LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 551-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité tunisienne, en situation irrégulière en France, a fait l'objet d'un arrêté de réadmission en Italie et d'une décision de maintien en rétention administrative, pris par le préfet du Finistère le 6 mai 2001 ; qu'un juge des libertés et de la détention a prolongé sa rétention ;
Attendu que, pour infirmer cette décision et dire n'y avoir lieu à prolonger la rétention, l'ordonnance retient qu'il résulte de l'article 15 de la directive 2008/115/CE que les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement et de l'article 7 de la même directive que la décision de retour doit prévoir un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire de ce ressortissant, que M. X... ne pouvait être placé en rétention sans avoir pu bénéficier de ce délai ;
Qu'en déduisant l'irrégularité du placement en rétention de M. X... de l'absence de prévision, dans la décision d'éloignement de celui-ci, d'un délai approprié pour assurer son départ volontaire, le premier président s'est prononcé sur la légalité de cette décision, en méconnaissance du principe de la séparation des autorités judiciaire et administrative, violant ainsi les textes susvisés ;
Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Et attendu que les délais légaux de maintien rétention étant expirés, il ne reste rien à juger ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 10 mai 2011, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Rennes ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Rennes
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Moyen unique de cassation pris de la violation des articles 683, 7 et 15 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008,604 du code de procédure civile, violation de la loi et défaut de base légale ;
EN CE QUE le conseiller à la Cour d'appel de Rennes, après avoir rappelé
- qu'il résulte de l'article 15 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 que les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant de pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, et que la directive dans son article 3 définit le retour comme le fait, pour le ressortissant d'un pays tiers, de rentrer, que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé, dans son pays d'origine ou un pays de transit conformément à des arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux, et l'éloignement comme étant l'exécution de l'obligation de retour, à savoir le transfert physique hors de l'État membre et que rien ne permet de considérer que la décision de remise de Mounir X... aux autorités italiennes dans le cadre d'un accord de réadmission, telle que prévue aux articles L. 531-1 et L.531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, échappait aux dispositions de la directive ;
- que selon l'article 7 de ladite directive, conformément au principe de proportionnalité et d'efficacité qu'elle affirme, la décision de retour doit prévoir un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire du ressortissant du pays tiers, avant de recourir à des mesures coercitives ;
- que cet article 7, selon l'avis du Conseil d'état du 21 mars 2011, comme l'article 15 selon la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 28 avril 2011, sont directement applicables en droit interne à défaut de transposition de la directive dans le délai imparti ;
a décidé d'infirmer la décision du juge des libertés et de la détention ;
AUX MOTIFS OUE si la décision de remise de Mounir X... aux autorités italiennes s'analyse comme une décision de retour, Mounir X... ne pouvait être placé en rétention administrative sans avoir pu bénéficier du délai prévu à l'article 7 de la directive et que dans le cas où cette décision relèverait des dispositions de l'article 653 de la directive, qui permet aux États membres de s'abstenir de prendre une décision de retour si l'étranger est repris par un autre État membre en vertu d'accords ou d'arrangements bilatéraux, il n'y aurait alors pas davantage lieu à rétention au regard de l'article 15 de la directive ;
ALORS OUE l'article 3 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 qui définit le mot "retour" au sens de la directive, ne vise pas le retour dans le pays dans lequel l'étranger est installé et titulaire d'un titre lui permettant d'y séjourner régulièrement, situation dans laquelle se trouvait Mounir X..., selon ses dires non contestés par quiconque et aux termes de l'acceptation des autorités italiennes ;
ET ALORS OUE l'article 653 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 donne une simple faculté aux États de s'abstenir de prendre une décision de retour à l'encontre d'un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire si le ressortissant concerné d'un pays tiers est repris par un autre État membre en vertu d'accords ou d'arrangements bilatéraux ;
Qu'en décidant ainsi qu'exposé ci-dessus, le conseiller à la Cour d'appel de Rennes, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés.