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05/06/2012 | FRANCE | N°10-28514

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 juin 2012, 10-28514


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 6 § 1 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
Attendu, selon ce texte, que nonobstant l'article 2 § 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime

, notamment par des objectifs légitimes de politiques de l'emploi, du marché d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 6 § 1 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
Attendu, selon ce texte, que nonobstant l'article 2 § 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politiques de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui était entré au service de la SNCF en 1974 a reçu notification le 22 février 2007 de la décision de son employeur de le mettre d'office à la retraite le 8 juin suivant, au motif qu'il avait atteint l'âge de 55 ans et accompli plus de 25 ans de service dans l'entreprise, conditions posées par le statut du personnel ; qu'il a contesté cette décision devant la juridiction prud'homale, en demandant à être rétabli dans son emploi ;
Attendu que, pour le débouter de sa demande, la cour d'appel a retenu que la mise à la retraite était intervenue conformément aux dispositions du décret du 9 janvier 1954 régissant les agents, que les dispositions relatives à la rupture du contrat de travail des salariés dont le contrat est suspendu à la suite d'un accident du travail ne s'appliquent pas aux agents de la SNCF, et que l'intéressé remplissait les conditions nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein ;
Qu'en statuant ainsi, sans qu'il résulte de ses constatations que, pour la catégorie d'emploi dont relevait le salarié, la différence de traitement fondée sur l'âge était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens mis en oeuvre pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires, la cour d'appel, qui devait appliquer la directive communautaire consacrant un principe général du droit de l'Union, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes fondées sur la rupture de son contrat de travail, l'arrêt rendu le 20 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la sociéte SNCF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société SNCF à payer 2 500 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR rejeté la demande de Monsieur X... tendant à la nullité de sa mise à la retraite ainsi que ses demandes subséquentes d'indemnités ;
AUX MOTIFS QUE « le décret n°54-24 du 9 janvier 1954 portant règlement d'administration publique pour application aux agents de la SNCF du décret du 9 août 1953 relatif au régime des retraites des personnels de l'Etat et des services publics, applicable en la cause, précise en son article 2 que l'admission à la retraite pour ancienneté des agents peut être prononcée d'office lorsque se trouve remplie la double condition d'âge et d'ancienneté de service prévue par la réglementation ; M. Mustapha X... rappelle ne pas contester cette possibilité ainsi offerte à la SNCF dès lors que se trouve remplie cette double condition, mais se prévaut de ce que, au cours des périodes de suspension consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, l'employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée que s'il justifie soit d'une faute grave soit de l'impossibilité où il se trouve pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie, de maintenir le contrat de travail, toute résiliation du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions de l'ancien article L.122-32-2 du Code du travail étant nulle ; cependant, la SNCF fait valoir à juste titre qu'il résulte de l'ancien article L.200-1 applicable en la cause du même Code que les entreprises publiques à statut telle la SNCF n'entrent pas dans le champ d'application du titre 2 du livre 1er du Code du travail ; or, l'article L.122-32-2 du Code du travail figurait au titre 2 du livre 1er du Code du travail avant sa recodification ; il en résulte que ces dispositions ne sont pas applicables au salarié dont la rupture du contrat de travail pour mise à la retraite est régie par le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, élaboré conformément au décret du 9 août 1953 relatif au régime des personnels de l'Etat et des services publics, lequel est intervenu pour l'application des lois du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier et du 21 juillet 1909 relative aux conditions de retraite des personnels des grands réseaux de chemin de fer d'intérêt général ; le 8 juin 2007, date de sa mise à la retraite, M. Mustapha X..., né le 8 juin 1952 entré à la SNCF le 19 décembre 1974, avait 55 ans et 32 années et six mois de services. Conformément à l'article 7 du règlement des retraites, il pouvait bénéficier d'une pension de retraite normale prévue par le régime spécial des retraites des agents de là SNCF, laquelle ne doit pas être confondue avec la retraite à taux plein prévue par le régime général de la sécurité sociale, les modalités de calcul étant totalement différentes puisque les agents qui comptent 25 ans de service bénéficient d'une pension de retraite égale à 50 % de la rémunération afférente au grade occupé lors de la cessation de fonction ; iI s'ensuit que M. Mustapha X... sera