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30/05/2012 | FRANCE | N°11-13329

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 30 mai 2012, 11-13329


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 décembre 2010), que le 16 août 1990 la SCP Dominique Desseigne et Pierre Libault, notaire, a reçu l'acte de prêt consenti par la SCAM aux droits de laquelle vient la société Barclays Bank PLC (la banque) à MM. Antonio et Manuel X...; que Francisco X...
Y...et son épouse née Graciette Z...
A... (les époux Y...), représentés à l'acte en exécution d'une procuration authentique du 23 février 1990, se sont portés cautions hypothécaires du remboursement de

ce prêt en lui affectant les lots 73 et 74 d'un bien immobilier ; que les éc...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 décembre 2010), que le 16 août 1990 la SCP Dominique Desseigne et Pierre Libault, notaire, a reçu l'acte de prêt consenti par la SCAM aux droits de laquelle vient la société Barclays Bank PLC (la banque) à MM. Antonio et Manuel X...; que Francisco X...
Y...et son épouse née Graciette Z...
A... (les époux Y...), représentés à l'acte en exécution d'une procuration authentique du 23 février 1990, se sont portés cautions hypothécaires du remboursement de ce prêt en lui affectant les lots 73 et 74 d'un bien immobilier ; que les échéances du prêt n'ayant pas été régulièrement honorées, la déchéance du terme a été prononcée et les droits immobiliers, objet d'une saisie immobilière, vendus ; que soutenant avoir été victimes d'erreurs de la part du notaire et de la banque, les époux Y...ont recherché leur responsabilité ; que Francisco X...
Y...étant décédé le 14 février 2010, l'instance a été reprise par sa veuve et M. Antonio Z...
X...(les consorts Y...) ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts Y...font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes dirigées contre la SCP Dominique Desseigne et Pierre Libault alors, selon le moyen :
1°/ que le notaire est tenu d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente ; que le notaire est donc tenu d'un devoir de vérification préalable à l'élaboration de l'acte ; qu'en retenant, pour estimer que le notaire n'avait pas commis de faute sur l'identification des lots grevés de l'hypothèque (deux appartements de deux pièces au lieu d'un appartement avec sa cave) et sur l'absence de nantissement sur le fonds de commerce, dans l'élaboration de l'acte authentique de cautionnement, que les époux X...
Y...ne lui avaient pas communiqué l'accord de crédit mentionnant précisément les garanties à prendre, là où il appartenait au notaire de vérifier les conditions d'octroi du prêt, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ qu'en se bornant à retenir que l'intention de faire procéder à l'inscription d'un nantissement sur le fonds de commerce n'avait pas été portée à la connaissance du notaire, sans rechercher, comme elle y était invitée, offre de preuve à l'appui, si la banque n'avait pas reconnu avoir expressément demandé au notaire, le jour de la signature de l'acte authentique de cautionnement de supprimer la mention de l'inscription du nantissement sur le fonds de commerce, ce dont il aurait résulté que le notaire, qui avait connaissance de ce que les parties avaient initialement convenu d'envisager cette garantie, avait commis une faute en ne les informant pas des conséquences résultant de la modification des garanties initialement prévues, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'en constatant que les époux Y...n'avaient pas communiqué au notaire l'acte sous seing privé d'accord de crédit prévoyant l'inscription de nantissement sur le fonds de commerce et que la procuration authentique mentionnait bien les lots 73 et 74 comme objet de cautionnement hypothécaire sans se référer à l'inscription d'un quelconque nantissement, la cour d'appel qui en a déduit que le notaire n'avait pas commis de faute ni quant à l'identification des lots ni au sujet de l'inscription de nantissement, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le second moyen :

