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30/05/2012 | FRANCE | N°11-18157

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 mai 2012, 11-18157


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mars 2011), que le 30 mai 2008, M. X..., les sociétés Mediacom International, Mediamonde et Parabole Réunion, dont le dirigeant est M. X..., ont conclu avec les sociétés Canal Réunion, aujourd'hui dénommée Canal + Réunion, Canal Overseas aujourd'hui dénommée Canal + Overseas, Canal Satellite Réunion aux droits de laquelle vient Canal + Réunion, Canal + France, Groupe Canal + et Canal plus distribution un protocole d'intention prévoyant la conclusion d'un ou pl

usieurs protocoles, au plus tard le 15 septembre 2008, emportant notam...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mars 2011), que le 30 mai 2008, M. X..., les sociétés Mediacom International, Mediamonde et Parabole Réunion, dont le dirigeant est M. X..., ont conclu avec les sociétés Canal Réunion, aujourd'hui dénommée Canal + Réunion, Canal Overseas aujourd'hui dénommée Canal + Overseas, Canal Satellite Réunion aux droits de laquelle vient Canal + Réunion, Canal + France, Groupe Canal + et Canal plus distribution un protocole d'intention prévoyant la conclusion d'un ou plusieurs protocoles, au plus tard le 15 septembre 2008, emportant notamment l'acquisition par la société Canal Réunion auprès de la société Mediacom International ou de la société Mediamonde d'un pourcentage total de 25,2 % du capital et des droits de vote de la société Parabole Réunion, moyennant une certaine somme, un engagement ferme et irrévocable d'apport par la société Médiacom International et (ou) la société Média Monde au profit de la société Canal Réunion du solde des actions composant le capital de la société Parabole réunion (74,8 %) ou de l'ensemble des actifs et passifs de cette société en contrepartie de l'engagement de la société Canal Réunion d'émettre un nombre d'actions représentant 40,2 % de son nouveau capital ; qu'il était également prévu que la société Canal Réunion absorbe les sociétés Parabole Réunion et Canal Satellite Réunion sous une nouvelle entité dénommée CR Newco ; que les cessions croisées de participations désignées sous le terme "closing" étaient subordonnées à la réalisation de quatre conditions suspensives ; que les sociétés Canal Réunion, Canal Overseas, Canal Satellite Réunion, Canal plus France, Groupe Canal plus, Canal plus distribution (les sociétés Canal) s'étant opposées à la finalisation de l'opération au motif que deux des conditions suspensives ne s'étaient pas réalisées, les sociétés Parabole Réunion, Mediacom international, Médiamonde (les sociétés PMM) et M. X... les ont assignées pour obtenir l'exécution forcée du protocole et le paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés PMM et M. X... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes tendant à voir condamner, sous astreinte, les sociétés Canal à procéder à l'exécution effective du protocole d'intention du 30 mai 2008 alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'un contrat est subordonné à la condition suspensive de l'exécution préalable, par l'un des cocontractants, d'une promesse de porte-fort, celui-ci n'est pas fondé à se prévaloir de l'inexécution de sa propre obligation de résultat pour se libérer de ses autres engagements en invoquant la caducité de la convention principale, de sorte que seule l'autre partie est habile à exciper de la défaillance de la condition, si elle ne préfère y renoncer, peu important alors que ladite condition ait été stipulée ou non dans son intérêt exclusif ; qu'en l'espèce, il appert de l'arrêt que la condition suspensive relative à l'obtention de l'accord de la société Currimjee Jeewanjee pour que CR Newco détienne la majorité du capital de l'entité mauricienne née du rapprochement des deux groupes en litige était adossée à la promesse, souscrite par la société Canal Overseas, d'obtenir cet accord et que cet engagement, considéré en tant que tel, s'analysait en une obligation de résultat ; qu'en considérant que le groupe Canal + était habile à se prévaloir de la défaillance de cette condition suspensive, à laquelle le groupe Parabole avait pour sa part renoncé, sans avoir préalablement recherché, comme elle y était invitée, si le Groupe Canal + pouvait invoquer de bonne foi l'inexécution de sa propre obligation pour prétendre, contre la volonté de sa cocontractante, à la caducité du protocole d'intention, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 alinéa 3, 1120 et 1178 du code civil ;
