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04/05/2012 | FRANCE | N°11-12775

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 mai 2012, 11-12775


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 décembre 2010), que M. X..., chirurgien, a pratiqué, le 20 mai 2003, une intervention sur la personne de Mme Y..., à la suite de laquelle celle-ci a été victime de graves complications ; que la commission régionale d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) a rendu, après expertise, un avis concluant à la responsabilité partielle de M. X... ; que l'assureur de ce dernier n'ayant pas versé à la victime la totalité des sommes que la commission avait mi

ses à sa charge, l'Office national d'indemnisation des accidents médic...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 décembre 2010), que M. X..., chirurgien, a pratiqué, le 20 mai 2003, une intervention sur la personne de Mme Y..., à la suite de laquelle celle-ci a été victime de graves complications ; que la commission régionale d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) a rendu, après expertise, un avis concluant à la responsabilité partielle de M. X... ; que l'assureur de ce dernier n'ayant pas versé à la victime la totalité des sommes que la commission avait mises à sa charge, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections nosocomiales et des affections iatrogènes (ONIAM) s'est substitué à lui, en vertu de l'article L. 1142-15 alinéa 1er du code de la santé publique ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal et celui, identique, du pourvoi incident, pris en leurs diverses branches :
Attendu que M. X... et la Clinique Sainte-Marie font grief à l'arrêt d'ordonner en référé une expertise, à la demande de l'ONIAM, alors, selon le pourvoi :
1°/ qu'il résulte des dispositions du code de la santé publique que l'expertise, soumise aux exigences de la contradiction, ordonnée par les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI), auxquelles un soutien financier et administratif est fourni par l'ONIAM, est opposable à cet établissement, représenté au sein de la CRCI, laquelle désigne un collège d'experts ou un expert inscrits sur une liste de spécialistes, en fixe la mission, peut obtenir communication de tout document, et émet un avis, notamment sur la part de préjudice imputable à la responsabilité et celle relevant d'une indemnisation au titre de l'office, sans lier l'ONIAM qui décide ou non d'offrir une indemnisation et de se substituer à un assureur ; que la cour d'appel, pour ordonner à la demande de l'ONIAM une expertise en référé, a retenu que l'expertise organisée par la CRCI, à laquelle il n'était pas partie, ne lui était pas opposable, et qu'en l'absence de toute procédure contentieuse et d'expertise judiciaire antérieure, la demande présentée par l'ONIAM ne pouvait s'analyser en une demande de contre expertise ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1142-5, L. 1142-6, L. 1142-8, L. 1142-12, L. 1142-15, L. 1142-17, R. 1142-16 et R. 1142-17 du code de la santé publique, et les articles 16 et 145 du code de procédure civile ;
2°/ qu'au vu de l'expertise qu'elle ordonne, la CRCI émet un avis, sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages, ainsi que sur le régime d'indemnisation applicable et, lorsqu'elle estime qu'un accident médical n'est que pour partie la conséquence d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins engageant la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé, déterminant la part de préjudice imputable à la responsabilité et celle relevant d'une indemnisation au titre de l'office, et qui ne peut être contesté qu'à l'occasion de l'action en indemnisation introduite devant la juridiction compétente par la victime, ou des actions subrogatoires prévues aux articles L. 1142-14, L. 1142-15 et L. 1142-17 ; que la cour d'appel, pour ordonner à la demande de l'ONIAM une expertise en référé, a retenu que l'expertise prévue dans le cadre de la procédure amiable n'avait pas spécifiquement pour vocation de permettre à une juridiction d'examiner la question des responsabilités, et avait pour objet de lui permettre d'émettre un avis sur la réunion des conditions d'indemnisation des victimes par la solidarité nationale et non sur les responsabilités susceptibles d'être encourues par les médecine intervenants ou par les établissements de soins, privés ou publics, a violé les articles L. 1142-8, L. 1142-12 et L. 1142-18 du code de la santé publique ;
