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22/05/2012 | FRANCE | N°11-11496

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 mai 2012, 11-11496


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2010), que la banque Sofal, aux droits de laquelle se trouve la société WHBL 7 (la banque), a financé l'acquisition par la société Cise d'un immeuble situé à Nice, lequel a été apporté à la société Delta Park en contrepartie d'un certain nombre d'actions nouvelles de cette société ; qu'à la suite des difficultés rencontrées par les sociétés du groupe auquel appartenaient les sociétés Cise et Delta Park, à rembourser le

s crédits consentis par la banque, a été conclu un protocole d'accord général dont...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2010), que la banque Sofal, aux droits de laquelle se trouve la société WHBL 7 (la banque), a financé l'acquisition par la société Cise d'un immeuble situé à Nice, lequel a été apporté à la société Delta Park en contrepartie d'un certain nombre d'actions nouvelles de cette société ; qu'à la suite des difficultés rencontrées par les sociétés du groupe auquel appartenaient les sociétés Cise et Delta Park, à rembourser les crédits consentis par la banque, a été conclu un protocole d'accord général dont les modalités d'exécution ont fait l'objet, pour chacun des emprunteurs, d'un protocole particulier ; qu'en exécution de ces protocoles, la société Delta Park, a cédé l'immeuble situé à Nice, avec délégation intégrale du prix de vente à cette dernière ; qu'en contrepartie, suivant certaines modalités, la banque a abandonné ses créances; que reprochant à la banque d'avoir affecté le prix de vente au compte de la société Cise, la société Delta Park l'a assignée en paiement de cette somme; qu'après avoir été déboutée de sa demande, elle a assigné la société Cise en remboursement du prix de vente qui lui a bénéficié, laquelle a appelé la banque en garantie et en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Delta Park fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le tiers qui, sans y être tenu, a payé la dette d'autrui de ses propres deniers, dispose, bien que non subrogé aux droits du créancier, d'un recours contre le débiteur ; qu'en l'espèce, il est constant que, par acte notarié du 26 novembre 1996, la société Delta Park a vendu à la société Sagep, avec délégation du prix de vente à la banque, l'immeuble litigieux rue Notre-Dame à Nice, et que le bénéfice de cette cession a été cependant attribué non pas au compte de la société Delta Park mais au compte de la société Cise de laquelle elle le tenait elle-même, en vertu d'un acte d'apport du 2 septembre 1992 ; qu'en déboutant néanmoins la société Delta Park de son recours contre la société Cise, après avoir constaté que la banque ne disposait plus pour cette opération d'aucune créance contre la société Delta Park, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1131, 1132 et 1134 du code civil ;
2°/ qu'en affirmant, pour exclure tout recours de la société Delta Park contre la société Cise, qu'«au jour de la vente, la société Cise était déchargée de toutes ses obligations envers la banque au titre de l'immeuble de Nice, de sorte qu'il n'est pas possible de soutenir que la société Delta Park aurait procédé à un paiement pour le compte et au profit de la société Cise», quand elle constatait par ailleurs qu'à la date de l'opération des 1er et 2 septembre 1992 «la banque ne disposait plus à l'encontre de la société Cise que d'une créance de garantie par les actions de cette dernière au sein de la société Delta Park et ne disposait plus d'aucune sûreté sur l'immeuble de Nice», ce dont il résultait bien le principe d'une créance de la banque contre la société Cise confortant le paiement pour autrui résultant de l'attribution au compte de cette dernière de la vente de l'immeuble en cause, propriété de la société Delta Park, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 1131, 1132 et 1134 du code civil ;
