LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 novembre 2010), que M. X... a été engagé le 19 novembre 2004 par la société Côté Fjord ; qu'à la suite de la naissance de son enfant intervenue le 25 juillet 2007, il a, par lettre du 3 août 2007, notifié son souhait de prendre un congé de paternité du 6 au 16 septembre ; que l'employeur lui a opposé un refus en raison de la charge de travail et proposé un report du congé pour la période du 8 au 18 novembre ; que le salarié ayant passé outre ce refus, il a été licencié pour faute grave en raison de son absence non autorisée à compter du 6 septembre 2007 ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié des indemnités de rupture et des dommages-intérêts à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ que si le salarié qui entend faire usage de son droit à un congé de paternité dans les quatre mois suivant la naissance de l'enfant doit en avertir son employeur au moins un mois avant, l'employeur peut, pour un motif légitime, s'opposer aux dates proposées par le salarié ; qu'en considérant que ni les difficultés d'organisation de l'entreprise en raison de congé de paternité d'un salarié ni la charge de travail de l'entreprise ne peuvent faire obstacle au droit du salarié de prendre un congé de paternité aux dates fixées par lui, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qui n'y figure pas en violation des articles L. 1225-35 et D. 1225-8 du code du travail ;
2°/ que commet une faute grave le salarié qui part en congé sans y avoir préalablement été autorisé par son employeur ; qu'en considérant qu'il suffisait au salarié d'informer son employeur pour prendre le congé de paternité, la cour d'appel a violé les articles L. 1225-35 et D. 1225-8 du code du travail ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 1225-35, alinéa 3, du code du travail, le salarié qui souhaite bénéficier du congé de paternité "avertit son employeur au moins un mois avant la date à laquelle il envisage de le prendre, en précisant la date à laquelle il entend y mettre fin" ; qu'il en résulte que l'employeur, informé conformément à ce texte des dates choisies par le salarié, ne peut ni s'opposer à son départ, ni en exiger le report ;
Et attendu qu'ayant constaté que le salarié avait, le 6 août 2007, régulièrement fait part à la société Côté Fjord, de la naissance de son enfant et informé l'employeur de son absence pour congé de paternité de onze jours à compter du 6 septembre 2007, la cour d'appel en a exactement déduit qu'en prenant effectivement son congé à la date choisie malgré l'opposition de son employeur, le salarié n'avait commis aucune faute de sorte que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Côté Fjord aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour la société Cote Fjord
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré que le licenciement pour faute grave de Monsieur Cyril X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné la société Côté Fjord à lui payer diverses indemnités de rupture outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la lettre de licenciement de Monsieur X... qui fixe les limites du litige précise : « Pour faire suite à l'entretien préalable du 20 septembre 2007, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave pour le motif suivant : Absence non autorisée à compter du 6 septembre 2007 ; en effet, vous vous êtes absenté sans autorisation à compter du 6 septembre 2007 ; nous vous rappelons que vous aviez sollicité un congé de paternité de 11 jours du 6 septembre au 16 septembre 2007 ; nous vous avons signifié que vous ne pouviez pas prendre ces congés de paternité pendant cette période, compte tenu de la charge de travail au magasin ; nous vous rappelions que cette absence pendant cette période engendrait des perturbations importantes dans le service étant précisé qu'il n'y a que trois magasiniers ; vous aviez d'ailleurs convenu de la charge importante de travail due au catalogue ; nous vous avions proposé d'autres dates pour prendre vos congés de paternité et ce, dans le délai légal de quatre mois ; malgré notre interdiction, vous vous êtes absenté à compter du 6 septembre 2007, ce qui constitue une absence non autorisée, justifiant un licenciement pour faute grave privative des indemnités de préavis et de licenciement » ; que la faute grave résulte du fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise même pendant la courte durée du préavis ; qu'elle prive le salarié de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement ; que Monsieur X... soutient pour l'essentiel que dès lors qu'après la naissance de son enfant le 24 juillet 2007, il a, par courrier recommandé du 3 août 2007, reçu le 8 août, soit un mois avant la période de congé du 6 au 16 septembre, formulé sa demande de congé de paternité conformément à l'article L. 122-25-4 du Code du travail, la société Côté Fjord ne pouvait lui refuser le bénéfice de ce congé aux dates souhaitées, peu important l'activité de l'entreprise à cette époque et le besoin en personnel ; qu'en conséquence son absence étant parfaitement justifiée, elle ne pouvait fonder son licenciement