LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 octobre 2010), qu'à compter de février 2004, M. X..., compagnon de Mme Y..., laquelle était avec sa mère actionnaire majoritaire de la société Imprimerie rhodanienne, a exercé des fonctions de direction de cette société ; qu'en août 2006, Mmes Y... ont cédé la totalité de leurs parts sociales à la société Vassel ; que M. X... a été agréé comme nouvel actionnaire par le conseil d'administration de la société Imprimerie rhodanienne le 4 août 2006, puis nommé administrateur le 28 août suivant et désigné le même jour comme second directeur général ; que le 27 juin 2007, M. X... a été révoqué de ses fonctions d'administrateur et de second directeur général ; que le 29 juin suivant, le président de la société Imprimerie rhodanienne lui a intimé l'ordre de quitter l'entreprise et de ne plus y revenir ; que par lettre du même jour, M. X... a déclaré prendre acte de la rupture ; qu'invoquant l'existence d'un contrat de travail conclu avec la société Imprimerie rhodanienne, aux droits de laquelle vient la société Vassel, M. X... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes à titre indemnitaire pour rupture abusive ;
Attendu que la société Vassel fait grief à l'arrêt de dire le conseil de prud'hommes compétent pour connaître du litige l'opposant à M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ que la réalité d'une relation salariale se déduit des conditions de fait qui doivent principalement établir l'existence d'un lien de subordination, la production de bulletins de salaire créant uniquement l'apparence d'un contrat de travail ; qu'en l'espèce, la société Vassel avait fait valoir toute une série d'éléments d'où il résultait l'absence d'une quelconque relation salariale entre M. X... et la société Imprimerie rhodanienne aux droits de laquelle se trouvait la société Vassel, qu'il se soit agi de l'absence de contrat de travail écrit, des relations personnelles et familiales entre M. X... et la dirigeante de droit de la société Imprimerie rhodanienne, du rôle primordial joué par M. X... dans les négociations entre la société Imprimerie rhodanienne et la société Vassel pour la reprise de la première ou encore -et surtout- de la reconnaissance par M. X... de sa qualité de dirigeant de fait dans son curriculum vitae ; qu'en jugeant néanmoins que ce dernier était tenu dans les liens d'une relation salariale avec la société Imprimerie rhodanienne, du mois de février 2004 au 28 août 2006, sans prendre aucunement en considération le faisceau d'indices précité duquel il ressortait que M. X... n'était pas le salarié de la société Imprimerie rhodanienne pour ne s'être trouvé dans aucun lien de subordination à son égard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que la juridiction prud'homale n'est compétente que pour connaître des différends nés à l'occasion d'un contrat de travail ; qu'en l'espèce, la relation salariale entre M. X... et la société Imprimerie rhodanienne n'étant pas établie, la cour d'appel ne pouvait juger que celle-ci aurait repris son empire après la cessation du mandat social le 27 juin 2007, de sorte que le 29 juin suivant, jour de la prise d'acte de la rupture par M. X..., ce dernier aurait agi en qualité de salarié, ce qui aurait justifié la compétence de la juridiction prud'homale ; qu'en statuant pourtant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1411-1 du code du travail ;
3°/ que la société Vassel avait fait valoir dans ses écritures d'appel que la qualité de mandataire social de M. X... découlait d'un curriculum vitae dans lequel le prétendu salarié reconnaissait lui-même avoir ce statut ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pourtant déterminant pour la solution du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir retenu, par des motifs non critiqués, que l'existence d'un contrat de travail apparent résultait de la délivrance par la société Imprimerie rhodanienne de bulletins de paie au profit de M. X... de février 2004 à juin 2006, a constaté, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la société Vassel, venant aux droits de la société Imprimerie rhodanienne, dont le dirigeant avait déclaré lors de son audition devant les services de police que M. X... occupait les fonctions de directeur salarié jusqu'à la cession des parts sociales de l'entreprise, ne rapportait pas la preuve du caractère fictif de ce contrat de travail et ne justifiait pas qu'un contrat de mandat avait succédé au contrat de travail après la cession ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Vassel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Vassel à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par M. Chollet, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du seize mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Vassel.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le contredit soulevé par la société VASSEL venant aux droits de la société IMPRIMERIE RHODANIENNE tendant à voir déclarer incompétent le Conseil de prud'hommes était mal fondé,