3°/ que la solidarité ne se présume pas et doit être expressément stipulée ; qu'en considérant en l'espèce que la stipulation dans l'acte de vente de l'immeuble de Nice, le 26 novembre 1996, d'une délégation irrévocable au profit de la banque, de l'intégralité du prix de vente dû par l'acquéreur, autorisait cette dernière à attribuer librement ladite vente au compte de la société Cise, ce qui revenait à instaurer entre la société Delta Park et la société Cise une solidarité non expressément prévue à la convention des parties, la cour d'appel a violé les articles 1197 et 1202 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté qu'en exécution des protocoles général et particulier, la société Delta Park a cédé l'immeuble situé à Nice à une des filiales de la banque, avec une délégation de l'intégralité du prix de vente à la banque, laquelle a, conformément à son engagement, abandonné, selon certaines modalités, les créances détenues contre le vendeur, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les protocoles ont été signés en raison de l'importance des dettes de la société Delta Park, que la cause de l'engagement de la société Delta Park de déléguer le prix de vente tenait à l'engagement corrélatif de la banque d'abandonner les créances détenues contre elle en sorte qu'elle avait un intérêt personnel certain à cette opération ; qu'il retient encore que la société Delta Park savait que l'immeuble de Nice était compris dans l'opération globale de cession d'actifs et que l'inscription du montant du prix de cession au compte de la société Cise ne lui a causé aucun préjudice puisque ses dettes liées à des crédits pour d'autres immeubles ont disparu par la mise oeuvre des protocoles ; qu'en l'état de ses constatations et appréciations, la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, que la société Delta Park ne justifiait d'aucune créance envers la société Cise ;
Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que la société Delta Park avait soutenu que le rejet de son action, au motif que la délégation de l'intégralité du prix de vente au profit de la banque autorisait cette dernière à attribuer librement ladite vente au compte de la société Cise, reviendrait à instaurer entre les deux sociétés une solidarité non prévue à la convention des parties ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Delta Park et M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société WHBL 7 la somme globale de 2 500 euros et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Delta Park et de M. X..., ès qualités
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR, par confirmation du jugement déféré, débouté la SA DELTA PARK de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE «l'immeuble en cause, sis rue Notre-Dame à Nice, a été acquis par la SA CISE le 9 septembre 1987 au prix de 32.000.000 francs par le biais d'un prêt consenti par la banque SOFAL qui a pris une inscription de prêteur de deniers sur cet immeuble à hauteur de 48.000.000 francs ; le 1er septembre 1992, la banque SOFAL a consenti un nouveau prêt de 32.000.000 francs à la SA CISE pour racheter le crédit initial ; en garantie de ce nouveau prêt, la banque a pris le même jour un nantissement sur 600 actions de la SA DELTA PARK appartenant à la SA CISE ; le lendemain de la conclusion de ce prêt, la SA CISE a fait apport du bien immobilier de Nice à la SA DELTA PARK qui a procédé à une augmentation de capital ; l'acte d'apport du 2 septembre 1992 a prévu que la banque SOFAL donnait mainlevée à la SA CISE des inscriptions prises sur l'ensemble immobilier de Nice de sorte qu'à compter de cette date l'immeuble de Nice est devenu la propriété de la SA DELTA PARK, pour l'avoir acquise de la SA CISE, et était vierge de toute inscription ; par ailleurs, à compter de cette date, la banque SOFAL ne disposait plus à l'encontre de la SA CISE que d'une créance de garantie par les actions de cette dernière au sein de la SA DELTA PARK et ne disposait plus d'aucune sûreté sur l'immeuble de Nice ; suite à l'incapacité des entreprises du groupe X... d'honorer, à cause de la crise immobilière, leurs engagements financiers, la banque SOFAL a signé avec les personnes physiques et morales de ce groupe, dont les sociétés CISE et DELTA PARK, un protocole d'accord général, en date du 15 février 1996, aux