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06/06/2012 | FRANCE | N°11-11384

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 juin 2012, 11-11384


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 63-3 du code de procédure pénale et L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée et les pièces de la procédure, qu'au cours d'une enquête en flagrance ouverte pour des faits de viol, une personne disant se nommer M. Robertas X... a été interpellée et placée en garde à vue, le 23 novembre 2010 à 7h15 par les services de la gendarmerie ; qu'à la suite d'une demande de sa fami

lle, elle a fait l'objet, le même jour, d'un examen par un médecin en application d...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 63-3 du code de procédure pénale et L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée et les pièces de la procédure, qu'au cours d'une enquête en flagrance ouverte pour des faits de viol, une personne disant se nommer M. Robertas X... a été interpellée et placée en garde à vue, le 23 novembre 2010 à 7h15 par les services de la gendarmerie ; qu'à la suite d'une demande de sa famille, elle a fait l'objet, le même jour, d'un examen par un médecin en application de l'article 63-3 du code de procédure pénale ; que la mesure de garde à vue a été prolongée à compter du 24 novembre à 7h15 avant d'être levée le même jour à 15h ; qu'à la suite de vérifications des services enquêteurs, il s'est avéré que les documents d'identité lituaniens présentés par la personne gardée à vue au nom de M. X... étaient faux et qu'il se nommait M. Arman Y..., de nationalité arménienne et était en situation irrégulière sur le territoire français ; qu'une première procédure incidente a été ouverte pour détention et usage de faux documents administratifs et l'intéressé a fait l'objet d'un deuxième placement en garde à vue, à l'issue de la précédente mesure, le 24 novembre 2010, de 15h à 18h15 ; qu'une seconde procédure incidente a été ouverte pour entrée et séjour irréguliers d'un étranger en France et M. Y... a fait l'objet d'une troisième garde à vue, à l'issue de la deuxième mesure, le 24 novembre 2010 de 18h15 à 19h30, heure à laquelle la garde à vue a été levée et l'intéressé placé en rétention administrative ; que le même jour, le préfet d'Eure-et-Loir a pris deux arrêtés à l'encontre de M. Y..., le premier prononçant sa reconduite à la frontière et le deuxième décidant son placement en rétention administrative pour une durée de 48 heures ; que le juge des libertés et de la détention du tribunal de Versailles, par ordonnance du 26 novembre 2010, a accueilli l'exception de nullité, présentée par M. Y... et tirée du défaut de versement au dossier du certificat établi par le médecin pendant la première garde à vue, et a ordonné sa remise en liberté ;

Attendu que, pour confirmer la décision entreprise et prononcer la nullité de la procédure, l'ordonnance énonce que le certificat médical n'a pas été versé à la procédure en infraction à l'article 63-3, alinéa 3, du code de procédure pénale et que cette défaillance a privé le gardé à vue de la possibilité de prouver que son état de santé n'était, effectivement, pas compatible avec la mesure de contrainte et n'a pas permis au juge de vérifier cette compatibilité de sorte qu'elle a nécessairement porté atteinte à l'exercice des droits de la défense ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'irrégularité alléguée affectait une garde à vue qui ne précédait pas immédiatement la mesure de rétention litigieuse, le premier président a violé les textes susvisés ;

Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Et attendu que les délais légaux de rétention étant expirés, il ne reste plus rien à juger ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 29 novembre 2010, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour le préfet d'Eure-et-Loir.