2°/ qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt que l'article 11 du protocole d'intention mettait à la charge de la société Canal Overseas deux obligations distinctes, la première, qui n'était que de moyen, l'obligeant à faire ses meilleurs efforts pour obtenir une évolution de la législation mauricienne, la seconde, tenant à l'obtention de l'accord de sa partenaire, la société Currimjee Jeewanjee, pouvant s'analyser en revanche en une obligation de résultat ; qu'il résulte également de l'article 2 (iv) de ce même protocole, tel qu'il est fidèlement reproduit par l'arrêt, que seule l'exécution de cette seconde obligation était érigée en condition suspensive et que l'exécution du protocole n'était en revanche nullement subordonnée à l'évolution favorable de la législation mauricienne ; qu'en faisant néanmoins l'amalgame entre les deux obligations pourtant distinctes mises à la charge de la société Canal Overseas par l'article 11 pour finalement retenir que les sociétés intimées ne s'étaient engagées qu'à des obligations de moyen, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 12 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la société Canal Overseas a contracté une obligation de moyens en ce qui concerne l'évolution de la législation mauricienne et qu'elle y a satisfait après avoir engagé des démarches auprès des autorités mauriciennes lesquelles ont opposé un refus à toute élévation du seuil de détention de participation d'une société étrangère dans le capital d'une société de droit mauricien ; qu'il relève également que, si la société Canal Overseas a contracté une obligation de résultat en s'engageant à obtenir l'accord de la société mauricienne Currimjee Jeewanjee pour que la société CR Newco, issue de la fusion entre les sociétés Canal Réunion, Parabole Réunion et Canal Satellite Réunion, détienne la majorité du capital de la nouvelle société mauricienne issue du regroupement des entités mauriciennes, cet engagement n'a été pris que sous réserve d'une évolution de la législation mauricienne et se trouvait dépourvu de tout effet en l'absence d'une telle évolution ; que la cour d'appel qui a souverainement déduit de ces constatations et appréciations que, dans la commune intention des parties, il existait un lien indivisible entre ces deux obligations et qui les a distinguées l'une de l'autre, a pu retenir, sans avoir à procéder à une recherche que ces constatations rendaient inopérante, que la défaillance de la condition relative à l'évolution de la législation mauricienne rendait le protocole d'intention caduc, que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu les sociétés PMM et M. X... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande subsidiaire tendant à l'exécution partielle du protocole et, notamment de leur demande tendant à voir déclarer parfaite la vente par les sociétés Médiamonde et Médiacom international de 25,2 % du capital et des droits de vote de la société Parabole Réunion à la société Canal Réunion pour le prix total de 40 millions d'euros, alors, selon le moyen :
1°/ que les parties sont libres de convenir de la divisibilité des obligations résultant d'un même contrat et de cantonner à certaines obligations les conséquences s'attachant normalement à la caducité de la convention en raison de la défaillance d'une condition suspensive ; qu'en l'espèce, les parties avaient expressément stipulé, à l'article 16 du protocole d'intention, la « divisibilité des stipulations » dans une clause ainsi libellée : « le fait qu'une stipulation quelconque du protocole devienne (…) caduque ne pourra remettre en cause (…) l'applicabilité des autres stipulations du protocole qui devront alors être interprétées comme si les autres dispositions n'avaient jamais existé et n'exonéreraient pas chacune des parties de l'exécution dudit protocole (…) Il est de l'intention des parties que si l'une des restrictions ou engagement contenu dans les présentes couvrait une région géographique (…) qui n'était pas permise par la loi, une telle disposition ne serait pas analysée