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10/05/2012 | FRANCE | N°11-14092

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mai 2012, 11-14092


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Magneti Marelli France le 1er décembre 1987 en qualité de chef-comptable ; qu'elle a exercé successivement ses fonctions au sein de différentes sociétés du groupe Sorin et en dernier lieu pour la société Sorin Group France ; qu'elle a été licenciée le 17 mars 2005 pour motif économique ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle e

t sérieuse et débouter la salariée de ses demandes, l'arrêt retient que le groupe ét...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Magneti Marelli France le 1er décembre 1987 en qualité de chef-comptable ; qu'elle a exercé successivement ses fonctions au sein de différentes sociétés du groupe Sorin et en dernier lieu pour la société Sorin Group France ; qu'elle a été licenciée le 17 mars 2005 pour motif économique ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter la salariée de ses demandes, l'arrêt retient que le groupe était fragilisé par une forte pression concurrentielle, que les chiffres du troisième trimestre 2004 faisaient apparaître au niveau du groupe une très faible progression des ventes, de l'ordre de 1,2 %, sur l'ensemble des activités, par rapport aux chiffres de l'année 2003, alors que la croissance du marché concerné restait très soutenue, de l'ordre de 10 % ; que face à cette situation inquiétante pour l'avenir, le groupe a commencé à prendre des mesures de réorganisation ; qu'ainsi, en 2004 ont été regroupées les forces commerciales implantées dans les différentes zones géographiques ; que par la suite le groupe a dû réorganiser chacune de ses filiales commerciales dédiées à un marché national, que cette réorganisation a été légitimement mise en place sur le marché français sur lequel la société est la seule à intervenir et qui représente 12 % de son chiffre d'affaires global ; que pour l'exercice 2005 la société devait afficher une perte d'exploitation de 6 724 719 euros ; que devait être prise en compte pour apprécier la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe la contribution au plan de réduction des dépenses de santé en France ; que ces mesures gouvernementales touchaient directement les trois années d'activité de la société à savoir le management du rythme cardiaque, la chirurgie cardiaque, et la thérapie vasculaire ; que par ailleurs les prix des stimulateurs cardiaques ayant baissé de 3 % à 12 %, selon les catégories, il s'en était suivi une perte du chiffre d'affaires de l'ordre de 500 000 euros pour l'année 2004 ; que les effets cumulés des pertes de chiffre d'affaires représentaient un manque à gagner pour la société de plus de quatre millions d'euros ; que compte tenu des mesures gouvernementales prises, cette situation risquait de perdurer et imposait donc à la direction de la société de prendre des mesures pour la sauvegarde de la compétitivité pour l'avenir du groupe dans le monde ; que dès lors la suppression des huit postes de travail dont celui de la salariée était parfaitement légitime pour répondre aux contraintes du marché et aux faiblesses intrinsèques de la société ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans se prononcer sur la nécessité d'une réorganisation en considération de la situation économique de l'ensemble du secteur d'activité du groupe dans lequel intervenait l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Sorin Group France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 2 500 euros à Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mme X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement économique de Madame X... reposait sur une cause économique réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence débouté la salariée de toutes ses demandes
AUX MOTIFS QUE

1°) sur le motif de rupture Considérant que l'article L.1233-3 (L.321-1 ancien) dispose : «Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques»; Qu'il est constant que la réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité n'implique pas l'existence de difficultés économiques actuelles, que l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, peut anticiper des difficultés économiques prévisibles et mettre à profit une situation financière saine pour adapter les structures de l'entreprise à l'évolution de son marché dans les meilleures conditions ;