Le moyen reproche à l'ordonnance confirmative attaquée d'avoir débouté le Préfet d'Eure-et-Loir de sa demande de prolongation du placement en rétention administrative de Monsieur Y...,

AUX MOTIFS QUE "le Préfet D'EURE et LOIR a présenté recours à l'encontre de l'ordonnance rendue le 26/ 11/10 par le juge des libertés et de la détention de VERSAILLES (n°61 6lniinute 10/630) par laquelle celuici a fait droit à une des exceptions de nullité soulevée en première instance par le mis en cause retenu, à savoir l'absence de certificat médical qui devait être joint à la procédure, suite à l'examen demandé par la famille de l'intéressé ; qu'en conséquence ce dernier a été remis en liberté ;

dans son recours le Préfet, outre qu'il argumente à l'égard des autres moyens de nullité soulevés par le retenu en première instance, ne conteste pas que ledit certificat n'a pas été joint effectivement à la procédure mais estime que la procédure est régulière dès lors que le mis en cause a pu exercer son droit d'être examiné par un médecin; qu'il sollicite l'infirmation de ladite ordonnance, sans autre demande ;

sur l'exception de nullité retenue par le premier juge, l'article 63-3 du code de procédure pénale dispose expressément en son alinéa 3 que "Le certificat médical par lequel il doit notamment se prononcer sur l'aptitude au maintien en garde à vue est versé au dossier" ;

en l'espèce, un membre de la famille a sollicité pour le gardé à vue la visite d'un médecin conformément aux dispositions précitées, le 23/11/10 à 10h30 que l'intéressé aurait été examiné par un médecin au Centre hospitalier de CHATEAUDUN, le même jour à partir de 11h50 compte tenu des contraintes du transport; que le procès verbal de synthèse de la gendarmerie énonce que le certificat médical a été joint à la procédure et qu'il indiquerait que l'état de santé de l'intéressé serait compatible avec sa détention ;

en réalité ledit certificat ne se retrouve pas dans la procédure soumise tant au juge de première instance que dans le dossier consultable par le conseil désigné par l'intéressé ;

le requérant lui-même reconnaît que ledit certificat médical n'est pas été versé à la procédure en infraction à l'article 63-3 3ème alinéa ;

sans méconnaître que les procès-verbaux ne valent qu'à tire de simples renseignements qui ne peuvent être combattus que par la preuve contraire, il convient de constater que cette défaillance procédurale a privé le gardé à vue de rapporter la preuve que son état de santé était effectivement compatible avec la mesure de contrainte, sinon de contester les résultat de l'examen ;

il résulte de ces constatations que les dispositions légales rappelées ci dessus, particulièrement exigeantes en matière de garde à vue, n'ont pas été satisfaites ;

en application de l'article 802 du code de procédure pénale, il convient d'examiner si la défaillance procédurale a pu porter atteinte aux intérêts supérieurs de l'individu ; s'agissant du droit au contrôle de sa santé à l'aune du maintien ou non de la mesure de garde à vue, le juge judiciaire est légitime à vérifier la concordance du contenu de la procédure avec ledit certificat en l'occurrence ;

il convient de constater que le premier juge n'a pas été en mesure de vérifier cette concordance ; qu'au surplus, au titre de l'exercice des droits de la défense à exercer un contrôle équivalent pour le compte du gardé à vue, le conseil de M. Y... n'a pas pu non plus assurer son auxiliariat judiciaire ;

en revanche l'intéressé a été maintenu en garde à vue jusqu'au 24/11/10, 19h30, soit postérieurement à l'examen médical qui a pu être effectué, sans que l'intéressé, son conseil et enfin le juge judiciaire aient pu constater de sa réalité sinon exercer un examen critique du compte-rendu médical ;

ainsi, l'absence du certificat médical, contrairement aux exigences claires et précises de la loi (article 63-3 3ème alinéa), a nécessairement et doublement porté atteinte aux garanties auxquelles le gardé à vue pouvait (en privant le juge de son contrôle, ainsi que son conseil) légitimement accéder ; le premier juge a exactement déclaré recevable et fondée l'exception de nullité présentée de ce chef, sans qu'il ait eu besoin d'examiner plus avant le procédure ;

Qu'à bon droit il en a tiré les conséquences en mettant fin sans délai à la mesure de rétention; qu'il échet de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions",

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE "Le Conseil de l'intéressé soulève l'irrégularité de la procédure aux motifs notamment de l'absence de certificat médical de M. Y... lors du placement en garde à vue de celui-ci, et son transport à l'hôpital ainsi qu'il résulte du procès verbal de gendarmerie.

