LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1351 du code civil, ensemble les articles L. 142-1, L. 142-2, L. 142-3, L. 143-1, L. 143-2 et L. 143-3 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors applicable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 26 juillet 1974, M. X... a été victime d'un accident du travail lui occasionnant le sectionnement du majeur, de l'annulaire et de l'auriculaire de la main droite ; que cet accident a été pris en charge par la caisse de mutualité sociale agricole de la Lorraine au titre de la législation professionnelle et a donné lieu au versement d'une première rente ; que, le 1er septembre 1997, M. X... a été atteint d'une lésion de l'index de la main droite, prise initialement en charge par la caisse d'assurance accidents agricole du Bas-Rhin (la caisse) au titre de la législation professionnelle et ayant donné lieu au versement d'une seconde rente ; que, le 21 décembre 1999, la caisse a notifié à M. X... sa décision de supprimer le service de cette dernière au motif qu'il résultait d'une expertise que la lésion qui lui était survenue, le 1er septembre 1997, était une rechute de l'accident du 26 juillet 1974 et que la caisse de mutualité sociale agricole de la Lorraine avait augmenté le taux de la première rente, de sorte qu'il n'existait plus d'invalidité justifiant le versement de la seconde ; que, par jugement irrévocable du 27 avril 2000, une juridiction du contentieux de l'incapacité a rejeté le recours de M. X... en annulation de la décision de la caisse qui avait fixé à 0 % le taux de son incapacité ; que M. X... a contesté devant le tribunal des affaires de sécurité sociale la régularité de l'expertise ;
Attendu que pour rejeter le recours de M. X..., qui faisait valoir que la décision de la caisse du 21 décembre 1999 était une remise en cause de l'accident du travail du 1er septembre 1997 relevant de la compétence de la juridiction de sécurité sociale, l'arrêt retient que sa demande se heurte à l'autorité de la chose jugée par la juridiction du contentieux technique de l'incapacité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'appréciation faite par la juridiction du contentieux technique de l'incapacité ne pouvait lier la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, saisie de la régularité de la procédure ayant abouti à la suppression de la seconde rente par la caisse, laquelle avait un objet différent, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la caisse d'assurance accidents agricole du Bas-Rhin aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse d'assurance accidents agricole du Bas-Rhin ; ensemble l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la condamne à payer à la SCP Delaporte, Briard et Trichet la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de ses demandes tendant, d'une part, à voir dire qu'il n'y avait pas lieu à suppression de la rente servie au taux de 20 % à la suite de l'accident du travail du 1er septembre 1997 et, d'autre part, à voir condamner la CAAA du Bas-Rhin à rétablir le service de la rente au taux de 20 % à compter du 1er février 2000 et à payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts ;
Aux motifs qu'« à hauteur d'appel, M. Ali X... attribue une triple finalité au recours qu'il a exercé à l'encontre des décisions de la Caisse intimée en date des 25 novembre et 21 décembre 1999 ; qu'en premier lieu, M. Ali X... demande l'annulation du rapport du professeur Y..., dont les conclusions lui ont été notifiées par la décision du 25 novembre 1999 et auquel la décision du 21 décembre 1999 fait expressément référence, ou du moins l'inopposabilité de ses conclusions ; que sur ce point, la Caisse intimée prétend n'avoir sollicité qu'un simple avis technique du professeur Y... ; qu'en réalité, le rapport rédigé par le professeur Y... précise qu'il s'agit d'une expertise médicale selon le code de la sécurité sociale pratiquée à la demande du médecin conseil de la Caisse d'assurance accidents agricole du Bas-Rhin ; que dès lors qu'aucune disposition du code de la sécurité sociale n'autorisait la Caisse intimée, comme elle l'admet, à faire unilatéralement diligenter une expertise médicale, le rapport rédigé par le professeur Y... doit être annulé, et sa notification, ultérieurement retirée par la Caisse intimée, est sans effet ; qu'en deuxième lieu, M. Ali X... recherche la reprise du service de la rente provisoire en faisant déclarer qu'il n'y avait pas lieu à la suppression notifiée par lettre du 21 décembre 1999 ; qu'à cette fin, M. Ali X... prétend que la décision du 21 décembre 1999 a remis en cause l'accident de travail du 1er septembre 1997 ; qu'il interprète le rapport du professeur Y..., qui doit être annulé et auquel la décision fait référence, comme revenant sur la reconnaissance de l'accident de travail ; qu'en réalité, la décision du 21 décembre 1999 a toutefois pour seul objet la suppression de la rente servie à la suite de l'accident de travail du 1er septembre 1997 ; qu'or, par jugement du 27 avril 2000, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Strasbourg a rejeté le recours que M. Ali X... avait déjà introduit devant cette juridiction en réformation de la décision du 21 décembre 1999 réduisant le taux d'incapacité de 20 à 0 % et emportant consécutivement