3°/ que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; que la cour d'appel, pour ordonner à la demande de l'ONIAM une expertise en référé, a retenu, par motifs propres et adoptés, que l'expert n'avait pas fait ressortir de faute qui aurait été commise par le médecin ou par l'établissement, que c'était par une analyse des éléments de l'expertise que la commission avait considéré que trois facteurs, parmi lesquels la faute, avaient contribué dans une proportion équivalente à la réalisation de l'accident médical subi par la patiente, que l'ONIAM qui avait à indemniser cette dernière au titre de la solidarité nationale mais aussi en se substituant à l'assureur de M. X... avait par conséquent un intérêt légitime, au sens des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, à obtenir la désignation d'un expert judiciaire dans la perspective de l'action contentieuse que lui ouvre la subrogation qui résultait de cette indemnisation, que cette demande ne pouvait être assimilée à une demande de contre expertise et relevait bien de la compétence du juge des référés, et que l'expert mandaté par la CRCI n'avait pas répondu précisément aux questions complémentaires qui lui ont été posées par la commission ; qu'en statuant ainsi, bien qu'il résulte de ces énonciations que la mesure demandée n'avait pas pour objet l'établissement ou la conservation de preuves, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu à juste titre que n'était pas opposable à l'ONIAM l'expertise ordonnée par la CRCI dans la phase d'indemnisation amiable, c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel a estimé, au regard notamment de la teneur du rapport de l'expert, que l'Office, non tenu par l'avis de la CRCI, avait un intérêt légitime à obtenir en référé une expertise judiciaire afin d'établir la preuve des éléments de fait lui permettant d'intenter un recours subrogatoire ; qu'aucun des griefs n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à M. X... et à la Clinique Sainte-Marie, devenue Centre Clinical, la charge des dépens afférents à leurs pourvois respectifs ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. X... et de la Clinique Sainte-Marie, devenue Centre Clinical, condamne M. X... à payer la somme de 2 500 euros à l'ONIAM ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille douze et signé par M. Charruault, président et par Mme Laumône, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour M. X..., demandeur au pourvoi principal.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'avoir ordonné une expertise ;
Aux motifs que « les parties à l'expertise mise en oeuvre par la Commission Régionale de Conciliation d'Indemnisation sont Madame Y..., demanderesse, le Docteur X... qui a pratiqué l'intervention litigieuse et l'assureur de celui-ci, l'ONIAM qui est membre de la commission et a vocation, sur l'avis que rend celle-ci au vu du rapport de l'expert qu'elle a désigné, à indemniser la victime au titre de la solidarité nationale, ou à se substituer à l'assureur en l'absence d'offre de la part de ce dernier, n'est pas partie à la dite expertise. II est informé de la désignation de l'expert mais n'est pas appelé à l'expertise en tant que partie. La situation de l'ONIAM qui est un établissement administratif dénué de lien contractuel avec l'une ou l'autre des parties n'est pas assimilable à celle d'un assureur. Il n'est subrogé dans les droits de la victime que pour autant qu'il l'ait indemnisée, ce qu'il ne peut faire qu'au vu de l'avis de la commission et, par conséquent, postérieurement aux opérations de l'expert. L'ONIAM n'est par conséquent pas partie à l'expertise mise en oeuvre par la commission dans le cadre de la procédure amiable d'indemnisation et cette expertise ne lui est pas opposable lorsqu'ayant indemnisé la victime, il exerce l'action subrogatoire prévue par les articles L.1142-15 et L.1142-17 du Code de la santé publique. Quant bien même on considérerait la commission comme une émanation de l'ONIAM, cela ne permettrait pas de