termes duquel il était convenu que « moyennant la cession à toute personne qu'elle entendra désigner des immeubles ou droits immobiliers ayant fait l'objet d'un financement de sa part et le paiement entre ses mains des prix correspondant, la banque faisant, selon certaines modalités, abandon de sa créance pour l'excédent, déchargera les emprunteurs de l'ensemble de leurs obligations ; un protocole d'accord particulier a été signé entre la banque SOFAL, d'une part, les sociétés DELTA PARK et GALVANI, dénommées les emprunteurs, d'autre part, le 20 juin 1996, visant expressément l'immeuble sis rue Notre-Dame à Nice, dont la cession a été prévue moyennant le prix de 40.000.000 francs ; la vente de l'immeuble de Nice à la société SAGEP, filiale de la banque SOFAL, a été mise en oeuvre le 26 novembre 1996 au prix de 40.000.000 francs ; un protocole d'accord particulier a également été signé entre la banque SOFAL et la SA CISE le 20 juin 1996 prévoyant la vente d'un autre immeuble sis à Paris pour le prix de 11.000.000 francs ; les deux protocoles particuliers prévoyaient que la banque s'engageait irrévocablement à abandonner définitivement, dès signature de l'acte ou de la promesse de vente, 70 % du différentiel pouvant exister entre le montant des encours respectifs des emprunteurs et le prix de vente hors taxes du bien objet de la vente et que, sous condition suspensive de retour à meilleure fortune des emprunteurs au 31 décembre 1999, la banque SOFAL procèderait à un abandon complémentaire de 30 % ; que l'action en répétition de l'indu dirigée par la SA DELTA PARK contre la société WHBL 7, venant aux droits de la banque SOFAL, a été rejetée par un jugement du Tribunal de commerce de Paris du 17 novembre 1999, confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 15 février 2002, le pourvoi à l'encontre de cette décision ayant été déclaré non admis le 3 décembre 2003 ; l'arrêt du 15 février 2002 s'étant borné à rejeter l'action en répétition de l'indu dirigée par la SA DELTA PARK contre la banque et ne s'étant pas prononcée sur une demande de la SA DELTA PARK contre la SA CISE, il n'existe pas d'autorité de la chose jugée de cet arrêt en ce qui concerne l'action de la SA DELTA PARK contre la SA CISE, objet du présent litige ; que même dans ses motifs, cette décision n'affirme nullement, comme voudrait le faire croire la SA DELTA PARK, que cette dernière aurait effectué un paiement pour le compte de la SA CISE ; en réalité c'est l'engagement pris par la SA DELTA PARK aux termes des protocoles susvisés qui a été mis en oeuvre par la vente de l'immeuble de Nice le 26 novembre 1996, l'acte de vente stipulant que celle-ci déléguait irrévocablement au profit de la banque SOFAL l'intégralité du prix de vente dû par l'acquéreur ; il n'est pas contesté que de son côté, la banque SOFAL a respecté ses engagements corrélatifs résultant des protocoles général et particulier, à savoir l'abandon de 70 % des créances qu'elle avait encore contre la SA DELTA PARK, un abandon complémentaire de 30 % devant être effectué à compter du 1er janvier 2000, sauf retour à meilleure fortune ; si la banque SOFAL ne disposait pas d'hypothèques sur l'immeuble litigieux, un nantissement des actions de la SA DELTA PARK ayant été substitué à ces sûretés, il est erroné d'affirmer que la banque n'aurait eu aucune créance alors que c'est précisément en raison de l'importance desdites créances, auxquelles la SA DELTA PARK ne pouvait faire face, qu'ont été mis en place les protocoles ; la SA DELTA PARK ne pouvait ignorer que la cause de son engagement était la délégation du prix de vente de l'immeuble de Nice à laquelle elle a librement consenti ; elle savait parfaitement, pour avoir signé tant le protocole général que le protocole particulier, que l'immeuble de Nice y figurait et était compris dans l'opération pour avoir été acheté avec un crédit consenti à la SA CISE dont DELTA PARK détenait l'immeuble ; la SA DELTA PARK a obtenu, en contrepartie de ses engagements, l'exécution de ceux de la banque, sous forme d'abandon de créances, et ne peut remettre en cause ni les conventions qui la lient à la banque SOFAL ni celles la liant