dénué de toute cause réelle et sérieuse ; que l'employeur, la société Côté Fjord, fait valoir pour l'essentiel que l'exercice de son pouvoir de direction implique qu'il est seul responsable de l'organisation des services et de la fixation des congés ; que pour apprécier la demande de prise de congé de paternité, il y a lieu de se reporter à la règle posée par l'article L. 3141-14 du Code du travail concernant les congés payés, selon laquelle l'ordre des départs en congé est fixé par l'employeur après avis, le cas échéant, des délégués du personnel ; qu'aucun motif ne permettait au salarié de prendre ce congé de paternité à une date qu'il savait indésirable pour l'entreprise et l'intransigeance aveugle de Monsieur X... l'a conduit à son licenciement justifié pour faute grave ; que l'ancien article L. 122-25-4 alinéa du Code du travail devenu L. 1225-35 dispose qu'après la naissance de son enfant et dans un délai déterminé par décret, soit de quatre mois suivant la naissance de l'enfant, le père salarié bénéficie d'un congé de paternité de onze jours consécutifs ou de dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples ; que le congé de paternité entraîne la suspension du contrat de travail ; que le salarié qui souhaite bénéficier du congé de paternité avertit son employeur au moins un mois avant la date à laquelle il envisage de le prendre, en précisant la date à laquelle il entend y mettre fin ; qu'il suit de l'emploi de l'indicatif présent « avertit » que le salarié informe seulement l'employeur des dates auxquelles il entend prendre et mettre fin à son congé de paternité et que le choix des dates par le salarié s'impose à l'employeur, dès lors que le salarié formule sa demande dans le mois précédent le congé, sans qu'il y ait lieu d'assimiler le congé de paternité aux congés payés de nature différente et qui, sont régis par leurs propres règles ; qu'il ne s'agit donc pas pour le salarié de solliciter l'autorisation de l'employeur pour exercer son droit à congé de paternité à telle ou telle période à l'intérieur du délai de quatre mois suivant la naissance ; que les difficultés d'organisation de l'entreprise en raison de congé de paternité d'un salarié ou la charge de travail de l'entreprise ne peuvent faire obstacle au droit du salarié à prendre un congé de paternité aux dates fixées par lui ; qu'il appartient à l'employeur de mettre à profit le délai légal de prévenance d'un mois, pour utiliser son pouvoir de direction et d'organisation afin de pallier à la suspension du contrat du salarié en congé de paternité ; que Monsieur X... ayant régulièrement par courrier recommandé du 3 août 2007 reçu le 6 août par la société Côté Fjord, fait part de la naissance de son enfant et informé l'employeur de son absence pour congé de paternité de onze jours à compter du 6 septembre 2007, et ayant effectivement pris son congé malgré l'opposition de l'employeur, n'a pas violé des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail et ne pouvait être considéré par l'employeur en absence non autorisée à compter du 6 septembre 2007 ; qu'à juste titre le Conseil de prud'hommes a donc considéré le licenciement pour faute grave de Monsieur X... sans cause réelle et sérieuse ; que licencié abusivement après plus de trois années au service de cette entreprise, sans que son activité ne soit entachée d'un quelconque reproche, Monsieur X... a été privé d'une rémunération de 2 015,05 € (moyenne des trois derniers mois) ; qu'il a retrouvé le 8 octobre 2007 un emploi de préparateur emballeur lui procurant un salaire moyen brut de 1 158 € par mois ; que le préjudice qui lui a été ainsi causé sera justement réparé par la condamnation de la société Côté Fjord à payer à Monsieur X... la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé sur le montant alloué ; qu'en présence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le Conseil de prud'hommes a fait une exacte application de la convention collective et du contrat pour fixer, sur la base des trois derniers mois de salaire, les autres indemnités consécutives à la rupture, le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et les indemnités de congés payés afférents ; que le jugement sera donc confirmé en ses autres dispositions, la société appelante étant déboutée de sa demande de remboursement de la somme versée au titre de l'exécution provisoire de droit du jugement ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« en l'espèce, dans sa lettre datée du 27 septembre 2007, Monsieur Y... a reproché à Monsieur X... son absence non autorisée à compter du 6 septembre 2007 pour justifier sa décision de le licencier pour fautif grave ; que selon l'article L. 1225-35 du Code du travail, relatif au congé de paternité, qui suit immédiatement les dispositions relatives à la protection de la grossesse et de la maternité, « Après la naissance de son enfant et dans un délai déterminé par décret, le père salarié bénéficie d'un congé de paternité de onze jours consécutifs ou de dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples ; le congé de paternité entraîne la suspension du contrat de travail ; le salarié qui souhaite