déduire, comme le font les appelants, que l'expertise serait opposable à cet organisme. On ne peut pas être à la fois l'organisateur d'une mesure d'expertise et partie à cette mesure, de telle sorte que l'expertise de la phase amiable ne pourrait pas être opposée à l'ONIAM, pas plus que celui-ci ne serait en droit de l'opposer au médecin ou à l'établissement, dans le cadre de la procédure contentieuse qui lui est ouverte lorsqu'il a indemnisé la victime. Enfin, l'expertise prévue dans le cadre de la procédure amiable n'a pas spécifiquement pour vocation de permettre à une juridiction d'examiner la question des responsabilités. En l'espèce, l'expert n'a pas fait ressortir de faute qui aurait été commise par le médecin ou par l'établissement et c'est par une analyse des éléments de l'expertise que la commission a considéré que trois facteurs, parmi lesquels la faute, avaient contribué dans une proportion équivalente à la réalisation de l'accident médical subi par Madame Y.... L'ONIAM qui a indemnisé cette dernière au titre de la solidarité nationale mais aussi en se substituant à l'assureur du docteur X... a par conséquent un intérêt légitime, au sens des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile, à obtenir la désignation d'un expert judiciaire dans la perspective de l'action contentieuse que lui ouvre la subrogation qui résulte de cette indemnisation. Une telle demande qui ne peut pas être assimilée à une demande de contre expertise relève bien de la compétence du juge des référés. Il est indifférent que le droit d'obtenir réparation au titre d'un défaut d'information puisse être personnel puisque, précisément, l'ONIAM exerce l'action qui résulte des dispositions des articles L.1142-15 et L.1142-17 du Code de procédure civile en tant qu'il est subrogé dans les droits et la victime. Enfin, il est prématuré, et d'ailleurs hors de la compétence du juge des référés, d'ordonner dés à présent la mise hors de cause de la CLINIQUE SAINTE MARIE. En effet, pour les raisons sus exposées, l'expertise mise en oeuvre dans le cadre de la procédure amiable et l'avis de la commission ne lient pas l'ONIAM dans l'exercice de son action subrogatoire, ni l'expert judiciaire dont celui-ci sollicite au préalable la désignation en référé » ;
Et aux motifs de l'ordonnance confirmée qu'« aux termes de l'article L.1142-17 du Code de la santé publique, lorsque l'ONIAM a transigé avec la victime et estime que la responsabilité d'un professionnel, établissement, service, organisme ou producteur de santé mentionnés au premier alinéa de l'article L.1142-14 est engagée, il dispose d'une action subrogatoire contre celui-ci. A l'occasion de cette action récursoire, L'ONIAM conserve la possibilité de contester l'avis de la CRCI. En effet, la commission est indépendante à l'égard de l'ONIAM, comme à l'égard des compagnies d'assurances et ses avis, qui n'ont aucun caractère juridictionnel s'inscrivent dans le cadre de procédures amiables ayant pour finalité l'indemnisation rapide des victimes d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiales. Dans ce contexte, les expertises diligentées à la demande de la CRCI ont pour objet de lui permettre d'émettre un avis sur la réunion des conditions d'indemnisation des victimes par la solidarité nationale et non sur les responsabilités susceptibles d'être encourues par les médecine intervenants ou par les établissements de soins, privés ou publics. En l'espèce, il est acquis que la patiente Madame Y... a subi le 20 mai 2003, une cure d'éventration sous-ombilicale réalisée par le docteur X... au sein de la CLINIQUE SAINTE MARIE, suivi d'un syndrome inflammatoire et d'une absence de reprise de transit qui a donné lieu, après son transfert à l'hôpital d'Angoulême eu urgence, le 23 mai 2003 à reprise chirurgicale par laparotomie pour un sepsis sévère sur cellulite abdominale, puis à six pansements abdominaux sous anesthésie, puis, le 26 mai 2003 à une colostomie transverse terminale ; qu'elle a subi une hospitalisation jusqu'au 14 janvier 2004, puis du 2 février 2005 au 24 février 2005 pour bénéficier d'une reprise chirurgicale consistant à la résection du grêle, une anastomose grêlo-grêlique termino-terminale, une libération du colon d'aval et une colostomie en canon