Vu l'article 63-3 du Code de procédure pénale aux termes duquel toute personne placée en garde à vue peut à sa demande être examinée par un médecin… Un examen médical est de droit si un membre de la famille le demande… le médecin examine sans délai la personne gardée à vue. Le certificat par lequel il doit notamment se prononcer sur l'aptitude au maintien en garde à vue est versé au dossier.

En l'espèce, c'est à juste titre que l'avocat de M. Y... fait observer que le certificat médical n'est pas joint au dossier malgré la mention figurant au procès verbal.

Le juge des libertés et de la détention n'est dès lors pas en mesure de vérifier la compatibilité de la mesure de garde à vue prise avec l'état de santé de l'intéressé.

Sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens, il sera fait droit à celui-ci Sur le Fond Il appartient au juge des Libertés et de la détention ainsi saisi de statuer sur l'une des mesures suivantes :

La prolongation du maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire qui prendra fin au plus tard dans le délai de 15 jours à compter de l'expiration du délai de 48 heures ;

A titre exceptionnel, lorsque l'étranger dispose de garanties de représentation effectives, l'assignation à résidence après remise à un service de police ou de gendarmerie du passeport et de tout document d'identité en échange d'un récépissé portant mention de la mesure d'éloignement",

ALORS D'UNE PART QU'en retenant que l'absence du certificat médical avait nécessairement et doublement porté atteinte aux garanties auxquelles le gardé à vue pouvait légitimement accéder en privant le juge ainsi que le conseil de l'intéressé de leur contrôle, quand le certificat médical avait été joint à la procédure principale remise au Procureur de la république sous la responsabilité duquel la procédure de garde à vue avait été conduite, de sorte que la compatibilité de l'état de santé avec la garde à vue avait pu être vérifiée par ledit Procureur et n'avait pas à être nouveau vérifiée dans le cadre de la procédure incidente, le Conseiller du Premier Président de la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants et partant violé les articles 63-3 et 802 du Code de procédure pénale,

ET ALORS D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QU'en retenant l'exception de nullité soulevée par le retenu et prise d'une l'absence de production du certificat établi en suite de l'examen médical subi dans le cadre de la garde à vue de la procédure principale, quand celui-ci n'avait pas sollicité d'examen médical dans le cadre de la procédure incidente ouverte pour infraction à la législation sur le droit des étrangers, ce dont il résultait qu'il ne pouvait avoir été porté atteinte à ses intérêts, le Conseiller du Premier Président de la Cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 63-3 du Code de procédure pénale ensemble celles de l'article 802 du même Code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-11384
Date de la décision : 06/06/2012
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Ordonnance du premier président statuant en appel - Annulation de la procédure - Cause - Défaut de versement au dossier du certificat médical établi pendant une garde à vue précédente - Irrégularité affectant une garde à vue ne précédant pas immédiatement la mesure de rétention - Portée

Viole les articles 63-3 du code de procédure pénale et L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le premier président d'une cour d'appel, qui, pour annuler une procédure concernant une personne placée en rétention administrative à la suite de trois gardes à vue successives, énonce que le défaut de versement au dossier d'un certificat médical établi en application de l'article 63-3 du code de procédure pénale a privé l'intéressé de la possibilité de prouver que son état de santé n'était pas compatible avec la mesure de contrainte, n'a pas permis au juge de vérifier cette compatibilité et a nécessairement porté atteinte à l'exercice des droits de la défense, alors que l'irrégularité alléguée affectait la première garde à vue qui ne précédait pas immédiatement la mesure de rétention litigieuse


Références :

article 63-3 du code de procédure pénale

article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 29 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 jui. 2012, pourvoi n°11-11384, Bull. civ. 2012, I, n° 120
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, I, n° 120

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : Mme Petit (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Degorce
Avocat(s) : SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11384
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