Attendu que les consorts Y...reprochent à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes dirigées à l'encontre de la banque alors, selon le moyen :
1°/ que l'autorité de chose jugée s'attache à ce qui a été jugé entre les mêmes parties, à condition que la chose demandée soit la même ; que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ; que l'instance ayant donné lieu au jugement du 21 décembre 1994 a débouté les époux X...
Y...de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l'acte de cautionnement ; qu'en retenant que leur demande de dommages-intérêts, qui n'avait pas le même objet, se heurte aujourd'hui à l'autorité de chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
2°/ que les époux X...
Y...sollicitaient que la responsabilité de la banque soit engagée pour avoir volontairement sollicité la suppression d'une garantie à laquelle ils auraient, en tant que cautions, pu être subrogés ; qu'en retenant qu'ils ne font que reprendre à l'identique leurs écritures de première instance « tendant à contester la validité du titre exécutoire », la cour d'appel a dénaturé les conclusions des parties, en méconnaissance de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque la demande repose sur une cause factuelle différente de celle ayant donné lieu à la précédente instance ; que la demande de dommages-intérêts formée par les époux X...
Y...est fondée sur le fait que la banque a volontairement sollicité la suppression d'une garantie à laquelle ils auraient, en tant que cautions, pu être subrogés, fait qui ne s'est révélé que par le dépôt par la banque de conclusions dans le cadre de la procédure d'appel sur la distribution de la consignation, le 21 avril 2000, soit postérieurement au jugement du 21 décembre 1994 ; qu'en leur opposant néanmoins la chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
4°/ que tout justiciable a droit à ce que sa cause soit entendue ; qu'un revirement de jurisprudence ne saurait priver rétroactivement le justiciable de son droit d'accès au juge, sauf à méconnaître le principe de sécurité juridique ; qu'en opposant, de manière rétroactive, aux époux X...
Y...le revirement de jurisprudence résultant de l'arrêt rendu par l'Assemblée plénière le 7 juillet 2006, la cour d'appel a privé ces derniers de leur droit d'accès au juge, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; que l'arrêt attaqué, constatant par motifs propres et adoptés que les époux Y...avaient déjà saisi le tribunal le 14 janvier 1994 afin d'obtenir la condamnation de la banque à les indemniser du préjudice qu'ils auraient subi du fait de la procédure de saisie immobilière diligentée à leur encontre, lequel les avait déboutés de leur demande par décision devenue irrévocable, la cour d'appel, qui n ‘ a pas dénaturé les conclusions, n'a pu qu'en déduire, en l'absence de faits nouveaux venus modifier la situation ainsi antérieurement reconnue en justice, et sans encourir les griefs de violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'ils étaient irrecevables en leurs prétentions tendant aux mêmes fins ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts Y...; les condamne à payer à la SCP Dominique Desseigne et Pierre Libault la somme de 2 000 euros et la même somme à la société Barclays Bank PLC ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour les consorts X...
Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux X...-Y...de leurs demandes tendant à voir engager la responsabilité de la SCP DESSEIGNE et LIBAUT,
AUX MOTIFS QUE : « Le notaire soutient à juste titre qu'il n'a pas commis de faute quant à la renonciation des époux X...
Y...au bénéfice de discussion, auquel ils avaient expressément renoncé dans la procuration, leur mandataire n'ayant émis aucune réserve, cette déclaration étant non équivoque quand bien même elle ne concorderait pas avec une déclaration différente figurant en page 2 de l'acte du 1er août 1990 selon laquelle « en outre, il est expressément convenu que le prêteur ou la banque devra discuter préalablement avec son débiteur avant d'exercer ses droits sur les biens et droits immobiliers ci-après hypothéqués par les époux X...
Y...», dès lors que le mandataire a signé l'acte notarié sans réserve, montrant ainsi que telle était bien l'intention de ses mandants telle que résultant de la procuration ; que de même il n'a pas commis de faute dans l'identification des lots car sans doute l'accord de crédit mentionne deux lots 74 et 97 mais les époux X...
Y...n'ont pas communiqué ce document au notaire, ce qui est établi par le fait que l'accord de crédit ne mentionne pas le nom de ce notaire-là ; que par contre, l'acte de procuration authentique mentionne bien les lots 73 et 74 comme objet de cautionnement hypothécaire et les époux X...
Y...ne justifient pas, contrairement à leurs dires à cet égard, que la procuration ait été rédigée sur la base d'un modèle confus fourni par l'étude notariale ; qu'enfin le notaire n'a pas davantage commis de faute au regard de l'inscription du nantissement sur le fonds de commerce, point qui n'a pas été porté à sa connaissance, le mandataire n'en ayant rien dit et l'acte de procuration n ‘ en parlant pas, ce qui exclut que le notaire puisse se voir reprocher un manquement à son devoir de conseil sur ce point » ;