de fusil avec fermeture pariétale sur plaque résorbable. L'expert mandaté par la CRCI n'a pas répondu précisément aux questions complémentaires qui lui ont été posées par la Commission et notamment, si l'opération aurait du être réalisée dans une structure chirurgicale spécialisée compte tenu des antécédents de la patiente et de sa surcharge pondérale et qu'elles sont les conséquences de l'absence de service de réanimation au sein de la clinique. L'ONIAM n'était pas présent aux opérations d'expertise, n'a formulé aucune observations et n'a eu connaissance du rapport qu'au moment de son dépôt. En l'absence de toute procédure contentieuse et d'expertise judiciaire antérieure, la demande présentée par L'ONIAM ne peut s'analyser en une demande de contre expertise. Il justifie suffisamment de son intérêt légitime à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige; il convient donc d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée. La demande de mise hors de cause de la CLINIQUE SAINTE MARIE apparaît prématurée dès lors que l'expertise judiciaire seule permettra d'exclure ou non l'hypothèse d'une infection nosocomiale de la patiente, susceptible de mettre enjeu la responsabilité de l'établissement de soins » ;
1) Alors qu'il résulte des dispositions du Code de la santé publique que l'expertise, soumise aux exigences de la contradiction, ordonnée par les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI), auxquelles un soutien financier et administratif est fourni par l'Oniam, est opposable à cet établissement, représenté au sein de la CRCI, laquelle désigne un collège d'experts ou un expert inscrits sur une liste de spécialistes, en fixe la mission, peut obtenir communication de tout document, et émet un avis, notamment sur la part de préjudice imputable à la responsabilité et celle relevant d'une indemnisation au titre de l'office, sans lier pas l'Oniam qui décide ou non d'offrir un indemnisation et de se substituer à un assureur ; que la Cour d'appel, pour ordonner à la demande de l'Oniam une expertise en référé, a retenu que l'expertise organisée par la CRCI, à laquelle il n'était pas partie, ne lui était pas opposable, et qu'en l'absence de toute procédure contentieuse et d'expertise judiciaire antérieure, la demande présentée par l'Oniam ne pouvait s'analyser en une demande de contre expertise ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles L.1142-5, L.1142-6, L.1142-8, L.1142-12, L.1142-15, L.1142-17, R.1142-16 et R.1142-17 du Code de la santé publique, et les articles 16 et 145 du Code de procédure civile ;
2) Alors qu'au vu de l'expertise qu'elle ordonne, la CRCI émet un avis, sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages, ainsi que sur le régime d'indemnisation applicable et, lorsqu'elle estime qu'un accident médical n'est que pour partie la conséquence d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins engageant la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé, déterminant la part de préjudice imputable à la responsabilité et celle relevant d'une indemnisation au titre de l'office, et qui ne peut être contesté qu'à l'occasion de l'action en indemnisation introduite devant la juridiction compétente par la victime, ou des actions subrogatoires prévues aux articles L.1142-14, L.1142-15 et L.1142-17 ; que la Cour d'appel, pour ordonner à la demande de l'Oniam une expertise en référé, a retenu que l'expertise prévue dans le cadre de la procédure amiable n'avait pas spécifiquement pour vocation de permettre à une juridiction d'examiner la question des responsabilités, et avait pour objet de lui permettre d'émettre un avis sur la réunion des conditions d'indemnisation des victimes par la solidarité nationale et non sur les responsabilités susceptibles d'être encourues par les médecine intervenants ou par les établissements de soins, privés ou publics, a violé les articles L.1142-8, L.1142-12 et L.1142-18 du Code de la santé publique ;