comme nulle ou sans effet, mais dans la mesure où une telle disposition serait valable ou exécutoire sous la loi applicable, une juridiction compétente devra analyser et interpréter ou réformer cet article pour lui donner le maximum de surface géographique (…) » ; qu'il est constant que la condition suspensive défaillie n'avait trait qu'à l'exécution du volet mauricien de la convention des parties ; qu'en considérant néanmoins que cette défaillance rendait le protocole caduc dans l'intégralité de ses dispositions, la cour d'appel, qui a substitué à la divisibilité des stipulations, telles que clairement stipulées, une indivisibilité que celle-ci avait pourtant expressément écarté, a violé de nouveau l'article 1134 du code civil, ensemble a dénaturé un écrit clair ;
2°/ que l'obligation mise à la charge des parties de négocier à nouveau leurs accords, stipulée à l'article 16, alinéa 2, ne pouvait dispenser le juge d'exercer les pouvoirs, qui lui étaient expressément conférés par l'alinéa 3 de ce même article 16, de déterminer, par voie d'interprétation ou même de réfaction du contrat, la mesure dans laquelle il pouvait être exécuté, nonobstant l'impossibilité d'exécution concernant une région géographique donnée ; que dès lors, en s'abritant derrière l'obligation de négocier mise à la charge des parties, pour refuser d'exercer les pouvoirs que lui conférait l'article 16, alinéa 3 du protocole d'intention, la cour d'appel a violé encore l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 4 du même code et l'article 12 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que la société Canal Réunion s'est engagée à acquérir 25,2 % du capital de la société Parabole Réunion détenus par les sociétés Mediacom International et Mediamonde et que ces deux dernières sociétés se sont engagées à apporter à la société Canal Réunion le solde de leurs participations dans la société Parabole Réunion (74,8 %) ; que la cour d'appel, qui a souverainement déduit de ces constatations que la commune intention des parties était de rendre ces deux opérations indissociables et que la cession de 25,2 % ne pouvait être ordonnée sans la seconde opération, a, par ce seul motif légalement justifié sa décision ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la caducité qui résultait de la défaillance de la condition suspensive relative au changement de la législation mauricienne atteignait le protocole en son entier, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, que l'article 16 du protocole était inapplicable ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Mediamonde, Parabole Réunion, Mediacom International et M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer aux sociétés Groupe Canal plus, Canal + France, Canal + Distribution, Canal + Overseas, Canal + Réunion et Canal + Réunion venant aux droits de la société Canal Satellite Réunion la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils pour les sociétés Mediamonde et Parabole Réunion, Mediacom international et M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les sociétés PARABOLE REUNION de leurs demandes tendant à voir condamner sous astreinte les sociétés du GROUPE CANAL + à procéder à l'exécution effective du protocole d'intention du 30 mai 2008 ;
AUX MOTIFS, pour partie contraires à ceux des premiers juges, QUE le protocole d'intention signé entre les parties le 30 mai 2008 prévoit en son article « closing » que : « sous réserve (i) de l'article 4 ci-après ainsi que (ii) du rachat par Médiamonde de l'intégralité du capital de Médicaom internation (..) (iii) du rachat par Canal Overseas d'un minimum de 29% du capital de Canal Réunion auprès des actionnaires minoritaires de cette dernière et (iv)de l'accord tel que visé à l'article 11, de la société Currimjee Jeewanjee pour que CR Newco détienne la majorité du capital de l'entité mauricienne, qui serait issue du rapprochement entre MC Vision Ltd et Médiacom Ltd, les parties s'engagent de matière ferme et irrévocable à conclure un ou plusieurs protocoles d'accord au plus tard le 15 septembre 2008 ; qu'il stipule en son article 11 intitulé « Rapprochement des entités mauricienne » que : « les parties entendent rapprocher (..) les activités mauriciennes de Parabole Réunion et de la société MC Vision Ltd, dans le respect des contraintes légales et