1°) ALORS, d'une part, QUE le notaire est tenu d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente ; que le notaire est donc tenu d'un devoir de vérification préalable à l'élaboration de l'acte ; qu'en retenant, pour estimer que le notaire n'avait pas commis de faute sur l'identification des lots grevés de l'hypothèque (deux appartements de deux pièces au lieu d'un appartement avec sa cave) et sur l'absence de nantissement sur le fonds de commerce, dans l'élaboration de l'acte authentique de cautionnement,, que les époux X...
Y...ne lui avaient pas communiqué l'accord de crédit mentionnant précisément les garanties à prendre, là où il appartenait au notaire de vérifier les conditions d'octroi du prêt, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2°) ALORS, d'autre part, QU'en se bornant à retenir que l'intention de faire procéder à l'inscription d'un nantissement sur le fonds de commerce n'avait pas été portée à la connaissance du notaire, sans rechercher, comme elle y était invitée (Conclusions, p. 4, § 3-5), offre de preuve à l'appui (Pièce 4 du bordereau de communication de pièces annexé aux conclusions d'appel), si la banque n'avait pas reconnu avoir expressément demandé au notaire, le jour de la signature de l'acte authentique de cautionnement de supprimer la mention de l'inscription du nantissement sur le fonds de commerce, ce dont il aurait résulté que le notaire, qui avait connaissance de ce que les parties avaient initialement convenu d'envisager cette garantie, avait commis une faute en ne les informant pas des conséquences résultant de la modification des garanties initialement prévues, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable les demandes formées par les époux X...
Y...à l'encontre de la société BARCLAYS BANK PLC,
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « A l'égard de la banque, par des motifs pertinents que la cour fait siens, les premiers juges ont retenu que les époux X...
Y...n'étaient pas recevables à agir à son encontre, leurs demandes se heurtant à l'autorité de la chose jugée ; que les appelants ne présentent pas de réelles critiques du jugement déféré sur ce point et ne font que reprendre à l'identique leurs écritures de première instance tendant à contester la validité du titre exécutoire ; qu'en effet, par jugement du 21 décembre 1994, le Tribunal de grande instance de Paris a constaté la validité du titre exécutoire et a débouté les époux X...
Y...de toutes leurs demandes à l'encontre de la Banque, laquelle a actionné la garantie hypothécaire dont elle bénéficiait, instance dans laquelle les cautions soutenaient déjà que l'acte notarié du 16 août 1990 constatant le prêt pour lequel ils se sont portés cautions hypothécaires serait nul en ce qu'il ne stipulerait pas que la banque devait discuter préalablement avec les cautions avant d'exercer ses droits sur les biens objet de la garantie : que par jugement du 1er juin 1995, le même tribunal a rejeté l'incident des époux X...
Y...visant à obtenir le report de l'adjudication au même motif de la contestation de la validité du titre exécutoire sur le fondement duquel la banque poursuivait la vente de l'immeuble ; qu'il a été ci-dessus rappelé le jugement du 4 mars 1999 du même Tribunal rejetant l'opposition des appelants, confirmé par un arrêt du 29 juin 2000 de la Cour d'appel de Paris » ;
Et AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Les époux X...ont saisi le 14 janvier 1994 la première chambre de ce tribunal aux fins notamment d'entendre condamner la société Crédit pour l'Acquisition et l'Amélioration des Immeubles et la SCP DESSEIGNE à les garantir des conséquences de leurs fautes et à réparer le préjudice résultant de la procédure de saisie immobilière engagée à leur encontre : il leur incombait de présenter dès cette instance l'ensemble des moyens qu'ils estimaient de nature à fonder leurs prétentions et leur demande formée aux mêmes fins, encore que sur une argumentation différente, à l'encontre de la société BARFIMMO se heurte à l'autorité de la chose jugée et doit être déclarée irrecevable » ;
1°) ALORS, d'une part, QUE l'autorité de chose jugée s'attache à ce qui a été jugé entre les mêmes parties, à condition que la chose demandée soit la même ; que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ; que l'instance ayant donné lieu au jugement du 21 décembre 1994 a débouté les époux X...
Y...de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l'acte de cautionnement ; qu'en retenant que leur demande de dommages et intérêts, qui n'avait pas le même objet, se heurte aujourd'hui à l'autorité de chose jugée, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;
2°) ALORS, d'autre part, QUE les époux X...
Y...sollicitaient que la responsabilité de la Banque soit engagée pour avoir volontairement sollicité la suppression d'une garantie à laquelle ils auraient, en tant que cautions, pu être subrogés ; qu'en retenant qu'ils ne font que reprendre à l'identique leurs écritures de première instance « tendant à contester la validité du titre exécutoire », la Cour d'appel a dénaturé les conclusions des parties, en méconnaissance de l'article 4 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS, en tout état de cause, QUE l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque la demande repose sur une cause factuelle différente de celle ayant donné lieu à la précédente instance ; que la demande de dommages et intérêts formée par les époux X...
Y...est fondée sur le fait que la banque a volontairement sollicité la suppression d'une garantie à laquelle ils auraient, en tant que cautions, pu être subrogés, fait qui ne s'est révélé que par le dépôt par la banque de conclusions dans le cadre de la procédure d'appel sur la distribution de la consignation, le 21 avril 2000, soit postérieurement au jugement du 21 décembre 1994 ; qu'en leur opposant néanmoins la chose jugée, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;
4°) ALORS, en toute hypothèse, QUE tout justiciable a droit à ce que sa cause soit entendue ; qu'un revirement de jurisprudence ne saurait priver rétroactivement le justiciable de son droit d'accès au juge, sauf à méconnaître le principe de sécurité juridique ; qu'en opposant, de manière rétroactive, aux époux X...
Y...le revirement de jurisprudence résultant de l'arrêt rendu par l'Assemblée plénière le 7 juillet 2006, la Cour d'appel a privé ces derniers de leur droit d'accès au juge, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'hommes.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-13329
Date de la décision : 30/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 30 mai. 2012, pourvoi n°11-13329


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.13329
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