3) Alors que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; que la Cour d'appel, pour ordonner à la demande de l'Oniam une expertise en référé, a retenu, par motifs propres et adoptés, que l'expert n'avait pas fait ressortir de faute qui aurait été commise par le médecin ou par l'établissement, que c'était par une analyse des éléments de l'expertise que la commission avait considéré que trois facteurs, parmi lesquels la faute, avaient contribué dans une proportion équivalente à la réalisation de l'accident médical subi par la patiente, que l'Oniam qui avait a indemnisé cette dernière au titre de la solidarité nationale mais aussi en se substituant à l'assureur du docteur X... avait par conséquent un intérêt légitime, au sens des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile, à obtenir la désignation d'un expert judiciaire dans la perspective de l'action contentieuse que lui ouvre la subrogation qui résultait de cette indemnisation, que cette demande ne pouvait être assimilée à une demande de contre expertise et relevait bien de la compétence du juge des référés, et que l'expert mandaté par la CRCI n'avait pas répondu précisément aux questions complémentaires qui lui ont été posées par la commission ; qu'en statuant ainsi, bien qu'il résulte de ces énonciations que la mesure demandée n'avait pas pour objet l'établissement ou la conservation de preuves, la Cour d'appel a violé l'article 145 du Code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la Clinique Sainte-Marie devenue Centre Clinical, demanderesse au pourvoi incident.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné une expertise ;
AUX MOTIFS QUE « les parties à l'expertise mise en oeuvre par la Commission Régionale de Conciliation d'Indemnisation sont Madame Y..., demanderesse, le Docteur X... qui a pratiqué l'intervention litigieuse et l'assureur de celui-ci, l'ONIAM qui est membre de la commission et a vocation, sur l'avis que rend celle-ci au vu du rapport de l'expert qu'elle a désigné, à indemniser la victime au titre de la solidarité nationale, ou à se substituer à l'assureur en l'absence d'offre de la part de ce dernier, n'est pas partie à la dite expertise. II est informé de la désignation de l'expert mais n'est pas appelé à l'expertise en tant que partie. La situation de l'ONIAM qui est un établissement administratif dénué de lien contractuel avec l'une ou l'autre des parties n'est pas assimilable à celle d'un assureur. Il n'est subrogé dans les droits de la victime que pour autant qu'il l'ait indemnisée, ce qu'il ne peut faire qu'au vu de l'avis de la commission et, par conséquent, postérieurement aux opérations de l'expert. L'ONIAM n'est par conséquent pas partie à l'expertise mise en oeuvre par la commission dans le cadre de la procédure amiable d'indemnisation et cette expertise ne lui est pas opposable lorsqu'ayant indemnisé la victime, il exerce l'action subrogatoire prévue par les articles L.1142-15 et L.1142-17 du Code de la santé publique. Quant bien même on considérerait la commission comme une émanation de l'ONIAM, cela ne permettrait pas de déduire, comme le font les appelants, que l'expertise serait opposable à cet organisme. On ne peut pas être à la fois l'organisateur d'une mesure d'expertise et partie à cette mesure, de telle sorte que l'expertise de la phase amiable ne pourrait pas être opposée à l'ONIAM, pas plus que celui-ci ne serait en droit de l'opposer au médecin ou à l'établissement, dans le cadre de la procédure contentieuse qui lui est ouverte lorsqu'il a indemnisé la victime. Enfin, l'expertise prévue dans le cadre de la procédure amiable n'a pas spécifiquement pour vocation de permettre à une juridiction d'examiner la question des responsabilités. En l'espèce, l'expert n'a pas fait ressortir de faute qui aurait été commise par le médecin ou par l'établissement et c'est par une analyse des éléments de l'expertise que la commission a considéré que trois facteurs, parmi lesquels la faute, avaient contribué dans une proportion équivalente à la réalisation de l'accident médical subi par Madame Y.... L'ONIAM qui a indemnisé cette dernière au titre de la solidarité nationale mais aussi en se substituant à l'assureur du docteur X... a par conséquent un intérêt légitime, au sens des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile, à obtenir la désignation d'un expert judiciaire dans la perspective de l'action contentieuse que lui ouvre la subrogation qui résulte de cette indemnisation. Une telle demande qui ne peut pas être assimilée à une demande de contre expertise