LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 octobre 2010), que la société Etablissements Ricard, aux droits de laquelle se trouve la société Corin, a donné à bail à la société Medis, aux droits de laquelle se trouve la société Prima, des locaux commerciaux par contrat du 12 février 1991 stipulant que la taxe foncière serait remboursée annuellement par le locataire ; que, dans un acte du 2 janvier 1995 portant cession à la société Europa Discount Sud de son droit au bail, la société Prima s'est portée fort de ce que la société Corin consentirait à l'acquéreur, lors de son entrée en jouissance, un nouveau bail aux charges et conditions précisées dans un document, annexé à l'acte, stipulant que les impôts fonciers et taxes immobilières de toute nature resteraient à la charge du bailleur ; qu'un bail reprenant cette stipulation a été établi entre la société Corin et la société Ed le 12 décembre 2005 ; que, par acte du 27 décembre 2006, la société Ed a assigné la société Corin en remboursement du montant des taxes foncières afférentes aux années 1999 à 2003 qu'elle avait acquitté ; que la société Corin a demandé la condamnation de la société Ed à lui payer une certaine somme au titre des taxes foncières dues pour les années 2004 et 2005 ;
Attendu que la société Ed fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande et d'accueillir celle de la société Corin, alors, selon le moyen :
1°/ que la promesse de porte-fort peut faire l'objet d'une ratification tacite ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que le projet de bail annexé à l'acte de cession de fonds de commerce du 2 janvier 1995 était l'objet d'un engagement de la société Prima, par lequel celle-ci «se porte fort pour la société Corin, société appartenant au même groupe, de consentir à l'acquéreur un nouveau bail lors de son entrée en jouissance, aux charges et conditions prévues au bail ci-joint annexé», lequel prévoyait que «les impôts fonciers et taxes immobilières de toutes natures resteront à la charge du bailleur» ; que la cour d'appel a également retenu qu'aux termes du contrat de bail du 12 décembre 2005, «le bail entre Corin et Ed n'ayant jamais été établi, les parties se sont alors rapprochées pour régulariser cette situation» en reprenant les conditions de la location convenues dans le projet de bail annexé à l'acte de cession de fonds de commerce du 2 janvier 1995 ; qu'en affirmant que la société Ed ne peut valablement invoquer contre son bailleur, la société Corin, le contrat de bail de 2005 pour obtenir le remboursement des taxes foncières qu'elle a payées au titre des années 1999 à 2003, quand il résultait de ses propres constatations qu'en concluant un nouveau contrat de bail le 12 décembre 2005, la société Corin avait ratifié la promesse de porte-fort de la société Prima du 2 janvier 1995 de sorte que la société Corin était tenue du paiement des taxes foncières depuis l'entrée de la société Ed dans les lieux, la cour d'appel a violé les articles 1120 et 1134 du code civil ;
2°/ que la ratification de l'acte passé par le porte-fort a un caractère rétroactif et remonte au jour de l'acte ratifié, l'obligation du tiers prenant naissance au jour de l'engagement du porte-fort ; qu'en décidant que la société Ed ne pouvait obtenir le remboursement des taxes foncières payées au titre des années 1999 à 2003 et qu'elle devait acquitter les taxes foncières des années 2004 et 2005, quand il résultait de ses propres constatations qu'en concluant un nouveau contrat de bail le 12 décembre 2005, la société Corin avait ratifié la promesse de porte-fort de la société Prima du 2 janvier 1995 de sorte que la société Corin était tenue du paiement des taxes foncières depuis l'entrée de la société Ed dans les lieux, la cour d'appel a derechef violé les articles 1120 et 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que les parties n'avaient adopté les conditions de la location envisagées dans le projet de bail annexé à l'acte de cession que dans le bail signé le 12 décembre 2005 dont elles avaient entendu limiter les effets pour le passé en fixant son entrée en vigueur au 1er novembre 2005, la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs que la société Ed ne pouvait invoquer ce bail pour obtenir le remboursement des taxes foncières qu'elle avait payées au titre des années 1999 à 2003 et se soustraire au paiement de celles des années 2004 et 2005 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ed aux dépens
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ed ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société Ed
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la société ED était tenue au paiement des taxes foncières pour la période 1999-2005 et, en conséquence, d'avoir dit qu'elle ne pouvait obtenir remboursement des taxes acquittées pour les années 1999 à 2003 et condamné celle-ci à payer à la société Corin, au titre des taxes foncières pour les années 2004 et 2005, la somme de 26.992,52 € avec intérêts au taux légal à compter de l'exigibilité de ces taxes, outre capitalisation ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des pièces du dossier que le bail originellement consenti en 1991 par la société Etablissements Ricard à la société Médis pour une durée de 9 années prenant effet en 1989 s'est achevé en 1998 ;qu'à son terme, ni le locataire ni le bailleur n'ont effectué la moindre diligence pour le renouveler ; qu'en application de l'article L. 145-9 du code de commerce, ledit bail s'est trouvé poursuivi par tacite reconduction, et ce jusqu'à la conclusion du nouveau bail en décembre 2005 ; qu'ainsi, les clauses du bail initial, notamment celles mettant le coût des impositions locales à la charge du preneur, avaient vocation à régir les relations entre les personnes morales qui ont été successivement parties au contrat pour la période courant entre 1989 et 2005 ; que d'ailleurs sur cette base, la