débouté de son appel et le jugement entrepris confirmé » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « vu la loi spéciale du 21 juillet 1909, modifiée par la loi du 28 décembre 1911, relative aux conditions de retraite du personnel des grands réseaux du chemin de fer d'intérêt général ; vu le règlement des retraites de la SNCF (régime 1911), homologué par décisions ministérielles, annexé au règlement PS 10 D, qui prévoit, en son chapitre H, article 7 - du, droit à la pension d'ancienneté ; « tout agent à droit à une pension de retraite lorsqu'il a au moins vingt cinq années de service valables pour la retraite et atteint l'âge de 50 ans pour les mécaniciens et de 55 ans dans tous les autres cas. De son côté, la SNCF peut liquider d'office la retraite de tout agent remplissant les conditions indiquées ci-dessus » ; vu le règlement du personnel RH 0360 (ancien PS 10 D) intitulé « régime de sécurité sociale du personnel au cadra permanent - assurances vieillesse et invalidité » reprend en son chapitre 3, article - admission à la retraite sur demande de l'agent « l'agent peut demander son admission à la retraite lorsqu'il compte 25 années de services valables et remplit les conditions d'âge définies à l'article 7 du règlement de retraites de la SNCF (voir annexe 1) », article 43 - admission à la retraite normale sur l'initiative de la SNCF : la SNCF, peut, de sa propre initiative et dans les conditions fixées par le règlement PS JJ, à l'article 42 ci-dessus ». Vu le « RÈGLEMENT PS. 15 » « cessations de fonctions des agents du cadre permanent » en son chapitre 1, dispositions générales - mise à la retraite - article 10 - La mise à la retraite peut intervenir ; b) sur l'initiative de la SNCF ; la SNCF, peut de sa propre initiative et dans les conditions où elle l'estime utile, mettre d'office à la retraite tout agent qui remplit les conditions d'âge et de durée de services valables définies au règlement de retraite de la SNCF (annexé au règlement PS10D) » ; vu l'arrêt DOBLER du 19 mai 2006, le Conseil d'Etat affirmant que : « la possibilité ouverte à la SNCF par les dispositions du décret n°54-24 du 8 janvier 1954 de mettre d'office à la retraite tout agent qui remplit les conditions d'âge et de durée de services valables définies par le règlement des retraites, ne constitue pas une discrimination interdite par l'article L.122-45 du Code du travail » ; en l'espèce, Monsieur X..., est né le 8 juin 1952 ; Monsieur X... est entré à la SNCF le 19 décembre 1974, le 8 juin 2007, Monsieur X... a 55 ans et comptabilise 32 années et 6 mois de services à la SNCF, la SNCF peut, de sa propre initiative et dans les conditions où elle l'estime utile, prononcer d'office la mise à la retraite de Monsieur X... qui remplit les conditions d'âge et de durée de services valables définies au règlement de retraite de la SNCF ; la mise à la retraite d'office prononcée à l'initiative de la SNCF n'a pas, par elle-même, le caractère d'une sanction disciplinaire ou discriminatoire. Monsieur X... ne méconnaît pas la réglementation qui lui est applicable puisqu'il rappelle dans ses conclusions, les textes cités « en droit » ; la loi du 30 juillet 1987 n'est pas applicable aux agents de la SNCF dont la rupture du contrat pour la mise à la retraite est régie par le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel élaboré conformément au décret n° 50-637 du 1er juin 1950 et prononcée dans les conditions prévues par le décret n°53-711 du 9 août 1953 relatif au régime des personnels de l'Etat et des services publics, lequel est intervenu pour l'application des lois du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier et du 21 juillet 1909 relatives aux conditions de retraite des personnels des grands réseaux de chemin de fer d'intérêt général ; en conséquence, le Conseil, constate que la mise à la retraite de Monsieur X... par la SNCF est statutairement régulière » ;
ALORS QUE la décision de l'employeur de faire usage de la faculté de mettre à la retraite un salarié déterminé n'est pas nécessairement dépourvue de caractère discriminatoire ; tel n'est le cas que s'il est établi que la mise à la retraite était justifiée par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires ; que pour considérer que la mise à la retraite de Monsieur X... n'était pas discriminatoire, la Cour d'appel s'est bornée à énoncer que « la mise à la retraite d'office prononcée à l'initiative de la SNCF n'a pas, par elle-même, le caractère d'une sanction disciplinaire ou discriminatoire »(jugement, p. 5) ; qu'en statuant ainsi, lors même que la mise à la retraite du salarié pouvait être discriminatoire et sans constater que celle-ci était justifiée par un objectif légitime ni que les moyens de réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires, la Cour d'appel a violé les articles L.122-45 devenu L.1132-1 du Code du travail, et L.122-45-3 devenu L.1133-1, dans sa rédaction alors applicable, interprété au regard de la directive n°2000/78/CE du 27 novembre 2000, qui consacre un principe général du droit communautaire.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-28514
Date de la décision : 05/06/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jui. 2012, pourvoi n°10-28514


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.28514
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