bénéficier du congé de paternité avertit son employeur au moins un mois avant la date à laquelle il envisage de le prendre, en précisant la date à laquelle il entend y mettre fin » ; que l'article D. 1225-8 précise que : « le congé de paternité est pris dans les quatre mois suivant la naissance de l'enfant » ; que la société Côte Fjord explique que ces textes précisent seulement le délai butoir pour bénéficier de son congé de paternité par le salarié, sans poser d'obligation pour l'employeur, qui dispose toujours de son pouvoir de direction ; que cependant, il convient de rechercher la portée que le législateur a voulu donner au texte instituant le congé de paternité, notamment par la lecture des débats au Parlement lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 ; que selon ceux-ci, le congé de paternité est inséré dans le Code de la sécurité sociale, ainsi que dans le Code du travail au sein de la section V, protection de la maternité et éducation des enfants ; qu'il est coordonné avec le congé d'adoption, les deux parents pouvant bénéficier de ce dernier dans les mêmes termes ; que le cumul du congé de paternité et du congé légal de naissance est autorisé ; qu'ensuite, le congé de paternité est énuméré dans le champ d'application des assurances sociales à côté de la couverture des risques maladie, invalidité, vieillesse, décès, veuvage et maternité ; qu'il est indemnisé selon les modalités applicables au congé de maternité ; que la volonté ainsi affichée par le législateur vise à aligner le congé de paternité sur le congé de maternité, lesquels entraînent tous deux une suspension du contrat de travail et, s'ils sont pris, doivent l'être au moment ou dans un temps proche de la naissance de l'enfant ; que le congé de paternité diffère du congé parental d'éducation qui est beaucoup plus long (une année pouvant être prolongée deux fois d'après l'article L 1225-48) ; que leurs règles respectives sont en outre incompatibles ; que les termes utilisés par le législateur dans l'article L. 1225-35 : « le salarié … avertit son employeur » qui n'exigent pas d'autres conditions formelles telles que l'accord de l'employeur, ainsi que les délais qui ont été fixés, ont été prévus pour équilibrer, d'un côté, le droit du salarié à bénéficier de son congé de paternité sans subir de pression de la part de son employeur, et, de l'autre côté, le droit de l'employeur à ne pas subir de désorganisation au sein de son entreprise, ce qui nécessite qu'il soit averti au moins un mois à l'avance et dans le délai maximum de quatre mois après la naissance de l'enfant du salarié afin de pallier l'absence de onze jours de celui-ci ; que selon l'esprit de la loi, les dispositions relatives au congé de paternité, à l'instar de celles ayant trait au congé de maternité, sont d'ordre public ; que l'employeur ne peut s'opposer au congé lui-même, ni aux dates choisies par le salarié dans le cadre législatif et réglementaire ; qu'en l'état, Monsieur X... a régulièrement averti son employeur de son intention de bénéficier de son congé de paternité un mois avant le 6 septembre 2007 et dans le délai de quatre mois suivant la naissance de sa fille ; que son absence à partir de cette date-là n'était donc pas injustifiée ; que son licenciement pour faute grave est abusif ; qu'il est dès lors bien fondé à solliciter l'octroi des indemnités suivantes ; que la société Côté Fjord sera condamnée à lui verser : 4 030,10 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 403,01 € au titre des congés payés afférents ; que la Convention Collective prévoit un préavis de deux mois pour les salariés ayant plus de deux ans d'ancienneté (2 015,05 € x 2 = 4 030,10 €), 806,02 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ; que selon la Convention Collective, l'indemnité de licenciement pour trois ans d'ancienneté est égale à 0,4 mois de salaire par année d'ancienneté, soit :0,4 x 2 015,05 euros = 806,02 euros, 1 007,52 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire d'une durée de 15 jours du 12 au 27 septembre 2007 (2 015,05 € x 15/30 = 1 007,52 €), outre 100,75 euros correspondant aux congés payés afférents » ;
ALORS QUE D'UNE PART, si le salarié qui entend faire usage de son droit à un congé de paternité dans les quatre mois suivant la naissance de l'enfant doit en avertir son employeur au moins un mois avant, l'employeur peut, pour un motif légitime, s'opposer aux dates proposées par le salarié ; qu'en considérant que ni les difficultés d'organisation de l'entreprise en raison de congé de paternité d'un salarié ni la charge de travail de l'entreprise ne peuvent faire obstacle au droit du salarié de prendre un congé de paternité aux dates fixées par lui, la Cour a ajouté à la loi une condition qui n'y figure pas en violation des articles L 1225-35 et D 1225-8 du Code du travail
ALORS QUE D'AUTRE PART, commet une faute grave le salarié qui part en congé sans y avoir préalablement été autorisé par son employeur ; qu'en considérant qu'il suffisait au salarié d'informer son employeur pour prendre le congé de paternité, la Cour d'appel a violé les articles L. 1225-35 et D 1225-8 du Code du travail.