réglementaires locales. Canal. Canal Overseas s'engage donc dès à présent à faire ses meilleurs efforts afin d'obtenir des autorités mauriciennes l'évolution de la législation. Elle s'engage également à faire ses meilleurs efforts afin que se partenaires actuels dans MC Vision Ltd et notamment la Société Currimjee Jeewanjee s'associent à ses démarches vis-à-vis des autorités mauriciennes à cet égard et permettent à CR Newco d'obtenir une majorité du capital de l'entité mauricienne issue de ce rapprochement. Canal Overseas obtiendra l'accord de la société Currimjee Jeewanjee pour que CR Newco détienne la majorité du capital de l'entité mauricienne issue de ce rapprochement en cas d'évolution de la législation mauricienne » ; qu'il convient de rappeler, pour une compréhension du litige, que la législation mauricienne ne permet pas à une entreprise étrangère de prendre une participation de plus de 20% dans une société de droit mauricien ; que la quatrième condition, dénommée « iv » de l'article 2 du protocole du 30 mai 2008, tenant à l'obtention de l'accord de la société Currimjee Jeewanjee est une condition suspensive ; qu'il n'est contesté par aucune des parties que cet accord n'a pas été obtenu à la date du 15 septembre 2008 ; que les appelants ne peuvent sérieusement soutenir que cette condition a été stipulée à leur seul profit, ce qui n'est nullement précisé dans l'acte ; qu'en outre, il est manifeste que chaque partie avait un intérêt à sa réalisation ; que la défaillance de cette condition suspensive à la date du 15 septembre 2008 emporte en conséquence caducité du protocole d'intention, dont peuvent se prévaloir les deux parties, conformément à l'article susmentionné, sans qu'il soit utile dès lors de se prononcer sur les autres conditions suspensives ; que s'il les appelants ne prétendent pas conformément aux dispositions de l'article 1178 du Code civil que ce sont les intimées, qui intentionnellement ont empêché l'accomplissement de la condition suspensive, en revanche ils analysent cette clause érigée en clause suspensive en un engagement de porte-fort emportant une obligation de résultat, afin de contrecarrer la conséquence relative à la caducité du protocole provoquée par la défaillance de la condition suspensive ; qu'ils en veulent notamment pour preuve l'article 11 du protocole litigieux relatif à « Canal Overseas obtiendra l'accord de la société Currimjee Jeewanjee en cas d'évolution de la législation mauricienne ; qu'ils estiment que la société Canal ayant ainsi garanti personnellement le fait d'un tiers, cet engagement doit être qualifié de forte-fort au sens de l'article 1120 du Code civil ; qu'il convient qu'il convient d'observer que l'engagement souscrit par le Président de la société Canal Overseas dans une lettre d'intention d'avril 2008 a été repris en des termes identiques à l'article 11 du protocole ; que le premier engagement souscrit par la société Canal Overseas tenant à « faire ses meilleurs efforts » tant auprès des autorités mauriciennes que de ses partenaires actuels et notamment de la société Currimjee Jeewanjee est constitutif d'une obligation de moyens et non de résultat, dès lors qu'il exprime seulement l'intention du souscripteur de mettre en oeuvre certains moyens pour permettre la réalisation du projet ; qu'en outre, cet engagement comporte un aléa important en ce qu'il dépend d'autres facteurs externes sur lesquels les sociétés intimées n'ont pas de prise (modification de la loi mauricienne et autorisation d'une société tierce) ; que dans ces conditions, il ne peut s'agit d'une obligation de porte-fort, qui ne comprend qu'une obligation de résultat ; que si le second engagement « obtenir l'accord » pourrait être analysé comme une obligation de résultat, il convient toutefois de relever qu'il n'a été pris que dans l'hypothèse d'une évolution de la législation mauricienne, dont il n'est pas contesté qu'elle n'a pas eu lieu, ainsi qu'il ressort du compte rendu de réunion entre les conseils des sociétés Groupe Canal et Currimjee Jeewanjee en date du 7 juillet 2008 ; que cette réserve tenant au changement de la loi mauricienne n'ayant pas été levée, puisque les autorités mauriciennes ont opposé un refus, cet engagement est devenu caduc ; qu'en effet l'accord de la société Currimjee Jeewanjee n'avait en soi aucun effet en