la suppression du service de la rente provisoire à compter du 1er février 2000 ; que ce jugement a acquis un caractère définitif par l'effet de l'arrêt du 30 septembre 2004 par lequel la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents de travail a déclaré irrecevable l'appel interjeté par M. Ali X... ; que l'actuelle prétention de M. Ali X... se heurte donc à l'autorité de la chose jugée par les juridictions du contentieux de l'incapacité, et elle doit être rejetée ; qu'en troisième lieu, M. Ali X... recherche la responsabilité de la Caisse intimée et il réclame des dommages et intérêts, ce qui suppose la démonstration d'une faute et d'un dommage consécutivement causé ; qu'or, si M. Ali X... invoque avec pertinence la faute de la Caisse intimée pour avoir irrégulièrement fait pratiquer l'expertise confiée au professeur Y..., il n'établit pas que cette faute lui a causé un dommage ; qu'en l'absence d'une preuve d'un quelconque préjudice, cette prétention de l'appelant doit également être rejetée » (arrêt attaqué, pages 3 et 4) ;
Alors, d'abord, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ; que pour rejeter les demandes de M. X... contestant la suppression de la rente servie au taux de 20 % à la suite de l'accident du travail du 1er septembre 1997, l'arrêt retient que sa prétention se heurte à l'autorité de la chose jugée puisque le tribunal du contentieux de l'incapacité de Strasbourg, par un jugement du 27 avril 2000 devenu définitif par l'effet de l'arrêt du 30 septembre 2004 par lequel la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents de travail a déclaré irrecevable l'appel de M. Ali X..., avait rejeté le recours précédemment introduit par l'intéressé devant cette juridiction en réformation de la décision du 21 décembre 1999 réduisant le taux d'incapacité à 0 % et emportant consécutivement la suppression du service de la rente provisoire à compter du 1er février 2000 ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la cause des deux actions était la même, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1351 du code civil ;
Alors, ensuite, que la question de savoir s'il y a accident du travail ou rechute ne relève pas de la compétence des juridictions du contentieux technique mais exclusivement de celle des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale ; que pour rejeter les demandes de M. X... qui faisait valoir qu'une partie de ses troubles était sans lien avec l'accident du travail subi le 26 juillet 1974 et résultait uniquement du second accident du 1er septembre 1997, l'arrêt retient que sa prétention se heurte à l'autorité de la chose jugée parce que le tribunal du contentieux de l'incapacité de Strasbourg avait, par un jugement du 27 avril 2000 désormais définitif, rejeté le recours précédemment introduit par l'intéressé devant cette juridiction en réformation de la décision du 21 décembre 1999 réduisant le taux d'incapacité à 0 % et emportant consécutivement la suppression du service de la rente provisoire à compter du 1er février 2000 ; qu'en statuant ainsi, quand l'appréciation du tribunal du contentieux de l'incapacité portant sur le taux d'incapacité ne pouvait lier ni même influencer la décision des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale relativement à la question distincte de savoir si les troubles accusés par la victime devaient être attribués à un nouvel accident du travail ou à une rechute, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, ensemble les articles L. 142-1, L. 142-2, L. 142-3, L. 143-1, L. 143-2 et L. 143-3 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable en la cause ;
Alors, enfin, que les juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale, appelées à connaître des contestations relatives à l'état et au taux d'incapacité permanente de travail de la victime d'un accident du travail, sont incompétentes pour apprécier la régularité de la procédure de révision ou de suppression de la rente suivie par les parties ; que pour rejeter les demandes de M. X... qui a mis en cause la régularité de la procédure au terme de laquelle avait été supprimée la rente servie au taux de 20 % à la suite de l'accident du travail du 1er septembre 1997, l'arrêt retient que sa prétention se heurte à l'autorité de la chose jugée dans la mesure où le tribunal du contentieux de l'incapacité de Strasbourg avait, par un jugement du 27 avril 2000 désormais définitif, rejeté le recours précédemment introduit par l'intéressé devant cette juridiction en réformation de la décision du 21 décembre 1999 réduisant le taux d'incapacité à 0 % et emportant consécutivement la suppression du service de la rente provisoire à compter du 1er février 2000 ; qu'en statuant ainsi, quand l'appréciation du tribunal du contentieux de l'incapacité portant sur le taux d'incapacité ne pouvait lier ni même influencer la décision des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale relativement à la question distincte de savoir si la procédure de révision suivie par la caisse d'assurance accidents agricole était entachée d'irrégularités, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, ensemble les articles L. 142-1, L. 142-2, L. 142-3, L. 143-1, L. 143-2 et L. 143-3 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable en la cause.