AUX MOTIFS ADOPTES QUE « vu les dispositions des articles L. 1421-1, L. 1411-1 et 2, L. 1411-6, L. 1411-3 et 4, L. 1462-1 du Code du travail ;
Que trois conditions cumulatives doivent être réunies pour que le Conseil se déclare matériellement compétent :
· le litige doit être individuel· un contrat de travail doit exister· le litige doit avoir lieu à l'occasion de l'exécution du contrat de travail,
Qu'un contrat de travail doit exister et qu'il y a contrat de travail quand une personne physique travaille pour le compte et sous la direction d'une personne physique ou morale moyennant une rémunération ;
Que le contrat de travail est caractérisé dans sa conception classique par trois éléments qui sont : la fourniture d'un travail, le versement d'une rémunération et l'existence d'un lien de subordination ;
Que la prestation de travail en l'espèce est caractérisée par des fonctions commerciales, de gestion, des travaux de maintenance et d'informatique comme le démontre la note de Monsieur Thierry Z... ;
Que la rémunération que perçoit Monsieur X... au titre de directeur général est égale à 5 500 euros par mois comme en témoignent les bulletins de salaire ;
Que l'employeur doit disposer à l'égard du salarié d'un pouvoir de direction, de surveillance, d'instruction et de commandement, qu'en l'espèce, le lien de subordination est caractérisé par les éléments remis au Conseil ;
Qu'il y a lieu de déclarer le Conseil de prud'hommes de Lyon matériellement compétent pour connaître du litige opposant Monsieur X... Patrick à l'Imprimerie Rhodanienne ; »
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société IMPRIMERIE RHODANIENNE ayant été amenée à délivrer à Monsieur X... des bulletins de salaire couvrant la période ayant couru du mois de février 2004 à la cession, il en résulte l'existence d'un contrat apparent ;Qu'en cas de présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve ;Qu'au cas d'espèce, la société VASSEL ne produit aucun élément permettant à la Cour de dire que Monsieur X... n'aurait pas travaillé dans le cadre d'un lien de subordination ;Que le fait pour Monsieur X... d'avoir participé de façon active à la cession des parts sociales détenues par les dames Angèle et Isabelle Y..., ainsi qu'il résulte des nombreuses pièces produites par la société VASSEL, n'est nullement antinomique de la réalité d'un lien de subordination ;
Que lors de son audition le 18 septembre 2007 par les services de police, Monsieur Z... a lui-même reconnu, en conformité avec les énonciations figurant dans sa plainte datée du 15 juin 2007 (Patrick X... (…) était dirigeant salarié de IR et ne possédait pas d'action), qu'antérieurement à l'entrée de la société VASSEL dans le capital social de la société IMPRIMERIE RHODANIENNE, Monsieur X..., « employé au sein de ladite société depuis 2004, occupait le poste de directeur et était salarié de celle-ci » et qu'au moment du rachat de la société, le statut de celui-ci aurait changé … du statut de salarié il est devenu le 1er juillet 2006 directeur général (…) ce dont il suit que la contestation élevée par la société VASSEL est dépourvue de toute pertinence comme étant contraire aux déclarations faites par ses propres dirigeants ;
Qu'il y a lieu en conséquence de tenir pour établi que Monsieur X... a bien eu à compter du mois de février 2004 la qualité de salarié de la société IMPRIMERIE RHODANIENNE ;
Que la société VASSEL soutient encore que dans une telle hypothèse la relation salariale aurait pris fin, lorsque Monsieur X... a acquis la qualité d'administrateur et de second directeur général, avec la novation du contrat de travail initial en un contrat de mandat dont l' « existence est suffisamment attestée », même si les circonstances de la disparition de l'exemplaire détenu dans les locaux de l'entreprise n'ont jamais pu être élucidées, au vu des témoignages recueillis dans le cadre de l'enquête diligentée à la suite de la plainte pour faux elle-même finalement classée sans suite ;