l'absence d'évolution de la loi mauricienne ; que les sociétés intimées, qui se sont seulement engagées à réaliser des démarches pour obtenir, d'une part, une modification de la législation mauricienne, d'autre part, l'accord de la société mauricienne Currimjee Jeewanjee afin de permettre aux sociétés Canal et Parabole d'obtenir une majorité du capital de l'entité mauricienne nouvelle, ont souscrit une obligation de faire, dont l'inexécution se résout en dommages et intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1142 du Code civil ; que par conséquent, cette inexécution ne saurait empêcher la caducité du protocole résultant de la non réalisation de la condition suspensive entraînant ainsi l'impossibilité pour les appelantes d'en solliciter l'exécution forcée ;
ALORS QUE, D'UNE PART, lorsqu'un contrat est subordonné à la condition suspensive de l'exécution préalable, par l'un des cocontractants, d'une promesse de porte-fort, celui-ci n'est pas fondé à se prévaloir de l'inexécution de sa propre obligation de résultat pour se libérer de ses autres engagements en invoquant la caducité de la convention principale, de sorte que seule l'autre partie est habile à exciper de la défaillance de la condition, si elle ne préfère y renoncer, peu important alors que ladite condition ait été stipulée ou non dans son intérêt exclusif ; qu'en l'espèce, il appert de l'arrêt que la condition suspensive relative à l'obtention de l'accord de la société Currimjee Jeewanjee pour que CR Newco détienne la majorité du capital de l'entité mauricienne née du rapprochement des deux groupes en litige était adossée à la promesse, souscrite par la société Canal Overseas, d'obtenir cet accord et que cet engagement, considéré en tant que tel, s'analysait en une obligation de résultat ; qu'en considérant que le groupe Canal+ était habile à se prévaloir de la défaillance de cette condition suspensive, à laquelle le groupe Parabole avait pour sa part renoncé, sans avoir préalablement recherché, comme elle y était invitée (cf. notamment l'encadré qui figure en p.31, in fine, des dernières conclusions des appelantes), si le Groupe Canal + pouvait invoquer de bonne foi l'inexécution de sa propre obligation pour prétendre, contre la volonté de sa cocontractante, à la caducité du protocole d'intention, la Cour prive son arrêt de base légale au regard des articles 1134 alinéa 3, 1120 et 1178 du Code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, il résulte des constatations mêmes de l'arrêt que l'article 11 du protocole d'intention mettait à la charge de la Société Canal Overseas deux obligations distinctes, la première, qui n'était que de moyen, l'obligeant à faire ses meilleurs efforts pour obtenir une évolution de la législation mauricienne, la seconde, tenant à l'obtention de l'accord de sa partenaire, la société Currimjee Jeewanjee, pouvant s'analyser en revanche en une obligation de résultat (cf arrêt p.7 § 5 et 6) ; qu'il résulte également de l'article 2 (iv) de ce même protocole, tel qu'il est fidèlement reproduit par l'arrêt, que seule l'exécution de cette seconde obligation était érigée en condition suspensive et que l'exécution du protocole n'était en revanche nullement subordonnée à l'évolution favorable de la législation mauricienne (arrêt p.5 § 3) ; qu'en faisant néanmoins l'amalgame entre les deux obligations pourtant distinctes mises à la charge de la société Canal Overseas par l'article 11 pour finalement retenir que les sociétés intimées ne s'étaient engagées qu'à des obligations de moyen, la Cour viole les articles 1134 du Code civil et 12 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les sociétés du groupe Parabole Réunion de leurs demandes subsidiaires tendant à l'exécution partielle du protocole transactionnel, et notamment de leur demande tendant à voir déclarer parfaite la vente par les sociétés Médiamonde et Médiacom International de 25,2 % du capital et des droits de vote de la société Parabole Réunion à la société Canal Réunion pour le prix total de 40 millions d'euros ;