société ED, venant aux droits de la société Europa Discount Sud, avait payé à la société Corin la taxe foncière afférente aux années 1999 à 2003 ; que pour contester être redevable desdites taxes, la société ED excipe d'une part de l'acte en date du 2 janvier 1995 portant cession par la société Prima à la société Europa Discount Sud des éléments du fonds de commerce et dans lequel la société Prima se portait fort pour la société Corin, propriétaire de l'immeuble, de consentir un bail aux charges et conditions prévues par le projet de bail annexé à l'acte de cession et d'autre part dudit projet de bail aux termes duquel « les impôts fonciers et taxes immobilières de toutes natures resteront à la charge du bailleur » ; qu'elle estime que ces deux documents suffisent à établir la commune intention des parties à l'époque de laisser supporter au bailleur le coût des impositions locales et que cet accord avait été repris dans le bail du 12 décembre 2005 ; que cependant, le projet de bail dont s'agit est un document paraphé mais non daté, ni complété par les cocontractants, dont l'identité n'est d'ailleurs par mentionnée en première page ; que demeuré ainsi à l'état de simple projet, ce document ne peut en soi produire des effets de droit ; que ce projet était certes l'objet d'un engagement de la société Prima, exprimé dans l'acte de cession de 1995, et par lequel elle « se porte fort pour la société Corin, société appartenant au même groupe, de consentir à l'acquéreur un nouveau bail lors de son entrée en jouissance, aux charges et conditions prévues au bail ci-joint annexé » ; que force est toutefois de constater que la société Corin, en dépit de son appartenance au même groupe de sociétés que la société Prima, n'en constitue pas moins une personne morale distincte de cette dernière et qu'elle ne s'est jamais trouvée, à quelque titre que ce soit, engagée à cet acte invoquée par la société ED au soutien de ses prétentions ; que la société Corin n'a, postérieurement à l'établissement de cette convention, jamais satisfait à la promesse de la société Prima ; qu'était toujours demeurée tiers, elle ne saurait être liée juridiquement par l'un quelconque de ces documents et ne pourrait se les voir opposer par la SAS ED comme fondement à une action en justice à son encontre ; qu'il est dès lors impossible de déduire de ces seuls éléments qu'en 1995, les sociétés Corin et Europa Discount Sud seraient convenues d'un nouveau bail commercial comportant une clause déchargeant le preneur du remboursement de l'impôt foncier ; que ce constat s'impose d'autant plus que le bail commercial finalement signé le 12 décembre 2005 met en exergue que « le bail entre Corin et ED n'ayant jamais été établi, les parties se sont alors rapprochées pour régulariser cette situation » et que ce n'est qu'en cette occasion que les parties ont finalement adopté les conditions de la location qui avaient été envisagées dans le projet de bail annexé à l'acte de cession du fonds de commerce du 2 janvier 1995 ; que toutefois, les cocontractants n'ont pas souhaité donner à ce nouveau bail une portée rétroactive trop importante puisqu'a été expressément prévue une entrée en vigueur à compter du 1er novembre 2005, ce qui limite d'autant ses effets pour le passé ; qu'en conséquence, la société ED ne peut valablement invoquer contre son bailleur, la société Corin, le contrat de bail de 2005 pour obtenir le remboursement des taxes foncières qu'elle a payées au titre des années 1999 à 2003 ;
1) ALORS QUE la promesse de porte-fort peut faire l'objet d'une ratification tacite ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que le projet de bail annexé à l'acte de cession de fonds de commerce du 2 janvier 1995 était l'objet d'un engagement de la société Prima, par lequel celle-ci « se porte fort pour la société Corin, société appartenant au même groupe, de consentir à l'acquéreur un nouveau bail lors de son entrée en jouissance, aux charges et conditions prévues au bail ci-joint annexé », lequel prévoyait que « les impôts fonciers et taxes immobilières de toutes natures resteront à la charge du bailleur » ; que la cour d'appel a également retenu qu'aux termes du contrat de bail du 12 décembre 2005, « le bail entre Corin et ED n'ayant jamais été établi, les parties se sont alors rapprochées pour régulariser cette situation » en reprenant les conditions de la location convenues dans le projet de bail annexé à l'acte de cession de fonds de commerce du 2 janvier 1995 ; qu'en affirmant que la société ED ne peut valablement invoquer contre son bailleur, la société Corin, le contrat de bail de 2005 pour obtenir le remboursement des taxes foncières qu'elle a payées au titre des années 1999 à 2003, quand il résultait de ses propres constatations qu'en concluant un nouveau contrat de bail le 12 décembre 2005, la société Corin avait ratifié la promesse de porte-fort de la société Prima du 2 janvier 1995 de sorte que la société Corin était tenue du paiement des taxes foncières depuis l'entrée de la société ED dans les lieux, la cour d'appel a violé les articles 1120 et 1134 du code civil ;
2) ALORS QUE la ratification de l'acte passé par le porte-fort a un caractère rétroactif et remonte au jour de l'acte ratifié, l'obligation du tiers prenant naissance au jour de l'engagement du porte-fort ; qu'en décidant que la société ED ne pouvait obtenir le remboursement des taxes foncières payées au titre des années 1999 à 2003 et qu'elle devait acquitter les taxes foncières des années 2004 et 2005, quand il résultait de ses propres constatations qu'en concluant un nouveau contrat de bail le 12 décembre 2005, la société Corin avait ratifié la promesse de porte-fort de la société Prima du 2 janvier 1995 de sorte que la société Corin était tenue du paiement des taxes foncières depuis l'entrée de la société ED dans les lieux, la cour d'appel a derechef violé les articles 1120 et 1134 du code civil.