Que Monsieur X... réplique que s'il n'entend pas contester avoir exercé à compter du 28 août 2006 aussi bien les fonctions d'administrateur que de second directeur général, il reste qu'à défaut d'avoir pu obtenir satisfaction sur certains points (création d'une SAS) il s'est abstenu de signer le contrat de mandat litigieux sans qu'il ne puisse lui être utilement opposé pour le contredire un curriculum vitae ne correspondant pas à celui qu'il avait effectivement remis courant mai 2006 sous fichier PDF, qu'il n'est ainsi pas justifié de l'existence d'une novation de son contrat de travail, que de fait il a alors assumé, dans le cadre du contrat de travail ainsi maintenu, la responsabilité de l'informatique sous les instructions de Monsieur Z... aucune conclusion ne pouvant être tirée de ce qu'à partir du 1er juillet 2006 les cotisations à l'ASSEDIC ont cessé dès lors que sauf à prendre le risque de perdre son emploi il n'a pu s'opposer à l'initiative ainsi prise par son employeur ;
Que la loi a prévu la possibilité d'un cumul d'un contrat de mandat avec un contrat de travail, l'article L. 225-22 du Code de commerce disposant en effet qu' « un salarié de la société ne peut être nommé administrateur que si son contrat de travail correspond à un emploi effectif. Il ne perd pas le bénéfice de ce contrat de travail » ;
Qu'un cumul des deux qualités ou une suspension de l'une pendant la durée de l'autre étant ainsi juridiquement possible, la novation ne peut être retenue que si la volonté de nover est certaine ;
Qu'au cas d'espèce, la société VASSEL sur laquelle pèse la charge de la preuve ne fournit aucun élément, notamment comme cela aurait pu être le cas avec la production aux débats du contrat de mandat litigieux qu'elle soutient avoir été signé par l'intéressé, d'où il résulterait que Monsieur X... aurait donné son accord pour qu'un contrat de mandat succède au contrat de travail ;
Qu'à supposer au demeurant, comme il est encore soutenu par la société VASSEL, qu'en l'absence de cumul effectif du contrat de mandat avec le contrat de travail, ce dernier aurait été suspendu, ledit contrat de travail aurait retrouvé son plein effet à la date de cessation du mandat social intervenue le 27 juin 2007 ;
Qu'il s'en suit qu'au jour où Monsieur X... a pris acte de la rupture des relations de son contrat de travail (29 juin 2007), les parties étaient bien liées par un contrat de travail ce qui justifie la décision attaquée à tort dans le cadre du présent contredit ;
Qu'en l'absence de toute contestation utile, le contredit sera déclaré mal fondé » ;
1° ALORS QUE la réalité d'une relation salariale se déduit des conditions de fait qui doivent principalement établir l'existence d'un lien de subordination, la production de bulletins de salaire créant uniquement l'apparence d'un contrat de travail ; qu'en l'espèce, la société VASSEL avait fait valoir toute une série d'éléments d'où il résultait l'absence d'une quelconque relation salariale entre Monsieur X... et la société IMPRIMERIE RHODANIENNE aux droits de laquelle se trouvait la société VASSEL, qu'il se soit agi de l'absence de contrat de travail écrit, des relations personnelles et familiales entre Monsieur X... et la dirigeante de droit de la société IMPRIMERIE RHODANIENNE, du rôle primordial joué par Monsieur X... dans les négociations entre la société IMPRIMERIE RHODANIENNE et la société VASSEL pour la reprise de la première ou encore – et surtout – de la reconnaissance par Monsieur X... de sa qualité de dirigeant de fait dans son curriculum vitae ; qu'en jugeant néanmoins que ce dernier était tenu dans les liens d'une relation salariale avec la société IMPRIMERIE RHODANIENNE, du mois de février 2004 au 28 août 2006, sans prendre aucunement en considération le faisceau d'indices précité duquel il ressortait que Monsieur X... n'était pas le salarié de la société IMPRIMERIE RHODANIENNE pour ne s'être trouvé dans aucun lien de subordination à son égard, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
2° ALORS QUE la juridiction prud'homale n'est compétente que pour connaître des différends nés à l'occasion d'un contrat de travail ; qu'en l'espèce, la relation salariale entre Monsieur X... et la société IMPRIMERIE RHODANIENNE n'étant pas établie, la Cour d'appel ne pouvait juger que celle-ci aurait repris son empire après la cessation du mandat social le 27 juin 2007, de sorte que le 29 juin suivant, jour de la prise d'acte de la rupture par Monsieur X..., ce dernier aurait agi en qualité de salarié, ce qui aurait justifié la compétence de la juridiction prud'homale ; qu'en statuant pourtant ainsi la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1411-1 du Code du travail ;
3° ALORS QUE la société VASSEL avait fait valoir dans ses écritures d'appel que la qualité de mandataire social de Monsieur X... découlait d'un curriculum vitae dans lequel le prétendu salarié reconnaissait lui-même avoir ce statut ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pourtant déterminant pour la solution du litige, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.