AUX MOTIFS QU'à titre subsidiaire, les appelants sollicitent l'exécution partielle du protocole d'intention, constitué selon eux de deux étapes distinctes, ne formant pas un tout ; qu'ils demandent en conséquence que soit déclarée parfaite la vente par les sociétés Médiamonde et Médiacom International de 25,2% du capital et des droits de vote de la société Parabole Réunion à la société Canal Réunion pour le prix total de 40 millions d'euros, constituant la première étape ; que cependant, le protocole ayant été déclaré caduc son exécution forcée, fût-elle partielle, est impossible ; qu'en toute hypothèse, contrairement aux allégations des appelants, les deux phases distinctes du protocole litigieux constituent un tout dès lors que les parties ont prévu une prise de majorité du capital par le Groupe Canal Plus de la société issue de la fusion des deux opérateurs de télévision payante ; qu'ordonner la cession de 25,2 des actions de la société Parabole sans ordonner la cession du solde des actions de cette dernière, reviendrait à dénaturer le sens du protocole et la volonté des parties ; que la clause 16 relative à la divisibilité des stipulations ne peut trouver application en l'espèce puisque la caducité ne porte pas sur une seule clause du protocole, mais sur l'entier protocole ; qu'à supposer même que cette clause puisse s'appliquer, elle doit s'interpréter au regard de son alinéa 2 qui prévoit qu'en cas de caducité d'une clause du protocole, les parties entreront en négociation pour modifier ces dispositions de telle manière à ce que telles qu'amendées, elles soient valides et reflètent autant que possible l'intention initiale des parties ; que dans une telle hypothèse, les parties avaient donc l'obligation de négocier à nouveau ;
ALORS QUE, D'UNE PART, les parties sont libres de convenir de la divisibilité des obligations résultant d'un même contrat et de cantonner à certaines obligations les conséquences s'attachant normalement à la caducité de la convention en raison de la défaillance d'une condition suspensive ; qu'en l'espèce, les parties avaient expressément stipulé, à l'article 16 du protocole d'intention, la « divisibilité des stipulations » dans une clause ainsi libellée : « le fait qu'une stipulation quelconque du protocole devienne (…) caduque ne pourra remettre en cause (…) l'applicabilité des autres stipulations du protocole qui devront alors être interprétées comme si les autres dispositions n'avaient jamais existé et n'exonéreraient pas chacune des parties de l'exécution dudit protocole (…)Il est de l'intention des parties que si l'une des restrictions ou engagement contenu dans les présentes couvrait une région géographique (…) qui n'était pas permise par la loi, une telle disposition ne serait pas analysée comme nulle ou sans effet, mais dans la mesure où une telle disposition serait valable ou exécutoire sous la loi applicable, une juridiction compétente devra analyser et interpréter ou réformer cet article pour lui donner le maximum de surface géographique (…) » ; qu'il est constant que la condition suspensive défaillie n'avait trait qu'à l'exécution du volet mauricien de la convention des parties ; qu'en considérant néanmoins que cette défaillance rendait le protocole caduc dans l'intégralité de ses dispositions, la Cour, qui substitue à la divisibilité des stipulations, telles que clairement stipulées, une indivisibilité que celle-ci avait pourtant expressément écarté, viole de nouveau l'article 1134 du Code civil, ensemble dénature un écrit clair ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, l'obligation mise à la charge des parties de négocier à nouveau leurs accords, stipulée à l'article 16, alinéa 2, ne pouvait dispenser le juge d'exercer les pouvoirs, qui lui étaient expressément conférés par l'alinéa 3 de ce même article 16, de déterminer, par voie d'interprétation ou même de réfaction du contrat, la mesure dans laquelle il pouvait être exécuté, nonobstant l'impossibilité d'exécution concernant une région géographique donnée ; que dès lors, en s'abritant derrière l'obligation de négocier mise à la charge des parties, pour refuser d'exercer les pouvoirs que lui conférait l'article 16, alinéa 3 du protocole d'intention, la Cour viole encore l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 4 du même Code et l'article 12 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-18157
Date de la décision : 30/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 mai. 2012, pourvoi n°11-18157


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.18157
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