à la société CISE et autres membres du groupe X... ; en outre, la SA DELTA PARK n'a subi aucun préjudice qui justifierait qu'elle soit remboursée d'un quelconque montant dès lors que l'ensemble de ses dettes liées à des crédits immobiliers a disparu par la mise en oeuvre des protocoles ; enfin, au jour de la vente, la SA CISE était déchargée de toutes ses obligations envers la banque SOFAL au titre de l'immeuble de Nice, de sorte qu'il n'est pas possible de soutenir que la SA DELTA PARK aurait procédé à un paiement pour le compte et au profit de la SA CISE ; en effet, en raison de son apport par la SA CISE à la SA DELTA PARK et de la mainlevée consécutive de l'inscription d'hypothèque prise par la banque SOFAL, l'immeuble est entré, vierge de toute inscription, dans le patrimoine de la SA DELTA PARK ; par ailleurs, le crédit contracté pour son acquisition a été remboursé par le biais d'un autre crédit, en sûreté duquel étaient nanties les parts sociales détenues par la SA CISE au sein de la SA DELTA PARK ; en définitive, la SA DELTA PARK ne justifie pas d'une dette exigible de la SA CISE à son égard de sorte qu'elle ne peut affirmer avoir payé en ses lieux et places...» (arrêt attaqué p. 5 à 7) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le tiers qui, sans y être tenu, a payé la dette d'autrui de ses propres deniers, dispose, bien que non subrogé aux droits du créancier, d'un recours contre le débiteur ; qu'en l'espèce, il est constant que par acte notarié du 26 novembre 1996 la société DELTA PARK a vendu à la société SAGEP, avec délégation du prix de vente à la société SOFAL, aujourd'hui WHBL7, l'immeuble litigieux rue Notre Dame à Nice, et que le bénéfice de cette cession a été cependant attribué non pas au compte de la société DELTA PARK mais au compte de la société CISE de laquelle elle le tenait elle-même, en vertu d'un acte d'apport du 2 septembre 1992 ; qu'en déboutant néanmoins la société DELTA PARK de son recours contre la société CISE, après avoir constaté que la SOFAL ne disposait plus pour cette opération d'aucune créance contre la société DELTA PARK, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 1131, 1132 et 1134 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en affirmant, pour exclure tout recours de la société DELTA PARK contre la société CISE, qu'«au jour de la vente, la SA CISE était déchargée de toutes ses obligations envers la banque SOFAL au titre de l'immeuble de Nice, de sorte qu'il n'est pas possible de soutenir que la SA DELTA PARK aurait procédé à un paiement pour le compte et au profit de la SA CISE» (p. 7 § 3), quand elle constatait par ailleurs qu'à la date de l'opération des 1er et 2 septembre 1992 «la banque SOFAL ne disposait plus à l'encontre de la SA CISE que d'une créance de garantie par les actions de cette dernière au sein de la SA DELTA PARK et ne disposait plus d'aucune sûreté sur l'immeuble de Nice» (p. 5 § 5), ce dont il résultait bien le principe d'une créance de la société SOFAL contre la société CISE confortant le paiement pour autrui résultant de l'attribution au compte de cette dernière de la vente de l'immeuble en cause, propriété de la société DELTA PARK, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé derechef les articles 1131, 1132 et 1134 du Code civil ;
ALORS ENFIN QUE la solidarité ne se présume pas et doit être expressément stipulée ; qu'en considérant en l'espèce que la stipulation dans l'acte de vente de l'immeuble de Nice, le 26 novembre 1996, d'une délégation irrévocable au profit de la banque SOFAL, de l'intégralité du prix de vente dû par l'acquéreur, autorisait cette dernière à attribuer librement ladite vente au compte de la société CISE, ce qui revenait à instaurer entre la société DELTA PARK et la société CISE une solidarité non expressément prévue à la convention des parties, la Cour d'appel a violé les articles 1197 et 1202 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-11496
Date de la décision : 22/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 mai. 2012, pourvoi n°11-11496


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11496
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