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06/06/2012 | FRANCE | N°11-13911

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 juin 2012, 11-13911


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, tel qu'il est reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 janvier 2011), que prétendant que la durée excessive des instances en liquidation et partage des successions respectives de ses grands-parents paternels et de ses grands-parents maternels caractérisait un fonctionnement défectueux du service de la justice, M. X... a assigné l'Etat en réparation du préjudice qu'il prétendait avoir ainsi subi ;
Attendu que M. X... fait grie

f à l'arrêt de rejeter sa demande ;
Attendu qu'après avoir constaté que...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, tel qu'il est reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 janvier 2011), que prétendant que la durée excessive des instances en liquidation et partage des successions respectives de ses grands-parents paternels et de ses grands-parents maternels caractérisait un fonctionnement défectueux du service de la justice, M. X... a assigné l'Etat en réparation du préjudice qu'il prétendait avoir ainsi subi ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande ;
Attendu qu'après avoir constaté que l'exposé chronologique, comme le contenu, des diverses décisions intervenues au cours de ces instances attestaient de relations très conflictuelles entre les nombreux héritiers, la cour d'appel, qui n'était pas tenu de suivre l'intéressé dans le détail de son argumentation, a retenu, sans inverser la charge de la preuve, que celui-ci, qui invoquait des dépassements de délais imputables à chaque expert judiciaire, sans établir une carence du juge chargé du contrôle des expertises, ne fournissait aucun élément propre à caractériser des anomalies directement imputables aux juridictions saisies de ces litiges; qu'elle a ainsi, sans encourir aucun des griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande de condamnation de l'Etat, pour dysfonctionnements dans le service de la justice, à la somme de 500.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Aux motifs que, « il y a lieu de mettre hors de cause le Ministère Public, M. X... ayant également dirigé son action en responsabilité contre le procureur général près la cour d'appel de Paris, lequel ne saurait être considéré comme étant partie à titre personnel, seule la responsabilité de l'Etat pouvant être éventuellement engagée ;
Considérant que si l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice, sa responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou un déni de justice, lequel s'entend notamment de tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridique de l'individu de nature à priver le justiciable du droit de voir statuer sur ses demandes dans un délai raisonnable ; qu'en particulier il convient d'approuver les premiers juges en ce qu'ils ont rappelé que des délais de procédure, même objectivement très longs, ce qui est le cas en l'espèce, ne sauraient suffire à engager la responsabilité de l'Etat dès lors qu'il convient de démontrer que la durée de la procédure est imputable au seul service public ; que l'existence du dysfonctionnement ne peut donc s'apprécier qu'au regard des circonstances propres à chaque affaire, en tenant compte en particulier de sa nature, de son degré de complexité, du comportement des parties et des mesures mises en oeuvre par les autorités compétentes ;
Considérant que si l'appelant a produit aux débats diverses pièces, il est constant qu'il n'a pas été en mesure de fournir toutes les pièces permettant de retracer toutes les étapes des procédures, étant souligné à cet égard, comme observé très pertinemment par les premiers juges qui seront approuvés sur ce point, qu'en particulier il existe une absence totale de production de pièces pour de longues périodes notamment avant 1977, puis entre 1977 et 1984 et entre 1984 et 1990 pour la branche paternelle, ce qui exclut d'imputer la responsabilité de tous ces délais à l'institution judiciaire ; qu'il est par ailleurs établi, contrairement aux affirmations de M. X..., apparaissant certes comme l'un des héritiers les plus diligents, ce dont atteste notamment le fait qu'il ait en 1996 assumé seul le coût d'un expertise dont les frais auraient dû être partagés entre les co-héritiers, ainsi que la correspondance qu'il a échangée essentiellement en 1991, 1992, 2004 et 2005 avec le procureur général et le premier président de la cour d'appel de Bastia, fustigeant les procédés utilisés en Corse et les pratiques qui y ont cours, que la carence des parties à agir à certaines époques est démontrée de manière certaine et concerne aussi l'appelant ; qu'en effet l'instance a été radiée du 10 octobre 1991 au 31 janvier 1994 faute de diligences des parties dans la branche maternelle ;
Considérant également que M. X... a admis que l'attitude de ses cohéritiers, hostiles à la licitation afin de continuer à occuper privativement des biens indivis, avait consisté à multiplier les incidents et les recours, dont il reconnaît lui-même qu'ils ont ce faisant usé voire abusé des voies de recours pour retarder l'exécution des décisions de justice ;
