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31/05/2012 | FRANCE | N°10-27125

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 31 mai 2012, 10-27125


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 septembre 2010) que le GFA Le Thil est propriétaire de parcelles données à bail rural à long terme, depuis le 1er octobre 1990, au GAEC de Laitre Le Thil, aux droits duquel est venu la SCEA de Laitre Le Thil ; que le contrat de bail, conclu pour une durée de trente ans, stipulait notamment que le fermage des treize premières années était fixé en référence à la valeur du blé et que celui des dix-sept dernières années était fixé en référence au vin

AOC ; que la société preneuse a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 septembre 2010) que le GFA Le Thil est propriétaire de parcelles données à bail rural à long terme, depuis le 1er octobre 1990, au GAEC de Laitre Le Thil, aux droits duquel est venu la SCEA de Laitre Le Thil ; que le contrat de bail, conclu pour une durée de trente ans, stipulait notamment que le fermage des treize premières années était fixé en référence à la valeur du blé et que celui des dix-sept dernières années était fixé en référence au vin AOC ; que la société preneuse a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une demande d'annulation des clauses relatives à la détermination du prix, à la charge des travaux et au calcul de l'indemnité due au preneur sortant ; qu'elle a également demandé la fixation rétroactive du prix du bail sur la base de terres nues à vocation agricole, le remboursement des fermages indument perçus, outre la condamnation du bailleur au paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCEA de Laitre Le Thil fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de nullité de la clause du bail relative au prix du fermage, alors, selon le moyen :
1°/ que la fixation et la modification des fermages étant soumises à des règles d'ordre public impératives, il y a lieu d'annuler la clause du bail qui, par une disposition contraire à l'ordre public, fixe un prix contraire aux règles autorisées par l'arrêté préfectoral ; qu'en l'espèce, s'agissant de terres nues et ne portant aucune construction, le prix du bail ne pouvait être fixé qu'en fonction de la nature des terres nues données à bail, conformément à l'arrêté préfectoral alors applicable ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation des articles L. 411-11, L. 411-12 et L. 411-13 du code rural ;
2°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, en se référant à l'arrêté préfectoral du 27 mai 1987 qui avait été déclaré illicite, en ce qu'il prévoyait la libre fixation du prix du fermage entre les parties pour les baux de plus de 25 ans, sans rechercher comme elle y avait été invitée par les conclusions de la SCEA de Laitre Le Thil, si elle n'était pas saisie d'une exception préjudiciable dont le caractère sérieux et pertinent devait l'obliger à surseoir à statuer, la cour d'appel a de ce chef également procédé d'une violation des articles ci-dessus visés, de l'article 378 du code de procédure civile et de l'article 13 de la loi du 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III ;
3°/ qu'il existait une interdépendance étroite entre les modalités de fixation du fermage et les modalités de calcul de l'indemnité au preneur sortant ; que l'annulation de la clause relative à l'indemnité due au preneur sortant, laquelle était étroitement liée à la disposition relative à la fixation du fermage, devait nécessairement entraîner par voie de conséquence l'annulation de la clause relative à la fixation du fermage ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles ci-dessus visés et de l'article L. 415-12 du code rural et de la pêche maritime ;
4°/ qu'à titre subsidiaire, la société de Laitre Le Thil avait fait valoir qu'à la supposer valide, la clause relative au prix du fermage ne pouvait permettre de fixer le prix pour les treize première années sur la base de 84 quintaux de blé, dès lors que les parcelles nues à l'origine avaient été plantées en vignes par la société preneuse, dès l'année 1989 ; que dès lors, la denrée choisie était illégale, ce qui était de nature à justifier l'annulation de la clause du bail, relative à la fixation du fermage ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation des articles L. 411-11 , L. 411-12 et L.411-13 du code rural et de la pêche maritime ci-dessus visés ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que le blé, denrée de référence stipulée pour les treize premières années, et le vin AOC Graves Pessac-Léognan, denrée de référence pour les dix-sept années suivantes, étaient toutes deux prévues par l'arrêté préfectoral applicable, la cour d'appel, qui a effectué la recherche sur le caractère sérieux de la question préjudicielle dont elle était saisie, a pu rejeter la demande de nullité de la clause du bail relative au prix du fermage ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu à bon droit que la clause relative à l'indemnité due au preneur sortant et la clause relative à la fixation du fermage obéissaient à des régimes différents et trouvaient leur solution à des dates différentes, la cour d'appel a pu en déduire l'absence d'interdépendance entre ces clauses ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SCEA de Laitre Le Thil fait grief à l'arrêt d'ordonner une expertise en donnant mission à l'expert de fournir tous les éléments propres à déterminer le prix du fermage conformément à l'arrêté préfectoral applicable, alors, selon le moyen, que dans ses écritures d'appel, la société preneuse avait pris soin de demander à la cour de désigner tel expert à cette fin avec mission de définir la catégorie des terres en question et de proposer le montant du fermage applicable, en tenant compte du caractère des terres nues, des parcelles données à bail ; que dès lors, en statuant de la sorte, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu' après avoir rejeté la demande du preneur tendant à voir fixer le prix du bail sur la base de terres nues à vocation agricole, la cour d'appel a souverainement fixé l'étendue de la mission confiée à l'expert ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS,
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCEA de Laitre Le Thil aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCEA de Laitre Le Thil à payer au GFA Le Thil la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la SCEA de Laitre Le Thil ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils pour la société de Laitre le Thil
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCEA DELAITRE LE THIL de sa demande en nullité de la clause du bail relative au prix du fermage ;