relève bien de la compétence du juge des référés. Il est indifférent que le droit d'obtenir réparation au titre d'un défaut d'information puisse être personnel puisque, précisément, l'ONIAM exerce l'action qui résulte des dispositions des articles L.1142-15 et L.1142-17 du Code de procédure civile en tant qu'il est subrogé dans les droits et la victime. Enfin, il est prématuré, et d'ailleurs hors de la compétence du juge des référés, d'ordonner dés à présent la mise hors de cause de la CLINIQUE SAINTE MARIE. En effet, pour les raisons sus exposées, l'expertise mise en oeuvre dans le cadre de la procédure amiable et l'avis de la commission ne lient pas l'ONIAM dans l'exercice de son action subrogatoire, ni l'expert judiciaire dont celui-ci sollicite au préalable la désignation en référé » ;
ET AUX MOTIFS DE L'ORDONNANCE CONFIRMEE QU'« aux termes de l'article L.1142-17 du Code de la santé publique, lorsque l'ONIAM a transigé avec la victime et estime que la responsabilité d'un professionnel, établissement, service, organisme ou producteur de santé mentionnés au premier alinéa de l'article L.1142-14 est engagée, il dispose d'une action subrogatoire contre celui-ci. A l'occasion de cette action récursoire, l'ONIAM conserve la possibilité de contester l'avis de la CRCI. En effet, la commission est indépendante à l'égard de l'ONIAM, comme à l'égard des compagnies d'assurances et ses avis, qui n'ont aucun caractère juridictionnel s'inscrivent dans le cadre de procédures amiables ayant pour finalité l'indemnisation rapide des victimes d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiales. Dans ce contexte, les expertises diligentées à la demande de la CRCI ont pour objet de lui permettre d'émettre un avis sur la réunion des conditions d'indemnisation des victimes par la solidarité nationale et non sur les responsabilités susceptibles d'être encourues par les médecine intervenants ou par les établissements de soins, privés ou publics. En l'espèce, il est acquis que la patiente Madame Y... a subi le 20 mai 2003, une cure d'éventration sous-ombilicale réalisée par le docteur X... au sein de la CLINIQUE SAINTE MARIE, suivi d'un syndrome inflammatoire et d'une absence de reprise de transit qui a donné lieu, après son transfert à l'hôpital d'Angoulême eu urgence, le 23 mai 2003 à reprise chirurgicale par laparotomie pour un sepsis sévère sur cellulite abdominale, puis à six pansements abdominaux sous anesthésie, puis, le 26 mai 2003 à une colostomie transverse terminale ; qu'elle a subi une hospitalisation jusqu'au 14 janvier 2004, puis du 2 février 2005 au 24 février 2005 pour bénéficier d'une reprise chirurgicale consistant à la résection du grêle, une anastomose grêlo-grêlique termino-terminale, une libération du colon d'aval et une colostomie en canon de fusil avec fermeture pariétale sur plaque résorbable. L'expert mandaté par la CRCI n'a pas répondu précisément aux questions complémentaires qui lui ont été posées par la Commission et notamment, si l'opération aurait du être réalisée dans une structure chirurgicale spécialisée compte tenu des antécédents de la patiente et de sa surcharge pondérale et qu'elles sont les conséquences de l'absence de service de réanimation au sein de la clinique. L'ONIAM n'était pas présent aux opérations d'expertise, n'a formulé aucune observation et n'a eu connaissance du rapport qu'au moment de son dépôt. En l'absence de toute procédure contentieuse et d'expertise judiciaire antérieure, la demande présentée par L'ONIAM ne peut s'analyser en une demande de contre expertise. Il justifie suffisamment de son intérêt légitime à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige; il convient donc d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée. La demande de mise hors de cause de la CLINIQUE SAINTE MARIE apparaît prématurée dès lors que l'expertise judiciaire seule permettra d'exclure ou non l'hypothèse d'une infection nosocomiale de la patiente, susceptible de mettre enjeu la responsabilité de l'établissement de soins » ;