Considérant que la cour dispose des éléments chronologiques suivants quant aux décisions judiciaires intervenues entre les dates d'ouvertures des successions dont s'agit et l'introduction de la présente procédure par M. X... ; qu'il convient de relever que le tribunal de grande instance de Bastia a été saisi de deux procédures de partage judiciaire, par les héritiers de M. Pierre-Mathieu Z..., décédé en 1914 et de son épouse décédée en 1951 ainsi que de leur fille Herminie, décédée en 1973 et par les héritiers de M. Pierre-François X... et son épouse, décédés respectivement en 1953 et 1962, qui étaient les grands parents des enfants d'Herminie Z... dans la branche paternelle ;
Considérant que dans la branche paternelle, 7 cohéritiers sur 16, par assignation du 8 juin 1971, ont sollicité le partage de la succession ; que l'expert A... désigné par jugement du 2 Juin 1977, dont seules les deux premières pages sont produites, ce qui ne permet pas d'en connaître la teneur et la longueur, a été remplacé par M. B... par une ordonnance du 4 mai 1984, lequel a rendu son rapport le 22 janvier 1990 dans lequel il préconisait une licitation de la succession au lieu d'un partage en nature ; que le 8 octobre 1992, le tribunal de grande instance de Bastia, constatant dans ses motifs la clarification effectuée quant à la contenance d'une succession complexe par l'examen des multiples pièces versées aux débats durant tant d'années, écartant la possibilité d'un partage en nature, rejetant la demande nouvelle d'expertise, a homologué le partage proposé et prononcé la licitation de la succession, décision confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Bastia en date du 27 mars 1995, relevant la consistance de la succession et l'absence de proposition sérieuse de partage en nature et par un arrêt de la cour de cassation en date du 10 février 1998 ; que par jugement du 13 avril 2000, le cahier des charges déposé par M. Pierre-Mathieu X... a été annulé et que les parties ont été renvoyées devant le notaire chargé de la liquidation de la succession ;
Considérant que dans la branche maternelle, les cohéritiers ont sollicité le partage le 24 septembre 1986 ; que l'expert, M. C..., désigné par une ordonnance du 8 décembre 1987, a rendu son rapport le 30 décembre 1988 ; que le 10 octobre 1991, la procédure a été radiée du rôle et qu'elle a été réinscrite le 22 juillet 1994, à l'initiative de M. Pierre-Mathieu X... ; que l'expert, M. C... a été chargé par jugement du 22 Juillet 1994 d'éclaircir certains points de la succession dans un délai de 4 mois et qu'il a déposé un nouveau rapport le 1" Février 1996 ; que par un jugement du 13 février 1997, la licitation de la succession maternelle a été prononcée ;
Considérant que le 13 mai 2000, les procédures relatives au règlement des successions paternelle et maternelle ont été jointes, que le notaire désigné par le tribunal de grande instance de Bastia, M. D..., a soulevé le 28 juin 2002 des difficultés quant à l'exercice de sa mission pour rédiger les titres de propriété pour chacune des successions, dès lors que dans le cadre de la branche paternelle, il se heurtait à l'envoi en possession de deux testaments olographes et que dans le cadre de la branche maternelle, il se heurtait à la construction d'une maison sur un terrain indivis à l'insu des co-indivisaires ; qu'à la suite de l'échec d'une conciliation, le notaire a dressé un procès-verbal de difficultés le 9 janvier 2003 ; que le juge de la mise en état a ordonné le 14 novembre 2003 la disjonction des deux procédures, que par deux jugements en date du 10 mars 2005, le tribunal de grande instance de Bastia a tranché respectivement les litiges nés dans chacune des successions ; que dans la branche paternelle, il a ordonné l'exécution du testament et renvoyé les parties devant le notaire chargé de liquider la succession ; que dans la branche maternelle, il a décidé que la maison construite sur le terrain indivis appartenait à la masse successorale et a désigné un expert aux fins d'estimer la valeur de cette maison, fixant le dépôt du rapport au 30 septembre 2005 ; que la décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel du 28 juin 2006 et que l'expert a déposé son rapport en Juin 2006 ;
Considérant que la cour dispose encore du procès-verbal de difficultés dressé le 28 février 2008 par M. D..., notaire à Bastia, relatif à la branche paternelle et dont il résulte clairement que cet officier ministériel se heurte au fait qu'il doit reconstituer un titre de propriété et se heurte à l'opposition de l'un des héritiers à cette reconstitution, ce qui rend le travail du notaire impossible et par là-même ne permet pas la vente des biens ordonnée par le jugement du 8 octobre 1992 ; que cet élément atteste à lui seul de l'extrême complexité du litige, dès lors que non seulement il s'agit du règlement de la succession de deux couples laissant de nombreux héritiers, dont certains sont décédés en cours d'instance, règlement au surplus engagé fort longtemps après les dates de leurs décès sus-rappelées, et qui pose des problèmes juridiques aigus dès lors que certains titres de propriété sont manquants ;