Considérant dans le cas présent que Madame Paola X... a prétendu que la mise en oeuvre de la réorganisation litigieuse serait fondée sur des explications vagues, floues, non démontrées et non circonstanciées ; Considérant cependant qu'il ressort des documents versés au débat que le Groupe SORIN était fragilisé par une forte pression concurrentielle ; que les chiffres du troisième trimestre 2004 faisaient apparaître au niveau du Groupe une très faible progression des ventes, de l'ordre de 1,2 % sur l'ensemble des activités, par rapport aux chiffres de l'année 2003, alors que la croissance du marché concerné restait très soutenue, de l'ordre de 10 % ; que face à cette situation inquiétante pour l'avenir le Groupe SORIN a commencé à prendre des mesures de réorganisation ; qu'ainsi, en 2004 ont été regroupées les forces commerciales implantées dans les différentes zones géographiques ;Que par la suite le Groupe SORIN a dû réorganiser chacune de ses filiales commerciales dédiées à un marché national ;Que cette réorganisation a été légitimement mise en place sur le marché français sur lequel la société SORIN GROUP France est la seule société à intervenir et qui représente 12 % de son chiffre d'affaires globales;
Que pour l'exercice 2005 SORIN GROUP France devait afficher une perte d'exploitation de 6.724.719 euros ;Considérant que devait être pris en compte pour apprécier la nécessité de sauvegarder la compétitivité du Groupe SORIN la contribution au plan de réduction des dépenses de santé en France ; que ces mesures gouvernementales touchaient directement les trois années d'activité de la société SORIN GROUP à savoir les trois années d'activité de la société SORIN GROUP à savoir le management du rythme cardiaque, la chirurgie cardiaque et la thérapie vasculaire ; Que par ailleurs les prix des stimulateurs cardiaques ayant baissé de 3 % à 12 %, selon les catégories, il s'en était suivi une perte du chiffre d'affaires de l'ordre de 5.00.000 € pour l'année 2004 ; Qu'il apparaît que les effets cumulés des pertes de chiffre d'affaires représentaient un manque à gagner pour SORIN GROUP France de plus de 4 millions d'euros ;Que compte tenu des mesures gouvernementales prises, cette situation risquait de perdurer et imposait donc à la direction de la société France de prendre des mesures pour la sauvegarde de la compétitivité pour l'avenir du Groupe SORIN dans le monde; que dès lors la suppression des huit postes de travail dont celui de Madame Paola X... était parfaitement légitime pour répondre aux contraintes du marché et aux faiblesses intrinsèques de la société; Qu'il est ainsi suffisamment établi qu'il existe un lien certain de causalité entre la suppression du poste de chef comptable de Madame Paola X... et de la mise en place de la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du Groupe SORIN ;

2°) Sur la réalité de la suppression du poste de Madame Paola X... :Considérant que la salariée a néanmoins prétendu que son poste n'avait pas été réellement supprimé en raison de l'embauche de Monsieur Laurent Y..., Chef comptable le novembre 2004 ; Mais considérant que le recrutement de Monsieur Y... est antérieur au licenciement de Madame Paola X... et que le registre unique du personnel de la société SORIN GROUP France versé au débat, qu'aucun des salariés concernés dont Madame Paola X..., n'a jamais été remplacés; Qu'en outre, il y a lieu de constater que le recrutement de Monsieur Laurent Y... en qualité de chef comptable a été effectué par la société ELA MEDICAL et non par la société SORIN GROUP France, qu'il supervisait compte tenu de sa formation de haut niveau l'ensemble des chefs et responsables comptables de la société ELA MEDICAL ;