AUX MOTIFS QU' étaient applicables à la date de la conclusion du bail et de ses avenants les dispositions des articles L. 411-11 et suivants du Code rural en leur rédaction issue de la loi du 30 décembre 1988 ; que le GFA fait justement valoir et qu'il convient de retenir que lors de la conclusion du bail les terres n'étaient ni construites ni plantées et que la denrée de référence, le blé, était prévue par l'arrêté préfectoral applicable ; que la denrée prévue au bout de la 17ème année de vin AOC Graves, Pessac, Léognan était prévue par le même arrêté ; que la loi du 2 janvier 1995 posant le principe d'un fermage en monnaie contient une exception relative aux terres nues portant des cultures permanentes viticoles et que le fermage a été calculé en fonction des seules terres plantées ; qu'en l'espèce a été conclu un bail de trente ans ; qu'à la date de la conclusion du bail, dans la limite de l'action exercée par le preneur, était applicable l'arrêté du 27 mai 1987 ; que l'exception d'illicéité de l'arrêté du 27 mai 1987 est dépourvue de pertinence, dès lors que l'augmentation de 25 % appliquée pour les vignes de première catégorie qui a été retenue par les parties sur la base de 12 hectolitres l'hectare est conforme au maximum prévu pour les baux de 25 ans, alors qu'a été conclu un bail de 30 ans ; que si la SCEA invoque par ailleurs une interdépendance entre les clauses relatives aux indemnités de sortie dont l'annulation qu'elle sollicite a été prononcée et les clauses relatives à la fixation du prix du bail, toutefois il n'est pas justifié de cette interdépendance dès lors que les différentes clauses obéissent à des régimes différents et trouvent leur solution à des dates différentes ;
ALORS, d'une part, QUE la fixation et la modification des fermages étant soumises à des règles d'ordre public impératives, il y a lieu d'annuler la clause du bail qui par une disposition contraire à l'ordre public, fixe un prix contraire aux règles autorisées par l'arrêté préfectoral ; qu'en l'espèce, s'agissant de terres nues et ne portant aucune construction, le prix du bail ne pouvait être fixé qu'en fonction de la nature des terres nues données à bail, conformément à l'arrêté préfectoral alors applicable ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a procédé d'une violation des articles L. 411-11, L. 411-12 et L. 411-13 du Code rural ;
ALORS, d'autre part, QU'en statuant comme elle l'a fait, en se référant à l'arrêté préfectoral du 27 mai 1987 qui avait été déclaré illicite, en ce qu'il prévoyait la libre fixation du prix du fermage entre les parties pour les baux de plus de 25 ans, sans rechercher comme elle y avait été invitée par les conclusions de la SCEA DELAITRE LE THIL, si elle n'était pas saisie d'une exception préjudiciable dont le caractère sérieux et pertinent devait l'obliger à surseoir à statuer, la Cour d'appel a de ce chef également procédé d'une violation des articles ci-dessus visés , de l'article 378 du Code de procédure civile et de l'article 13 de la loi du 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III ;
ALORS, de troisième part, QU'il existait une interdépendance étroite entre les modalités de fixation du fermage et les modalités de calcul de l'indemnité au preneur sortant ; que l'annulation de la clause relative à l'indemnité due au preneur sortant , laquelle était étroitement liée à la disposition relative à la fixation du fermage, devait nécessairement entraîner par voie de conséquence l'annulation de la clause relative à la fixation du fermage ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles ci-dessus visés et de l'article L. 415-12 du Code rural et de la pêche maritime ;
ALORS, enfin, QU'en toute hypothèse, et à titre subsidiaire, l'exposante avait fait valoir qu'à la supposer valide, la clause relative au prix du fermage ne pouvait permettre de fixer le prix pour les treize première années sur la base de 84 quintaux de blé, dès lors que les parcelles nues à l'origine avaient été plantées en vignes par la société preneuse, dès l'année 1989 ; que dès lors, la denrée choisie était illégale, ce qui était de nature à justifier l'annulation de la clause du bail, relative à la fixation du fermage ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a procédé d'une violation des articles L. 411-11 , L. 411-12 et L. 411-13 du Code rural et de la pêche maritime ci-dessus visés.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, statuant sur l'action en révision du fermage à compter du 1er juillet 2008, d'avoir ordonné une expertise avec pour mission donnée à l'expert de fournir à la Cour tous éléments propres à déterminer le prix du fermage, conformément à l'arrêté préfectoral applicable. Sans préciser que le prix du bail devrait désormais être fixé pour des terres nues à vocation viticole, sans bâtiments, et en application des dispositions légales et réglementaires afférentes à cette catégorie à l'exclusion des clauses contractuelles sur ce point.ALORS QUE dans ses écritures d'appel, la société preneuse avait pris soin de demander à la Cour de désigner tel expert à cette fin avec la mission de définir la catégorie des terres en question et de proposer le montant du fermage applicable, en tenant compte du caractère de terres nues, des parcelles données à bail ; que dès lors, en statuant de la sorte, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-27125
Date de la décision : 31/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Prix - Fixation - Denrées de base - Nature des denrées - Denrées de référence applicables différentes en début et en fin de bail - Prévision par l'arrêté préfectoral - Portée

Est conforme aux règles de fixation du fermage de l'article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime, la clause fixant le prix du bail en se référant, pour une première période, à la denrée applicable aux terres nues et, pour une deuxième période, à la denrée applicable aux terres plantées, dès lors que l'une et l'autre de ces denrées de référence sont prévues par l'arrêté préfectoral applicable


Références :

articles L. 411-11, L. 411-12 et L. 411-13 du code rural et de la pêche maritime

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 23 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 31 mai. 2012, pourvoi n°10-27125, Bull. civ. 2012, III, n° 88
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, III, n° 88

Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Bruntz
Rapporteur ?: Mme Pic
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.27125
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