Considérant que tant l'exposé chronologique que le contenu des décisions intervenues attestent de relations très conflictuelles entre de nombreux héritiers, le litige portant toujours notamment sur la question du partage en nature de la succession, la masse successorale comportant une maison de 14 pièces occupée par l'un des ayants droit et souhaitant continuer à y habiter ; qu'entre 1984 et 1990, comme relevé pertinemment par les premiers juges, M. X... ne fournit aucun élément permettant d'apprécier les circonstances du déroulement de l'expertise, le rapport permettant de constater que l'expert s'est rendu deux fois sur les lieux les 24 et 28 Octobre 1987, mais ne fournissant aucune précision sur le comportement des parties, les difficultés rencontrées et le travail effectué par le juge chargé du contrôle des expertises ; que le jugement de 1992 susvisé retient la qualité du travail fourni ; que s'agissant de la procédure en vue du partage de la succession de la branche maternelle, il a été constaté qu'entre 1991 et 1994, c'est la carence des parties qui a entraîné la radiation de l'affaire ; qu'entre 1997 et 2000, aucun élément n'est fourni sur l'évolution des dossiers ; que suite à la jonction des procédures en 2000, la complexité de l'affaire se renforce au regard des difficultés rencontrées par le notaire, lequel n'obtient aucune conciliation ; que la disjonction intervient en 2003 en vue de mieux résoudre les difficultés et que plusieurs décisions judiciaires interviennent, en 2003, 2004, 2005, donc dans un délai à chaque fois raisonnable ;
Considérant en conséquence, ainsi que l'ont estimé les premiers juges par de plus amples motifs que la cour adopte, que M. X... ne démontre à aucun moment, si l'on écarte les éventuels manquements de divers autres intervenants qui sont des collaborateurs du service public de la justice, dont l'Etat ne saurait être responsable, tels que les notaires et avocats, que le service de la justice stricto sensu se soit montré défaillant dans sa mission et qu'il ait subi un déni de justice ni au sens de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire ni à celui de l'article 6 de la Convention précitée ; que l'appelant invoque seulement les dépassements de délais imputables à chaque expert judiciaire, mais sans préciser à ce propos qu'il ait existé une carence du juge chargé du contrôle des expertises, dont rien n'établit qu'il ait été utilement saisi ; qu'il ne précise en revanche à aucun moment quelles anomalies seraient directement imputables aux juridictions en charge des procédures ; qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions » ;
Alors que, d'une part, l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice, en cas de faute lourde ou de déni de justice ; que le déni de justice s'entend notamment de tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu qui comprend le droit pour tout justiciable de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable ; qu'en l'espèce, certains cohéritiers de la branche paternelle ont demandé le partage judiciaire par assignation du 8 juin 1971, soit il y a plus de 39 ans, cependant que certains cohéritiers de la branche maternelle ont demandé le partage judiciaire par assignation du 24 septembre 1984, soit il y a plus de 26 ans ; que de tels délais caractérisent objectivement un déni de justice, en ce que la justice n'a pas prémuni Monsieur X... des manoeuvres dilatoires de ses cohéritiers et n'a manifestement pas fait diligence pour que les successions soient liquidées et partagées dans des délais raisonnables ; qu'en jugeant pourtant qu'aucun déni de justice n'était caractérisé, la Cour d'appel a violé les articles L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Alors que, d'autre part, il incombe à l'autorité judiciaire ayant ordonné une expertise de prouver qu'elle a fait preuve de diligence et de sérieux dans le contrôle de celle-ci ; qu'en retenant, pour considérer que le délai anormalement long de l'expertise ordonnée le 2 juin 1977 dans la branche paternelle, qui s'est achevée par le dépôt du rapport le 22 janvier 1990, soit 13 années plus tard, ne caractérise aucun déni de justice, que Monsieur X... ne donnait aucune précision sur les difficultés rencontrées et le travail effectué par le juge chargé du contrôle des expertises (arrêt, p. 5), la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 du code civil, ensemble les articles L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire et 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Alors que, de troisième part, Monsieur X... faisait régulièrement valoir dans ses écritures d'appel qu'en homologuant le rapport d'expertise déposé le 22 janvier 1990, par un jugement rendu le 8 octobre 1992, soit deux ans et demi plus tard, les juges s'étaient rendus coupables d'un déni de justice (conclusions, p. 7) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-13911
Date de la décision : 06/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 jui. 2012, pourvoi n°11-13911


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.13911
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