4°) Sur le respect de l'obligation de reclassement incombant à l'employeur:Considérant que l'article 1233-4 du Code du travail dispose: "Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qui l'occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut et sous réserve de l'accord express du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi de catégorie inférieur.Les offres de reclassement proposées an salarié sont écrites et précises" ;Considérant cependant qu'il est établi par les pièces versées au débat que la société SORIN GROUPE FRANCE a effectué des recherches de reclassement avant même d'engager la procédure d'information et de consultation de la délégation unique du personnel ; qu'une première liste de postes de reclassement a ainsi été établie le 22 novembre 2004 ; Que la société SORIN GROUPE FRANCE a poursuivi sérieusement ses recherches tout au long de la procédure de licenciement pour motif économique; Qu' il est établi que des propositions concrètes ont été faites à Madame Paola X... ; Qu'il lui a été notamment proposé un poste de "responsable "comptabilité clients" au sein de la société ELA MEDICAL, poste qui entrait dans son domaine d'activité conformément aux dispositions légales susvisées ;Que par courrier du 27 décembre 2004 la société SORIN GROUP France a également interrogé Madame Paola X... sur ses souhaits au regard d'une mobilité professionnelle et géographique ; Que cette dernière a refusé tout poste situé en dehors de la région parisienne ;Considérant qu'il est ainsi établi que la société SORIN GROUP France a fait des propositions sérieuses de reclassement à Madame Paola X... soit au sein de la société soit dans d'autres entités du Groupe, y compris de catégorie inférieure ; Que l'obligation de reclassement étant une obligation de moyen, il y a lieu de considérer que l'employeur, en l'occurrence, a fait des effort sérieux de reclassement de la salariée, préalablement au licenciement conformément aux dispositions légales ; Que dès lors le jugement entrepris sera infirmé»
1. ALORS QUE lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la réorganisation de l'entreprise invoquée au soutien de licenciements économiques doit être rendue nécessaire pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que la Cour d'appel s'est bornée en l'espèce à relever que la société SORIN GROUPE France avait subi des pertes d'exploitation en 2004 et 2005 liées au plan gouvernemental de réduction des dépenses de santé et à la baisse du prix des stimulateurs cardiaques, après avoir constaté que le groupe SORIN, n° 1 européen dans le domaine de la commercialisation de dispositifs médicaux traitant les dysfonctionnements cardiovasculaires, selon les propres termes de la lettre de licenciement, se trouvait «fragilisé» par un simple ralentissement de la croissance de son chiffre d'affaires ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel n'a pas caractérisé en quoi les pertes constatées au niveau de la filiale française faisaient peser une véritable menace sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe SORIN auquel elle appartenait, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L 1233-3 du Code du travail ;
2. ALORS QUE le licenciement économique n'est justifié que pour autant qu'est caractérisé un lien causal entre la réorganisation mise en place pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient et la suppression du poste du salarié licencié ; que Madame X... faisait valoir que la suppression de son poste de chef comptable affecté au siège de la société situé au Plessis Robinson, était sans lien avec la réorganisation mise en place par la société SORIN GROUP FRANCE impliquant, selon les propres termes de la lettre de licenciement, «la centralisation des relations clients, la fermeture des agences de Lyon et de Toulouse, le renforcement du service clients et l'optimisation du marketing opérationnel en thérapie vasculaire» (conclusions d'appel de l'exposante p 14) ; qu'en se bornant à affirmer que la suppression des huit postes de travail dont celui de Madame Paola X... était parfaitement légitime pour répondre aux contraintes du marché et aux faiblesses intrinsèques de la société, sans caractériser en quoi la suppression du poste de chef comptable occupé par la salariée s'inscrivait dans la réorganisation mise en place par la société SORIN GROUP FRANCE, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1233-3 du Code du travail ;
3. ALORS QUE l'employeur est tenu avant tout licenciement économique, d'une part, de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettant d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, d'autre part, de proposer ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure ; qu'il ne peut limiter ses recherches de reclassement et ses offres en fonction de la volonté de ses salariés, exprimés à sa demande et par avance, en dehors de toute proposition concrète ; qu'en relevant que la société SORIN GROUP France avait, par courrier du décembre 2004, interrogé Madame X... sur ses souhaits au regard d'une mobilité professionnelle et géographique et que cette dernière avait refusé tout poste situé en dehors de la région parisienne, pour juger satisfaisante l'unique proposition de reclassement concrète et précise faite à la salariée sur un poste de "responsable comptabilité clients" au sein de la société ELA MEDICAL, moyennant un salaire inférieur de moitié à celui que percevait la salariée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L1233-4 du Code du travail ;
4 . ALORS QUE le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés en vue d'assurer son reclassement; que Madame X... faisait valoir qu'elle aurait pu, moyennant une formation en anglais, occuper le poste de chef comptable pourvu au sein de la société ELA MEDICAL, au mois de novembre 2004, soit au moment même où les institutions représentatives du personnel de la société SORIN GROUP France étaient informées et consultées sur le projet de licenciement économique (conclusions d'appel de l'exposante p 21); qu'en ne recherchant pas si la société avait fourni tous les efforts de formation et d'adaptation afin de permettre le reclassement de Madame X... sur un poste relevant de ses compétences et de sa catégorie professionnelle, et en particulier sur le poste de chef comptable pourvu au sein de la société ELA MEDICAL, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1233-4 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-14092
Date de la décision : 10/05/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Cour d'appel de Versailles, 15ème chambre, 19 janvier 2011, 10/00094

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 19 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mai. 2012, pourvoi n°11-14092


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.14092
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