partie du prix de la vente au profit de ses enfants et procédé à la déduction fiscale de la moins-value, conséquence nécessaire des pertes subies, sans caractériser les compétences particulières de Mme X... au plus tard à la date des ventes litigieuses, ni sa volonté délibérée à ce moment de réaliser une importante moins-value, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
6°/ ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait après avoir constaté que Mme X... avait hérité des actions LVMH dans la succession de son père, qu'elle avait été contrainte d'ouvrir un compte titres pour y déposer ces actions, ce dont il résulte qu'elle ne disposait d'aucun compte titres auparavant, et qu'elle avait cédé ces titres deux mois seulement après l'ouverture de ce compte, ce dont il résulte qu'elle n'était pas une habituée de la gestion d'un portefeuille de titres et ne pouvait avoir de compétence en la matière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1147 du code civil, qu'elle a ainsi violé.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-12513
Date de la décision : 12/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BOURSE - Prestataire de services d'investissement - Teneur de comptes-titres - Obligation de mettre en garde - Domaine d'application - Définition

Sauf convention contraire, le prestataire de services d'investissement qui tient un compte-titres n'est pas tenu, en l'absence d'opérations spéculatives, de mettre en garde son client contre les risques de pertes inhérents à l'évolution du cours des titres financiers objets des ordres de vente dont ce dernier prend l'initiative


Références :

article 1147 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 jui. 2012, pourvoi n°11-12513, Bull. civ. 2012, IV, n° 116
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 116

Composition du Tribunal
Président : M. Petit (conseiller doyen faisant fonction de président)
Rapporteur ?: M. Le Dauphin
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.12513
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