1°) ALORS QU'il résulte des dispositions du Code de la santé publique que l'expertise, soumise aux exigences de la contradiction, ordonnée par les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI), auxquelles un soutien financier et administratif est fourni par l'Oniam, est opposable à cet établissement, représenté au sein de la CRCI, laquelle désigne un collège d'experts ou un expert inscrits sur une liste de spécialistes, en fixe la mission, peut obtenir communication de tout document, et émet un avis, notamment sur la part de préjudice imputable à la responsabilité et celle relevant d'une indemnisation au titre de l'office, sans lier l'Oniam qui décide ou non d'offrir une indemnisation et de se substituer à un assureur ; que la Cour d'appel, pour ordonner à la demande de l'Oniam une expertise en référé, a retenu que l'expertise organisée par la CRCI, à laquelle il n'était pas partie, ne lui était pas opposable, et qu'en l'absence de toute procédure contentieuse et d'expertise judiciaire antérieure, la demande présentée par l'Oniam ne pouvait s'analyser en une demande de contre expertise ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles L.1142-5, L.1142-6, L.1142-8, L.1142-12, L.1142-15, L.1142-17, R.1142-16 et R.1142-17 du Code de la santé publique, et les articles 16 et 145 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'au vu de l'expertise qu'elle ordonne, la CRCI émet un avis, sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages, ainsi que sur le régime d'indemnisation applicable et, lorsqu'elle estime qu'un accident médical n'est que pour partie la conséquence d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins engageant la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé, déterminant la part de préjudice imputable à la responsabilité et celle relevant d'une indemnisation au titre de l'office, et qui ne peut être contestée qu'à l'occasion de l'action en indemnisation introduite devant la juridiction compétente par la victime, ou des actions subrogatoires prévues aux articles L.1142-14, L.1142-15 et L.1142-17 ; que la Cour d'appel, pour ordonner à la demande de l'Oniam une expertise en référé, a retenu que l'expertise prévue dans le cadre de la procédure amiable n'avait pas spécifiquement pour vocation de permettre à une juridiction d'examiner la question des responsabilités, et avait pour objet de lui permettre d'émettre un avis sur la réunion des conditions d'indemnisation des victimes par la solidarité nationale et non sur les responsabilités susceptibles d'être encourues par les médecins intervenants ou par les établissements de soins, privés ou publics, a violé les articles L.1142-8, L.1142-12 et L.1142-18 du Code de la santé publique ;
3°) ALORS QUE s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; que la Cour d'appel, pour ordonner à la demande de l'Oniam une expertise en référé, a retenu, par motifs propres et adoptés, que l'expert n'avait pas fait ressortir de faute qui aurait été commise par le médecin ou par l'établissement, que c'était par une analyse des éléments de l'expertise que la commission avait considéré que trois facteurs, parmi lesquels la faute, avaient contribué dans une proportion équivalente à la réalisation de l'accident médical subi par la patiente, que l'Oniam qui avait indemnisé cette dernière au titre de la solidarité nationale mais aussi en se substituant à l'assureur du docteur X... avait par conséquent un intérêt légitime, au sens des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile, à obtenir la désignation d'un expert judiciaire dans la perspective de l'action contentieuse que lui ouvre la subrogation qui résultait de cette indemnisation, que cette demande ne pouvait être assimilée à une demande de contre expertise et relevait bien de la compétence du juge des référés, et que l'expert mandaté par la CRCI n'avait pas répondu précisément aux questions complémentaires qui lui ont été posées par la commission ; qu'en statuant ainsi, bien qu'il résulte de ces énonciations que la mesure demandée n'avait pas pour objet l'établissement ou la conservation de preuves, la Cour d'appel a violé l'article 145 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-12775
Date de la décision : 04/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 14 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 mai. 2012, pourvoi n°11-12775


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
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